C'est une question complexe, parce que j'ai à la fois trouvé beaucoup de réponses en entre temps tout en restant dans une certaine forme d'incompréhension.
Pour comprendre le culte des saints, il faut sans cesse revenir à la notion éminement patristique de la participation et des médiations ; il faut comprendre la doctrine de la sanctification elle-même pour percevoir la figure du Saint comme Icône du Christ, conformé au Christ par la déification ; il faut comprendre la nature de l'Eglise comme Corps Mystique. La question est tout à la fois christologique, écclesiologique, sotériologique ; elle est même, au fond, profondément liturgique, parce qu'elle en appelle à la nature du culte divin.
Bref, pour répondre à toutes ces interrogations que j'ai posé, il me faudrait rien de moins qu'un livre.
Prier les saints, en soi, n'est pas tant un moyen qu'une fin en soi. C'est concevoir la grâce de Dieu comme agissant dans toute la création, et l'Eglise comme cette réalité mystique étalée dans le temps, l'espace, le Ciel et la Terre, la Souffrance et la Béatitude. C'est voir en l'Eglise comme un réseau de charité, un édifice cimenté par l'Amour mutuel, entre saints et pécheurs, membres des Osts Triomphants, Militants et Souffrants du Corps Mystique,
La prière aux saints peut être justifiée rationnellement et scripturalement par le fait que la prière du juste est la plus efficace ; mais elle est surtout justifiée par la simple splendeur de la pratique elle-même. De la même manière qu'ici il est naturel de laisser des intentions de prières, moins par recherche rationnelle d'une surplus d'efficacité dans la prière que par pure recherche d'aide, de
participation. La prière n'est pas "efficace", ce n'est pas son but, il ne sert à rien de comparer la puissance spirituelle relative d'une oraison jaculatoire et de la célébration des vêpres solennelles.
Prier les morts, prier pour les morts, bénéficier de leur prières ; tout cela constitue le réseau d'Amour qui est la substance de l'Eglise et maintient sa cohérence par delà l'espace et le temps. Cela nous donne de vivre la relation avec le prochain, ce qui est plus important que tout ce que nous pouvons obtenir : analogiquement dans le Don chrétien, ce n'est pas le donné qui importe mais l'acte du donneur. Nous prions les saints parce que
c'est une splendeur d'Amour. De même que la vénération des saints n'est pas une usurpation de l'adoration du Souverain Trine mais au contraire une adoration indirecte de Dieu dans le divinisé, du créateur dans la créature, de l'artiste dans l'oeuvre d'art, de même la demande d'intercession n'enlève rien à la demande directe à Dieu. "Quand Dieu couronne ses Saints, Il couronne ses propres dons."
Dès que l'on quitte la recherche de "l'efficacité", dès que l'on cesse de se poser la question "à quoi [me] sert[-t-il] de prier les saints" pour poser la question "à quoi sert la prière au saint [dans l'universalité du Corps Mystique]", on trouve la réponse : la glorification de Dieu dans Ses dons (AIMES DIEU) et l'édification du Corps Mystique par l'Amour réciproque (ET TON PROCHAIN).
Les autres question que j'ai posé ont leur réponse là dedans.
Pourquoi prier les Saints sur des sujets qu'ils ont eux mêmes expérimentés ? (ex : sachant que je devais bientôt discuter avec des gens qui se disent catholiques mais rejettent certain dogmes, j'ai prié St Athanase qui a combattu les hérésies de son vivant ; pourquoi lui plutôt qu'un autre ? C'est pas une question d'efficacité, je suppose, alors de quoi ?).
Je pense qu'un début de réponse à cette question est ancré dans la notion de localité. Le culte des saints n'est pas une abstraction universalisante. Il est bon et juste de prier les saints locaux, les patrons de sa terre, les gardiens des églises, les protecteurs de telle ville. Il est bon de les contempler dans leurs actes d'Amours concrets. Après tout, c'est dans la vie qu'il est donné à l'homme de donner son assentiment libre ; tel saint est saint à cause de tel ou tels actes qu'il a fait dans sa vie, et il vit de ses actes (ces dons de Dieu) dans la Vie Céleste, les prolongeant dans l'infini de l'éternité de Dieu.
Saint Athanase n'est pas devenu une substance absraite, pure et universelle, en arrivant au ciel. Il est resté Saint Athanase, marteau des hérétiques, Patriarche d'Alexandrie et de toute l'Egypte. Il est resté "local" - l'universalité vraie n'est PAS l'uniformité. Il est resté ancré dans la matière de son corps promis à la réssurection et donc dans ses reliques ; il est resté l'âme qui a aimé le Christ au 4ème siècle de notre ère. Le prier pour la défense de l'orthodoxie n'est pas une question d'efficacité, c'est juste la reconnaissance de ce qu'il
est, de son mode d'adoration ; il a aimé,
et donc aime, Dieu dans l'acte de la défence de la Vérité.
Je ne sais pas si c'est très clair ; c'est à fois très simple et difficile à exprimer.
Pourquoi prier plus spécifiquement la Sainte Vierge ? Alors oui, sa place de choix, sa relation avec Jésus... Mais, n'y a t'il rien d'autre ?
Non il n'y a rien d'autre ; à dons suréminents vénération suréminente, à vénération suréminente pétition suréminente.
J'ai relu le passage des Noces de Cana, ou l'intercession de Marie est clairement amenée ; comment est-ce possible que Dieu change d'avis, alors qu'il est l'Eternel et que Sa volonté est parfaite ? L'intercession de Marie est elle la cause de ce choix et pourquoi ?
La réponse pour le coup est fort simple : Dieu a simplement ordonné de toute éternité l'intercession de la Vierge (et des Saints et des Hommes) à Sa Volonté, de façon à ce que l'intercession soit bel et bien cause de cette dernière, parce qu'il plaît à Dieu que Sa Volonté opère par des médiations humaines d'Amour. Dieu n'a pas changé d'avis, il a juste intégré la prière à l'exercice de Son éternelle volonté pour Sa Gloire.
En petit plus : je me suis mis à prier le Rosaire et j'ai une interrogation : peut-on s'arrêter au mileu d'un chapelet pour reprendre la prière après ?
Je le fais régulièrement. A l'expériene c'est inévitable et pas bien grave.
Béni soit Dieu dans Ses Anges et dans Ses Saints.
Héraclius -