Que reproche l'Église au communisme ?

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par Christian » mar. 23 sept. 2008, 6:20

Bon matin à tous,

Levé de bonne heure, en attendant que le café chauffe et le pain soit grillé, je m’immisce dans le débat entre Anarchiste chrétien, lagaillette et Souricette
Toutes nos actions et nos pensées s'insèrent dans deux plans distincts:
-la dimension collective, extérieure
-la dimension individuelle, intérieure.

La dimension "collective" correspond à ce que vous appelez "histoire humaine". Bref, la Cité terrestre.
L'autre, c'est la dimension individuelle, intérieure, spirituelle.

Mais pour moi l'un ne va pas sans l'autre.
L’un ne va pas sans l’autre pour nous tous. Si “je change”, ce changement a forcément un impact sur le monde.

La question devient : “qui a la responsabilité de provoquer ce changement ?”

Les chrétiens répondent qu’il est nécessairement le résultat de notre liberté. Et les chrétiens vont loin dans l’affirmation de cette liberté, puisqu’elle opposable à Dieu Lui-même.

Les socialistes de tous poils, au contraire, pensent que notre conscience est déformée par l’idéologie dominante, les gens sont aliénés, et une bonne dose de coercition peut devenir nécessaire pour les amener à penser comme il faut et changer dans le bon sens.

Voilà où nos chemins se séparent, au carrefour de la liberté.
De plus, en tant que chrétien, je pense justement que le message du Christ ne conduit pas à la résignation. Je pense au contraire que mon devoir de chrétien est d'entrer dans une révolte apaisée, qui se traduit politiquement par un travail de bâtisseur d'une société terreste plus juste et plus humaine. Ensuite, mes lectures politiques et mon analyses de la réalité me font croire que cette "société plus juste et plus humaine" trouve sa meilleure formulation dans l'anarchisme.
« Révolte apaisée », « bâtisseur d’une société plus juste et plus humaine », tout cela est bel et bon. Mais c’est un peu de « la langue de bois », vous ne trouvez pas ?

Tout « bâtisseur de société » doit répondre à la question fondamentale « qui décide de ce qui est permis et interdit ? »

Certains anarchistes apportent une réponse claire, objective, qu’on ne peut réfuter sans contradiction. Les autres anarchistes sombrent dans le pur arbitraire (« C’est le comité qui décide »). Donc ces anarchistes se retrouvent dans les relations de pouvoir qu’ils prétendaient justement abolir.
Révolte « apaisée » ou luttes plus ou moins violentes ; c’est vrai que la violence entraine une violence en retour ; mais les luttes violentes sont un fait, comme les guerres, et il est pratiquement impossible de rester neutres dans un conflit.
Les maladies aussi sont un fait. Notre action vise à les éradiquer, pas à baisser les bras, encore moins à inventer d’autres maladies. Face à la violence, il ne s’agit pas de rester neutre, mais de la refuser, ce qui n’est nullement une position de neutralité.
Tout pouvoir est contre révolutionnaire ; le dilemme est toujours là : dans quelle mesure entrer dans les institutions de pouvoir sans s’y laisser engluer au point de perdre l’élan révolutionnaire ?
Votre question implique la bonne réponse. On n’entre pas dans les institutions de pouvoir. C’est tout. On les ignore. On ne vote pas, on ne les finance pas par l’impôt, on refuse la politique. On enseigne autour de soi qu’on n’a pas besoin de ces gouvernements et de cette clique de politiciens. La vraie vie ne consiste pas à chercher le pouvoir sur les autres.
La doctrine sociale de l'église catholique romaine est « réformiste ».
Elle est aussi réformable. L’Eglise fait partie de l’Histoire humaine. Si ses principes sont immuables, elle ne peut pas les traduire de la même façon pour la société agricole du 14ème siècle et pour la nôtre postindustrielle.

Voilà. Quelques notes à la volée. Le café est bouillant.

Bonne journée
Christian
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Christophe
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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par Christophe » mar. 23 sept. 2008, 7:49

Bonjour et bienvenue à vous, lagaillette. :)
lagaillette a écrit :
la doctrine sociale de l'Eglise n'est pas capitaliste.
La doctrine sociale de l'église catholique romaine est « réformiste ».
Ce qui signifie ? :incertain:
Selon Émile Poulat, la pensée sociale chrétienne est "anti-moderne, anti-bourgeoise, anti-libérale et anti-socialiste"... Je partage cet avis.

Que vous soyez "communiste-chrétien", admettons. Mais ayez la cohérence de ne pas vous revendiquer de la doctrine sociale de l'Église. ;)


PaX
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Dernière modification par Christophe le mar. 23 sept. 2008, 12:38, modifié 1 fois.
Raison : Coquille corrigée : il s'agit bien sûr d'Emile Poulat...
« N'ayez pas peur ! » (365 occurrences dans les Écritures)

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par lagaillette » mar. 23 sept. 2008, 12:04

Je ne me revendique évidemment pas de la doctrine sociale de l'église catholique romaine, puisqu'elle est réformiste, et que j'adhère à une "doctrine sociale" "révolutionnaire".

Ma position est, bien sûr, un peu ambigüe, puisque je reste catholique romain, tout en n'adhérant pas à la doctrine sociale de cette église catholique romaine.

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par Raistlin » mar. 23 sept. 2008, 12:09

lagaillette a écrit :Ma position est, bien sûr, un peu ambigüe, puisque je reste catholique romain, tout en n'adhérant pas à la doctrine sociale de cette église catholique romaine.
Mais pour être catholique romain, ne faut-il pas être en communion avec l'Eglise, et reconnaître son autorité en matière de foi, de morale et de moeurs ? Or le communisme n'est-il pas condamné moralement par l'Eglise ? :incertain:

Au passage, qu'entendez-vous par "cette église catholique romaine" ?
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par lagaillette » mar. 23 sept. 2008, 12:17

pour être catholique romain, ne faut-il pas être en communion avec l'Eglise, et reconnaître son autorité en matière de foi, de morale et de moeurs ? Or le communisme n'est-il pas condamné moralement par l'Eglise ? :incertain:
Je ne sais pas quoi répondre à cette question.
Au passage, qu'entendez-vous par "cette église catholique romaine" ?
Tout simplement une des églises chrétiennes, parmi lesquelles on compte les églises orientales "orthodoxes", et les églises "protestantes", qui sont toutes, elles aussi, des "églises chrétiennes".

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par lagaillette » mar. 23 sept. 2008, 13:33

nous parlons du Royaume de Dieu, et non d'un royaume sans Dieu, ou contre Dieu, comme le préconaisait Marx, qui croyait en Dieu mais s'opposait à Lui.
Ce n'est pas aussi simple.

L'athéisme de Marx, à la suite de Feuerbach, dénonçait un dieu qui, dans l'Histoire, et sous l'emprise des églises institutionnalisées, était un dieu oppresseur, aliénant, et non pas "libérateur", comme était celui de la Bonne Nouvelle apportée de Jésus.

Par ailleurs, dans la mesure où le marxisme voulait se positionner sur un plan "scientifique", il n'avait pas à faire intervenir le concept "Dieu" qui est un concept théologique et non pas scientifique.

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par lagaillette » mar. 23 sept. 2008, 13:38

Citer:
Tout pouvoir est contre révolutionnaire ; le dilemme est toujours là : dans quelle mesure entrer dans les institutions de pouvoir sans s’y laisser engluer au point de perdre l’élan révolutionnaire ?

Votre question implique la bonne réponse. On n’entre pas dans les institutions de pouvoir. C’est tout. On les ignore. On ne vote pas, on ne les finance pas par l’impôt, on refuse la politique. On enseigne autour de soi qu’on n’a pas besoin de ces gouvernements et de cette clique de politiciens. La vraie vie ne consiste pas à chercher le pouvoir sur les autres.
Cette position de refus de participer au pouvoir est celle des trotskystes. J'adhère plutôt à celle du PCF, qui n'est pas simple à tenir car elle accepter la participation au pouvoir tout en s'efforçant de ne pas s'y laisser engluer.

Il y a aussi la question du niveau où peut se situer cette participation au pouvoir. L'expérience de "l'union de la gauche", puis de "la gauche plurielle", a montré qu'il était illusoire de participer au pouvoir central, l'Etat, tout en gardant la perspective révolutionnaire ; ce qui n'est pas le cas en Amérique latine ; voir l'exemple du Venezuela et de la Bolivie entre autres.

Par contrer, la participation au pouvoir au niveaux locaux : municipal, régional, ne pose pas les mêmes problèmes.

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par Raistlin » mar. 23 sept. 2008, 14:09

lagaillette a écrit :
Raistlin a écrit :pour être catholique romain, ne faut-il pas être en communion avec l'Eglise, et reconnaître son autorité en matière de foi, de morale et de moeurs ? Or le communisme n'est-il pas condamné moralement par l'Eglise ?
Je ne sais pas quoi répondre à cette question.
C'est quand même gênant pour un "catholique romain" (c'est vous qui le dites) de ne pas savoir s'il est en communion avec l'Eglise de Rome, et ce qu'implique une telle communion. :/

C'est un peu comme si je vous disais que je suis communiste sans savoir si j'adhère ou non aux théories marxistes et au concept de lutte des classes...

lagaillette a écrit :
Raistlin a écrit :Au passage, qu'entendez-vous par "cette église catholique romaine" ?
Tout simplement une des églises chrétiennes, parmi lesquelles on compte les églises orientales "orthodoxes", et les églises "protestantes", qui sont toutes, elles aussi, des "églises chrétiennes".
Donc, si je résume votre pensée, les communautés protestantes et les églises orthodoxes ont la même légitimité que l'Eglise catholique. C'est bien ça ?

lagaillette a écrit :L'athéisme de Marx, à la suite de Feuerbach, dénonçait un dieu qui, dans l'Histoire, et sous l'emprise des églises institutionnalisées, était un dieu oppresseur, aliénant, et non pas "libérateur", comme était celui de la Bonne Nouvelle apportée de Jésus.
Oui, comme si avant le "prophète" Marx, la religion catholique - depuis 2000 ans - ne vivait que dans l'obscurantisme et asservissait les foules pour asseoir son propre pouvoir, quitte à brandir l'épouvantail d'un Dieu vengeur. :/

En tant que votre frère dans le Christ, voici mon conseil : laissez tomber Marx. Il est à l'évidence à l'opposé de l'Eglise du Christ. A vous de choisir où va votre allégeance. N'oubliez quand même pas la parole du Christ : "Nul ne peut servir deux maîtres".

Cordialement,
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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par Christian » mar. 23 sept. 2008, 15:31

Rebonjour à tous,
Raistlin :
laissez tomber Marx. Il est à l'évidence à l'opposé de l'Eglise du Christ
A l’instar des « théologiens de la libération », je crois qu’on peut dissocier l’analyse historique de Marx de son athéisme. Marx a raison quand il dit que toute l’Histoire est l’histoire de la lutte des classes, et il n’est nul besoin d’être athée pour l’affirmer. L’erreur tragique de Marx, cependant, porte sur l’identification des protagonistes de cette lute des classes. J’ai écrit un papier là-dessus, qui ne devrait pas déplaire à un anarchiste chrétien. ;)
lagailette :
L'expérience de "l'union de la gauche", puis de "la gauche plurielle", a montré qu'il était illusoire de participer au pouvoir central, l'Etat, tout en gardant la perspective révolutionnaire ; ce qui n'est pas le cas en Amérique latine ; voir l'exemple du Venezuela et de la Bolivie entre autres.
Pas besoin d’être grand clerc pour constater les souffrances causées par le pouvoir central « révolutionnaire » à Cuba, et je ne vois pas ce qu’avaient de positif la plus brève expérience du MNR - Movimiento Nacionalista Revolucionario – en Bolivie.

Plus contemporains, Chavez et Morales, comme Poutine, Qaddafi et autres ineptes gouvernants, ont la chance d’avoir des matières premières à vendre, qu’ils seraient bien en peine de valoriser eux-mêmes, et qui leur permet d’acheter la docilité de leur population. Ils sont comme ces aristocrates pas très malins, mais que l’Histoire a pourvu de terres et de grands biens. Tant que ça dure…
Par contrer, la participation au pouvoir au niveaux locaux : municipal, régional, ne pose pas les mêmes problèmes.
Si, le problème fondamental est le même : infliger à des innocents une politique dont ils ne veulent pas, par la force des armes s’il le faut.

Mais vous avez raison à la marge : il existe deux différences :

d’abord le pouvoir central limite l’action du pouvoir local, et donc sa capacité de nuire (en d’autres termes, le pouvoir central se sert d’abord et ne laisse que des miettes aux autorités locales).

ensuite, il est moins couteux de se délocaliser dans la commune ou la région voisine que d’émigrer à l’étranger, et la perspective de voir leurs victimes échapper si facilement restreint l'agressivité dea autorités locales.

Christian


Les défenseurs de l'État, y compris les philosophes aristotéliciens et thomistes classiques,
sont tombés dans cet énorme non sequitur
qui consiste à sauter de la nécessité de la société à la nécessité de l'État.

Murray Rothbard, Ethique de la liberté

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par Raistlin » mar. 23 sept. 2008, 15:43

Christian a écrit :A l’instar des « théologiens de la libération », je crois qu’on peut dissocier l’analyse historique de Marx de son athéisme.
La théologie de la libération a été condamnée plutôt fermement par l'Eglise (du moins par Jean-Paul II et Benoît XVI), ce qui nous éclaire sur la comptabilité entre la doctrine marxiste - même privée de son athéisme - et la doctrine catholique.

Bref, je ne suis pas sûr qu'il faille chercher dans cette direction...

Cordialement,
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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par Souricette » mar. 23 sept. 2008, 20:42

lagaillette a écrit :
nous parlons du Royaume de Dieu, et non d'un royaume sans Dieu, ou contre Dieu, comme le préconaisait Marx, qui croyait en Dieu mais s'opposait à Lui.
Ce n'est pas aussi simple.

L'athéisme de Marx, à la suite de Feuerbach, dénonçait un dieu qui, dans l'Histoire, et sous l'emprise des églises institutionnalisées, était un dieu oppresseur, aliénant, et non pas "libérateur", comme était celui de la Bonne Nouvelle apportée de Jésus.

Par ailleurs, dans la mesure où le marxisme voulait se positionner sur un plan "scientifique", il n'avait pas à faire intervenir le concept "Dieu" qui est un concept théologique et non pas scientifique.
Voici quelques propos de Marx sur la religion :

Marx et la religion (citations)

L'athéisme, dernier stade du théisme, reconnaisance négative de Dieu.

L'athéisme est une négation de Dieu, et par cette négation, il pose l'existence de l'homme.

Eclairez les gens sur leur misère matérielle et ses causes, et la fange religieuse disparaîtra d'elle-même.

De la même façon que le « bon sens » politique s'explique ici à lui-même la genèse et la persistance de la monarchie comme l'œuvre de la déraison, le « bon sens » religieux explique l'hérésie et l'incroyance comme des œuvres du diable. De la même manière le « bon sens » irréligieux explique la religion comme l'œuvre de ces diables, les prêtres.

En général, le reflet religieux du monde réel ne pourra disparaître que lorsque les conditions du travail et de la vie pratique présenteront à l'homme des rapports transparents et rationnels avec ses semblables et avec la nature. La vie sociale, dont la production matérielle et les rapports qu'elle impliquent forment la base, ne sera dégagée du nuage mystique qui en voile l'aspect que le jour où s'y manifestera l'oeuvre d'hommes librement associés, agissant consciemment et maîtres de leur propre mouvement social. Mais cela exige dans la société un ensemble de conditions d'existence matérielle qui ne peuvent être elles-mêmes le produit que d'un long et douloureux développement.

La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple. Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé a une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole.

Les principes sociaux du christianisme ont eu maintenant dix-huit siècles pour se développer […] Les principes sociaux du christianisme ont justifié l’esclavage antique, magnifié le servage médiéval, et ils s’entendent également, en cas de besoin, à plaider l’oppression du prolétariat, fût-ce en ayant l’air quelque peu contrit. Les principes sociaux du christianisme prêchent la nécessité d’une classe dominante et d’une classe opprimée, et ils n’ont pour celle-ci que le vœu pieux que la première veuille bien se montrer charitable.

Les principes sociaux du christianisme prêchent la lâcheté, le mépris de soi, l’abaissement, la servilité, l’humilité, bref toutes les qualités de la canaille, et le prolétariat, qui refuse de se laisser traiter en canaille, a besoin de son courage, du sentiment de sa dignité, de sa fierté et de son esprit d’indépendance beaucoup plus encore que de son pain. Les principes sociaux du christianisme sont fourbes, et le prolétariat est révolutionnaire.

http://www.communisme-bolchevisme.net/p ... athees.htm

Et quelques poèmes révélateurs de Marx en sa jeunesse :

Poèmes de Marx
Ainsi un dieu m'a arraché mon tout. Dans les malédictions et dans les coups de sort, tous les mondes se sont évanouis sans espoir de retour, et il ne me reste plus désormais que la vengeance.
Je veux me bâtir un trône dans les hauteurs, son sommet sera glacial et gigantesque, il aura pour rempart la terreur de la superstition, pour maréchal la plus sombre douleur.
Quiconque portera vers ce trône un regard sain le détournera, pâle et muet comme la mort, tombé entre les griffes d'une mortalité aveugle et frissonnante.
Puisse son bonheur creuser sa tombe.

Karl Marx, "Invocations d'un désespéré"
( Morceaux choisis, Vol. I, New York, International Publishers, 1974)

Regarde cette épée : le Prince des Ténèbres me l'a vendue.
(Karl Marx, "Le Ménestrel")

Tandis que pour nous deux l'abîme s'ouvre béant dans les ténèbres. Vous allez y sombrer jusqu'au fond, je vous suivrai en riant, vous susurrant à l'oreille : Descendez, venez avec moi, mon ami ! (...)
Perdu. Perdu. Mon heure est venue (...) Bientôt, j'embrasserai sur mon sein l'éternité, bientôt je proférerai sur l'humanité d'horribles malédictions. (...)
Ah ! L'éternité, notre tourment éternel, une mort indicible et incommensurable. (...)
S'il y a quelque chose capable de détruire, je m'y jetterai à corps perdu, quitte à mener le monde à la ruine.
Oui, ce monde qui fait écran entre moi et l'abîme, je le fracasserai en mille morceaux à force de malédictions.
(Karl Marx, "Oulanem)

Ainsi, j'ai perdu le Ciel, je le sais très bien. Mon âme naguère fidèle à Dieu a été marquée pour l'enfer.
(Karl Marx, "La Vierge pâle")
En croyant à des fleurs, parfois on les fait naître.
(Edmond Rostand)

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par lagaillette » mer. 24 sept. 2008, 11:31

C'est quand même gênant pour un "catholique romain" (c'est vous qui le dites) de ne pas savoir s'il est en communion avec l'Eglise de Rome, et ce qu'implique une telle communion. :/

C'est un peu comme si je vous disais que je suis communiste sans savoir si j'adhère ou non aux théories marxistes et au concept de lutte des classes...
Je me situe dans le Parti Communiste Français exactement comme dans l'église catholique romaine, c'est-à-dire que j'adhère à l'essentiel des principes qui animent l'une et l'autre de ces deux institutions; mais vis à vis de l'une comme dans l'autre, je ne perds pas mon jugement critique et je me permets de réinterpréter, avec d'autres, qui, comme moi, sont en recherche, les "dogmes" de ces deux organisations, qui ne sont pas, pour moi, des prisons intellectuelles qui ôteraient à leurs membres toute liberté de jugement.

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par lagaillette » mer. 24 sept. 2008, 11:38

Donc, si je résume votre pensée, les communautés protestantes et les églises orthodoxes ont la même légitimité que l'Eglise catholique. C'est bien ça ?
Tout à fait. De même que l’Islam, le bouddhisme, et toutes les écoles de pensée qui rassemblent des hommes et des femmes chercheurs de vérité.
Oui, comme si avant le "prophète" Marx, la religion catholique - depuis 2000 ans - ne vivait que dans l'obscurantisme et asservissait les foules pour asseoir son propre pouvoir, quitte à brandir l'épouvantail d'un Dieu vengeur.
Ce n’est pas du tout l’image que j’ai de la religion catholique, qui a eu, et qui a toujours, dans son histoire, sa face obscure et sa face lumineuse. Si je reste adepte de la religion catholique, c’est bien pour ce qu’elle a apporté et apporte encore de bon à l’humanité.
En tant que votre frère dans le Christ, voici mon conseil : laissez tomber Marx. Il est à l'évidence à l'opposé de l'Eglise du Christ. A vous de choisir où va votre allégeance. N'oubliez quand même pas la parole du Christ : "Nul ne peut servir deux maîtres".
Si je me souviens bien, cette parole était à propos du choix entre « Dieu » et « Mammon ».

Et oui, je me refuserai toujours à servir « Mammon ».

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par lagaillette » mer. 24 sept. 2008, 11:50

Les poèmes de Marx que tu cites, Souricette, révèlent un homme à l’esprit tourmenté, qui a été profondément marqué par l’éducation religieuse oppressante qu’il a reçue dans sa jeunesse et contre laquelle il s’est violemment révolté. Au-delà des excès de langage qu’on peut trouver chez lui, ce que j’apprécie c’est l’analyse lucide qu’il a faite de l’aliénation religieuse, résumée dans ce fameux texte que tu cites :
La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple. Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé a une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole.
Le dieu que répudie Marx n’est pas Jésus, le libérateur, qu’il n’a sans pas eu la chance de rencontrer, comme nous en avons eu, nous, la grâce non méritée.

Jésus était venu bousculer l’institution religieuse de son époque ; ses disciples ont reconstruit une autre institution religieuse. Je crois qu’on ne peut pas se passer d’institutions, religieuses comme politiques, quelles que soient leurs imperfections.

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Re: Que reproche l'Église au communisme ?

Message non lu par Raistlin » mer. 24 sept. 2008, 12:18

Bonjour lagaillette,
lagaillette a écrit :Je me situe dans le Parti Communiste Français exactement comme dans l'église catholique romaine, c'est-à-dire que j'adhère à l'essentiel des principes qui animent l'une et l'autre de ces deux institutions; mais vis à vis de l'une comme dans l'autre, je ne perds pas mon jugement critique et je me permets de réinterpréter, avec d'autres, qui, comme moi, sont en recherche, les "dogmes" de ces deux organisations, qui ne sont pas, pour moi, des prisons intellectuelles qui ôteraient à leurs membres toute liberté de jugement
Vous réinterprétez les dogmes de l'Eglise ? :sonne:
C'est-à-dire ?

Le fait est que la foi ne doit pas être une prison pour la raison. Bien au contraire, elle l'éclaire et lui montre la voie.
Cependant, certaines chose sont "dogmatiques" car de foi ! Par exemple, le Christ est ressuscité, c'est un dogme. Comment allez-vous réinterpréter cela ? Soit vous y croyez, soit vous n'y croyez pas, mais comment pouvez-vous "réinterpréter" ce dogme sans dénaturer la foi qui l'accompagne ? N'y a-t-il pas là le danger d'un certain orgueil ?

Je pense qu'il faut faire attention à la raison qui devient imbue d'elle-même.

lagaillette a écrit :
Raistlin a écrit :Donc, si je résume votre pensée, les communautés protestantes et les églises orthodoxes ont la même légitimité que l'Eglise catholique. C'est bien ça ?
Tout à fait. De même que l’Islam, le bouddhisme, et toutes les écoles de pensée qui rassemblent des hommes et des femmes chercheurs de vérité.
Les différentes formes de religiosité sont respectables dans le sens où elles sont des efforts légitimes de l'Homme pour s'approcher d'une transcendance.

Cependant, elles ne peuvent avoir la même légitimité que la religion catholique dans la mesure où elles comportent des erreurs vis-à-vis de la Vérité. C'est du moins ce que je crois en tant que catholique.

Pour prendre un exemple simple : le géocentrisme n'a pas la même "légitimité" (ce mot est peut-être mal choisi :oops: ) que l'héliocentrisme, car il est faux.

lagaillette a écrit :
Raistlin a écrit :En tant que votre frère dans le Christ, voici mon conseil : laissez tomber Marx. Il est à l'évidence à l'opposé de l'Eglise du Christ. A vous de choisir où va votre allégeance. N'oubliez quand même pas la parole du Christ : "Nul ne peut servir deux maîtres".
Si je me souviens bien, cette parole était à propos du choix entre « Dieu » et « Mammon ».
Vous avez raison, mais cette phrase de Jésus peut s'appliquer à beaucoup d'autres choses : Dieu ou le pouvoir, Dieu ou le plaisir débridé, Dieu ou son ego personnel, etc...

Comme dans beaucoup de textes, il y a la lettre et l'esprit. A mon sens, l'esprit de cette phrase du Christ est bel et bien de dire que Dieu seul doit avoir la première place dans nos vies, avant même notre famille et nos amis (le Christ ne dit-il pas que celui qui veut le suivre devra être prêt à tout quitter ?).

Donc, non, on ne peut servir, et Dieu, et Marx si ce dernier s'oppose à Dieu. Est-ce la cas ? Pour ma part, et au vu des leçons de l'Histoire, je dirais que Dieu et le marxisme/communisme/trotskisme/leninisme/etc. s'opposent bel et bien.
Car l'Eglise est le corps du Christ. Ainsi, toute idéologie s'opposant à l'Eglise s'oppose au Christ Lui-même.

lagaillette a écrit :Jésus était venu bousculer l’institution religieuse de son époque ; ses disciples ont reconstruit une autre institution religieuse.
Pas tout à fait... Jésus Lui-même a instauré son Eglise : "Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux." (Matthieu 16, 18-19)

Pour ma part, j'évite de considérer Jésus comme un révolutionnaire (ce qui d'ailleurs faux à mon sens, Jésus n'a-t-il pas dit qu'il était venu non pas abolir la Loi mais l'accomplir ?). C'est ce qui, dans la théologie de la libération, est condamné par l'Eglise catholique.

Cordialement,
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

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