Symbolisme dans la liturgie

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Lylïéflorèncé!
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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Lylïéflorèncé! » ven. 04 nov. 2011, 11:33

Je me pose la même question car la réponse convenue : "pour être plus proche du peuple" ne me convient pas.
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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par PaxetBonum » ven. 04 nov. 2011, 14:40

Lylïéflorèncé! a écrit :Je me pose la même question car la réponse convenue : "pour être plus proche du peuple" ne me convient pas.

La liturgie étant censé nous rapprocher de Dieu, cela semble effectivement le chemin inverse…
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Göreme
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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Göreme » ven. 04 nov. 2011, 16:39

Isabelle47 a écrit :Je ne souhaite pas lancer une discussion polémique entre les pro et les anti-latin et messe en latin ou non mais cela m'intéresserais d'avoir des avis, néanmoins.
Comme vous le souhaitez, je me permets de donner mon avis : il me semble que les "anti-latin" sont, en majorité, des personnes qui avaient entre 10 et 18 ans lors du concile Vatican II. Donc qui ont très peu connu les messes tridentines, et qui ont été élevées dans "l'ordinaire conciliaire". Ces mêmes disent aujourd'hui que nos églises se vident parce que "les anciens" remettent au goût du jour, depuis quelques temps déjà, ce qui avait été revu par ce concile. Pour eux, leurs jeunes refuseraient de participer à des offices dont ils ne comprennent pas la langue ! et déserteraient donc les lieux. Il est cependant facile de prouver le contraire : car là où régulièrement ont lieu des messes extra-ordinaires, on rencontre de plus en plus de jeunes.
" Pour moi la prière, c'est un élan du cœur, c'est un simple regard jeté vers le ciel, c'est un cri de reconnaissance et d'amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie; enfin c'est quelque chose de grand, de surnaturel qui me dilate l'âme et m'unit à Jésus "
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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par christophe colomb » ven. 03 févr. 2012, 0:26

" Si l'orientation de l'église n'est pas respectée, quelle est serait l'importance? la conséquence? "
L'orientation est-ouest et la théologie sous tendue (Crhistus, Sol oriens) des églises n'est pas très importante.
La structure gothique (pour faciliter l'élévation de l'âme) ou romane (favorise le recueillement), idem.
C'était plus une tradition qu'un support théologique pur.
Actuellement, la tradition est d'ériger des monuments circulaires pour sous-tendre la notion de communauté.

La notion "pour être plus proche du peuple" de Lylïéflorèncé! n'est pas totalement exact : si on a retourné l'autel, c'est pour que le prêtre et l'assemblée fasse corps, communauté pour qu'ensemble, ce corps se rapproche de Dieu. Ensemble devenir corps eucharistique.

Pour répondre à Isabelle47, auteur de ce fil, je ne comprends pas bien votre notion de symbolisme liturgique. Parlez-vous du dialogue prêtre/assemblée ? Parlez-vous des différents accessoires utilisés lors de la célébration ? Peut-être parlez-vous de théologie liturgique ?

Si vous parlez du dialogue prêtre/assemblée, je préfère et de loin que cela se fasse en langue vernaculaire : c'est plus facile à suivre pour moi.

Si vous parlez des accessoires (chasuble, surplis, encens), cela n'enlève rien n'y n'ajoute quelque chose dans la compréhension de la liturgie eucharistique. Sauf le côté esthétique peut-être. Perso, je ne suis pas très attaché à ce genre de chose.
Peut-être ceux et celles qui sont sensibles à cela pourraient éclairer ma lanterne.

Si vous parlez de théologie liturgique, il me semble normal qu'on ne l'explique pas ou plus. Je crois que c'est l'une des théologies qui ne s'explique pas mais qui se vit. La théologie eucharistique montre et se montre : l'eucharistie montre le Christ, la communauté paroissiale se montre corps du Christ. J'abonde dans le sens de PriereUniverselle.

Pour avoir assisté à une liturgie eucharistique cartusienne, j'ai été très étonné par le symbolisme religieux : c'est à minima, le dépouillement le plus total : un cierge, un chant d'entrée, un pour la sortie, pas d'orgue, pas d'encens, pas d'homélie, lectures en français. On ne peut taxer les Chartreux de suivre les modes liturgiques puisqu'ils utilisent le même canon depuis neuf siècles.

Voilà ce que je peux dire sur le symbolisme liturgique

Virgile
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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Virgile » ven. 03 févr. 2012, 5:53

christophe colomb a écrit :" Si l'orientation de l'église n'est pas respectée, quelle est serait l'importance? la conséquence? "
L'orientation est-ouest et la théologie sous tendue (Crhistus, Sol oriens) des églises n'est pas très importante.
La structure gothique (pour faciliter l'élévation de l'âme) ou romane (favorise le recueillement), idem.
C'était plus une tradition qu'un support théologique pur.
Si vous parlez des accessoires (chasuble, surplis, encens), cela n'enlève rien n'y n'ajoute quelque chose dans la compréhension de la liturgie eucharistique. Sauf le côté esthétique peut-être. Perso, je ne suis pas très attaché à ce genre de chose.
Si vous parlez de théologie liturgique, il me semble normal qu'on ne l'explique pas ou plus.
Bonjour,

la symbolique déployée dans le déroulement de l'action liturgique ne se réduit pas à une suite de détails qu'il faudrait automatiquement qualifier d'un "ce n'est pas important", "ce n'est pas important" multiplié autant de fois que l'exige la volonté de "vivre" des réalités qu'il ne faudrait jamais "expliquer", pour croire ensuite qu’il serait si simple de "montrer" tout en effaçant justement ce qui est donné à voir et à comprendre et auquel il ne faudrait pas être "attaché ».

Le sommet de toute la liturgie catholique c'est l'Incarnation du Christ et son Sacrifice sur la Croix pour notre Salut. Pas seulement, c'est l'adoration du Christ sous les espèces du pain et du vin consacrés par le prêtre. Or, la possibilité d'une communication réelle, véritable et authentique entre Dieu et les hommes est ordonnée à la symbolique liturgique.

En conséquence, se refuser à comprendre l'importance vitale de cette symbolique liturgique interdit aussi, et absolument, de comprendre la dimension véritable du rite liturgique lui-même. Le résultat, invariablement, consiste en une incompréhension de la tradition liturgique, désastreuse parce qu'elle porte atteinte à l'Eglise elle-même. En gros, on pourrait arrêter ici s’il s’agissait seulement d’expliquer en quoi consiste la "crise" liturgique de l’Eglise depuis le dernier Concile. Il y a plus, naturellement.

Toute symbolique liturgique est une mémoire inscrite dans l’âme et dans le corps, et c'est cette mémoire qui seule permet d’accéder au temps liturgique, ce temps par excellence qui n’est ni un hier, ni un aujourd’hui, mais bien un présent éternel.

La symbolique liturgique déployée dans le rite – et aucun rite ne peut prétendre se passer entièrement de cette dimension symbolique (pas même la Forme ordinaire du rite romain - et elle moins que tout autre), démontre de façon expérimentale que cette mémoire incrite dans notre âme et notre corps nous permet de recevoir le don de Dieu, le don d’une entrée dans un temps autre, éternel.

Par ailleurs, le rite liturgique chrétien est le seul qui permette non seulement de fonder un véritable symbolisme, mais aussi de réaliser tout ce que le symbolisme promet lui-même.

Pour dire les choses autrement, la contemplation du mystère de l’Incarnation du Christ nous montre non seulement que Dieu, Lui, l'Eternel, le Transcendant, prend une forme sensible, matérielle, qui est la nôtre, mais que de surcroît cette "descente" qu'il opère est elle-même fondatrice d’une exigence : celle du rite et de sa symbolique liturgique. Et si nous contemplons le mystère de la Transfiguration du Christ, nous saisissons immédiatement que la symbolique liturgique est une exigence fondamentale parce que sans elle le rite perd toute consistance et toute signification pour se réduire à une suite de postures statiques et stériles dans laquelle plus rien n’a d’importance et tout se réduit à du détail.

L'orientation des églises n'est pas très importante ? Le style architectural idem ? Les accessoires (chasuble, surplis, encens) itou ? La « théologie liturgique » n’a pas besoin d’être expliquée ?

Je crois bien que vous manquez l’essentiel. Seul le rite liturgique, avec tout le déploiement symbolique qu’il exige de par sa nature même, permet, ici , aujourd’hui et maintenant, de transfigurer le temps que nous vivons. Et à notre époque bien davantage qu’à aucune autre époque. Pourquoi ?

Parce que nos contemporains entretiennent avec le temps un rapport qui n'est plus de l'ordre de la réalité. Et plus particulièrement parce que leur expérience existentielle du temps est devenue anormale. Parce que pour beaucoup d’entre eux, le temps a perdu toute forme de réalité intelligible et n’est plus qu’une "manière d’être dans le temps". Le plus souvent un "malaise d’être" dans le temps. Alors que le temps est ce qui permet à l’homme d’être conscience de lui-même, tout en échappant entièrement à sa maîtrise et ne cessant jamais de le renvoyer à sa propre finitude.

Et sans cesse renvoyés à ce qu’ils ne peuvent maîtriser, sans cesse confrontés à leur propre finitude, les hommes de la culture occidentale en sont venus à mépriser leur passé parce qu’il était l’indication maximum de leur absence de maîtrise du temps, et à refuser aussi d’accepter leur finitude radicale parce qu’elle était l’indication maximale d’une différence qui est le propre de Dieu.

Alors, plutôt que de soumettre : détruire les hommes et la société, l’histoire et la nation, Dieu et l’Eglise. Plutôt que d’accepter la finitude, disparaître : l’effondrement de la natalité, le refus de la vie, d’une sexualité responsable, l’euthanasie, l’avortement... et puis vivre dans le ressentiment permanent en niant à la fois le passé, le présent et l’avenir, pour enfin accéder à la "liberté" totalitaire du néant pur et simple...

Celui qui prétendrait se passer de la symbolique liturgique manquerait vraiment l’essentiel. Et l’essentiel c’est que seule une grâce transcendante peut vraiment nous libérer du temps où nous sommes maintenus prisonniers. Cette grâce transcendante, c’est celle que nous offre la Résurrection du Christ elle-même offerte à notre contemplation et offerte pour notre vie éternelle dans le rite liturgique.

Aussi, puisque nos vies doivent s’inscrire dans le temps liturgique, et précisément dans le temps de la beauté intelligible des symboles, est-il de la première urgence que l’on restaure ce qui a été détruit et que l’on sauve ce qui peut l’être. Et que l’on accorde aux détails l’importance qui leur revient de droit et de fait. C’est, me semble-t-il, l’objectif d’une certaine réforme de la réforme...

D'autre part, et pour finir, je constate que vous n'avez pas vraiment compris ce qu'était la liturgie cartusienne: ce n'est pas un refus de la symbolique, bien au contraire, c'est une ascèse.

Amicalement.
Virgile.

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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Virgile » ven. 03 févr. 2012, 8:18

christophe colomb a écrit :Actuellement, la tradition est d'ériger des monuments circulaires pour sous-tendre la notion de communauté.
Bonjour à nouveau,

cette simple phrase indique simplement que l'on construit un monument de telle forme et que cette forme indique le rapport abstrait entre tel bâtiment et telle communauté...

Les traditions architecturales de l'Europe chrétiennes ont toutes consacré l'usage immémorial d'une symbolique religieuse centrée autour du Corps du Christ et de la présence de Dieu. Elles ont développées, toutes, une conception particulière de l'espace sacré.

Mais l'architecture religieuse contemporaine part du principe qu'un ensemble de formes abstraites, où une seule d'entre elles, peut signifier - de façon indifférente - tout ce que l'architecte ou ses commanditaires voudront bien y mettre de signification, sans référence à une tradition quelconque et à partir du seul présupposé que cette signification ne peut porter que sur la communauté rassemblée. Dans tous les cas, il y faudra l'explication - plus ou moins laborieuse, le "supplément" qui permettra de saisir que la forme de l'espace construit est finalement celle qui correspond à l'idée de communauté.

L'essentiel c'est que l'on ne puisse percevoir immédiatement qu'il s'agit d'une architecture sacrée: que l'on ne puisse identifier le bâtiment, ni à l'extérieur ni à l'intérieur, comme s'inscrivant dans une tradition religieuse, spécifique, différenciée. Et tout cela procède d'une aversion pour le sacré en tant que tel.

Le retournement des autels, quand il ne s'agit pas de leur destruction pure et simple, et leur remplacement par des tables ou des pièces de mobilier procèdent de la même aversion pour l'espace comme espace sacré. On "délocalise" le divin pour le transplanter ailleurs, dans l'idée de "communauté" - ce qui justifie l'extermination du symbole : nul besoin de symboliser une communauté puisqu'elle est "visible" et "vivante". Et en effet, très logiquement, puisque cette "idée" de la communauté est incarnée par une communauté que l'on suppose "vivante" et "réelle" à partir de critères idéologiques convenus, elle ne doit plus rien connaître de ce qui est désormais inutile et relève d'une mentalité "magique", comme diraient certains: un lieu sacré, un temps sacré, un objet sacré, une langue sacrée, un vêtement sacré.

Ce qui disparaît également, et fatalement, ce sont les gestes traditionnels, les actions liturgiques d'une antiquité vénérable, les paroles héritées de la longue évolution bi-millénaire de la liturgie, les vieux chants et cantiques liturgiques, l'usage du grégorien...

A partir d'idées - ou de lois - on essaye d'"inventer" des usages, qui ne manifestent finalement eux-mêmes que la perte totale de la compréhension du symbolisme religieux.

Le pire, ce fut et c'est encore, la déritualisation de la liturgie. Après la réforme du Concile, et contre elle, certains clercs ont entrepris d'attaquer le "mal" à la racine et ont procédé à une destruction quasi-intégrale du rituel de l'Eglise catholique au nom d'une vision réductrice de la liturgie. L'ensemble des débats que nous observons sur la liturgie elle-même, et particulièrement sur le respect des normes liturgiques provient de cette tentative de déritualisation. Ce fil de discussion en est une trace...

Comme je l'ai expliqué dans mon précédent message, cette déritualisation porte atteinte à l'Eglise elle-même - et c'est pourquoi aussi elle était vouée à l'échec dès le départ. Il s'agit purement et simplement de la pire forme d'iconoclasme qu'ait rencontré l'Eglise depuis sa fondation. Celle de toute une conception de la liturgie, qui prétend se "libérer" du "magisme du rituel" et du "triomphalisme liturgique", mais qui n'a jamais su que déployer les efforts laborieux d'un symbolisme abstrait, verbeux, désertique, qui fait fuir le gens simples comme les gens éduqués, et où il est devenu très difficile de reconnaître le visage transfiguré du Christ, ni même son Corps offert sur la Croix et sur l'Autel.

Amicalement.
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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par spk » ven. 03 févr. 2012, 15:09

Virgile a écrit : Le pire, ce fut et c'est encore, la déritualisation de la liturgie.
Puis-je vous demander comment vous l'expliquez? Je vois quatre hypothèses.
- On peut y voir un complot. Des ennemis de l'Eglise l'ont infiltré et réussi à lui nuire. Je n'y crois pas du tout.
- Il y a aussi une explication stratégique. La tension forte entre progressistes et conservateurs faisant désespérer d'un accord sincère, les premiers ont voulu ouvrir une brèche, et la réforme liturgique en a été l'occasion, car plus facile à obtenir que d'autres visées peut-être plus importantes à leurs yeux, par exemple l'assouplissement de la discipline concernant la contraception ou la revalorisation du rôle des laïcs.
- On peut également faire la part d'une sorte d'illuminisme. Beaucoup souhaitaient sincèrement se voir offrir la possibilité de la créativité liturgique, et y voyaient la condition d'un renouveau de l'Eglise. La déritualisation aurait été voulue par l'Esprit-Saint.
- Enfin, on peut penser que le souci, de bonne foi, de certains progressistes, était de contribuer pastoralement à dissiper la confusion entre magie et symbolisme, la liturgie traditionnelle étant soupçonnée de l'entretenir. Le souci oecuménique, particulièrement vis à vis des protestants, a pu les renforcer dans cette façon de voir.
Certaines de ses hypothèses vous satisfont-elles, ou bien en voyez-vous d'autres?

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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Virgile » ven. 03 févr. 2012, 17:38

spk a écrit :Puis-je vous demander comment vous l'expliquez? Je vois quatre hypothèses.
Certaines de ses hypothèses vous satisfont-elles, ou bien en voyez-vous d'autres?
Bonjour,

En premier lieu, parmi ceux qui ont procédé à la mise en oeuvre des réformes liturgiques dans les diocèses français, les détenteurs d'une authentique culture liturgique étaient très peu nombreux. En raison de cela, la plupart des réformateurs furent incapables de comprendre l'ancien rite quand ils le pratiquaient tous les jours - sans parler du fait que certains d'entre eux ne savaient même plus lire le latin et n'avaient jamais vraiment étudié les rubriques - et ils furent également incapables de comprendre qu'ils ne pourraient jamais créer quoi que ce soit de durable avec le minimum d'"idées" qu'ils avaient et le maximum d'"inventivité" qu'ils se supposaient avoir - tout en faisant par aileurs l'impasse volontaire sur tout recours à la symbolique religieuse.

En second lieu, leur formation intellectuelle avait préparé les plus brillants d'entre les réformateurs à tout comprendre au cribles des seules sciences humaines et en particulier à tout considérer à la lumière des critères de la socio-psychologie. Dans cette perspective, le symbolisme liturgique était par avance condamné à n'être que la survivance d'une foi "puérile" qu'il fallait éliminer radicalement pour que les chrétiens puissent accéder à une foi "adulte". Et il faut se rappeler que dans la violence de l'effervescence "intellectuelle" si particulière des années 50 et 60, le rituel liturgique (entre autres) était souvent présenté comme la forme d'une aliénation dont il fallait absolument se libérer. Le conservateur en matière liturgique était obligatoirement, avant même d'être un "intégriste", un "fasciste"...

En troisième lieu, la réforme se devait être, pour cette raison même, radicale. En réalité, dans l'esprit de très nombreux réformateurs - et je parle ici très spécifiquement de certains prêtres qui mirent en oeuvre les réformes dans les diocèses, il s'agissait moins d'opérer une réforme quelconque que d'imposer une rupture brutale et irréversible avec tout les "arrière-mondes magiques" et la "cuisine d'autel" que représentait de façon emblématique l'ancien rite. D'où l'apparition de pratiques somme toute assez isolées mais bien réelles que je ne désire pas décrire ici, mais qui semblaient bien constituer une sorte d'"exorcisme" à l'envers - et qui révèlaient en fait surtout l'immense misère spirituelle, intellectuelle et psychologique d'une partie infime du clergé français. Sans mentionner tout le mépris que de telles pratiques pouvaient supposer à l'encontre du "Peuple de Dieu"...

A l'origine de tout ce gâchis?
Une crise de la foi catholique.
Une crise dont nous ne sommes pas prêts de sortir...

Amicalement.
Virgile.

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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Isabelle47 » ven. 03 févr. 2012, 18:01

Merci, Virgile.
Je vous suis tout à fait dans votre explication.
Vous parlez d'"aversion" pour le sacré.
Mais peut-être n'était-ce qu'incompréhension? manque de formation?
A moins que ce ne soit une réelle perversion?
Une volonté délibérer de détournement?
Quoiqu'il en soit, cela a été fait.
La question est de savoir si cette rupture est réversible ou pas.
Il semblerait que la question se pose à beaucoup.
"Aussi, croyez-moi, vous pratiquerez beaucoup mieux la vertu en considérant les perfections divines, qu'en tenant le regard fixé sur votre propre limon"
(Thérèse d'Avila)

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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par spk » ven. 03 févr. 2012, 22:33

Merci Virgile pour votre réponse. Est-ce la résumer correctement de dire que la formation des clercs les avait conduits à mieux connaître Marx et Freud que leur propre religion?
Le concept d'aliénation serait alors la clef. Que la religion soit considérée comme une aliénation n'est pas nouveau. Mais la nouveauté serait que des autorités ecclésiastiques aient pensé qu'il ne fallait pas combattre ni même dépasser cette idée, mais s'en inspirer pour créer une Eglise nouvelle, débarrassée de ses archaïsmes superstitieux, afin que la foi ne soit plus aliénante. Est-ce bien cela?

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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Virgile » sam. 04 févr. 2012, 4:02

spk a écrit :Merci Virgile pour votre réponse. Est-ce la résumer correctement de dire que la formation des clercs les avait conduits à mieux connaître Marx et Freud que leur propre religion?
Le concept d'aliénation serait alors la clef. Que la religion soit considérée comme une aliénation n'est pas nouveau. Mais la nouveauté serait que des autorités ecclésiastiques aient pensé qu'il ne fallait pas combattre ni même dépasser cette idée, mais s'en inspirer pour créer une Eglise nouvelle, débarrassée de ses archaïsmes superstitieux, afin que la foi ne soit plus aliénante. Est-ce bien cela?
Bonjour,

il faut être plus nuancé sur cette question. La volonté des Pères Conciliaire était bien que les sciences humaines soient mises à contribution pour le renouveau liturgique. Il me semble par ailleurs que c'était une excellente bonne idée - car les sciences humaines fournissent réellement des outils de travail utiles dont même des auteurs plutôt traditionnels peuvent faire usage et font usage. Il est clair que l'"ouverture au monde", si on lit les textes du Concile, incluait la prise en compte d'un certain nombre des acquis de la modernité. Et, dans le cas spécifique de la réforme liturgique, c'était probablement une chose utile et sans doute nécessaire - mais seulement dans la mesure d'une prise en compte effectuée avec discernement et à la lumière de la tradition catholique.

Malheureusement, dans la plupart des diocèses ce ne sont pas les sciences humaines qui furent mise à contribution mais leur réduction à des "grilles de lecture" idéologiques. Il serait plus exact de dire que certains clercs ont mis les sciences humaines à contribution pour se fabriquer une "dogmatique" étrangère à tout esprit véritablement scientifique et justifer les objectifs qu'ils désiraient atteindre de toute façon. Le mot "aliénant", par exemple, comme beaucoup d'autres, était utilisé à toutes les sauces et sur tous les tons... comme souvent, il ne servait pas à la démonstration, mais à l'accusation. Dans le contexte de déliquescence de toute les formes d'autorité, l'absence de discernement fut au rendez-vous presque partout. Sans parler de l'absence presque total de contrôle par l'autorité de ce qui se passait réellement dans certains doyennés ou certaines paroisses.
Les seuls qui furent vraiment "controlés", et avec quelle vigueur, furent les réfractaires déclarés - et ils furent tout de même quelques uns... (à titre purement indicatif, dans mon diocèse d'origine, près d'un tiers des prêtres incardinés dans le diocèse se trouvaient sans ministère en 1986, mais pas forcément pour la raison invoqué plus haut il est vrai).

Maintenant, il faut aussi éviter de trop généraliser. Ce que j'ai décris c'est un phénomène qui fut assez général, certes - mais dont les effets furent tout de même très variables et les limites certaines. Les effets variables parce que finalement ont subsisté des aires entières où les changements n'ont pas été aussi brutaux qu'ailleurs - essentiellement grâce à l'action des clercs. Des paroisses entières ont même résisté pendant des années, non pas à la réforme liturgique, mais à tout esprit de rupture avec la tradition liturgique de l'Eglise: ici aussi grâce à l'action courageuse de quelques prêtres - y compris (c'est un témoignage personnel) de prêtres qui étaient par ailleurs considérés comme "progressistes".

Et puis également limités, parce qu'à la longue ce que je vais appeler les "pseudo-réformateurs" se sont essoufflés, ont vieilli et n'ont pas été remplacé (ce qui était leur désir d'ailleurs), sont aujourd'hui décédés; limités aussi parce que tout le contexte idéologique des années 50, 60 et 70 est devenu totalement inactuel et incompréhensible pour les jeunes générations.

Il est bien entendu regrettable que la réforme ait été mise en oeuvre de cette manière.
On peut se poser, si l'on veut, la question de savoir s'il était vraiment nécessaire qu'elles le soit ainsi?
Pourquoi pas...
Ce que je pense, c'est que de ce qui fut un véritable drame pour l'Eglise au XXe siecle surgira le renouveau véritable qu'appelait le Concile - même s'il le faisait à l'aide de toute une terminologie dont on peut débattre aujourd'hui un peu plus sereinement que jadis... sans doute.

Amicalement.
Virgile.
Dernière modification par Virgile le sam. 04 févr. 2012, 4:24, modifié 1 fois.

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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Virgile » sam. 04 févr. 2012, 4:21

Isabelle47 a écrit :La question est de savoir si cette rupture est réversible ou pas.
Il semblerait que la question se pose à beaucoup.
Bonjour,

en un sens cette rupture est irréversible dans la mesure ou le passé ne reviendra pas et ou il n'y aura pas de "restauration" du passé.

Dans un autre sens, cette rupture n'est irréversible que pour ceux qui désirent qu'elle le soit.

Et pour ceux qui désirent la continuité, une telle "rupture" n'est finalement qu'une figure destinée à passer, et l'indication qu'à la bifurcation on a pris le bon chemin avec la bonne compagnie.

Amicalement.
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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Virgile » sam. 04 févr. 2012, 4:41

spk a écrit :Est-ce la résumer correctement de dire que la formation des clercs les avait conduits à mieux connaître Marx et Freud que leur propre religion?
Une précision: dans les messages précédents, je fais mention des clercs qui furent chargés de mettre en oeuvre la réforme liturgique. Je ne parle pas des clercs qui préparèrent au moyen de thèses polycopiées et autres publications plus ou moins "clandestines", de réunions "informelles" et de discussions plus ou moins "privées" les changements liturgiques selon le fameux "l'esprit du Concile"... ce ne sont pas les mêmes, du moins pas forcément, et il s'agit en ce qui les concerne d'un problème quelque peu différent et beaucoup plus délicat à traiter.

Ils nous obligeraient à parler de ce que fut le petit monde de la "cléricature intellectuelle" française, aujourd'hui presque totalement disparu, et de certaines de ces "grandes figures". Je pense qu'il n'est pas vraiment souhaitable d'aborder le sujet.

D'autre part, on constatera le caractère très général et forcément superficiel de mes petite analyses. Elles n'ont d'intérêt qu'à titre d'impressions personnelles. Il ne s'agit pas pour moi de "prouver" quoi que ce soit ou d'écrire une thèse sur la question, bien entendu, et encore moins de rédiger des "souvenirs personnels". De surcroît, on remarquera aussi que je donne pas d'exemples précis ni ne raconte d'anecdotes pour étayer ce que j'écris.

C'est que je me refuse catégoriquement à donner des noms, des lieux identifiables ou même le titre ou l'origine précise de ces opuscules plus ou moins "clandestins", parfois ronéotypés, parfois copiés (en tout cas, à ne pas mettre entre toute les mains...) que l'on se passait de discrètement dans les milieux écclesiastiques "informés"... plus simplement sur cette question, ce que j'écris provient essentiellement, outre quelques lectures personnelles, de plusieurs cahiers rédigés par mes soins et qui sont des notes prises entre 1981 et 1988 sur le vif d'entretiens avec des prêtres diocésains de trois diocèses français et concernant la période qui va de 1965 et 1975. S'y ajoute ce que j'ai personnellement constaté, vu et entendu, entre 1968 et 1974 dans ma paroisse de naissance, mais aussi dans les paroisses de plusieurs diocèses français par la suite et jusqu'en 1995, dans des institutions religieuses, des couvents et autres "lieux" d'Eglise. Sur la réforme liturgique, j'ai eu également de très nombreux entretiens informels avec l'Evêque de mon diocèse d'origine entre 1984 et 1986 - et le vicaire épiscopal d'un grand diocèse français, de façon très régulière, depuis 1983 jusqu'à l'année de son décès pendant l'année 1988.

Je ne prétends en tout cas certainement pas être plus informé ou mieux informé qu'un autre. D'autres personnes peuvent très bien infirmer mes propos et même penser qu'ils ne correspondent nullement à ce qui s'est passé en réalité.

V.

Isabelle47
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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par Isabelle47 » sam. 04 févr. 2012, 12:13

Virgile a écrit :
Isabelle47 a écrit :La question est de savoir si cette rupture est réversible ou pas.
Il semblerait que la question se pose à beaucoup.
Bonjour,

en un sens cette rupture est irréversible dans la mesure ou le passé ne reviendra pas et ou il n'y aura pas de "restauration" du passé.

Dans un autre sens, cette rupture n'est irréversible que pour ceux qui désirent qu'elle le soit.

Et pour ceux qui désirent la continuité, une telle "rupture" n'est finalement qu'une figure destinée à passer, et l'indication qu'à la bifurcation on a pris le bon chemin avec la bonne compagnie.

Amicalement.
Virgile.

Bonjour,

Il me semble en effet que les abus que vous dénoncez sont de l'ordre du passé même s'ils laissent des traces.

Peut-être cette crise était-elle finalement nécessaire, comme l'est un passage difficile dans l'adolescence d'un être humain?

Il est vrai que nous sommes dans une société très matérialiste, éloignée par tous les moyens possibles du sacré, ignoré ou confondu avec magie ou obscurantisme; cette manière matérialiste et aveugle d'appréhender le monde est une des causes de la transformation de notre rapport au sacré.

On doit pouivoir attendre de l'Eglise plus de résistance, de sens critique face aux sciences humaines (aussi intéressantes soient-elles) et surtout ne pas se situer sur le même plan.
Faire de la religion un humanisme comme un autre, c'est une grave méprise, un oubli du sens réel (sacré) de la religion et de l'Eglise.
"Aussi, croyez-moi, vous pratiquerez beaucoup mieux la vertu en considérant les perfections divines, qu'en tenant le regard fixé sur votre propre limon"
(Thérèse d'Avila)

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Re: Symbolisme dans la liturgie.

Message non lu par PaxetBonum » sam. 04 févr. 2012, 14:59

Virgile a écrit : Et puis également limités, parce qu'à la longue ce que je vais appeler les "pseudo-réformateurs" se sont essoufflés, ont vieilli et n'ont pas été remplacé (ce qui était leur désir d'ailleurs), sont aujourd'hui décédés; limités aussi parce que tout le contexte idéologique des années 50, 60 et 70 est devenu totalement inactuel et incompréhensible pour les jeunes générations.
J'irais plus loin que vous : l'esprit des années 60-70 trouve encore des échos dans la jeunesse actuelle.
Mais si on reconnaît un arbre à ses fruits on comprend qu'un arbre pourri ne produise aucun fruit et soit voué à disparaître de lui-même…
A côté de cela des bourgeons longtemps rejetés se mettent à fleurir et à redonner de la sève à notre Sainte Mère l'Eglise.
Deo Gratias.
Pax et Bonum !
"Deus meus et Omnia"
"Prêchez l'Évangile en tout temps et utilisez des mots quand cela est nécessaire"

St François d'Assise

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