La Vie Economico-Sociale - Constitution Gaudium et Spes

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Christophe
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La Vie Economico-Sociale - Constitution Gaudium et Spes

Message non lu par Christophe » ven. 08 juil. 2005, 8:09

CHAPITRE III DE LA DEUXIÈME PARTIE
- LA VIE ÉCONOMICO-SOCIALE -

Quelques traits de la vie économique

63. 1. Dans la vie économico-sociale aussi, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C'est l'homme en effet qui est l'auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale.

2. Comme tout autre domaine de la vie sociale, l'économie moderne se caractérise par une emprise croissante de l'homme sur la nature, la multiplication et l'intensification des relations et des interdépendances entre individus, groupes et peuples, et la fréquence accrue des interventions du pouvoir politique. En même temps, le progrès dans les modes de production et dans l'organisation des échanges de biens et de services a fait de l'économie un instrument apte à mieux satisfaire les besoins accrus de la famille humaine.

3. Pourtant les sujets d'inquiétude ne manquent pas. Beaucoup, surtout dans les régions du monde économiquement développées, apparaissent comme dominés par l'économique: presque toute leur existence personnelle et sociale est imbue d'un certain " économisme ", et cela aussi bien dans les pays favorables à l'économie collectiviste que dans les autres. A un moment où le développement de l'économie, orienté et coordonné d'une manière rationnelle et humaine, permettrait d'atténuer les inégalités sociales, il conduit trop souvent à leur aggravation et même, ici ou là, à une régression de la condition sociale des faibles et au mépris des pauvres. Alors que des foules immenses manquent encore du strict nécessaire, certains, même dans les régions moins développées, vivent dans l'opulence ou gaspillent sans compter. Le luxe côtoie la misère. Tandis qu'un petit nombre d'hommes disposent d'un très ample pouvoir de décision, beaucoup sont privés de presque toute possibilité d'initiative personnelle et de responsabilité; souvent même, ils sont placés dans des conditions de vie et de travail indignes de la personne humaine.

4. De semblables déséquilibres économiques et sociaux se produisent entre le secteur agricole, le secteur industriel et les services, comme aussi entre les diverses régions d'un seul et même pays. Entre les nations économiquement plus développées et les autres nations, une opposition de plus en plus aiguë se manifeste, capable de mettre en péril jusqu'à la paix du monde.

5. Les hommes de notre temps prennent une conscience de plus en plus vive de ces disparités: ils sont profondément persuadés que les techniques nouvelles et les ressources économiques accrues dont dispose le monde pourraient et devraient corriger ce funeste état de choses. Mais pour cela de nombreuses réformes sont nécessaires dans la vie économico-sociale; il y faut aussi, de la part de tous, une conversion des mentalités et des attitudes. Dans ce but, l'Eglise, au cours des siècles, a explicité à la lumière de l'Evangile des principes de justice et d'équité, demandés par la droite raison, tant pour la vie individuelle et sociale que pour la vie internationale; et elle les a proclamés surtout ces derniers temps. Compte tenu de la situation présente, le Concile entend les confirmer et indiquer quelques orientations en prenant particulièrement en considération les exigences du développement économique(1).


SECTION 1: LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

Le développement économique au service de l'homme

64. Aujourd'hui plus que jamais, pour faire face à l'accroissement de la population et pour répondre aux aspirations plus vastes du genre humain, on s'efforce à bon droit d'élever le niveau de la production agricole et industrielle, ainsi que le volume des services offerts. C'est pourquoi il faut encourager le progrès technique, l'esprit d'innovation, la création et l'extension d'entreprises, l'adaptation des méthodes, les efforts soutenus de tous ceux qui participent à la production, en un mot tout ce qui peut contribuer à cet essor. Mais le but fondamental d'une telle production n'est pas la seule multiplication des biens produits, ni le profit ou la puissance; c'est le service de l'homme: de l'homme tout entier, selon la hiérarchie de ses besoins matériels comme des exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse; de tout homme, disons-nous, de tout groupe d'hommes, sans distinction de race ou de continent. C'est pourquoi l'activité économique, conduite selon ses méthodes et ses lois propres, doit s'exercer dans les limites de l'ordre moral(2) afin de répondre au dessein de Dieu sur l'homme(3).

Contrôle de l'homme sur le développement économique

65. 1. Le développement doit demeurer sous le contrôle de l'homme. Il ne doit pas être abandonné à la discrétion d'un petit nombre d'hommes ou de groupes jouissant d'une trop grande puissance économique, ni à celle de la communauté politique ou à celle de quelques nations plus puissantes. Il convient au contraire que le plus grand nombre d'hommes, à tous les niveaux, et au plan international l'ensemble des nations, puissent prendre une part active à son orientation. Il faut de même que les initiatives spontanées des individus et de leurs libres associations soient coordonnées avec l'action des pouvoirs publics, et qu'elles soient ajustées et harmonisées entre elles.

2. Le développement ne peut être laissé ni au seul jeu quasi automatique de l'activité économique des individus ni à la seule puissance publique. Il faut donc dénoncer les erreurs aussi bien des doctrines qui s'opposent aux réformes indispensables au nom d'une fausse conception de la liberté, que des doctrines qui sacrifient les droits fondamentaux des personnes et des groupes à l'organisation collective de la production(4).

3. Par ailleurs, les citoyens doivent se rappeler que c'est leur droit et leur devoir (et le pouvoir civil doit lui aussi le reconnaître) de contribuer selon leurs moyens au progrès véritable de la communauté à laquelle ils appartiennent. Dans les pays en voie de développement surtout, où l'emploi de toutes les disponibilités s'impose avec un caractère d'urgence, ceux qui gardent leurs ressources inemployées mettent gravement en péril le bien commun; il en va de même de ceux qui privent leur communauté des moyens matériels et spirituels dont elle a besoin, le droit personnel de migration étant sauf.

Il faut mettre un terme aux immenses disparités économico-sociales

66. 1. Pour répondre aux exigences de la justice et de l'équité, il faut s'efforcer vigoureusement, dans le respect des droits personnels et du génie propre de chaque peuple, de faire disparaître le plus rapidement possible les énormes inégalités économiques qui s'accompagnent de discrimination individuelle et sociale; de nos jours elles existent et souvent elles s'aggravent. De même, en bien des régions, étant donné les difficultés particulières de la production et de la commercialisation dans le secteur agricole, il faut aider les agriculteurs à accroître cette production et à la vendre, à réaliser les transformations et les innovations nécessaires, à obtenir enfin un revenu équitable: sinon ils demeureront, comme il arrive trop souvent, des citoyens de seconde zone. De leur côté, les agriculteurs, les jeunes surtout, doivent s'appliquer avec énergie à améliorer leur compétence professionnelle, sans laquelle l'agriculture ne saurait progresser(5).

2. De même, la justice et l'équité exigent que la mobilité, nécessaire à des économies en progrès, soit aménagée de façon à éviter aux individus et à leurs familles des conditions de vie instables et précaires. A l'égard des travailleurs en provenance d'autre pays ou d'autres régions qui apportent leur concours à la croissance économique d'un peuple ou d'une province, on se gardera soigneusement de toute espèce de discrimination en matière de rémunération ou de conditions de travail. De plus, tous les membres de la société, en particulier les pouvoirs publics, doivent les traiter comme des personnes et non comme de simples instruments de production: faciliter la présence auprès d'eux de leur famille, les aider à se procurer un logement décent et favoriser leur insertion dans la vie sociale du pays ou de la région d'accueil. On doit cependant, dans la mesure du possible, créer des emplois dans leurs régions d'origine elles-mêmes.

3. Dans les économies actuellement en transition comme dans les formes nouvelles de la société industrielle, marquées par exemple par le progrès de l'automation, il faut se préoccuper d'assurer à chacun un emploi suffisant et adapté, et la possibilité d'une formation technique et professionnelle adéquate. On doit aussi garantir les moyens d'existence et la dignité humaine de ceux qui, surtout en raison de la maladie ou de l'âge, se trouvent dans une situation plus difficile.


SECTION 2: PRINCIPES DIRECTEURS DE L'ENSEMBLE DE LA VIE ÉCONOMICO-SOCIALE

Travail, conditions de travail, loisirs

67. 1. Le travail des hommes, celui qui s'exerce dans la production ci l'échange de biens ou dans la prestation de services économiques, passe avant les autres éléments de la vie économique, qui n'ont valeur que d'instruments.

2. Ce travail, en effet, qu'il soit entrepris de manière indépendante ou par contrat avec un employeur, procède immédiatement de la personne: celle-ci marque en quelque sorte la nature de son empreinte et la soumet à ses desseins. Par son travail, l'homme assure habituellement sa subsistance et celle de sa famille, s'associe à ses frères et leur rend service, peut pratiquer une vraie charité et coopérer à l'achèvement de la création divine. Bien plus, par l'hommage de son travail à Dieu, nous tenons que l'homme est associé à l'oeuvre rédemptrice de Jésus-Christ qui a donné au travail une dignité éminente en oeuvrant de ses propres mains à Nazareth. De là découlent pour tout homme le devoir de travailler loyalement aussi bien que le droit au travail. En fonction des circonstances concrètes, la société doit, pour sa part, aider les citoyens en leur permettant de se procurer un emploi suffisant. Enfin, compte tenu des fonctions et de la productivité de chacun, de la situation de l'entreprise et du bien commun, la rémunération du travail doit assurer à l'homme des ressources qui lui permettent, à lui et à sa famille, une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel(6).

3. Comme l'activité économique est le plus souvent le fruit du travail associé des hommes, il est injuste et inhumain de l'organiser et de l'ordonner au détriment de quelque travailleur que ce soit. Or il est trop courant, même de nos jours, que ceux qui travaillent soient en quelque sorte asservis à leurs propres oeuvres; ce que de soi-disant lois économiques ne justifient en aucune façon. Il importe donc d'adapter tout le processus du travail productif aux besoins de la personne et aux modalités de son existence, en particulier de la vie du foyer (surtout en ce qui concerne les mères de famille), en tenant toujours compte du sexe et de l'âge. Les travailleurs doivent aussi avoir la possibilité de développer leurs qualités et leur personnalité dans l'exercice même de leur travail. Tout en y appliquant leur temps et leurs forces d'une manière consciencieuse, que tous jouissent par ailleurs d'un temps de repos et de loisir suffisant qui leur permette aussi d'entretenir une vie familiale, culturelle, sociale et religieuse. Bien plus, ils doivent avoir la possibilité de déployer librement des facultés et des capacités qu'ils ont peut-être peu l'occasion d'exercer dans leur travail professionnel.

Participation dans l'entreprise et dans l'organisation économique globale.
Conflits du travail


68. 1. Dans les entreprises économiques, ce sont des personnes qui sont associées entre elles: c'est-à-dire des êtres libres et autonomes, créés à l'image de Dieu. Aussi, en prenant en considération les fonctions des uns et des autres, propriétaires, employeurs, cadres, et en sauvegardant la nécessaire unité de direction, il faut promouvoir, selon des modalités à déterminer au mieux, la participation active de tous à la gestion des entreprises(7). Et, comme bien souvent ce n'est déjà plus au niveau de l'entreprise, mais à des instances supérieures, que se prennent les décisions économiques et sociales dont dépend l'avenir des travailleurs et de leurs enfants, ceux-ci doivent également participer à ces décisions, soit par eux-mêmes, soit par leurs représentants librement choisis.

2. Il faut mettre au rang des droits fondamentaux de la personne le droit des travailleurs de fonder librement des associations capables de les représenter d'une façon valable et de collaborer à la bonne organisation de la vie économique, ainsi que le droit de prendre librement part aux activités de ces associations, sans courir le risque de représailles. Grâce à cette participation organisée, jointe à un progrès de la formation économique et sociale, le sens des responsabilités grandira de plus en plus chez tous: ils seront ainsi amenés à se sentir associés, selon leurs moyens et leurs aptitudes personnels, à l'ensemble du développement économique et social ainsi qu'à la réalisation du bien commun universel.

3. En cas de conflits économico-sociaux, on doit s'efforcer de parvenir à une solution pacifique. Mais, s'il faut toujours recourir d'abord au dialogue sincère entre les parties, la grève peut cependant, même dans les circonstances actuelles, demeurer un moyen nécessaire, bien qu'ultime, pour la défense des droits propres et la réalisation des justes aspirations des travailleurs. Que les voies de la négociation et du dialogue soient toutefois reprises dès que possible, en vue d'un accord.

Les biens de la terre sont destinés à tous les hommes

69. 1. Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité(8). Quelles que soient les formes de la propriété, adaptées aux légitimes institutions des peuples, selon des circonstances diverses et changeantes, on doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens. C'est pourquoi l'homme, dans l'usage qu'il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu'il possède légitimement comme n'appartenant qu'à lui, mais les regarder aussi comme communes: en ce sens qu'elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres(9). D'ailleurs, tous les hommes ont le droit d'avoir une part suffisante de biens pour eux-mêmes et leur famille. C'est ce qu'ont pensé les Pères et les docteurs de l'Eglise qui enseignaient que l'on est tenu d'aider les pauvres, et pas seulement au moyen de son superflu(10). Quant à celui qui se trouve dans l'extrême nécessité, il a le droit de se procurer l'indispensable à partir des richesses d'autrui(11). Devant un si grand nombre d'affamés de par le monde, le Concile insiste auprès de tous et auprès des autorités pour qu'ils se souviennent de ce mot des Pères: " Donne à manger à celui qui meurt de faim car, si tu ne lui as pas donné à manger, tu l'as tué "(12); et que, selon les possibilités de chacun, ils partagent et emploient vraiment leurs biens en procurant avant tout aux individus et aux peuples les moyens qui leur permettront de s'aider eux-mêmes et de se développer.

2. Fréquemment, dans des sociétés économiquement moins développées, la destination commune des biens est partiellement réalisée par des coutumes et des traditions communautaires, garantissant à chaque membre les biens les plus nécessaires. Certes, il faut éviter de considérer certaines coutumes comme tout à fait immuables, si elles ne répondent plus aux nouvelles exigences de ce temps; mais, à l'inverse, il ne faut pas attenter imprudemment à des coutumes honnêtes qui, sous réserve d'une saine modernisation, peuvent encore rendre de grands services. De même, dans les pays économiquement très développés, un réseau d'institutions sociales, d'assurance et de sécurité, peut réaliser en partie la destination commune des biens. Il importe de poursuivre le développement des services familiaux et sociaux, principalement de ceux qui contribuent à la culture et à l'éducation. Mais, dans l'aménagement de toutes ces institutions, il faut veiller à ce que le citoyen ne soit pas conduit à adopter vis-à-vis de la société une attitude de passivité, d'irresponsabilité ou de refus de service.

Investissements et question monétaire

70. Les investissements, de leur côté, doivent tendre à assurer des emplois et des revenus suffisants tant à la population active d'aujourd'hui qu'à celle de demain. Tous ceux qui décident de ces investissements, comme de l'organisation de la vie économique (individus, groupes, pouvoirs publics) doivent avoir ces buts à coeur et se montrer conscients de leurs graves obligations: d'une part, prendre des dispositions pour faire face aux nécessités d'une vie décente, tant pour les individus que pour la communauté tout entière; d'autre part, prévoir l'avenir et assurer un juste équilibre entre les besoins de la consommation actuelle, individuelle et collective, et les exigences d'investissement pour la génération qui vient. On doit également avoir toujours en vue les besoins pressants des nations et des régions économiquement moins avancées. Par ailleurs, en matière monétaire, il faut se garder d'attenter au bien de son propre pays ou à celui des autres nations. On doit s'assurer en outre que ceux qui sont économiquement faibles ne soient pas injustement lésés par des changements dans la valeur de la monnaie. Accès à la propriété et au pouvoir privé sur les biens.

Accès à la propriété et au pouvoir privé sur les biens.
Problème des latifundia


71. 1. La propriété et les autres formes de pouvoir privé sur les biens extérieurs contribuent à l'expression de la personne et lui donnent l'occasion d'exercer sa responsabilité dans la société et l'économie. Il est donc très important de favoriser l'accession des individus et des groupes à un certain pouvoir sur les biens extérieurs.

2. La propriété privée ou un certain pouvoir sur les biens extérieurs assurent à chacun une zone indispensable d'autonomie personnelle et familiale; il faut les regarder comme un prolongement de la liberté humaine. Enfin, en stimulant l'exercice de la responsabilité, ils constituent l'une des conditions des libertés civiles(13).

3. Les formes d'un tel pouvoir ou propriété sont aujourd'hui variées; et leur diversité ne cesse de s'amplifier. Toutes cependant demeurent, à côté des fonds sociaux, des droits et des services garantis par la société, une source de sécurité non négligeable. Et ceci n'est pas vrai des seules propriétés matérielles, mais aussi des biens immatériels, comme les capacités professionnelles.

4. La légitimité de la propriété privée ne fait toutefois pas obstacle à celle de divers modes de propriétés publiques, à condition que le transfert des biens au domaine public soit effectué par la seule autorité compétente selon les exigences du bien commun, dans les limites de celui-ci et au prix d'une indemnisation équitable. L'Etat a, par ailleurs, compétence pour empêcher qu'on abuse de la propriété privée contrairement au bien commun(14).

5. De par sa nature même, la propriété privée a aussi un caractère social, fondé dans la loi de commune destination des biens(15). Là où ce caractère social n'est pas respecté, la propriété peut devenir une occasion fréquente de convoitises et de graves désordres: prétexte est ainsi donné à ceux qui contestent le droit même de propriété.

6. Dans plusieurs régions économiquement moins développées, il existe des domaines ruraux étendus et même immenses, médiocrement cultivés ou mis en réserve à des fins de spéculation, alors que la majorité de la population est dépourvue de terres ou n'en détient qu'une quantité dérisoire et que, d'autre part, l'accroissement de la production agricole présente un caractère d'urgence évident. Souvent, ceux qui sont employés par les propriétaires de ces grands domaines, ou en cultivent des parcelles louées, ne reçoivent que des salaires ou des revenus indignes de l'homme; ils ne disposent pas de logement décent et sont exploités par des intermédiaires. Dépourvus de toute sécurité, ils vivent dans une dépendance personnelle telle qu'elle leur interdit presque toute possibilité d'initiative et de responsabilité, toute promotion culturelle, toute participation à la vie sociale et politique. Des réformes s'imposent donc, visant, selon les cas, à accroître les revenus, à améliorer les conditions de travail et la sécurité de l'emploi, à favoriser l'initiative, et même à répartir les propriétés insuffisamment cultivées au bénéfice d'hommes capables de les faire valoir. En l'occurrence, les ressources et les instruments indispensables doivent leur être assurés, en particulier les moyens d'éducation et la possibilité d'une juste organisation de type coopératif. Chaque fois que le bien commun exigera l'expropriation, l'indemnisation devra s'apprécier selon l'équité, compte tenu de toutes les circonstances.

L'activité économico-sociale et le Royaume du Christ

72. 1. Les chrétiens actifs dans le développement économico-social et dans la lutte pour le progrès de la justice et de la charité doivent être persuadés qu'ils peuvent ainsi beaucoup pour la prospérité de l'humanité et la paix du monde. Dans ces diverses activités, qu'ils brillent par leur exemple, individuel et collectif. Tout en s'assurant la compétence et l'expérience absolument indispensables. qu'ils maintiennent, au milieu des activités terrestres, une juste hiérarchie des valeurs, fidèles au Christ et à son Evangile, pour que toute leur vie, tant individuelle que sociale, soit pénétrée de l'esprit des Béatitudes, et en particulier de l'esprit de pauvreté.

2. Quiconque, suivant le Christ, cherche d'abord le Royaume de Dieu, y trouve un amour plus fort et plus pur pour aider tous ses frères et pour accomplir une oeuvre de justice. sous l'impulsion de l'amour(16).

:arrow: Concile de Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, "Sur l'Eglise dans le monde de ce temps" ( 1965 )
_____________________
[align=justify](1) Cf. Pie XII, Message du 23 mars 1952: AAS 44 (1952), p. 273; Jean XXIII. Allocution aux A.C.L.I.. 1er mai 1959: AAS 51 (1959). p. 358.

(2) Cf. Pie XI, Enc. Quadragesimo anno: AAS 23 (1931), p. 190 ss. Pie XII, Message du 23 mars 1952: AAS 44 (1952), p. 276 ss.; Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra: AAS 53 (1961), p. 450; Conc. VAT. II. Decretum Inter mirifica, chap. I, n. 6: AAS 56 (1964), p. 147 [p. 522].

(3) Cf. Mt. 16, 26; Lc 16, 1-31; Col. 3, 17.

(4) Cf. Léon XIII,. Enc. Libertas praestantissimum, 20 juin 1888: ASS 20 (1887-88) pp. 597 ss.: Pie XI, Enc. Quadragesimo anno: AAS 23 (1931), p. 191 ss.; id., Divini Redemptoris: AAS 29 (1937), p. 65 ss.; Pie XII, Message de Noël 1941: AAS 34 (1942), p. 10 ss,; Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra: AAS 53 (1961), pp. 401-464.

(5) Sur les problèmes agricoles cf. surtout Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra: AAS 53 (1961), p. 431 ss.

(6) Cf. Léon XIII, Enc. Rerum Novarum: ASS 23 (1890-91), pp. 649-662; Pie XI, Enc. Quadragesimo anno: AAS 23 (1931), pp. 200-201; id., Enc. Divini Redemptoris: AAS 29 (1937), p. 92; Pie XII, Message radiophonique le la veille de Noël 1942: AAS 35 (1943), p. 20; id., Allocution du 13 juin 1943: AAS 35 (1943), p. 172; id. Message radiophonique aux ouvriers espagnols, 11 mars 1951: AAS 43 (1951), p. 215; Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra: AAS 53 (1961), p. 419.

(7) Cf. Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra: AAS 53 (1961), pp. 408, 424, 427; mais le mot "curatione" est tiré du texte latin de l'Enc. Quadragesimo anno: AAS 23 (1931), p. 199. Pour l'évolution de la question, aussi: Pie XII, Allocution du 3 juin 1950: AAS 42 (1950), pp. 485-488; Paul VI, Allocution du 8 juin 1964: AAS 56 (1964), pp. 574-579.

(8) Cf. Pie XII. Enc. Serrure laetitiae: AAS 31 (1939), p. 642; Jean XXIII, Allocution au consistoire: AAS 52 (1960), pp. 5-11; id., Enc. Mater et Magistra: AAS 53 (1961), p. 411.

(9) Cf. St Thomas, Somme théol. II-II, q. 32, art. 5 ad 2; ibid. q. 66, art. 2: cf. explication dans Léon XIII, Enc. Rerum Novarum: ASS 23 (1890-91), p. 651; cf. aussi Pie XII, Allocution du ler juin 1941: AAS 33 (1941) p. 199; id., Message radiophonique de Noël 1954: AAS 47 (1955), p. 27.

(10) Cf. St Basile. Hom. sur un passage de Luc "Destruam horrea mea", n. 2 (PG 31, 263); Lactance. Divinarurn Institutionum, liv. V, La justice (PL 6, 565 B); St Augustin, Commentaires sur St Jean, tr. 50, n. 6 (PL 35, 1760); id., Enarratio in Ps. CXLVII, 12 (PL 37, 1922); St Grégoire le Grand, Hom. sur l'Evangile, hom. 20, 12 (PL 76, 1165); id., Regulae Pastoralis liber, IIIo partie, chap. 21 (PL 77, 87); St Bonaventure, III Sent. d. 33, dub. I (Ed. Quaracchi III, 728); id., IV Sent. d. 15, p. II, art. 2, qu. I (Ed. cit. IV, 371 b); qu. de superfluo (.ms. Assise, Bibl. commun. 186, ff. l12a--l13a); St Albert le Grand, III Sent., d. 33, art. 3, sol. I (Ed. Borgnet XXVIII, 611); id., IV Sent. d. 15, art. 16 (Ed. cit. XXIX. 494-497). En ce qui concerne la détermination du superflu de nos jours, cf. Jean XXIII. Message radiotélévisé du 11 sept. 1962: AAS 54 (1962), p. 682: "Dovere di ogni uomo, dovere impellente del cristiano è di considerare il superfluo con la misura delle necessità altrui, e di ben vigilare perchè l'adnministrazione e la distribuzione dei beni creati venga posta a vantaggio di tutti".

( 11) Ici vaut l'ancien principe: "in extrema necessitate omnia sunt communia, id est communicanda". D'autre part, en ce qui concerne l'étendue et les modalités selon lesquelles ce principe s'applique dans le texte, outre les auteurs modernes connus cf. St Thomas. Somme théol. II-II, qu. 66, art. 7. Il est clair que, pour une application exacte de ce passage, toutes les conditions moralement requises doivent être remplies.

(12) Cf. Décret de Gratien. C. 21, dist. LXXXVI (Ed. Friedberg I, 302). Ce passage se trouve déjà dans PL 54, 491 A et PL 56, 1132 B (Cf. Antonianum 27 -- 1952 -- 349-366).

(13) Cf. Léon XIII, Enc. Rerum Novarum: ASS 23 (1890-91), pp. 643-646; Pie XI, Enc. Quadragesimo anno: AAS 23 (1931), p. 191; Pie XII, Message radiophonique du ler juin 1941: AAS 33 (1941), p. 199; id., Message radiophonique de la veille de la Nativité du Seigneur 1942: AAS 35 (1943), p. 17; id., Message radiophonique du ler sept. 1944: AAS 36 (1944). p. 253; Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra: AAS 53 (1961), pp. 428-429.

(14) Cf. Pie XI, Enc. Quadragesimo anno: AAS 23 (1931), p. 214; Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra: AAS 53 (1961), p. 429.

(15) Cf. Pie XII, Message radiophonique, Pentecôte 1941: AAS 44 (1941), p. 199. Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra: AAS 53 (1961). p. 430.

(16) Sur le bon usage des biens, selon la doctrine du Nouveau Testament cf. Lc 3, 11; 10, 30 ss.; 11, 41; I Pierre 5. 3; Mc 8, 36; 12. 29-31; Jc. 5, I-6: I Tim. 6. 8; Eph. 4. 28: II Cor. 8, 13: I Jn 3.17-18.

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