Depuis le 14 avril 2012 ... pas trop tôt ... Il fait juste six ans que j'attendais les mémoires de feu Jean-Eudes. Qui ? Jean-Eudes. Mon copain Jean-Eudes de la résidence où j'aurai déjà pu "officier" il y a quelques années .
Là, c'est vrai, j'ai l'objet du désir en main.
( 3e ciel)
Un petit mot de Jean Vanier :
"Jean-Eudes est né dans l'année 1946. Il a vécu ses premières années à la ferme familiale, où il a connu la simplicité d'une vie harmonieuse, et expérimenté une qualité d'affection qui lui a assuré un équilibre pour toute sa vie.
Comme plusieurs enfants handicapés physiques à l'époque, il avait un lien très proche avec sa mère. Il estimait beaucoup son père et appréciait ses sorties avec lui. Suite à son décès, sa mère fortement ébranlée a dû être un moment donné hospitalisée. Jean-Eudes a été conduit alors à Montréal, au Foyer de charité fondé par le cardinal Léger dans les années 1950.
Ce fut le premier grand choc de sa vie. Déjà animé par une grande foi, il a rebondi. Et pour la première fois, il a établi un lien d'amitié avec un autre résident du Foyer. C'était une première, car jusqu'alors , il avait connu des liens exclusivement familiaux. Il est demeuré un être relationnel toute sa vie.
J'ai connu Jean-Eudes à l'occasion d'une retraite que j'ai prêchée à Montréal, dans le quartier Saint-Henri, à la paroisse Sainte-Cunégonde. Toute la semaine, un jeune diacre a assumé de le lever, de le coucher, de l'aider à se nourrir. Ils ont été une révélation l'un pour l'autre. A la fin de la semaine, Jean-Eudes a été invité par ce dernier à son ordination dans le diocèse de Trois-Rivières.
Toute une vie nouvelle a jailli pour Jean-Eudes, plus conscient alors de son intelligence, heureux d'expérimenter que des gens de toutes les couches de la société trouvaient intérêt à se trouver avec lui. Cette expérience spirituelle a favorisé une meilleure estime de lui. Jean-Eudes était très conscient de l'appel de Dieu; il aimait la vie communautaire, il voulait apporter sa pierre à la construction du Royaume.
Ce livre dont il est l'auteur, a été la grande motivation dans les dernières années de sa vie. Malgré toutes les limites et les fragilités qui se sont accumulées, il portait la conscience qu'il n'avait pas fini de révéler à ce monde la lumière qu'il recevait de son Dieu, et de se livrer comme Jésus pour donner le pain de vie et partager la coupe du salut. C'est ce qu'il a voulu nous offrir dans ce testament où il s'achève en s'offrant et en nous invitant à entrer avec lui dans la joie du serviteur fidèle.
- Jean Vanier
Et l'abbé Pierre Desroches pourra écrire :
Je suis heureux que Jean-Eudes m'ait demandé d'écrire la préface de son autobiographie. Ce projet me ramène à plusieurs années en arrière. J'étais alors directeur du Foyer de Charité, le lieu de résidence de Jean-Eudes que je connaissais déjà depuis quelques années. Nos chemins se sont croisés dans les années 70.
Ce qui m'a tout de suite fasciné chez lui était la qualité de sa vie spirituelle. Jean-Eudes est un vivant. Il a une personnalité très attachante. Il a beaucoup de résilience. C'est passionnant de le voir évoluer au fil des ans. Il est issu d'une famille simple. Sa croissance et son développement se sont réalisés dans un contexte normal. Ce qui fait la différence, c'est lui et l'amour de ses proches.
A lire son autobiographie, vous découvrirez la richesse de ses liens familiaux et toute l'affection qu'il a pu recevoir de ses parents comme de ses soeurs. Il va quitter son village natal de Saint-Grégoire de Nicolet dans des conditions plutôt difficiles. Il aboutira au Foyer de Charité, une oeuvre fondée par le cardinal Léger dans les années cinquante.
Sa route a été pavée de toutes sortes d'épreuves, mais il n'en est pas moins un homme debout même s'il est assis dans un fauteuil motorisé. J'apprécie beaucoup sa détermination, sa capacité de faire confiance, d'être une personne en perpétuel questionnement, d'être un fidèle croyant, très lié à son Église, en recherche constante d'appartenance fraternelle, très bien capable de faire le lien entre sa foi, ses décisions et son agir.
Il est un témoin authentique que la paralysie cérébrale, même lorsqu'elle apporte des déficiences importantes au plan de la motricité et de la parole, ne réduit pas l'être qui en est marqué et ne lui interdit pas de devenir une personne. Jean-Eudes a permis à travers ses rencontres et son ouverture à beaucoup de personnes de changer leur regard et de découvrir que la déficience de certains de nos proches est davantage reliée à nos perceptions réductrices qui enferment l'autre dans nos peurs au lieu de le révéler à lui-même dans ses forces.
Merci Jean-Eudes d'accepter d'être un missionnaire qui est aussi un ambassadeur pour des gens qui te ressemblent et qui par ta manière d'être fait bouger un monde qui, lui aussi, est paralysé quand personne ne vient le bousculer pour le forcer à sortir de ses certitudes qui l'arrêtent. Merci de nous mettre en marche.
Ton ami,
Pierre Desroches, ptre