La prière comme puits de lumière

[etienne lorant]

Demain le réveillon, mais sur deux jours de temps, j'ai pu assister à des scènes qui m'ont fait prendre l'existence pratiquement en dégoût. En rentrant hier soir, j'ai vu un couple dont la femme, toute habillée de noire, ivre morte, tentait d'introduire sa carte de banque dans un distributeur automatique. Elle et lui criaient à pleine voix pour avoir raison, mais finalement, elle s'est affalée à même le sol et je crois qu'elle s'est endormie. J'étais garé à une dizaine de mètres en me demandant ce que l'on peut bien faire pour aider son prochain en une telle occasion... Puisqu'ils étaient deux, je me suis dit qu'ils finiraient par s'entendre et je suis rentré. Aujourd'hui, j'ai dû me débattre avec une dizaine de clients assez agressifs qui voulaient absolument me vendre leurs lots - en avançant pour arguments: demain, c'est réveillon, il faut du champagne ! Je n'ai fait ni une ni deux, j'ai fermé et je suis parti pour acheter mes propres cadeaux. Mais dans la premièe boutique dans laquelle je suis entrée régnait une ambiance qui m'a étreint le coeur comme si j'allais manquer d'air: les hommes et les femmes, tous à quatre épingles, attendaient leur tour pour payer, sans à aucun moment prêter la moindre attention à leur voisin. C'est comme si je pouvais sentir transpirer leurs pensées: il faut faire comme tout le monde, est-ce que j'y suis bien, vivement mon tour, quelle file... et j'ai préféré sortir bredouille. Sont-ce les media qui ont si bien réussi à nous téléguider pour que nous devenions tous sur le même moule ? Vraiment, ce fut déjà difficile de vivre un bon Noël, mais le réveillon de nouvel-an sera court pour moi !

[coeurderoy]

Vous aussi vous les trouvez affligeants et tristes ces chiens de Pavlov !!!??? Dire que j'ai connu des gens...pas tirés à 4 épingles (des simples) se réjouissant intérieurement et joyeusement en cette période de l'année. Ainsi cette dame tenant un petit café-hôtel de campagne ("Aux pêcheurs") qui se soucait de sa vieille voisine et lui portait une soupe bien chaude, ce curé qui...venait taper la belote (tandis que les jeunes du village remuaient un peu trop le flipper !), le "Champette" jovial qui s'attristait pourtant que certains agriculteurs "flanquent les Croix par terre". Bon c'était en 1980 à 100 kms de Paris, un bourg champenois des bords de Seine, autant dire une autre planète !!!

[etienne lorant]

Je viens de recevoir une petite carte postale de ma congrégation "Faustinum" à Cracovie. Elle dit simplement:

"En cette année 2010, je prie avec sainte Marie-Madeleine pour la conversion des pécheurs endurcis"...

Eh bien, je n'ai aucun doute : telle est la volonté de Dieu exprimée par une religieuse à qui je dois obéissance. Il suffit d'obéir ! C'est une bonne nouvelle !!!

[etienne lorant]

Aujourd'hui, comme je rentrais de mon repas de midi (toujours délicat à digérer), j'ai croisé le petit Yvan, qui me fit des tas de tours pendables il y a deux ou trois ans - il prenait des romans à l'étalage et les jetait de toutes ses forces sur le parking... Sa maman était alcoolique: le samedi dans la matinée, elle passait devant la boutique en claquant des talons, toute droite et habillée avec classe; mais le soir lorsqu'elle rentrait, elle s'efforçait visiblement de garder sa marche toute droite. J'ai fini par comprendre le petit drame qui se jouait. Yvan était très jaloux de sa mère, sans doute craignait-il de la perdre (au fait, je ne l'ai pas revue depuis des années) et c'est cette jalousie, ce sentiment d'un malheur imminent qui le perturbait et le rendait agressif. Bref, je l'ai croisé dans la rue voisine, je l'ai trouvé en salopette, en train de charger un camion. Je me suis approché et je lui ai dit: "Tu as trouvé du boulot ?" "Oui", m'a-t-il répondu, un peu sur la défensive. Et puis j'ai dit: "Ah ça, c'est formidable ! Félicitations !" et je lui ai serré la main. J'ai vu à son regard comme il s'est senti fier. C'est ensuite seulement que je me suis rendu compte que je n'avais rien prémédité, mais c'est certainement le Seigneur qui m'a poussé à m'arrêter, car j'étais en train de prier..

[Sofijka]

Tiens, c'est une scène qui aurait pu faire partie des histoires de Grand coeurs, d'Edmond de Amicis. C'est un livre ancien (de la guerre ou de l'après guerre) qui raconte une classe de CM2 en Italie.
Je viens juste de me le procurer cette semaine car j'ai retrouvé mon merveilleux instituteur de CM2, nous échangeons quelques mails et je lui ai demandé les références de ce livre qu'il nous lisait en classe en cours de morale. Des histoires très belles qui m'ont marquées à vie.

Ca me fait tout drôle de lire ce témoignage maintenant.

[etienne lorant]

Plus le temps passe, plus le temps est court. Lorsque nous étions enfants, le temps semblait une étendue immensément vaste, semblable à la toundra, la taïga, ou aux steppes de l'Asie centrale. Nous y marchions chaque jour quelques pas, sans nous soucier de ce qui pouvait se passer derrière la ligne de l'horizon. Et puis, à partir de l'âge de raison - dès le premier amour, dès la première confusion, dès le premier examen, dès le premier péché aussi, soudain le temps s'est raccourci. Sans même le avoir éprouvé un changement, nous sommes passés de 13 à 20 ans. Nous ne sommes plus innocents, mais pleins d'énergie et nous songeons souvent à conquérir le monde - et dans ce but, il n'y a plus une minute à perdre !

Nous devenons ainsi des hommes et des femmes qui ont pris leurs vies sous contrôle (ou qui imaginons avoir réussi - du moins cela). Mais les premiers échecs tombent en plein au milieu de notre confort moral. Jamais une telle chose ne devait nous arriver, c'est totalement injuste ! Je me souviens d'avoir un jour regardé la croix et d'avoir dit: "Pourquoi moi ?" et j'ai cru percevoir comme un écho: "et pourquoi moi ?"
De déconvenues en relèvements, de peines en guérisons, de printemps en hivers, le temps, nous l'avons perdu de vue, il nous a englouti, il va beaucoup trop vite et pour les plus grands rêves, il est trop tard déjà.

Eh bien, en poursuivant par ce chemin qui semblait large et ouvert à l'infini au début, mais qui se rétrécit considérablement ensuite, nous avons découvert un jour que nous avions une âme, qu'elle demeure et qu'elle attend notre consentement. Pour les oiseaux au long cours que nous fûmes, quel étonnement que ce moment où l'existence nous a contraint de nous poser ! Si quelqu'un peut comprendre, qu'il comprenne : le secret du temps est dans l'instant qui passe. Quiconque s'attache à percevoir cela, il y trouvera Dieu même, parce que c'est ici que Dieu réside ici, dans la plus petite partie du temps - celle qui est trop courte pour être mesurée, mais qui touche à l'infini.

[Anne]

Splendide!

[etienne lorant]

Un grand merci pour vos encouragements, car très souvent, il m'arrive de me dire: "Je me suis sans doute trompé. C'était prier plus qu'il fallait !" Ou bien: "Tout n'est-il pas déjà écrit - et par des auteurs à qui le Seigneur a donné ses propres mots ?" Cependant, ce qui me conforte, en plus des encouragements, c'est qu'il n'en est pas un(e) parmi nous qui soit semblable à un(e) autre sous le regard du Seigneur. Il nous aime non de manière confuse, mais en nous appelant par nos noms et avec une tendresse que notre coeur seul, individuellement, peut reconnaître.

Or, lorsqu'il s'agit d'amour, et d'amour "jusque dans la vie éternelle, chacun a sa manière tout à fait personnelle d'élever la louange de Dieu. Pour moi, lorsque j'écris, parfois cela m'est pénible, mais dans certaines occasions, je me sens comme un fil électrique à travers lequel les mots passent librement et à grande vitesse comme un courant, et les mots qui me viennent sous les doigts ne viennent pas de moi, mais ils me sont comme "soufflés" mais d'une manière si vivante, d'une façon que je puis dire, avec les disciple d'Emmaüs : "Mon coeur n'était-il pas tout brûlant dans le dedans tandis qu'il nous expliquait les Ecritures ? !

En sorte que l'outil se réjouit d'avoir été outil. Je me souviens de ce mot de Bernanos, adressé à Madame la comtesse par le curé de campagne: "Si Dieu me donnait d'être seulement ce tisonnier avec lequel pour remuez les braises de votre feu, c'est à peu près tout ce que je voudrais être."

[etienne lorant]

Dans les derniers jours, après avoir proposé un repas à quelqu'un en vue de ne pas me retrouver seul ce dimanche, puis après m'être un peu disputé avec un proche, il s'est produit ceci samedi soir: je me suis endormi rapidement, je me suis réveillé à mon heure habituelle, mais j'éprouvai une telle fatigue et une douce béatitude que je suis resté dans ce demi-sommeil bienheureux durant trois heures de plus. Il se passait quelque chose au niveau de mon esprit: j'avais tout d'un coup le sentiment que ma solitude est que d'être séparé de tous les miens, et de toutes mes relations, voilà ce qui permet au Seigneur de venir à moi. C'est un sentiment étrange: moins les autres en sauront sur ce que je vis, plus ce que je vis brillera à mes propres yeux, et je deviendrai quelque chose que Dieu aime.

Finalement, je me suis levé pour le repas de midi, et en chemin, j'ai rappelé la proche avec laquelle je m'étais disputé, et tout s'est arrangé simplement. Mais ce dimanche n'est pas fini, et je vais retourner me reposer et faire quelques lessives !

[Sr Pascale]

Cher Étienne,

La paix de Dieu est un chemin et on y entre peu à peu - y compris à tavers ces moments de réconciliation, comme clui que vous décrivez.
Je vous propose la lecture deux petits livres écrits dans le contexte de la vie religieuse, mais valables pour tous. Vous pouvez les trouver avec le lien suivant:
http://stores.lulu.com/store.php?fAcctID=30932669
"Maturité psychologique et maturité spirituelle: Un lecture de Dorothee de Gaza"
et "Quand Dieu parle: Saint Jean de la Croix et la lectio divina" (celui-ci n'est pas encore sorti, mais il paraîtra très prchainement).

Avec tous mes meilleurs voeux et en union de prière

Ignazio

[etienne lorant]

"La puissance, c'est de se tenir debout et de n'attendre personne"... Je me suis souvenu hier soir de cette parole extraite de la chanson d'Yves Simon (J'ai rêvé New-York - 1974). Dans la solitude de la maison vide, j'ai éprouvé un instant la force de cette image, comme pour savoir si je serais capable de tenir debout ainsi et de ne plus attendre personne, jamais. N'est-ce pas ce que je vis de plus en plus ? N'est-ce pas La situation que je vis, qui est évidemment liée aux comportements dans le monde, qui m'a rendu intransigeant à l'égard de tout ce que l'on me suggère pour me rendre la vie "plus facile" ? Allons, sois cool, laisse aller... et non certainement pas ! Parole pour parole, je me souviens de Brel qui avait déclaré dans une interview : "Je pousse la chansonnette, je l'admets, mais pourtant je l'affirme : vivre c'est être raide"... Il expliquait ensuite qu'il faut se tenir à ses propres choix sous peine de se "diluer". Dans ses romans, Julien Green laissait parler librement sa part d'ombre, mais en revanche il tenait son Journal avec une grande rigueur - avec la volonté raide d'aller jusqu'au bout.
Je m'en tiens à la discipline, mais je l'ai renforcée, quitte à faire le vide autour de moi, je l'accepte tel quel. Beaucoup m'ont dit: tu ne sais pas vivre. Mais certains ont été surpris de m'entendre répondre aussitôt: "Je suis d'accord, parce que vivre n'est pas mon but". Ah bon, c'est quoi, alors ? A cette question-là, chacun sa réponse.

[etienne lorant]

Petit partage minute avec Sylvie :

http://donnemoiaboirejn47.expressforum. ... 6.htm#1965

Que du bonheur sous le ciel de mai !

[etienne lorant]

Dans mon quotidien, ce matin, j'ai découvert une étude statistique selon laquelle, si un couple se sépare, les amis de ce couple héritent de probabilités croissantes de se séparer à leur tour. Cela m'a beaucoup étonné sur le moment. Et puis, je me suis souvenu que les plus grands individualistes que j'ai pu rencontrer (les "Personnellement, Moi, Je !") qui croient sortir du lot, se retrouvent pourtant dans les mêmes avions, vers les mêmes plages, à la même période. Ils achètent les mêmes gadgets, sortent au même endroit, vont le même jour faire leurs courses dans les mêmes supermarchés. Il faudrait donc, pour accéder au bonheur :

1° - Ne penser qu'à soi, ne vivre que pour soi, ne travailler que pour soi
2° - et en même temps: être comme tout le monde, ne jamais sortir la tête hors du rang, se déclarer en fonction du consensus.

D'où une affreuse pauvreté de l'humain d'Occident. En tant que chrétien, nous avons la responsabilité de remédier cet état de choses: ne sommes-nous pas le sel de la terre ? Le Seigneur compte sur nous pour être en même temps plus proches des autre, mais aussi pour développer les talents que Dieu nous a donnés... A méditer !

[etienne lorant]

Jn 12:27- Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c'est pour cela que je suis venu à cette heure.

Je remarque qu'au moment d'être livré, Jésus, contrairement aux idoles de ce monde, reconnaît tout simplement que son âme est troublée. Et son trouble me rassure. En effet, si le Dieu dans lequel je crois n'avait pas connu l'un quelconque de ces moments où l'homme connaît une détresse qui va jusqu'à lui faire manquer de souffle... je ne sais pas si j'aurais pu croire en ce Dieu-là.

Mais le mien s'est incarné, c'est-à-dire qu'Il s'est retiré Lui-même de sa condition divine, éternelle, ("sans peur, sans nuit, sans mal", énonçait Victor Hugo) afin de s'anéantir dans une chair aussi frileuse que la mienne... A cause de cela, il m'est tout à fait impossible de ne pas croire ! Qu'une nation très puissante écrase une autre au nom d'une divinité quelconque, c'est si banal... mais que Dieu qui ait pris l'initiative de venir à nous, de cette façon-là, qui nous est totalement inconcevable a priori, voilà qui prouve qu'Il doit être cru. Si nous ne croyons pas en ce Dieu qui s'est fait homme, alors ce n'est vraiment pas la peine de désirer croire autre chose.

[Antoine Marie]

C'est toujours ce que je me suis dit : je n'aurais jamais pu y penser moi-même !
D'ailleurs le grand Aristote qui a si bien parlé de Dieu non plus