Judas Iscariote, celui-là même qui le livra.

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etienne lorant
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Judas Iscariote, celui-là même qui le livra.

Message non lu par etienne lorant » ven. 23 janv. 2009, 11:07

Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc (Mc 3, 13-19)
13 Jésus gravit la montagne, et il appela ceux qu'il voulait. Ils vinrent auprès de lui,
14 et il en institua douze pour qu'ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher
15 avec le pouvoir de chasser les esprits mauvais.
16 Donc, il institua les Douze : Pierre (c'est le nom qu'il donna à Simon),
17 Jacques, fils de Zébédée, et Jean, le frère de Jacques (il leur donna le nom de « Boanerguès », c'est-à-dire : « Fils du tonnerre »),
18 André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques fils d'Alphée, Thaddée, Simon le Zélote,
19 et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra.

Depuis hier soir, j'ai cet Evangile en tête et, finalement, devant la concision de l'écriture de Marc, j'ai eu l'image d'une pastille effervescente qu'il faut dissoudre pour en dégager le principe actif - comme il est écrit sur la notice. Tant de choses sont dites en quelques lignes:

Jésus gravit la montagne. Il appela ceux qu'il voulait. Ils vinrent. Les douze sont institués pour être avec lui et aussi pour les envoyer: prêcher et chasser les esprits mauvais. Suivent le nom des élus. Tous sont cités: Simon-Pierre, Judas Iscariote en dernier. Tous sont cités, certains avec leur patronyme, d'autres sans, et deux sont distingués, sans doute à cause de leur zèle: Jacques et Jean.

Le reste, tout le reste, c'est au lecteur de l'en dégager selon son inspiration. Pour moi, il y a eu d'abord ces différents mouvements effectués avant l'institution des douze: Jésus qui gravit la montagne, qui appelle ses disciples, qui viennent auprès de lui. Je note que jusqu'à ce rassemblement, ils sont plus nombreux que douze, De cet effort accompli par le Seigneur et de la réponse de l'ensemble des disciples, il m'apparaît que les plus vaillants, les plus résolus, mais surtout: ceux qui aiment le plus Jésus, se sont pour ainsi dire détachés du groupe, ils se sont distingués par leur qualité de coeur. Les autres ne sont certes pas renvoyés, ils constitueront les témoins et il est toujours nécessaire qu'il y ait des témoins dignes de foi (ils le sont, assurément) pour attester d'une fondation comme celle que le Seigneur a voulu.

La montagne, il me faut parler d'elle. N'est-elle pas comme un personnage à part entière de l'événement ? Pourquoi pas le socle, le fondement, le plateau "entre ciel et terre" où devait avoir lieu cet événement ? En effet, sur le moment, il m'est venu d'aller rechercher des bribes de montagne chez Isaïe et j'ai rapidement trouvé au chapitre 2:
« Venez, montons à la montagne du Seigneur,
au temple du Dieu de Jacob.
Il nous enseignera ses chemins
et nous suivrons ses sentiers.
Car c'est de Sion que vient la Loi,
de Jérusalem la parole du Seigneur. »
Mais peut-être, en lisant le mot de montagne, avais-je déjà en tête le sermon des Béatitudes ? Toujours est-il que dans la Bible, la montagne est toujours le lieu privilégié de rencontres entre Dieu et les hommes - ne dirait-on pas que chacun fait son bout de chemin ?

Pour le reste, la mission des douze est clairement définie. Je le dis car, en dehors de prêcher et de chasser les esprits mauvais, Jésus n'a pas dit à Jacques et Jean de faire tomber le feu du ciel sur les villes qui n'auront pas voulu accueillir le Christ chez elles - pas question donc d'outrepasser les stipulations du mandat !

Reste le dernier verset qui, par sa chute, plate et ténébreuse, fait songer à un vers de Victor Hugo. Je le cite:

Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.

Tel que Marc le rapporte, l'irruption de Judas l'Iscariote en point final m'a effrayé. Qui était-il vraiment ? Je me refuse de croire qu'il était prédestiné à devenir le traître afin que s'accomplisse l'Ecriture: après tout, Simon-Pierre a fui, puis a renié trois fois Jésus. Judas n'est pas non plus le personnage vénal, uniquement voleur et bassement intéressé qu'on ma souvent dépeint. Le prix de sa trahison, ces trente deniers, belle somme pour l'époque, il l'a rejeté aussitôt - il avait sans doute espéré autre chose: comparaître auprès de Jésus peut-être, devenir un personnage historique, jouer un rôle clé... Mais l'argent lui a ouvert les yeux et l'a plongé dans le plus profond désespoir - et comme tous les orgueilleux, il n'a pas cru un pardon possible pour lui (au contraire de Pierre).

En tout cas, peut-être est-ce l'occasion d'un fil de discussion à propos de Judas ? Qu'en pensez-vous ? Qu'en ont dit les "grands" commentateurs ? Merci d'avance pour vos apports, je suis très intéressé !
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Pierrot
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Re: 19 et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra.

Message non lu par Pierrot » ven. 23 janv. 2009, 17:24

"La montagne, il me faut parler d'elle. N'est-elle pas comme un personnage à part entière de l'événement ?"

Sur les sommet, on est plus près du ciel, de Dieu, à l'écart du monde. C'est vrai que la montagne revient souvent dans la Sainte Bible, comme vous dites comme un personnage. Le Seigneur devait se sentir bien sur les sommets, à chanter la gloire de Son Père. Pensez vous que cela soit faisable en haut des building? Je plaisante, mais j'ai eu cette image en tête.J'ai le sentiment qu'on n'aurait pas le même bonheur que sur la montagne.

« Venez, montons à la montagne du Seigneur,
au temple du Dieu de Jacob.
Il nous enseignera ses chemins
et nous suivrons ses sentiers.
Car c'est de Sion que vient la Loi,
de Jérusalem la parole du Seigneur. »

Je trouve que vous avez bien choisi en mettant en relief ce passage. L'appel est d'une simplicité et en même temps d'une puissance: " venez, à la montagne du Seigneur, au temple du Dieu de Jacob". On pourrait le chanter toute la journée dans la joie

"ils se sont distingués par leur qualité de coeur"

Ce sont ceux qui iront jusqu'au sacrifice de leur vie pour l'annonce de la parole, à part Judas Iscariote qui trahit le Seigneur et Jean. Enfin! c'est ce que je crois savoir. Par la suite Le Seigneur en enverra plus 72 je crois. Peut être que ceux-là aussi ont eu une fin de martyr.

Tel que Marc le rapporte, l'irruption de Judas l'Iscariote en point final m'a effrayé. Qui était-il vraiment ?

C'est une bonne question: " Qui était-il vraiment?" Je ne me suis jamais vraiment intéressé à ce personnage. Il m'inspire peu à cause de sa trahison. On voit qu'il y a quand même une différence entre le reniement de Pierre et le "reniement" de Judas. Peut-être qu'il en voulait trop? Il a du remord, c'est qu'il a peut-être été manipulé? Le Seigneur a des parole sévère à son égard à cause de sa trahison en tout cas.

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Etrigan
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Re: 19 et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra.

Message non lu par Etrigan » ven. 23 janv. 2009, 20:12

30 deniers, une belle somme ?
Des exégètes, j'ai plutôt lu le contraire : le prix d'un gigot et le fait que Judas ayant les cordons de la bourse entre ses mains, il lui aurait été plus inspiré de ne pas trahir pour pouvoir se servir.

Ensuite, l'interprétation moderne consiste à dire que Judas était un zélote, un proto-islamiste pour faire très court, et que donc il voyait le Messie comme un libérateur - en livrant Jésus, il espérait libérer sa colère et le voir prendre le contrôle de la région (ce qui aurait dénoté une mauvaise lecture des Prophètes hébreux pour lesquels le nationalisme est une idée sans intérêt).

Maintenant, il faut bien reconnaître que cette belle lecture contredit les Evangiles qui insiste sur la prédestination de Judas et sa vénalité. Et après tout, puisque Dieu s'est servi de Nabuchudonosor pour faire tomber Jérusalem et Cyrus pour mettre à mal Babylone et permettre le retour des Juifs à Jérusalem, peut-être a-t-il vraiment prédestiné Judas à livrer le Christ.

Et accepter Judas parmi les 12, c'était mettre un peu de Yin dans le Yang sans doute ?

Franchement, moi aussi cette idée me dérange, mais plus ça va, plus je me dis que le texte, on ne peut pas lui faire dire n'importe quoi.

Sinon, j'aime beaucoup votre commentaire ! :coeur:
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etienne lorant
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Re: 19 et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra.

Message non lu par etienne lorant » ven. 23 janv. 2009, 20:30

Bonjour Etrigan,

Je suis content que vous ne partagez pas non plus la pensée d'un Judas "prédestiné" de toute éternité à devenir le traître. Je le vois plus comme un ambitieux et un arriviste, un orgueilleux qui s'est perdu dans son propre jeu. Dans mon esprit, je doute qu'il ait jamais cru que Jésus était Dieu. Cela l'aurait dépassé, il eût été obligé comme les autres d'admettre sa propre vanité, sa propre vacuité, son vide intérieur... Je songe à Sartre et Malraux, et d'autres, tellement intelligents, tellement doués... et trompés avec leurs propres consentements. "C'est moi le meilleur !"... Dommage pour eux que la vie soit si courte et l'Histoire si oublieuse !

Etienne
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Judas aussi, pour qu'on ne doute pas de l'Amour !

Message non lu par etienne lorant » mer. 08 juil. 2009, 9:47

Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 10,1-7.
Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d'expulser les esprits mauvais et de guérir toute maladie et toute infirmité.
Voici les noms des douze Apôtres : le premier, Simon, appelé Pierre ; André son frère ; Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ;
Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, fils d'Alphée, et Thaddée ;
Simon le Zélote et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra.
Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes : « N'allez pas chez les païens et n'entrez dans aucune ville des Samaritains.
Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël.
Sur votre route, proclamez que le Royaume des cieux est tout proche.

Il les envoya proclamer que le Royaume est tout proche, et parmi les douze envoyés, il donna la même mission et les mêmes pouvoirs à Judas Iscariote, qui le livrerait plus tard. L'indication du choix de Judas manifeste quelque chose d'important à mes yeux, que j'ai retrouvé dans le commentaire que donne saint Ambroise sur cet épisode : "Le Seigneur compromettre à nos yeux son jugement plutôt que son amour". Judas est choisi comme les autres afin que nous n'ayons aucun doute de son amour pour toutes ses créatures, sans la moindre exception. Et pour moi, cela signifie aujourd'hui, que je dois m'efforcer de traiter avec la même miséricorde aussi bien la personne qui m'aime et me rend service, que celle qui un jour m'a trahi et rejeté. Cela découle tout droit de : "Soyez parfaits comme votre père céleste est parfait": si vraiment nous avons fait du Seigneur le centre de nos vies, son unique pivot mais aussi la pierre d'angle de tout notre édifice humain, alors l'ennemi comme l'ami est notre prochain, l'un comme l'autre, et l'ennemi plus encore que l'ami, car nous savons ce que veut notre Maître: il ne veut qu'aucun ne se perde"

Je prierai aujourd'hui pour les personnes dont j'ai ressenti en diverses occasions la morsure amère du rejet, mais aussi pour que m'entre mieux dans le coeur, en dépit de mon manque de foi, le feu d'Amour du Seigneur, qui devrait brûler constamment dans mon âme - et me faire aimer même cet homme qui m'a agressé il y a quelques jours et à cause duquel je vais commencer un traitement au Serlain, léger anti-dépresseur qui atténue les conséquences psycho-physiologiques d'un tel événement (je commençais de paniquer pour les démarches les plus simples, de me sentir mal à l'aise à une table de restaurant, etc.) Je supporte les souffrances que je sais supporter, mais je tiens aussi comme secours du Seigneur les découvertes médicales.


(Le Serlain est indiqué dans le traitement des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) des adultes et des enfants.Le Serlain est également indiqué dans le traitement des troubles paniques.Le Serlain est également indiqué dans le traitement de la phobie sociale (trouble d'anxiété sociale).
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zélie
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Re: Judas aussi, pour qu'on ne doute pas de l'Amour !

Message non lu par zélie » mer. 08 juil. 2009, 10:35

etienne lorant a écrit :Je supporte les souffrances que je sais supporter, mais je tiens aussi comme secours du Seigneur les découvertes médicales.
Et vous avez bien raison Etienne, faire le contraire serait de l'orgueil...

http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... &start=225

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coeurderoy
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Re: Judas aussi, pour qu'on ne doute pas de l'Amour !

Message non lu par coeurderoy » mer. 08 juil. 2009, 11:56

Et c'est ce que fit votre saint patron Etienne : Charles de Foucault rappelle que nous devons, volontairement, sciemment, mettre en pratique le pardon appliqué à nos "ennemis" si nous voulons êtres fidèles à l'enseignement du Maître...Nous nous sanctifions par ailleurs bien plus...rapidement en nous efforçant d'aimer effectivement tous les hommes, surtout ceux qui nous bafouent, nous blessent ou nous rejettent. Mais il y faut vraiment l'action de la grâce, car franchement, on aimerait souvent leur... rentrer dans le chou aux em...eurs ! :bomb:
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Re: Judas aussi, pour qu'on ne doute pas de l'Amour !

Message non lu par etienne lorant » mer. 08 juil. 2009, 14:32

Cher Coeurderoy,

En dépit des ennuis de santé qu'il me cause, mon agresseur fait évidemment partie de ces âmes qui ont un urgent besoin de miséricorde. Quand j'ai médité cet incident, en fin de journée, je me suis dit que le Seigneur me l'avait envoyé - comme de nombreux autres en de nombreuses années, et la seule différence, c'est que lui a manifesté ce besoin de manière plus "frappante" que les autres. En définitive, quoi qu'il arrive on en trouve trace dans la parole de Jésus. J'ai songé notamment à celle-ci: "Si j'ai mal parlé, tu as raison de me frapper. Mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?" Devant le serviteur du grand-prêtre, qui venait de le gifler, Jésus est resté imperturbable. Je suis plus sensible de mes nerfs, mais j'ai constaté tout de même que cet enragé qui m'a mordu n'a pas pu déchirer ma peau: elle était protégée !
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Le péché de Judas

Message non lu par etienne lorant » mar. 30 mars 2010, 16:17

Ce que tu fais, fais-le vite !"

Au moment où Judas a goûté le pain de Vie, il s'est pour lui seul, à cause de sa faute cachée, de ses rêveries malsaines de pouvoir et d'argent, transformé en pain de mort. Livrer Jésus, tous auraient pu le faire, et d'ailleurs, ils se sont regardés les uns les autres en se disant "Serait-ce moi ? " Même Pierre qui assure pouvoir mourir avec son maître, était capable de livrer Jésus. A ce moment-là, tout était possible. Il faut se souvenir que le Christ avait laissé aux disciples de nombreux signes (dont la Transfiguration, et aussi la résurrection de Lazare), mais il est dit, dans plusieurs passages, qu'ils ne comprenaient pas. Marthe, la soeur de Lazare, énonce très simplement l'idée que tous se font au sujet de la résurrection. Jésus lui dit : "Ton frère ressuscitera." Et elle répond: "Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour." Et si l'on disposait d'une bande sonore de sa déclaration, nul doute qu'on percevrait son soupir: le dernier jour semble infiniment lointain !

C'est dire la confusion et le trouble dans lesquels ils ont tous plongé, lorsque Jésus a dit : "L'un de vous va me livrer". Jésus ne commandite pas le crime, et il n'y a pas chez Judas une sorte de prédestination à accomplir l'Histoire (c'est fou ce qu'on peut lire !), mais il lui révèle simplement le poids qui a fondu dans son coeur, cette espèce de "détermination-sans-amour" qui est l'intention de pécher... Chacun d'entre nous, hélas, sait ce qu'il en est...

En réalité, nous aussi nous avons livré Jésus et nous le faisons encore lorsque nous nous détournons du souffle qui anime notre coeur. Il existe pourtant un remède que Jésus lui-même nous a laissé. Il nous faut répéter comme Jésus: "Seigneur, non comme je veux, mais comme Toi Tu veux !", car nous déclarons ainsi qu'en dépit de notre misère, nous Lui faisons confiance, nous Lui remettons notre esprit. C'est cela que Dieu attend pour nous faire miséricorde - et si nous sommes bien disposés à faire Sa volonté, si nous croyons vraiment que c'est ce qu'il y a de meilleur pour nous, alors nous pouvons prétendre à la sainteté même.

Le tort de Judas, finalement, c'est de s'être pendu: car nous ne pouvons juger nous-mêmes. L'histoire du bon larron en est la preuve: il s'est repenti et s'est retrouvé "aujourd'hui même" dans le paradis. Puissions nous, dès ce monde, entrer dans la Joie du Père qui a veillé chaque jour notre retour ...
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Judas, le traître, l'un des nôtres !

Message non lu par etienne lorant » sam. 06 nov. 2010, 19:34

Hier...
J'ai songé ce vendredi à la trahison de Judas. Je me suis souvenu de la figure que certains films lui confèrent... mais en y réfléchissant, cela ne tient pas la route. L'imagerie populaire a eu beau conférer à Judas la figure-type du traître, un homme au visage par avance marqué d'infamie, au regard fuyant, à l'agitation révélatrice, ou que sais-je encore, je constate que l'Évangile, quant à lui, nous montre un proche du Seigneur, proche comme tous les autres.

D'ailleurs, au cours du repas, il ne devait pas être attablé loin du Maître puisque que c'est de lui qu'il reçoit bouchée à manger. Geste si simple, affectueux, que cette bouchée de pain d'abord trempée, puis remise: on dirait une mère donnant la cuillerée de soupe à son enfant ! Les autres disciples ont vu cela, mais personne n'a vu clair, car en fait, c'est à ce moment-là que tout bascule dans l'esprit de Judas. Mais comment ? Qui le dira, qui l'expliquera ? Le signe de cette bouchée me rappelle tout de suite le psaume 54:

Si l’insulte me venait d’un ennemi,
je pourrais l’endurer ;
si mon rival s’élevait contre moi,
je pourrais me dérober.

Mais toi, un homme de mon rang,
mon familier, mon intime !
Que notre entente était bonne,
quand nous allions d’un même pas
dans la maison de Dieu !

et il me semble que sa traduction est que "l'on n'est jamais mieux trahi que par ceux que l'on aime". En effet, le caractère monstrueux de la trahison ne procède pas de l'acte en lui-même, mais du renversement brutal de l'affection qui unissait les deux parties.

Du coup, l'autre trahison, celle de Pierre, pourrait être mise sur le même plan. Et l'on pourrait même plaider en faveur de Judas que celui-ci, du moins, ne s'était pas engagé à donner sa vie ! Mais je ne relève ce point que pour démontrer encore combien porter un jugement est moins simple qu'il paraît.

Il y a dans ma mémoire la trace d'une ou deux trahisons que j'ai subies et dont j'ai gardé une certaine amertume... Le pardon est toujours difficile, il doit être reconduit d'année en année et j'aurai difficile jusqu'à la fin. Mais je n'éprouve plus de révolte, car je me dis désormais, comme Simone Weil, qu'il faut accepter de "souffrir injustement pour les souffrances que nous avons injustement causées". Curieusement mes propres traîtrises (il y en a forcément eu quelques-une) semblent échapper à l'examen de ma conscience: mon miroir a de ces oublis fâcheux...
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Re: Judas, le traître, l'un des nôtres !

Message non lu par christiane » dim. 07 nov. 2010, 18:27

Très beau partage, Bruno.

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Re: Judas, le traître, l'un des nôtres !

Message non lu par Kerniou » dim. 07 nov. 2010, 18:45

Merci pour vos réflexions sur la trahison, Etienne, elles me parlent et touchent profondément.
Je ne connaissais pas cette phrase de Simone Weill. Je vais la noter et la méditer.
Nul n'est tout noir, nul n'est tout blanc, nous sommes tous des pêcheurs qui sont amenés à pardonner et à être pardonnés.
" Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu , car Dieu est Amour " I Jean 4,7.

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La personnalité mystérieuse de Judas

Message non lu par stephlorant » mar. 19 avr. 2011, 7:56

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 13,21-33.36-38.

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, au cours du repas qu'il prenait avec ses disciples, il fut bouleversé au plus profond de lui-même, et il attesta : " Amen, amen, je vous le dis : l'un de vous me livrera. "
Les disciples se regardaient les uns les autres, sans parvenir à comprendre de qui Jésus parlait.
Comme il y avait à table, tout contre Jésus, l'un de ses disciples, celui que Jésus aimait,
Simon-Pierre lui fait signe de demander à Jésus de qui il veut parler.
Le disciple se penche donc sur la poitrine de Jésus et lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? »
Jésus lui répond : « C'est celui à qui j'offrirai la bouchée que je vais tremper dans le plat. » Il trempe la bouchée, et la donne à Judas, fils de Simon l'Iscariote.
Et, quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui. Jésus lui dit alors : « Ce que tu fais, fais-le vite. »
Mais aucun des convives ne comprit le sens de cette parole.
Comme Judas tenait la bourse commune, certains pensèrent que Jésus voulait lui dire d'acheter ce qu'il fallait pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres.
Quand Judas eut pris la bouchée, il sortit aussitôt ; il faisait nuit.
Quand Judas fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui.
Si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre gloire ; et il la lui donnera bientôt.
Mes petits enfants, je suis encore avec vous, mais pour peu de temps, et vous me chercherez. J'ai dit aux Juifs : Là où je m'en vais, vous ne pouvez pas y aller. Je vous le dis maintenant à vous aussi.
Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? » Jésus lui répondit : « Là où je m'en vais, tu ne peux pas me suivre pour l'instant ; tu me suivras plus tard. »
Pierre lui dit : « Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant ? Je donnerai ma vie pour toi ! »
Jésus réplique : « Tu donneras ta vie pour moi ? Amen, amen, je te le dis : le coq ne chantera pas avant que tu m'aies renié trois fois.

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris


Des contes très modernes circulent sur la personnalité de Judas: il ne faudrait plus le considérer comme le personnage veule, lâche et corrompu qui se serait glissé dans l'entourage de Jésus afin de profiter de la popularité de son maître. Mais on est allé jusqu'à présenter un "traître prédestiné, choisi par Dieu afin que s'accomplissent les Ecritures !"

Il n'empêche que, comme à tous les autres disciples, Jésus a donné des pouvoirs pour chasser les démons, guérir les malades, mais aussi annoncer la bonne nouvelle du Royaume ! A lui aussi, fut confiée la bourse commune, dont il est peu question dans les textes d'Evangile, car le Seigneur faisait peu de cas de l'argent - ou plutôt, il en relevait le 'potentiel de danger' pour l'âme.

Dans le film "Jésus de Nazareth", de Zefirelli, Judas est présenté comme un homme qui avait des ambitions politiques, qui croyait à un renversement par le Christ des autorités du Sanhédrin comme de celles des Romains; il aurait nourri le projet de jouer un rôle de premier plan dans le futur 'gouvernement' du Christ en Israël. C'est une image de Judas beaucoup plus élaborée et je la crois fort plausible. Tout à la fin, constatant qu'en dépit de ses pouvoirs, Jésus allait laisser agir contre lui-même ses ennemis les plus acharnés, il aurait joué son va-tout en le livrant. Ce portrait de Judas me paraît beaucoup plus crédible.

L'Evangile, quant à lui, s'en tient à montrer combien un traître est quelqu'un de proche. Il dévoile combien l'on peut s'étonner et souffrir d'avoir été trahi par une personnes que nous avions choisie et traitée avec un grand respect. Je l'ai souvent écrit : on n'est jamais mieux trahi que par ceux que l'on aime ! La trahison est un mot affreux car elle signifie un renversement soudain et brutal de la confiance en une personne aimée. Or, si l'Evangile retient cela, c'est parce que c'est cela qui compte. D'ailleurs, Judas est le seul à quitter le repas de l'institution de l'Eucharistie et la bouchée de pain qu'il avale, au lieu de l'unir à Jésus et aux autres apôtres, fait entrer le démon en lui.

Je trouve qu'au cours de cette journée, il serait bon de nous souvenir des amitiés perdues, de ceux que nous avons aimés mais qui nous ont trompés, des membres de nos familles qui se sont écartés, de nos collègues de travail qui ont essayé de nous voler la place par des procédés peu honnêtes, et combien d'autres. Prions pour eux aussi, afin que le désespoir un jour n'entre point en eux pour les conduire à leur perte...
In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum
http://www.youtube.com/watch?v=WDV94Iti5ic&feature=related (Philippe Herreweghe)

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Re: La personnalité mystérieuse de Judas

Message non lu par Anne » mar. 19 avr. 2011, 20:35

Merci Étienne pour cette méditation pleine de finesse et de justesse, comme toujours ! :>

Je n'avais pas songé à ce parallèle entre LA trahison et les "petites" trahisons que nous avons à subir tous les jours...
"À tout moment, nous subissons l’épreuve, mais nous ne sommes pas écrasés;
nous sommes désorientés, mais non pas désemparés;
nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés;
terrassés, mais non pas anéantis…
".
2 Co 4, 8-10

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Re: La personnalité mystérieuse de Judas

Message non lu par St Paul » mer. 20 avr. 2011, 7:17

Bonjour à tous,
Bravo stephlorant, très belle initiative de pardonner à ceux qui nous en déçu :clap:
Merci pour ces belles paroles
Cordialement

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