Réflexion sur la finitude

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Cinci
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Réflexion sur la finitude

Message non lu par Cinci » jeu. 23 nov. 2017, 20:12

Des êtres finis

Nous sommes tellement finis, quand j'y pense. Bornés dans une silhouette qui délimite un corps ; nous occuperons cet espace tout une vie, ni plus ni moins. Où que nous allions, nous ne nous dépasserons pas nous-mêmes. C'est bête à dire, mais en réalité, on ne sera jamais que soi! En plus d'être coincés dans un corps qui n'est pas interchangeable, nous sommes aussi limités par un début et une fin. Quoi que nous fassions, nous n'aurons jamais vécu avant notre naissance. Quant à après notre mort, ne soyons pas trop présomptueux et posons modestement le seul postulat qui puisse nous être commun : quoi qu'il arrive, ce sera très différent.

Méditant dernièrement ces évidences, je fus prise d'un vertige suffisamment puissant pour me rendre compte qu'aussi basiques soient-elles, elles demeurent pourtant "in-intégrables". N'est-ce pas aussi que notre orgueil, piqué au vif, sabote ce fini qui nous colle à la peau en l'extrapolant à l'extrême pour nous le rendre dégoûtant? Finis, ridicules, foutus. Or, "fini" est bien suffisant et porte en soi le germe de tout amour et de tout lien. Des bornes qui nous limitent, il n'appartient qu'à nous de ne pas en faire une malédiction. Oserai-je dire que dans la prière s'ouvre un espace où cette finitude devient un objet de louange?

Je suis finie et une force espiègle me conduira sans cesse à vouloir déborder de moi. A l'heure où des laborantins planchent sérieusement sur la possibilité d'un homme augmenté, je trouve à m'augmenter sur le pas de ma parte. Car arrive un autre et je me réjouis : moi qui ne suis que moi-même, voilà enfin quelqu'un qui m'apprendra, un peu, ce que c'est que d'être lui.

Inutile d'extrapoler notre finitude : elle est claire et bornée, plus têtue que nous ne le serons jamais. Mais c'est elle qui nous conduit vers l'infinité de Dieu et la multiplicité des autres. Avec l'une comme l'autre, nous n'en aurons jamais fini.

Marion Muller-Collard, "Des êtres finis" dans Panorama, mars 2017

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