Dignitatis humanae - Déclaration sur la liberté religieuse

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Christophe
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Dignitatis humanae - Déclaration sur la liberté religieuse

Message non lu par Christophe » dim. 17 avr. 2005, 22:47

DIGNITATIS HUMANÆ
DÉCLARATION SUR LA LIBERTÉ RELIGIEUSE


DU DROIT DE LA PERSONNE ET DES COMMUNAUTÉS
À LA LIBERTÉ SOCIALE ET CIVILE EN MATIÈRE RELIGIEUSE


INTRODUCTION
1. La dignité de la personne humaine est, en notre temps, l'objet d'une conscience toujours plus vive (1); toujours plus nombreux sont ceux qui revendiquent pour l'homme la possibilité d'agir en vertu de ses propres options et en toute libre responsabilité; non pas sous la pression d'une contrainte mais guidé par la conscience de son devoir. De même requièrent-ils que soit juridiquement délimité l'exercice de l'autorité des pouvoirs publics afin que le champ d'une franche liberté, qu'il s'agisse des personnes ou des associations, ne soit pas trop étroitement circonscrit. Cette exigence de liberté dans la société humaine regarde principalement ce qui est l'apanage de l'esprit humain et, au premier chef, ce qui concerne le libre exercice de la religion dans la société. Considérant avec diligence ces aspirations dans le but de déclarer à quel point elles sont conformes à la vérité et à ta justice, ce Concile du Vatican scrute la tradition sacrée et la sainte doctrine de l'Eglise d'où il tire du neuf en constant accord avec le vieux.

C'est pourquoi, tout d'abord, le Concile déclare que Dieu a Lui-même fait connaître au genre humain la voie par laquelle, en Le servant, les hommes peuvent obtenir le salut dans le Christ et parvenir à la béatitude. Cette unique vraie religion, nous croyons qu'elle subsiste dans l'Eglise catholique et apostolique à qui le Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes, lorsqu'il dit aux apôtres: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit" (Mt. 28, 19-20). Tous les hommes, d'autre part, sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Eglise; et, quand ils l'ont connue, de l'embrasser et de lui être fidèles.

De même encore, le Concile déclare que ce double devoir concerne la conscience de l'homme et l'oblige, et que la vérité ne s'impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l'esprit avec autant de douceur que de puissance. Or, puisque la liberté religieuse que revendique l'homme dans l'accomplissement de son devoir de rendre un culte à Dieu concerne son immunité de toute contrainte dans la société civile, elle ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral de l'homme et des associations à l'égard de la vraie religion et de l'unique Eglise du Christ. En outre, traitant de cette liberté religieuse, le Saint Concile entend développer la doctrine des Souverains Pontifes les plus récents sur les droits inviolables de la personne humaine et l'ordre juridique de la société.

I. DOCTRINE GÉNÉRALE SUR LA LIBERTÉ RELIGIEUSE
Objet et fondement de la liberté religieuse

2. Le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part soit des individus, soit des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience, ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres. Il déclare, en outre, que le droit à la liberté religieuse a son fondement dans la dignité même de la personne humaine telle que l'a fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même (2). Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l'ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu'il constitue un droit civil.

En vertu de leur dignité tous les hommes, parce qu'ils sont des personnes, c'est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et par suite, pourvus d'une responsabilité personnelle, sont pressés par leur nature même et tenus par obligation morale à chercher la vérité, celle tout d'abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu'ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité. Or, à cette obligation les hommes ne peuvent satisfaire, d'une manière conforme à leur propre nature, que s'ils jouissent, outre la liberté psychologique, de l'immunité à l'égard de toute contrainte extérieure. Ce n'est donc pas dans une disposition subjective de la personne mais dans sa nature même qu'est fondé le droit à la liberté religieuse. C'est pourquoi le droit à cette immunité persiste en ceux-là même qui ne satisfont pas à l'obligation de chercher la vérité et d'y adhérer; son exercice ne peut être entravé dès lors que demeure sauf un ordre public juste.

Liberté religieuse et relation de l'homme à Dieu

3. Tout ceci est plus clairement manifeste encore à qui prend en considération que la norme suprême de la vie humaine est la loi divine elle-même, éternelle, objective et universelle par laquelle Dieu, dans son dessein de sagesse et d'amour, règle, dirige et gouverne le monde entier et dispose les voies de la communauté humaine. De cette loi qui est sienne, Dieu rend l'homme participant de telle sorte que par une heureuse disposition de la providence divine, celui-ci puisse toujours davantage accéder à l'immuable vérité *. C'est pourquoi chacun a le devoir, et par conséquent le droit, de chercher la vérité en matière religieuse afin de se former prudemment, un jugement de conscience droit et vrai, en employant les moyens appropriés.

Mais la vérité doit être cherchée selon la manière propre à la dignité de la personne humaine et à sa nature sociale, à savoir par une libre recherche, avec l'aide du magistère, c'est-à-dire de l'enseignement, de l'échange et du dialogue par lesquels les uns exposent aux autres la vérité qu'ils ont trouvée ou pensent avoir trouvée, afin de s'aider mutuellement dans la quête de la vérité; la vérité une fois connue, c'est par un assentiment personnel qu'il faut y adhérer fermement.

Mais c'est par la médiation de sa conscience que l'homme perçoit les injonctions de la loi divine; c'est elle qu'il est tenu de suivre fidèlement en toutes ses activités pour parvenir à sa fin qui est Dieu. Il ne doit donc pas être contraint d'agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d'agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse. De par son caractère même, en effet, l'exercice de la religion consiste avant tout en des actes intérieurs volontaires et libres par lesquels l'homme s'ordonne directement à Dieu: de tels actes ne peuvent être ni imposés, ni interdits par aucun pouvoir purement humain (3). Mais la nature sociale de l'homme requiert elle-même qu'il exprime extérieurement ces actes internes de religion, qu'en matière religieuse il ait des échanges avec d'autres, qu'il professe sa religion sous une forme communautaire.

C'est donc faire injure à la personne humaine et à l'ordre même établi par Dieu pour tes êtres humains que de refuser à l'homme le libre exercice de la religion sur le plan de la société dès lors que l'ordre public juste est sauvegardé.

En outre, par nature, les actes religieux par lesquels, en privé ou publiquement, l'homme s'ordonne à Dieu en vertu d'une décision personnelle, transcendent l'ordre terrestre et temporel des choses. Le pouvoir civil, dont la fin propre est de pourvoir au bien commun temporel, doit donc, certes, reconnaître et favoriser la vie religieuse des citoyens, mais il faut dire qu'il dépasse ses limites s'il s'arroge le droit de diriger ou d'empêcher les actes religieux.

* Cf. S. Thomas, Summa theologica, I- III, q. 91, a. 1; q. 93, a. 1-2.

Liberté des groupes religieux

4. La liberté ou immunité de toute contrainte en matière religieuse qui revient aux individus doit aussi leur être reconnue lorsqu'ils agissent ensemble. Des groupes religieux, en effet, sont requis par la nature sociale tant de l'homme que de la religion elle-même. Dès lors, donc, que les justes exigences de l'ordre public ne sont pas violées, ces groupes sont en droit de jouir de cette immunité afin de pouvoir se régir selon leurs propres normes, honorer d'un culte public la Divinité suprême, aider leurs membres dans la pratique de leur vie religieuse et les sustenter par un enseignement, promouvoir enfin les institutions au sein desquelles leurs membres coopèrent à orienter leur vie propre selon leurs principes religieux.

Les groupes religieux ont également le droit de ne pas être empêchés, par les moyens législatifs ou par une action administrative du pouvoir civil, de choisir leurs propres ministres, de les former, de les nommer et de les transférer, de communiquer avec les autorités ou communautés religieuses résidant dans d'autres parties du monde, d'édifier des édifices religieux, ainsi que d'acquérir et de gérer les biens dont ils ont besoin.

Aux groupes religieux appartient, de même, le droit de ne pas être empêchés d'enseigner et de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit. Mais dans la propagation de la foi et l'introduction des pratiques religieuses on doit toujours s'abstenir de toute forme d'agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête, ou simplement peu loyaux, surtout s'il s'agit des gens sans culture ou sans ressources. Une telle manière d'agir doit être regardée comme un abus de son propre droit et une entorse au droit des autres. La liberté religieuse demande, en outre, que les groupes religieux ne soient pas empêchés de manifester librement l'efficacité singulière de leur doctrine pour organiser la société et vivifier toute l'activité humaine. Dans la nature sociale de l'homme, enfin, ainsi que dans le caractère même de la religion se trouve le fondement du droit qu'ont les hommes, mus par leur sentiment religieux, de tenir librement des réunions ou de constituer des associations éducatives, culturelles, caritatives et sociales.

Liberté religieuse de la famille

5. A chaque famille, en tant que société jouissant d'un droit propre et primordial, appartient le droit d'organiser librement la vie religieuse du foyer sous la direction des parents. A ceux-ci revient le droit de décider, dans la ligne de leur propre conviction religieuse, la formation religieuse à donner à leurs enfants. C'est pourquoi le pouvoir civil doit reconnaître aux parents le droit de choisir en toute réelle liberté, les écoles et autres moyens d'éducation, et cette liberté de choix ne doit pas fournir prétexte à leur imposer, directement ou non, d'injustes charges. En outre les droits des parents se trouvent violés lorsque les enfants sont contraints de fréquenter des cours scolaires ne répondant pas à la conviction religieuse des parents ou quand est imposée une forme d'éducation d'où toute formation religieuse est exclue.

De la responsabilité à l'égard de la liberté religieuse

6. Le bien commun de la société -- ensemble des conditions de vie sociale permettant à l'homme de parvenir plus pleinement et plus aisément à sa propre perfection -- consistant au premier chef dans la sauvegarde des droits et des devoirs de la personne humaine (4), le soin de veiller au droit à la liberté religieuse incombe à la fois aux citoyens, aux groupes sociaux, aux pouvoirs civils, à l'Église et aux autres communautés religieuses, à chacun selon sa manière et sa mesure propre, en fonction de ses devoirs envers le bien commun.

Protéger et promouvoir les droits inviolables de l'homme est du devoir essentiel de tout pouvoir civil (5). Celui-ci doit donc, par de justes lois et autres moyens appropriés, assumer efficacement la protection de la liberté religieuse de tous les citoyens et leur fournir les conditions favorables à l'exercice de la religion, en sorte que les citoyens soient à même d'exercer effectivement leurs droits et de remplir leurs devoirs religieux, et que la société elle-même jouisse des biens de la justice et de la paix, découlant de la fidélité des hommes envers Dieu et Sa sainte volonté (6).

Si, en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent des peuples, une reconnaissance civile spéciale est accordée dans l'ordre juridique d'une cité à une communauté religieuse donnée, il est nécessaire qu'en même temps le droit à la liberté en matière religieuse soit reconnu et respecté pour tous les citoyens et toutes les communautés religieuses.

Enfin, le pouvoir civil doit veiller à ce que l'égalité juridique des citoyens, qui relève elle-même du bien commun de la société, ne soit jamais lésée, de manière ouverte ou larvée, pour des motifs religieux et qu'entre eux aucune discrimination ne soit faite.

Il s'ensuit qu'il n'est pas permis au pouvoir public, par force, intimidation ou autres moyens, d'imposer aux citoyens la profession ou le rejet de quelque religion que ce soit, ou d'empêcher quelqu'un d'entrer dans une communauté religieuse ou de la quitter. A fortiori est-ce agir contre la volonté de Dieu et les droits sacrés de la personne et de la famille des peuples que d'employer, sous quelque forme que ce soit, la force pour détruire la religion ou lui faire obstacle, soit dans tout le genre humain, soit en quelque région, soit dans un groupe donné.

Limites de la liberté religieuse

7. C'est dans la société humaine que s'exerce le droit à la liberté en matière religieuse, aussi son usage est-il soumis à certaines règles qui le tempèrent. Dans l'usage de toute liberté doit être observé le principe moral de la responsabilité personnelle et sociale: la loi morale oblige tout homme et groupe social dans l'exercice de leurs droits à tenir compte des droits d'autrui, de ses devoirs envers les autres et du bien commun de tous. A l'égard de tous il faut agir avec justice et humanité.

En outre, comme la société civile a le droit de se protéger contre les abus qui pourraient naître sous prétexte de liberté religieuse, c'est surtout au pouvoir civil qu'il revient d'assurer cette protection; ce qui ne doit pas se faire arbitrairement et à l'injuste faveur d'un parti mais selon des normes juridiques, conformes à l'ordre moral objectif, requises par l'efficace sauvegarde des droits de tous les citoyens et de leur pacifique accord, et par un souci adéquat de cette authentique paix publique qui consiste dans une vie vécue en commun sur la base d'une vraie justice, ainsi que par le maintien, qui se doit, de la moralité publique. Tout cela fait fondamentalement partie du bien commun et entre dans la définition de l'ordre public. Au demeurant, il faut s'en tenir à la coutume de sauvegarder intégralement la liberté dans la société, usage demandant que le maximum de liberté soit reconnu à l'homme, et que celle-ci ne soit restreinte que lorsque c'est nécessaire et dans la mesure qui s'impose.

Formation à l'usage de la liberté

8. De nos jours l'homme est exposé à toutes sortes de pressions et court le danger d'être frustré de son libre jugement personnel. Mais nombreux sont, d'autre part, ceux qui, sous prétexte de liberté, rejettent toute sujétion et font peu de cas de l'obéissance requise.

C'est pourquoi ce Concile du Vatican s'adresse à tous, mais tout particulièrement à ceux qui ont mission d'éduquer les autres, pour les exhorter à s'employer à former des hommes qui, dans la soumission à l'ordre moral, sachent obéir à l'autorité légitime et qui aient à coeur la liberté authentique; des hommes qui, à la lumière de la vérité, portent sur les choses un jugement personnel, agissent avec le sens de leur responsabilité, et aspirent à tout ce qui est vrai et juste, volontiers portés à collaborer avec d'autres.

C'est donc un des fruits et des buts de la liberté religieuse d'aider les hommes à agir avec une plus grande responsabilité dans l'accomplissement de leurs devoirs au coeur de la vie sociale.

II. LA LIBERTÉ RELIGIEUSE À LA LUMIÈRE DE LA RÉVÉLATION
La doctrine de la liberté religieuse a ses racines dans la Révélation

9. Ce que ce Concile du Vatican déclare sur le droit de l'homme à la liberté religieuse est fondé dans la dignité de la personne dont, au cours des temps, l'expérience a manifesté toujours plus pleinement les exigences. Qui plus est, cette doctrine de la liberté a ses racines dans la révélation divine, ce qui, pour les chrétiens, est un titre de plus à lui être saintement fidèles. Bien que, en effet, la révélation n'affirme pas explicitement le droit à l'immunité de toute contrainte extérieure dans le domaine religieux, elle découvre dans toute son ampleur la dignité de la personne humaine, elle montre en quel respect le Christ a tenu la liberté de l'homme dans l'accomplissement de son devoir de croire à la parole de Dieu, et nous enseigne de quel esprit doivent se pénétrer dans leur action les disciples d'un tel Maître. Tout cela met bien en relief les principes généraux sur lesquels se fonde la doctrine de cette Déclaration sur la liberté religieuse. Et tout d'abord, la .liberté religieuse dans la société est en plein accord avec la liberté de l'acte de foi chrétienne.

Liberté de l'acte de loi

10. C'est un des points principaux de la doctrine catholique, contenu dans la parole de Dieu et constamment enseigné par les Pères (7), que la réponse de foi donnée par l'homme à Dieu doit être volontaires ; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré lui (8). Par sa nature même, en effet, l'acte de foi a un caractère volontaire puisque l'homme, racheté par le Christ Sauveur et appelé par Jésus Christ à l'adoption filiale (9), ne peut adhérer au Dieu révélé, que si, attiré par le Père (10), il met raisonnablement et librement sa foi en Dieu. Il est donc pleinement conforme au caractère propre de la foi qu'en matière religieuse soit exclue toute espèce de contrainte de la part des hommes. Partant, un régime de liberté religieuse contribue, de façon notable, à favoriser un état de choses dans lequel l'homme peut être sans entrave invité à la foi chrétienne, peut l'embrasser de son plein gré et la confesser avec ferveur par toute sa vie.

Manière d'agir du Christ et des apôtres

11. Dieu, certes, appelle l'homme à le servir en esprit et en vérité ; si cet appel oblige l'homme en conscience, il ne le contraint donc pas. Dieu, en effet, tient compte de la dignité de la personne humaine qu'il a lui-même créée et qui doit se conduire selon son propre jugement et user de la liberté. Cela est apparu au plus haut point dans le Christ Jésus; en qui Dieu s'est manifesté lui-même pleinement et a fait connaître ses voies. Le Christ, en effet, notre Maître et Seigneur (11) doux et humble de coeur (12) a invité et attiré les disciples avec patience (13). Certes, il a appuyé et confirmé sa prédication par des miracles, mais c'était pour susciter et fortifier la foi de ses auditeurs, non pour exercer sur eux une contrainte (14). Il est vrai encore qu'il a reproché leur incrédulité à ceux qui l'entendaient, mais c'est en réservant à Dieu le châtiment au jour du jugement (15). Lorsqu'il a envoyé ses apôtres dans le monde, il leur a dit: "Celui qui aura cru et aura été baptisé, sera sauvé ; mais celui qui n'aura pas cru sera condamné" (Mc 16,16). Mais, reconnaissant que de l'ivraie avait été semée avec le froment, il ordonna de les laisser croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson, qui aura lieu à la fin des temps (16). Ne se voulant pas Messie politique dominant par la force (17), il préféra se dire Fils de l'Homme, venu "pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude" (Mc 10,45). Il se montra le parfait Serviteur de Dieu (18), qui "ne brise pas le roseau froissé et n'éteint pas la mèche qui fume encore" (Mt 12,20). Il reconnut le pouvoir civil et ses droits, ordonnant de payer le tribut à César, mais en rappelant que les droits supérieurs de Dieu doivent être respectés : "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu" (Mt 22,21). Enfin, en achevant sur la croix l'oeuvre de la rédemption qui devait valoir aux hommes le salut et la vraie liberté, il a parachevé sa révélation. Il a rendu témoignage à la vérité (19), mais il n'a pas voulu l'imposer par la force à ses contradicteurs. Son royaume, en effet, ne se défend pas par l'épée (20), mais il s'établit en écoutant la vérité et en lui rendant témoignage, il s'étend grâce à l'amour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui tous les hommes.

Instruits par la parole et l'exemple du Christ, les apôtres suivirent la même voie. Aux origines de l'Eglise, ce n'est pas par la contrainte ni par des habilités indignes de l'Evangile que les disciples du Christ s'employèrent à mener les hommes à confesser la Christ comme Seigneur, mais avant tout par la puissance de la parole de Dieu (22). Avec courage, ils annonçaient à tous le dessein de Dieu Sauveur "qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (1 Tm 2,4) ; mais en même temps, vis-à-vis des faibles, même vivant dans l'erreur, leur attitude était faite de respect, manifestant ainsi comment "chacun d'entre nous rendra compte à Dieu pour soi-même" (Rm 14,12) (23), et, par conséquent, est tenu d'obéir à sa propre conscience. Comme le Christ, les apôtres s'appliquèrent toujours à rendre témoignage à la vérité de Dieu, pleins d'audace pour "annoncer la parole de Dieu avec assurance" (Ac 4,31) (24) devant le peuple et ses chefs. Une foi inébranlable leur faisait en effet tenir l'Evangile comme étant en toute vérité une force de Dieu pour le salut de tous les croyants (25). Rejetant donc toutes les "armes charnelles" (26), suivant l'exemple de douceur et de modestie donné par le Christ, ils prêchèrent la parole de Dieu avec la pleine assurance qu'elle était une force divine capable de détruire les puissances opposées à Dieu (27) et d'amener les hommes à croire dans le Christ et à le servir (28). Comme leur Maître, les apôtres reconnurent, eux aussi, l'autorité civile légitime : "Que chacun se soumette aux autorités en charge ... Celui qui résiste à l'autorité se rebelle contre l'ordre établi par Dieu" (Rm 13,1-2) (29). Mais, en même temps, ils ne craignent pas de s'opposer au pouvoir public qui s'opposait lui-même à la sainte volonté de Dieu : "Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes" (Ac 5,29) (30). Cette voie, d'innombrables martyrs et fidèles l'ont suivie en tous temps et en tous lieux.

L'Eglise marche sur les pas du Christ et des apôtres

12. L'Eglise, donc, fidèle à la vérité de l'Evangile, suit la voie qu'ont suivie le Christ et les apôtres lorsqu'elle reconnaît le principe de la liberté religieuse comme conforme à la dignité de l'homme et à la révélation divine, et qu'elle encourage une telle liberté. Cette doctrine, reçue du Christ et des apôtres, elle l'a, au cours des temps, gardée et transmise. Bien qu'il y ait eu parfois dans la vie du peuple de Dieu, cheminant à travers les vicissitudes de l'histoire humaine, des manières d'agir moins conformes, bien plus même contraires à l'esprit évangélique, l'Eglise a cependant toujours enseigné que personne ne peut être amené par contrainte à la foi.

Ainsi, le ferment évangélique a-t-il longtemps agi dans l'esprit des hommes et beaucoup contribué à faire reconnaître plus largement, au cours des temps, la dignité de la personne humaine, et à faire mûrir la conviction qu'en matière religieuse cette personne doit, dans la cité, être exempte de toute contrainte humaine.

Liberté de l'Eglise

13. Parmi les choses qui concernent le bien de l'Eglise, voire le bien de la cité terrestre elle-même, et qui, partout et toujours, doivent être sauvegardées et défendues contre toute atteinte, la plus importante est certainement que l'Eglise jouisse de toute la liberté d'action dont elle a besoin pour veiller au salut des hommes (31). Elle est sacrée, en effet, cette liberté dont le Fils unique de Dieu a doté l'Eglise qu'il a acquise de son sang. Elle est si propre à l'Eglise que ceux qui la combattent agissent contre la volonté de Dieu. La liberté de l'Eglise est un principe fondamental dans les relations de l'Eglise avec les pouvoirs publics et tout l'ordre civil.

Dans la société humaine et devant tout pour voir public, l'Eglise revendique la liberté en tant qu'autorité spirituelle, instituée par le Christ Seigneur et chargée par mandat divin d'aller par le monde entier prêcher l'Evangile à toute créature (32). L'Eglise revendique également la liberté en tant qu'elle est aussi une association d'hommes ayant le droit de vivre dans la société civile selon les préceptes de la foi chrétienne (33).

Dès lors, là où existe un régime de liberté religieuse, non seulement proclamée en paroles ou seulement sanctionnée par des lois, mais mise effectivement et sincèrement en pratique, là se trouvent enfin fermement assurées à l'Eglise les conditions, de droit et de fait, de l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de sa divine mission, indépendance que les autorités ecclésiastiques ont revendiquées dans la société avec de plus en plus d'insistance (34). En même temps, les fidèles du Christ, comme les autres hommes, jouissent, sur le plan civil, du droit de ne pas être empêchés de mener leur vie selon leur conscience. Il y a donc bon accord entre la liberté de l'Eglise et cette liberté religieuse qui, pour tous les hommes et toutes les communautés, doit être reconnue comme un droit et sanctionnée juridiquement.

Fonction de l'Eglise

14. Pour obéir au précepte divin: "Enseignez toutes les nations" (Mt 28,19) , l'Eglise catholique doit s'employer, sans mesurer sa peine, à ce "que la parole de Dieu accomplisse sa course et soit glorifiée" (2 Th 3,1).

L'Eglise demande donc expressément à ses fils "qu'avant tout se fassent des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes ... Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu, notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (2 Tm 2,1-4).

Mais les fidèles du Christ, pour se former la conscience, doivent prendre en sérieuse considération la doctrine sainte et certaine de l'Eglise (35). De par la volonté du Christ, en effet, l'Eglise catholique est maîtresse de vérité ; sa fonction est d'exprimer et d'enseigner authentiquement la vérité qui est le Christ, en même temps que de déclarer et de confirmer, en vertu de son autorité, les principes de l'ordre moral découlant de la nature même de l'homme. En outre, les chrétiens doivent aller avec sagesse au- devant de ceux qui sont au-dehors, et s'efforcer "dans l'Esprit-Saint, avec une charité sans feinte, dans la parole de vérité" (2 Co 6,6-7) de répandre la lumière de vie en toute assurance (26) et courage apostolique, jusqu'à l'effusion de leur sang.

Car le disciple a envers le Christ son maître le grave devoir de connaître toujours plus pleinement la vérité qu'il a reçue de lui, de l'annoncer fidèlement et de la défendre énergiquement, en s'interdisant tout moyen contraire à l'esprit de l'Evangile. Mais la charité du Christ le presse aussi d'agir avec amour, prudence, patience, envers ceux qui se trouvent dans l'erreur ou dans l'ignorance de la foi (37). Il faut donc prendre en considération tant les devoirs envers le Christ, Verbe vivifiant, qui doit être annoncé, que les droits de la personne humaine et la mesure de grâce que Dieu, par le Christ, a départie à l'homme, invité à accueillir et à professer la foi de son plein gré.

CONCLUSION
15. Il est manifeste qu'aujourd'hui l'homme souhaite pouvoir librement professer la religion, en privé et en public ; bien plus, que la liberté religieuse est maintenant proclamée dans la plupart des Constitutions comme un droit civil et qu'elle est solennellement reconnue par des documents internationaux (38).

Mais il est des régimes, où, bien que la liberté de culte religieux soit reconnue dans la Constitution, les pouvoirs publics eux-mêmes s'efforcent de détourner les citoyens de professer la religion et de rendre la vie des communautés religieuses difficile et précaire.

Saluant avec joie les signes favorables qu'offre notre temps, mais dénonçant avec tristesse ces faits déplorables, le saint Concile demande aux catholiques, mais prie aussi instamment tous les hommes d'examiner avec le plus grand soin à quel point la liberté religieuse est nécessaire, surtout dans la condition présente de la famille humaine.

Il est, en effet, manifeste que les peuples sont aujourd'hui portés à s'unir toujours davantage ; que des relations plus étroites s'établissent entre populations de culture et de religion différentes ; que s'accroît la conscience prise par chacun de sa responsabilité personnelle. Pour que des relations pacifiques et la concorde s'instaurent et s'affermissent dans l'humanité, il est donc nécessaire qu'en tous lieux, la liberté religieuse soit sanctionnée par une garantie juridique efficace et que soient respectés les devoirs et les droits suprêmes qu'ont les hommes de mener librement leur vie religieuse dans la société.

Fasse Dieu, Père de tous les hommes, que la famille humaine, à la faveur d'un régime assuré de liberté religieuse dans la société, par la grâce du Christ et la puissance de l'Esprit-Saint, parvienne à la sublime et éternelle "liberté de la gloire des fils de Dieu" (Rm 8,21).

Tout l'ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans cette déclaration ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.


Rome,à Saint-Pierre, le 7 décembre 1965.
Moi, PAUL, évêque de l'Eglise catholique.
(suivent les signatures des Pères)

______________________________________________________________________
(1) cf. Jean XXIII, encyc. Pacem in terris, 11/4/63 : AAS 55 (1963), p.279 ; ibid. p.265. Pie XII, nuntius radiophonicus, 24/12/44: AAS 37 (1945), p.14.
(2) cf. Jean XXIII, Pacem in terris, pp.260-261. Pie XII, nuntius radioph. p.19. Pie XI, encyc. Mit brennender Sorge, 14/5/37: AAS 29 (1937), p.160. Léon XIII, encyc. Libertas praestantissimum, 20/6/1888: Act Léon XIII 8,1888, pp. 237- 238.
(3) cf. Jean XXIII, encyc. Pacem in terris, p. 270.Paul VI, nuntius radioph. 22/12/64, pp. 181-182.
(4) cf. Jean XXIII, encyc. Mater et Magistra, p. 417. encycl. Pacem in terris, AAS 55 (1963)19/04/63, p. 273.
(5) cf. Jean XXIII, encycl. Pacem in terris, pp. 273-274. Pie XII, nuntius radioph. AAS 33 (1941), p. 200.
(6) cf. Léon XIII, encycl. Immortale Dei, 1/11/1885 : ASS 18(1885), p. 161.
(7) cf. Lactantius, Divin. Instit. V, 19: CSEL 19, pp. 463-464 ; PL6, 614-616.St Ambroise, Epist. 21 ad Valentinianum imp.: PL 16, 1005. St Augustin, Contra litteras Petiliani, II, 83. CSEL 52, p. 112 ; PL 43, 315; cf. C, 23, q.5, c.33 : Friedberg, col. 939. idem, Epistola ad Virgilium et Theodorum Episcopos Massialiae Gallariarum Registrum Epoistil. I, 45: MGH Ep.1 p.72 ; PL 77, 510-511 (lib.1,ep.47). idem, Epistola ad Ioannem Episcopum Constantinol.,Registrum Epistol. III, 52 ; MGH Ep.i, p.210 ; PL 77, 649 (lib.III, ep. 53) ; cf.D, 45, c.i: Friedberg, col. 160; Conc. Tolet, IV, c.57 ; Mansi 10, 633 ; cf. D. 45, c.5. Friedberg, col. 161-162. Clément III: X, V 6,9: Friedberg, col. 774. Innocent III, Epistola ad Arelatensem Archiepiscopum, X, III, 42, 3: Friedberg, col. 646.
(8) cf. CIC, c. 1351. Pie XII, alloc. ad Praelatos auditores caeterosque officiales et administras Tribun. S. Romanare Rotae 6/10/1946: AAS 38 (1946), p. 394.Idem encycl. Mystici Corporis 29/06/1943: AAS 35 (1943), p.243.
(9) cf. Ep 1,5 .
(10) cf. Jn 6,44 .
(11) cf. Jn 13,13 .
(12) cf. Mt 11,29 .
(13) cf. Mt 11,28-30 Jn 6,67-68 .
(14) cf. Mt 9,28-29 Mc 9,23-24 Mc 6,5-6 . Paul VI, encyc. Ecclesiam suam, 6/08/1964: AAS 56 (1964), pp. 642-643.
(15) cf. Mt 11,20-24 Rm 12,19-20 2Th 1,8 .
(16) cf. Mt 13,30 Mt 13,40-42 .
(17) cf. Mt 4,8-10 Jn 6,15 .
(18) cf. Is 42,1-4 .
(19) cf. Jn 18,37 .
(20) cf. Mt 26,51-53 Jn 18,36 .
(21) cf. Jn 12,32 .
(22) cf. 1Co 2,3-5 1Th 2,3-5 .
(23) cf. Rm 14,1-23 1Co 8,9-13 1Co 10,23-33 .
(24) cf. Ep 6,19-20 .
(25) cf. Rm 1,16 .
(26) cf. 2Co 10,4 1Th 5,8-9 .
(27) cf. Ep 6,11-17 .
(28) cf. 2Co 10,3-5 .
(29) cf. 1P 2,13-17 .
(30) cf. Ac 4,19-20 .
(31) cf. Léon XIII, litterae Officio sanctissimo, 22/12/1887: AAS 2O (1887), p. 269. Idem, litterae Ex litteris, 7/04/1887 : AAS 19 (1886), p. 465.
(32) cf. Mc 16,15 Mt 28,18-20 . Pie XII, encycl. Summi Pontific. 20/10/39 : AAS 31(1939), pp. 445-446.
(33) cf. Pie XI, litterae Firemissimam constantiam, 28/03/1937 : AAS 29 (1937), p. 196.
(34) cf. Pie XII, allocutio Ci riesce, 6/12/1953 : AAS 45 (1953), p. 802.
(35) cf. Pie XII, nuntius radioph. 23/03/1952 ; AAS (1952), pp. 270-278.
(36) cf. Ac 4,29 .
(37) cf. Jean XXIII, encyc. Pacem in terris, 11/04/63 : AAS 55 (1963) pp.299- 300.
(38) Cf. IOANNES XXIII, encyl. Pacem in terris, 11/04/63 : AAS 55 (1963), pp. 295-296.

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Christophe
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Synthèse de Dignitatis humanae

Message non lu par Christophe » dim. 24 avr. 2005, 23:53

La déclaration ci-dessus reproduite constitue l'un des coeurs du différend théologique entre l'Eglise catholique et le mouvement de Mgr Marcel Lefebvre. Pour une bonne compréhension du débat, je me permets de faire une petite "synthèse" de la doctrine exprimée dans cette déclaration conciliaire.
SYNTHESE
Dieu ayant crée l'homme pour qu'il réponde librement à Son amour, il est pleinement conforme à la nature de l'homme de ne pas être contraint par la société ni les pouvoirs civils à suivre l'unique vraie religion. Cette unique vraie religion, que Dieu Lui-même a fait connaître au genre humain, subsiste dans l'Eglise catholique et apostolique.

Le Concile proclame le droit de toute personne humaine à la liberté religieuse. La liberté religieuse est proprement le droit social et civil à ne pas être contraint d'agir contre sa conscience ( ou empêché d'agir selon sa conscience ) en matière religieuse. De par son caractère même, en effet, l'exercice de la religion consiste avant tout en des actes intérieurs volontaires et libres par lesquels l'homme s'ordonne directement à Dieu : de tels actes ne peuvent être ni imposés, ni interdits par aucun pouvoir purement humain [*].

Chacun a le devoir moral - et par conséquent le droit - de rechercher la vérité en matière religieuse et d'y adhérer lorsqu'il la connaît [**]. Néanmoins, le droit à la liberté religieuse - fondé sur la nature humaine - persiste en ceux-là même qui ne satisfont pas à l'obligation morale de chercher la vérité et d'y adhérer.

Il appartient aux pouvoirs civils et à tous les corps sociaux intermédiaires de veiller au respect de ce droit civil et social à la liberté en matière religieuse, liberté qui n'est limitée que par l'exigence du maintien de l'ordre public juste.

[*] Cf. S. Thomas, Summa theologica, I- III, q. 91, a. 1; q. 93, a. 1-2.
[**][NdR] C'est la revendication d'une liberté morale en matière religieuse, qui dispenserait de l'obligation de recherche de la vérité ou de l'adhésion à celle-ci une fois connue, qui fait l'objet d'une condamnation par le Magistère.[/size]

Christian
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Message non lu par Christian » lun. 28 nov. 2005, 16:08

Bonjour Popeye,

Votre anthologie de citations sur la guerre juste et le traitement réservé par l’Eglise aux pécheurs est éclairante. Merci de la partager ici. Je ne crois pas cependant qu’on puisse en tirer la conclusion que vous lui apportez par la plume de Dom Sarda.

Analyse :
l’ineptie est de confondre la charité avec la gentillesse
Pleinement d’accord. La vérité est à clamer haut et fort, même si elle fait mal, surtout si elle dérange.
l’usage des moyens doit être réglé d’après les exigences mêmes de la fin poursuivie
Ce devrait être évident. Gardons cette règle à l’esprit pendant notre discussion.
« Dieu aime les pécheurs en tant qu'ils sont une certaine nature : en effet, de cette façon, ils ont l'être et l'ont par Lui. Mais en tant qu'ils sont pécheurs ils ne sont pas, ils défaillent par rapport à l'être : et cela ne leur vient pas de Dieu. Donc sous ce point de vue, Dieu les hait. »
Magistrale analyse, à la fois du péché comme défaillance par rapport à l’être, et de la bonté de Dieu, qui ne s’arrête jamais au péché pour ne considérer que Sa créature. Et nous sommes appelés à agir de même ; plus nous aimons autrui, plus grande est notre souffrance de le voir mal agir, et nous haïssons, non pas son être, mais son manque d’être, son manque d’amour, de volonté ou de jugement.
Il y a […] deux sortes de correction fraternelle. La première remédie au péché en tant qu'il est un mal pour le pécheur, et c'est précisément la correction fraternelle, qui a pour but d'améliorer le fautif. Or, enlever un mal à quelqu'un est un acte de même valeur que lui procurer un bien. Et cela est un acte de la CHARITÉ, qui nous pousse à vouloir et à faire du bien à notre ami. (...) La seconde espèce de correction remédie au péché en tant qu'il porte préjudice aux autres, et surtout au bien commun. Une telle correction est un acte de JUSTICE, qui a pour objet de règler équitablement les rapports entre les hommes. »
Il nous appartient effectivement de protéger les victimes. Ce devoir est indépendant de la foi, que ce soit celle des victimes ou celle des agresseurs. Un chrétien n’absout pas un agresseur chrétien ni n’abandonne une victime non chrétienne. Ce devoir de protéger les victimes d’agression est la seule légitimité qu’un gouvernement peut espérer de populations diverses qui composent une société moderne. 60 millions de Français ne sont pas d’accord sur la politique économique, l’aménagement du territoire, l’Education nationale, etc., mais tous sont d’accord pour n’être pas agressés dans la rue, cambriolés, violés ou tués. Chaque fois qu’un gouvernement s’écarte de cette fonction de protection contre les agressions physiques, il perd de sa légitimité.
« Les prédicateurs de la vérité ont une double tache : exhorter dans la doctrine sacrée et vaincre celui qui la contredit. Et cette victoire sur les adversaires de la doctrine sacrée se fait de deux manières : on vainc les hérétiques par la dispute, et ceux qui nous persécutent par la patience. »
Superbe ! tout est dit.

:arrow: Et voici d’un seul coup que le discours se retourne et devient incohérent par rapport à ses prémisses.
« En ce qui concerne les hérétiques, il y a deux choses à considérer, une de leur côté et une autre du côté de l'Église. De leur côté il y a péché. Celui par lequel ils ont mérité non seulement d'être séparés de l'Église par l'excommunication, mais aussi d'être retranchés du monde par la mort. En effet il est beaucoup plus grave de corrompre la foi qui assure la vie de l'âme que de falsifier la monnaie qui sert à la vie temporelle. Par conséquent, si les faux monnayeurs ou autres malfaiteurs sont immédiatement mis à mort en bonne justice par les princes séculiers, bien d'avantage les hérétiques, aussitôt qu'ils sont convaincus d'hérésie, peuvent-ils être non seulement excommuniés mais très justement mis à mort. Du côté de l'Église, au contraire, il y a une miséricorde en vue de la conversion des égarés. C'est pourquoi elle ne condamne pas tout de suite, mais après un premier et un second avertissement', comme l'enseigne l'Apôtre. Après cela en revanche, s'il se trouve que l'hérétique s'obstine encore, l'Église n'espérant plus qu'il se convertisse pourvoit au salut des autres en le séparant d'elle par une sentence d'excommunication ; et ultérieurement elle l'abandonne au jugement séculier pour qu'il soit retranché du monde par la mort. S.Jérôme dit en effet ceci, qu'on trouve dans les Décrétales : "Il faut couper les chairs pourries et chasser la brebis galeuse, de peur que tout le troupeau ne souffre, ne se corrompe, ne pourisse et périsse. Arius dans Alexandrie fut une étincelle ; mais parce qu'il n'a pas été aussitôt étouffé, son incendie a tout ravagé." »
L’argumentation ici n’est pas seulement fille de son temps. Elle est incohérente. Le ‘Docteur angélique’ contredit ce qu’il affirmait plus haut.

Car que veut dire « corrompre la foi » ?

Soit il s’agit d’une hérésie, la foi étant ici confondue avec son contenu ; elle devient synonyme de dogme. Auquel cas, la disputation seule est nécessaire, car « l’usage des moyens doit être réglé d’après les exigences mêmes de la fin poursuivie », or « on vainc les hérétiques par la dispute ».

Soit « corrompre la foi » se rapporte à l’expérience de la foi, la foi vécue par les chrétiens, mais aussi par les fidèles d’autres religions, la corruption étant ce qui les détourne de la pratique, indépendamment du contenu de celle-ci. Par exemple, le choix des jouissances immédiates et grossières, condamnées par toutes les religions.

Il semblerait alors que le pouvoir politique soit en droit d’interdire universellement l’offre et la pratique de ces jouissances, citons le jeu d’argent, la pornographie, la prostitution, l’homosexualité, les liaisons sexuelles extraconjugales, la consommation de proc, de vin ou de drogues, la poursuite effrénée de la réussite sociale, le luxe ostentatoire, etc.

Deux problèmes se posent. L’un est conjoncturel. Il se trouve que dans nos stés européennes contemporaines, une majorité de gens ne se disent pas adeptes d’une religion quelconque. La minorité qui pratique peut-elle donc légitimement imposer aux indifférents religieux des privations générales qui ne servent qu’à rendre plus confortable la pratique de certains ? Cela semble sortir des attributs légitimes d’un gouvernement tels que nous les avons définis (d’autant qu’entre les pratiquants, il n’existe pas d’unanimité sur ce qui constitue une jouissance prohibée : faut-il interdire la vente de charcuterie et d’alcool pour faciliter l’abstinence des musulmans ?).

L’autre question est bcp plus pertinente. Elle se rattache à la critique évidente adressée au pari de Pascal. Dans la mesure, explique le philosophe aux incroyants, où la pratique religieuse n’est guère onéreuse et l’absence de pratique vous expose au feu éternel, vous n’encourez en pratiquant que l’inconvénient d’une petite prime pour vous éviter le risque incommensurable de la damnation. Mais le Dieu des chrétiens tope-t-il à un tel pari ? Suffit-il de faire les gestes quand on n’a pas l’amour ? Tout le discours évangélique réfute précisément un tel pharisaïsme. Et donc il n’y a aucune vertu pédagogique à menacer de mort les hérétiques et à préserver le troupeau de la corruption par le spectacle de leur exécution. Quant à la vertu prophylactique, elle est douteuse. Il paraît bien abusif d’exécuter des innocents du seul chef qu’ils n’ont pas été touchés par la grâce et c’est une foi chrétienne bien faible que l’on défend si l’on juge que seule la mort de ses critiques peut la sauvegarder. Enfin persécuter ainsi l’hérétique, c’est l’inviter à traiter de même les chrétiens. Si l’Aryanisme fut un incendie dans Alexandrie pour n’avoir pas été étouffé dans l’œuf, ne souhaite-t-on pas que le Christianisme soit un incendie lui aussi et donc ne soit pas étouffé ? Ou bien pense-t-on (imprudemment à mon avis) que la force brute sera toujours du côté des chrétiens ?

J’écris ces lignes dans l’austère cité de Calvin où je me trouve pour quelques jours. Hier les Genevois ont voté par référendum l’autorisation d’ouvrir les magasins le dimanche dans les gares et dans l’aéroport – prélude, je l’espère, à l’autorisation d’ouverture dominicale et vespérale partout dans la ville. Ceux qui ont connu les soirs lugubres et les dimanches funèbres de cette ville me comprendront. Une telle décision n’aurait jamais due être politique. Elle appartient aux employés et leurs employeurs. Les chrétiens qui ne souhaitent pas travailler le jour du Seigneur le font savoir, s’en abstiennent, exactement comme certains juifs respectent quoi qu’il en coûte le sabbat, n’envoient pas leurs enfants au lycée ces jours-là et réclament partout des menus spéciaux. C’est tout à leur honneur. Ce qui n’est pas honorable est de réclamer à la collectivité de nous décharger des inconvénients et conséquences de nos engagements personnels.

Le libéralisme n’est pas un péché, quoi qu’en dise Dom Sarda. Aucune de vos citations, mon cher Popeye, n’aboutit à sa conclusion. Le libéralisme est la condition politique de toute conversion (que vaut la conversion obtenue par peur de la mort ?). Il est la condition politique de la prédication efficace et du travail de l’Esprit Saint (n’est-il pas plus efficace de prêcher sur les ondes que souterrainement ? – pensons au rayonnement médiatique de Jean-Paul II). Il n’est certes pas un relativisme (avec lequel le confond peut-être Dom Sarda), il ne vise pas à la gentillesse tout en encourageant la charité. Le libéralisme est le régime de Celui qui a refusé (j’ai aussi quelques citations) la tentation de faire advenir Son Royaume par l’exercice du pouvoir politique.

Cordialement
Christian

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DH n'est pas libéral

Message non lu par bajulans » ven. 09 déc. 2005, 8:53

Cher Christian,

DH n'est pas libérale, elle reconnaît un droit à la liberté religieuse, mais pas le droit à l'erreur et confirme le devoir moral de l'homme de chercher la vérité.
C'est pourquoi, tout d'abord, le Concile déclare que Dieu a Lui-même fait connaître au genre humain la voie par laquelle, en Le servant, les hommes peuvent obtenir le salut dans le Christ et parvenir à la béatitude. Cette unique vraie religion, nous croyons qu'elle subsiste dans l'Église catholique et apostolique à qui le Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes, lorsqu'il dit aux apôtres: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit" (Mt. 28, 19-20). Tous les hommes, d'autre part, sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église; et, quand ils l'ont connue, de l'embrasser et de lui être fidèles.

Elle confirme d'autre part les droits de l'Etat fondé sur une norme morale objective.
En outre, comme la société civile a le droit de se protéger contre les abus qui pourraient naître sous prétexte de liberté religieuse, c'est surtout au pouvoir civil qu'il revient d'assurer cette protection; ce qui ne doit pas se faire arbitrairement et à l'injuste faveur d'un parti mais selon des normes juridiques, conformes à l'ordre moral objectif, requises par l'efficace sauvegarde des droits de tous les citoyens et de leur pacifique accord, et par un souci adéquat de cette authentique paix publique qui consiste dans une vie vécue en commun sur la base d'une vraie justice, ainsi que par le maintien, qui se doit, de la moralité publique.
Et Gaudium et Spes confirme :
Aide que l'Eglise veut offrir à tout homme

41. 1. (...) L'Eglise, pour sa part, qui a reçu la mission de manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui est la fin ultime de l'homme, révèle en même temps à l'homme le sens de sa propre existence, c'est-à-dire sa vérité essentielle. L'Eglise sait parfaitement que Dieu seul, dont elle est la servante, répond aux plus profonds désirs du coeur humain que jamais ne rassasient pleinement les nourritures terrestres. (...)
C'est pourquoi je ne pense pas que St Thomas se soit contredit, mais il était en présence de deux principes l'un qui est celui du bien commun de la société des croyant et l'autre de la liberté religieuse, il faut les concilier dans les événements et en fonction des modes de pensée de son temps.

Quant à la fermeture du dimanche, il n'est pas illogique que dans un pays chrétien des lois s'appliquent à choisir un jour de repos obligatoire et cela en vertu de l'enseignement de l'Eglise (mais si !) et en vertu de la loi morale qui veut que l'homme ne soit pas surchargé de travail et afin d'assurer le bon odre.
Loué soit Jésus-Christ

MB
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Message non lu par MB » ven. 09 déc. 2005, 19:11

Bonjour Popeye !
Je vous cite :
popeye a écrit : Si les fauteurs savent qu’à parler contre Dieu ils s’exposent à la mort, assurément ils parleront bas, s’ils osent encore parler. Partant, ce qui imprègnera la société dans ses fibres et jusqu’en ses archétypes, pour la Gloire de Dieu et le salut des hommes, ce sera l’esprit de foi, non l’esprit du monde, odieuse prostitution contaminant l’Occident apostat tout entier. Vous doutez publiquement de la valeur de l’exemple. Tout au contraire, j’y crois. Et j’ajoute que ce serait là tant charité pour le prochain (le salut par la foi) qu’amour pour Dieu (charité et justice). Il ne s’agit donc pas de contraindre qui n’a pas la foi à affecter les mœurs, ce qui serait, je vous l’accorde, pharisaïque. Il s’agit de rendre Gloire à Dieu, et sauver les âmes, autant que ce faire se peut, en écartant impitoyablement les désordres publics.
Plus loin, vous dites :
popeye a écrit : Quel mal est-il plus grand que la perte d’une âme ?
Certes ; maintenant, faudrait savoir : j'aimerais bien avoir votre avis sur une question. Prenons un "fauteur de troubles", un hérétique, mettons, relaps, qui prêche par tout le pays. Autrefois, cette situation eût pu conduire au bûcher. Il est vrai que dans les pays où elle agissait, l'Inquisition ne tuait pas tout le monde, loin de là ; même, pendant la procédure, les enquêteurs de cette institution cherchaient à sauver le plus possible de monde.
Néanmoins, supposons qu'un homme soit amené à la mort, comme c'est arrivé de temps en temps : l'inquisiteur, au terme de procédures dûment établies, estime qu'il est incurable, que sa situation hors de l'Eglise est définitive. L'inquisiteur (aujourd'hui, on l'appellerait le juge d'instruction) est donc conscient que, si tout se passe comme il le pense, l'homme condamné va être envoyé non seulement à la mort, mais surtout à la damnation. Je trouve cette situation scandaleuse : qui est-il pour juger qu'un homme est irrémédiablement privé de la Grâce ? Si l'on avait donné 20 ans de plus à celui-ci, peut-être se serait-il converti, qui sait ? Il faut le tuer pour impressionner les autres et les amener à croire ? le damner, lui, au profit de tout le peuple ?
La vertu de l'exemplarité dont vous parlez est donc la retranscription, en termes cosidetti chrétiens, de ce que disait le grand-prêtre sur Jésus. C'est facheux. Dans toute personne persécutée pour ses opinions, même si celles-ci sont mauvaises, je vois quelque chose du Christ - après tout, il a été condamné pour ce que nous appellerions un délit d'opinion...

La seule mention que vous faites de l'Iran et de l'Arabie saoudite, quant à elle, me fait frissonner ; à plus forte raison si vous les placez sur le même plan que l'Inquisition espagnole. Il semble que vous ayez plus d'estime pour ces pays-là, dans lesquels la conversion au christianisme est passible de mort, que pour les nôtres, dont vous assimilez la tolérance à du n'importe quoi...
Je suis sincèrement désolé de ce que vous dites. Il me faut une grande résistance pour ne pas me révolter quand je vous lis ; imaginez ce que c'est pour des gens qui ne sont pas fermes dans leur foi... Il y a bien des gens, dans ce pays, qui haïssent l'Eglise en se justifiant sur une image fantasmée des persécutions religieuses : ils ne veulent pas d'une religion qui, disent-ils, a été persécutrice. Si votre message est assimilé à celui de l'Eglise (ce qui, Dieu merci, n'est pas le cas), ils seront confirmés dans leur erreur, vous serez cause de beaucoup de scandales.

Bien à vous
MB

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Message non lu par Christian » dim. 11 déc. 2005, 17:14

Bonne soirée, Popeye.

Je viens de lire la réponse de MB au message que vous m’adressez. Il est évident que je suis plus proche des opinions de MB que des vôtres (salut MB !). Mais laissez-moi vous dire que j’apprécie grandement vos interventions. Les seules idées intéressantes sont les idées extrémistes. A quoi bon réchauffer ici la pensée veule des gazettes, laïussée dans les bistrots ? Autant se taire si c’est pour ressasser ce que tout le monde ressasse. On doit vous accuser de radicalisme. J’y ai droit aussi. En d’autres termes, on qualifie nos idées de cohérentes.

Le radical est celui qui va jusqu’au bout de sa réflexion. Le pragmatisme, tant recommandé aux cadres de la nation aujourd’hui, est tout simplement un refus de penser. Le pragmatique "navigue à vue’", "assume ses contradictions", affirme un principe, lui apporte dix exceptions, et n’a même pas conscience qu’il a discrédité dans son discours la thèse qu’il prétendait soutenir. Il défend la liberté d’expression — sauf évidemment (suite une longue liste d’expressions interdites). Il défend la propriété — sauf évidemment (suit une longue liste de confiscations nécessaires). Il est pour un marché ‘régulé’, une immigration ‘contrôlée’, bref, pour tout ce qu’on veut et son contraire aussi. On barbote dans l’arbitraire et le subjectivisme, et ces chefs sans principe n’ont rien à opposer aux plus braillards, aux plus nombreux et aux plus puissants.

Vous pensez, et vous êtes donc un extrémiste.

Partant de prémices différentes, nous nous retrouvons vous et moi, logiquement, à deux extrêmes.

Dans le message que vous m’adressez, vous traitez du péché, d’une part, et des conditions sociales du salut, d’autre part.

Je dirai peu de choses sur le péché. Hélène Bourgeois a critiqué votre analyse de la damnation sur un autre fil. Sa réfutation rejoint la mienne. Sauf sur un point. Vous écrivez que je vous concède « Dieu hait le péché », propos que je n’ai assurément pas tenu. Il n’y a pas de haine en Dieu. Je disais plutôt que la bonté de Dieu ignore le péché (en fait, Il ne le voit pas), l’Amour ne considère que Son objet. Le pécheur n’est pas damné. Il se damne lui-même. Pour prendre une image triviale, mais qui m’a aidé adolescent à comprendre l’Enfer, je citerai ce vers terrible de Prévert : « J’ai reconnu mon bonheur au bruit qu’il a fait en sortant. » L’Enfer est cette découverte que l’Amour était là, offert, suppliant même, que nous l’avons ignoré, et que nous sommes passés pour l’éternité à côté du Bonheur.

Si le Bonheur éternel est l’enjeu, l’affaire est forcément d’importance. L’Eglise, certes, mais nous tous, avons charge d’âme. Nous sommes comptables du salut d’autrui. Vous prônez comme condition du salut un ordre politique fort, imprégnant la société de l’esprit de foi « dans ses fibres et dans ses archétypes ».

Mais si l’esprit de foi naissait de cet ordre politique, le message christique n’eût-il pas été : « Allez, conspirez, formez des légions, prenez le pouvoir par tous les moyens et frappez de terreur les impies » ? Et lorsque l’Eglise alliée aux trônes a fait ce que je viens d’écrire et connu le peu de succès que l’on sait, n’est-ce pas justement que le message christique n’était pas celui-là ?

Vous m’accusez de « douter publiquement de la valeur de l’exemple » et vous ajoutez : « Tout au contraire, j’y crois ». Vous m’avez fort mal lu. Je dis, moi, qu’il n’existe que trois moyens sûrs d’attirer les âmes : l’exemple, l’exemple et l’exemple. Serions-nous d’accord alors ? Peut-être pas. Car vos modèles sont celui des sociétés saoudienne et iranienne et celui de l’Inquisition espagnole. « Si les fauteurs savent qu’à parler contre Dieu, ils s’exposent à la mort, assurément ils parleront bas, s’ils osent encore parler. » Il s’agit pour vous de faire des exemples, pour moi de le donner. Je veux qu’on montre la voie du bien, vous voulez dissuader de suivre celle du mal. Je vais démontrer que votre pédagogie est vicieuse.

Les saints sont un exemple de sainteté. Les inquisiteurs sont un exemple d’inquisition. Terroriser les blasphémateurs n’est pas montrer l’exemple du respect pour le sacré, mais l’exemple de la terreur.

Or vous dites que le péché est un habitus. Faire souffrir autrui est assurément un péché. Sauf, selon vous, s’il s’agit de la cure nécessaire pour assurer le salut d’autrui. Mais comment distinguer l’intention louable qui légitimerait l’acte autrement peccamineux de contraindre ? La question se posait aux confesseurs d’antan lorsque la sexualité n’était justifiée qu’aux fins de procréer. Ce but reproducteur n’était-il pas vite oublié dans le plaisir ? Or le pouvoir sur autrui, y compris celui de faire souffrir, n’est-il pas pour nombre d’individus — justement ceux qui choisissent les carrières administrative et politique — un plaisir aussi violent que le sexe ? L’énergie surhumaine qu’ils déploient toute une vie pour y accéder et pour s’y maintenir manifeste assez leur dépendance de cette drogue fatale.

Ainsi ceux investis du pouvoir de terroriser ne tarderaient pas à exercer ce pouvoir pour la jouissance qu’il procure plutôt que pour le salut de leurs frères. L’occasion est trop belle, la tentation trop forte. Il faut être un Messie pour refuser l’offre des royaumes du monde (et si le Christ a choisi de ceindre une toute autre couronne, n’est-ce pas que la voie du seul vrai Royaume ne passe justement pas par la politique ?).

Opération perdante sur tous les tableaux : les tenants du pouvoir se damnent en ne l’exerçant plus que pour lui-même, leurs victimes souffrent sans être converties. Le spectacle d’une clique gouvernementale abusive et hypocrite sert même de repoussoir aux valeurs chrétiennes.

Et comme enfin, cher Popeye, vous avez voulu assurer ce pouvoir « contre toute remise en cause intérieure ou extérieure », l’horrible situation de péché et de souffrances terrestres ne peut que se perpétuer.

De grandes énergies galvanisent les sociétés contemporaines : le sexe, l’argent, le pouvoir. Difficilement résistibles, elles brûlent ceux qui les manient. De ces énergies, le pouvoir politique est la seule haïssable, car le sexe et l’argent ne s’obtiennent légitimement qu’avec le consentement d’autrui, alors que le pouvoir politique se passe par nature du consentement.

C’est pourquoi parmi les innombrables saints de la chrétienté, il en est si peu qui doivent leur sainteté à l’exercice du pouvoir politique, et tant qui la doivent au martyre infligé par ce même pouvoir. Voilà une leçon à méditer.

Gloire à Celui qui a refusé les royaumes !
:clap:

Christian

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Message non lu par Christian » lun. 12 déc. 2005, 18:05

Bonjour MB,

Nous sommes sur la même longueur d’onde concernant cette question soulevée par Popeye.

Si l’ordre social a pour but d’éviter aux créatures l’occasion de pécher, il faut restreindre, voire abolir, toute forme de pouvoir politique. Car ceux qui se présentent pour exercer ce pouvoir et qui donc l’exercent, de l’employé aux écritures jusqu’aux ministres, sont ceux qui éprouvent par nature une jouissance dans l’exercice de l’autorité. Ils succombent allégrement à la tentation du pouvoir pour lui-même. Et donc dans l’ordre popeyen, ce pouvoir, d’une part, sera l’occasion pour les 2-3 millions d’hommes de l’Etat de commettre les péchés d’orgueil, d’hypocrisie et de mensonge (en prétendant agir pour la gloire de Dieu alors qu’ils n’agissent que pour leur satisfaction personnelle) ; d’autre part, leur autorité dévoyée sera une cause de souffrance pour leurs administrés plutôt qu’une occasion de salut.

Proposer cette solution quand l'échec est si évidemment prévisible est déjà en soi une occasion de péché.

Dans une entreprise soumise à la concurrence du marché, les petits et grands chefs subissent trois contraintes :

- Ils n’ont pas de mission divine qui fait taire la critique. Ils sont là modestement pour produire et vendre.
- Leur légitimité repose sur la compétence. Cette compétence doit se traduire immédiatement par des résultats mesurables en termes de production et de profits.
- S’ils ne peuvent démontrer cette compétence, ils sont mutés, virés, ou les victimes de leur arbitraire leur échappent et se font embaucher ailleurs.

En revanche, les hommes de l’Etat ne connaissent pas ces limites à leur arbitraire :

- Plus ils sont persuadés d’agir pour le Bien, plus difficile il devient de les critiquer. En fait, leur pouvoir devient illimité, car où s'arrêter lorsqu'on croit agir pour le Bien?
- Leur légitimité ne peut pas être mesurée par des résultats (nombres d’âmes sauvées ?).
- Enfin, contrairement à un employé, le citoyen ou sujet ne peut démissionner pour échapper à l'arbitraire. Il ne peut qu'émigrer lorsque c’est permis, un coût humain immense.

:arrow: Sauver les âmes passe par l’apostolat, jamais par la politique.

Tibi

Christian

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Message non lu par Gaudeamus » jeu. 15 déc. 2005, 11:57

Bonjour camarades !

Je vous avoue que j'ai la "vague" impression que l'Eglise ne défend la liberté religieuse que quand ça l'arrange, ce qui me gêne beaucoup en tant que catholique. Je m'explique.

L'Eglise a parfaitement raison de s'insurger contre ceci :
Mais il est des régimes, où, bien que la liberté de culte religieux soit reconnue dans la Constitution, les pouvoirs publics eux-mêmes s'efforcent de détourner les citoyens de professer la religion et de rendre la vie des communautés religieuses difficile et précaire.
Mais prenons le cas de l'Espagne. L'Eglise s'oppose à une modification de la législation qui vise à supprimer le caractère obligatoire de la cathéchèse dans l'enseignement public, laquelle fait l'objet d'une évaluation notée comptant pour l'admission dans l'enseignement supérieur. L'Eglise agit donc au rebours des principes dont elle se réclame :
A chaque famille, en tant que société jouissant d'un droit propre et primordial, appartient le droit d'organiser librement la vie religieuse du foyer sous la direction des parents. A ceux-ci revient le droit de décider, dans la ligne de leur propre conviction religieuse, la formation religieuse à donner à leurs enfants. C'est pourquoi le pouvoir civil doit reconnaître aux parents le droit de choisir en toute réelle liberté, les écoles et autres moyens d'éducation, et cette liberté de choix ne doit pas fournir prétexte à leur imposer, directement ou non, d'injustes charges. En outre les droits des parents se trouvent violés lorsque les enfants sont contraints de fréquenter des cours scolaires ne répondant pas à la conviction religieuse des parents ou quand est imposée une forme d'éducation d'où toute formation religieuse est exclue.
Il est donc clair que l'Etat n'a pas de légitimité à interdire un enseignement religieux, si celui-ci est désiré par les familles, mais il n'a pas non plus le droit d'obliger un athée ou un musulman à suivre un enseignement catholique, par exemple.

Nous avons donc une Eglise qui se prévaut d'un droit qu'elle reconnaît aux autres d'un point de vue doctrinal mais pas dans les faits (cf. encore une fois le cas espagnol). Et bien moi ça me gêne. Parce qu'il est immoral d'invoquer une règle quand on est en situation de faiblesse, et de violer cette règle quand on se sent fort.

Cordialement,

Olivier

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Message non lu par VexillumRegis » dim. 18 déc. 2005, 18:05

Bonsoir popeye,
popeye a écrit :(...) de toute éternité, Dieu prévoit un plan en sachant (omniscience) qu'il génèrerait un nombre impressionnant de damnés.
Je n'ai pas le temps de répondre maintenant à votre message. Je n'en ai peut-être pas les capacités non plus.

Je me permets cependant de vous citer rapidement (en copier/coller, c'est rapide et bien pratique lorsque l'on est pressé...) ces passages des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. On les trouve à la fin de son ouvrage, parmi un ensemble de Règles à suivre pour ne nous écarter jamais des véritables sentiments que nous devons avoir dans l'Eglise militante :

Quatorzième règle. Quoiqu'il soit très vrai que personne ne puisse se sauver sans être prédestiné et sans avoir la foi et la grâce, il faut s'observer beaucoup dans la manière de parler et de discourir sur ce sujet.

Quinzième règle. Nous ne devons parler ni beaucoup ni souvent de la prédestination ; mais si on en dit parfois quelque chose, que l'on évite de donner au peuple l'occasion de tomber dans quelque erreur et de lui faire dire ce que l'on entend quelquefois : Si je dois être damné ou sauvé, c'est une affaire déjà décidée ; mes actions bonnes ou mauvaises ne feront pas qu'il en arrive autrement. Et, sur ce raisonnement, on tombe dans l'indolence, et on néglige les oeuvres utiles au proÞt de l'âme et nécessaires au salut.

(...)

Dix-septième règle. Ne nous arrêtons pas et n'insistons pas tellement sur l'efficacité de la grâce, que nous fassions naître dans les coeurs le poison de l'erreur qui nie la liberté. Il est permis sans doute de parler de la foi et de la grâce, autant qu'il est possible avec le secours divin, pour la plus grande louange de la divine Majesté ; mais non de telle manière, surtout en des temps si difÞciles, que les ¦uvres et le libre arbitre en reçoivent quelque préjudice, ou soient regardés, celui-ci comme un vain mot, et celles-là comme inutiles.


Saint Ignace savait ce qu'il disait : la question de la grâce et de la prédestination a empoisonné l'Eglise pendant des siècles.

Je ne crois pas qu'il soit judicieux d'aborder ce problème dans le cadre de ce forum. Nous ne sommes pas théologiens et ces questions nous dépassent. Restons humbles. Suivons le bon exemple que nous donnes saint Ignace...

In Christo,

- VR -
Dernière modification par VexillumRegis le lun. 19 déc. 2005, 8:52, modifié 1 fois.

Charles
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Message non lu par Charles » dim. 18 déc. 2005, 18:31

Cher VR,

il n'y a aucune raison de ne pas aborder ce sujet. La question se résoud par la compréhension de l'initiative. C'est toujours Dieu qui nous sauve, qui nous a aimés le premier. Ses appels sont plus ou moins pressants, ou du moins nous semblent plus ou moins explicites et personnels, mais ils nous sont à tous adressés. Que notre vocation soit religieuse ou conjugale, que notre témoignage soit universel ou parfaitement caché, cela ne change rien pour ce qui est de notre salut : il s'agit toujours de Son appel et de notre réponse. Et Dieu est peut-être encore plus créateur et fécond dans la rencontre que nous avons avec lui que dans son acte créateur d'engendrer le monde. Il est plus grand de viser et d'engendrer la sainteté à partir de la haine, que le monde à partir du néant...

Christian
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Message non lu par Christian » dim. 18 déc. 2005, 23:25

Bonsoir Popeye,
Je vous répondrais donc avec tout le sérieux dont je suis capable, et bientôt. Sachez encore que je votre éloge de l'intellectuel m'a réjoui le coeur.
J’attends avec confiance l’exécution de cette promesse. Mais comprenons-nous bien : le respect dont j’entoure votre discours est celui que l’on porte à un adversaire valeureux, mais irréconciliable. Partant de prémisses fausses, la rigueur de votre raisonnement vous amène à des conclusions rigoureusement fausses elles aussi.
1- Qui répondra aussi à Christian : Qui y a t'il de pire que la perte d'une âme ? Celle des milliers et de millions d'âmes. Cette comptabilité est macabre, certes, mais il faut la faire : le bien commun prime l'intérêt individuel.
Sans présumer de votre prochaine intervention, je conteste déjà cette conclusion. L’autoritarisme politique que vous préconisez et qui ne saurait sauver une seule âme ne peut pas non plus en sauver des millions pour la même raison que 1 X 0 et 1.000.000 X 0 = 0 toujours.

Cordialement

Christian

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Message non lu par Gaudeamus » mar. 20 déc. 2005, 12:26

Bonjour popeye,
popeye a écrit :1- Qui répondra aussi à Christian : Qui y a t'il de pire que la perte d'une âme ? Celle des milliers et de millions d'âmes. Cette comptabilité est macabre, certes, mais il faut la faire : le bien commun prime l'intérêt individuel.
Mais c'est faux ! (cf la parabole de la brebis égarée)

Bien à vous,

Olivier

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Message non lu par MB » mar. 20 déc. 2005, 22:12

Bonsoir Popeye

Je vois un problème de fond dans votre manière d'analyser les choses. Ce message-ci résume un peu tout et renvoie aussi à ce qui s'est dit dans le salon sur "Benoit XVI, un antipape ?"

Votre souci majeur semble être celui de la gloire de Dieu à faire respecter partout dans le monde, par tous les moyens. On aurait tort de vous le reprocher, ce serait gonflé. Mais vous ne l'entendez pas de la bonne manière. Cette gloire est-elle donc si dépendante de l'action des hommes ? Est-ce qu'un blasphème, si ignoble soit-il, est-ce qu'un péché, si minable soit-il, peuvent l'atténuer ? Soyons sérieux.

Il faut donc penser que vous avez de cette gloire une définition temporelle. Ou plus exactement : la traduction de cette gloire doit se faire en termes temporels. Il n'y a pourtant aucun rapport, et comme l'a rappelé Christian (que je salue au passage :cheers:), le Christ a expressément refusé le pouvoir temporel.

J'ai l'impression que votre manière de voir la relation de l'homme à Dieu passe par le seul lien de soumission. On pourrait dire que vous êtes un musulman, au sens étymologique de ce terme (soumis) ; et ce n'est pas pour rien, semble-t-il, que vous avez renvoyé à deux "modèles", la répugnante Arabie Saoudite et le dangereux Iran. Peut-être ne le pensez-vous pas ; du moins, le sujet des messages que vous avez postés jusqu'à présent montre que vous concentrez vos réflexions sur ce point.

J'attends patiemment votre réponse.

Fraternellement
MB

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addendum

Message non lu par MB » mer. 21 déc. 2005, 0:57

Cher Popeye, encore autre chose, en passant. Ce n'est pas le coeur de l'argumentation, et je souhaiterais que vous répondiez en priorité à mon message précédent. Mais comme je suis impatient, je dois reprendre un petit détail.

Je vous cite :

C'est Dieu Lui même qui a ordonné aux juifs la mise à mort des blasphémateurs. Si donc Jésus a blasphémé en se disant Dieu et Fils de Dieu, il fallait le tuer. L'Ecriture dit que si Jésus n'avit produit ses signes si miraculeux qui attestaient de sa Mission, ses persécuteurs seraient sans péché. Le mal n'est pas dans la mise à mort du coupable (justice vindicative) mais dans celle de l'innocent. J'ajoute qu'avec ce genre de discours, vous brouillez toute la théologie des fins dernières : Dieu est Juge, et Il damne par les peines éternelles de damn et de sens, d'une intensité telle qu'en comparaison les camps d'exterminations communistes ou nazis furent de joyeux camps de vacances. Non que je veuille le moins du monde manquer de respect ou de compassion pour les victimes de ces totalitarismes athés, mais pour vous rappeler le totalitarisme divin : de toute éternité, Dieu prévoit un plan en sachant (omniscience) qu'il génèrerait un nombre impressionnant de damnés.

Je passe sur la question de la "culpabilité" de Jésus, qui risque d'entraîner vers des acrobaties morales sans limite. La question ici est celle du "totalitarisme divin", comme vous le dites. Nous avons la chance de vivre dans des pays civilisés, d'où la guerre, espérons-nous, est absente, des pays dans lesquels nous menons une petite vie tranquille, petite-bourgeoise, faite d'échanges, de conversations, d'entraides mutuelles, et de respect plus ou moins général, et aussi de nos péchés et nos bassesses. En cas de désaccords, nous recherchons les solutions les plus pacifiques possibles ; nous rejetons l'horreur, le sang, la violence. Et cela fonctionne même lorsque nous péchons, c'est même une manière de canaliser les péchés que nous pouvons commettre, de les rendre moins pénibles aux autres à défaut de les supprimer. Autrement dit, nous sommes civilisés - du moins jusqu'à nouvel ordre.
Je me pose la question : si Dieu a prévu pour nous des supplices pires que ceux des camps hitlériens, on ne peut s'empêcher de penser que nous sommes plus civilisés que lui... Nous, nous restons polis, calmes, patients, c'est du moins l'idéal que nous nous sommes fixés. Et Dieu, lui, serait violent, vindicatif, voire haineux ? Je crois qu'il y a maldonne, ou méprise. Il n'y a pas de "totalitarisme divin", sauf à trouver un mot plus précisément adéquat ; Dieu n'est pas Pinochet ; il n'est pas non plus un islamiste obtus. Comme l'ont dit Hélène et Christian, c'est nous-mêmes qui nous perdons en péchant, en refusant l'Amour qui s'offre à nous, tout petit et tout fragile.

Bien à vous
MB

Charles
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Message non lu par Charles » mer. 21 déc. 2005, 1:50

Gaudeamus a écrit :Bonjour popeye,
popeye a écrit :1- Qui répondra aussi à Christian : Qui y a t'il de pire que la perte d'une âme ? Celle des milliers et de millions d'âmes. Cette comptabilité est macabre, certes, mais il faut la faire : le bien commun prime l'intérêt individuel.
Mais c'est faux ! (cf la parabole de la brebis égarée)
Bonjour Gaudeamus,

Si je me souviens bien, la parabole de la brebis égarée ne dit pas que la perdition d'une brebis est équivalente à celle du troupeau entier. Mais que le retour d'une seule cause plus de joie à Dieu que la persévérance du troupeau entier.

La parabole suppose que la tristesse du berger serait immense si le troupeau entier se perdait, vu l'émotion qu'il montre à la perte et au retour d'une seule des brebis.

Cela dit les paroles du Christ concernant ceux qui entrainent les autres au péché sont assez terribles.

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