"Ce petit volume contenait le recueil des oraisons de Gaston Phoebus, comte de Foix, au quatorzième siècle (...) Et, en tournant au hasard les pages, Durtal tombait sur ces dolentes et humbles prières : "Toi qui m'as formé dans le ventre de ma mère, ne me laisse pas choir...Sire, je te confesse ma pauvreté...ma conscience me mord et m'expose les secrets de mon coeur. Avarice me contraint, luxure me souille, gloutonnerie me déshonore, colère me trouble, inconstance m'abat, paresse m'opprime, hypocrisie me leurre...Et voilà, Sire, avec quels compagnons j'ai vécu ma jeunesse, ce sont là les amis que j'ai eus, ce sont là les amis que j'ai servis..." (...) Péchés sur péchés, toujours j'ai amassés et les péchés que, de fait, je ne pouvais commettre, par mauvaise cogitation, je les faisais..."
Durtal referma le volume et déplora qu'il fût si parfaitement inconnu des catholiques. Ils en étaient tous à remâcher le vieux foin déposé enn tête ou en queue des journées du chrétien ou des eucologes, à lapper des oraisons solennelles, issues de la lourde phraséologie du dix-septième siècle, des suppliques où l'on ne percevait aucun accent sincère, rien, ni un appel qui partît du coeur, ni un cri pieux !
Etaient-elles assez loin, toutes ces rapsodies fondues dans le même moule, de ce langage si pénitent et si simple, de ce colloque si aisé et si franc de l'âme avec Dieu ! Et Durtal parcourait encore, ça et là, quelques passages, lisait :
"Mon Dieu et ma Miséricorde, je suis confus de te prier par vergogne de ma mauvaise conscience...donne à mes yeux fontaine de larmes et à mes mains largesse d'aumônes...donne-moi foi convéniente, espérance et continuelle charité...Sire tu n'as horreur d'aucun, sinon du fou qui te nie...ô mon Dieu, don de mon salut et mon receveur, j'ai péché et tu l'as souffert !"
J.-K Huysmans. La Cathédrale. Paris Plon, 1908, 1947 ; p.242-243