Saint Jean de la Croix

« J'enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez 36.26)
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Francesco
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Saint Jean de la Croix

Message non lu par Francesco » mar. 18 sept. 2007, 2:44

Bonjour,je suis nouveau et j'aime beaucoup st-Jean de la croix car,c'est le docteur de l'église qui m'a le plus éclairé dans mon cheminement spirituel.Je vous présente certains textes de méditation de ce grand mystique.Francesco.
La liberté de l'esprit
...Il acquerra la libéralité,... la liberté de l'esprit, la lucidité de la raison, le repos, la tranquillité, la paisible confiance en Dieu, la soumission et la vraie docilité à son égard.
En outre, par là même qu'il sera dégagé des objets créés, il y trouvera plus de jouissance. Il y a une jouissance qu'on ne peut trouver lorsqu'on les envisage avec attache et esprit de propriété, car cette disposition est un lien qui enchaîne l'esprit à la terre et enlève toute largeur au coeur humain.
Il y a plus. Le détachement des objets terrestres donne de ces objets mêmes une connaissance plus claire, qui permet d'en bien juger tant naturellement que surnaturellement. Enfin, il met à même d'en jouir d'une manière tout autre que ne le fait celui qui y est attaché. L'homme détaché a sur celui qui ne l'est pas de manifestes supériorités. Il goûte les objets terrestres selon ce qu'ils ont de véritable ; l'autre, selon ce qu'ils ont de mensonger ; le premier, selon ce qu'il ont de meilleur ; l'autre, selon ce qu'ils ont de pire ; le premier les juge selon la substance, le second, en y attachant ses sens, les juge selon l'accident. Les sens, en effet, ne peuvent atteindre et pénétrer que l'accident ; l'esprit, au contraire, dépassant les nuages de l'accident, pénètre la vérité et la valeur des choses, ce qui est son objet propre.

La contemplation.
Il serait vain de prétendre se procurer soi-même, par une quelconque technique mentale ou psychosomatique, l'expérience du surnaturel et la communication avec Dieu relevant de la véritable contemplation, celle qui s'amorce par un certain contact vécu de l'esprit avec le divin dans le domaine du non-conscient. On ne peut que s'y disposer dans l'humilité et l'abandon, en se gardant d'entretenir à ce sujet des désirs présomptueux, qui risqueraient fort d'être générateurs d'illusions ; moyennant quoi, Dieu opérera dans l'âme quand il voudra et comme il voudra...

"La nuit obscure" : la purification substancielle
Le sens et l'esprit sont oppressés par un poids immense et invisible ; ils souffrent et endurent une telle agonie qu'ils regarderaient la mort comme un soulagement et un bonheur.
Dieu triture l'âme, dissout la substance spirituelle et l'absorbe en une profonde et absolue obscurité au point que l'âme se sent fondre, se voit anéantie dans une cruelle mort de l'esprit à la vue directe de ses misères.
Elle souffrira dans cette "nuit obscure", de l'horreur de ténébres épaisses, affreuses, et très douloureuses, qui, en attaquant l'intime essence de l'esprit, paraîtront des ténébres substancielles. L'âme ressent "le vide d'un pendu" ; et pourtant, comparé à un nettoyage des cavernes de l'être, il est nécessaire que l'âme soit détruite, anéantie, que sa substance soit ainsi brûlée...

L'union mystique
Plus l'âme est purifiée dans sa substance et ses facultés, plus aussi la substance divine l'absorbe d'une manière profonde, subtile et élevée dans sa divine flamme. Durant l'absorption de l'âme dans la Sagesse, l'Esprit-Saint met en mouvement les vibrations glorieuses de sa flamme. L'âme resplendit au dedans des splendeurs de Dieu. Les mouvements de cette flamme divine sont des vibrations, des jets de flamme que l'âme transformée en flammes n'est pas seule à produire. Elle le fait conjointement à l'Esprit-Saint. La délicatesse des délices que l'âme éprouve est impossible à décrire...

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Christophe
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Re: SAINT JEAN DE LA CROIX

Message non lu par Christophe » mar. 18 sept. 2007, 7:26

Francesco a écrit :Bonjour,je suis nouveau et j'aime beaucoup st-Jean de la croix car,c'est le docteur de l'église qui m'a le plus éclairé dans mon cheminement spirituel.Je vous présente certains textes de méditation de ce grand mystique.Francesco.
Bonjour et Bienvenue à vous, Francesco ! :)

Je suis content de vous retrouver ici, et merci de nous faire partager vos lectures spirituelles.

Fraternellement
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Boris
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Re: SAINT JEAN DE LA CROIX

Message non lu par Boris » mar. 18 sept. 2007, 9:48

Dites-donc, Francesco,

vous utilisez une icône de St François et vous dites aimer le Fray Juan ?

Il parait que les carmes et les franciscains sont assez proches.
Je vient de commencer la lecture du livre "Jean de la Croix - le chardonneret de Dieu".

St Jean de la Croix est tout de même le restaurateur de l'ordre du Carmel par l'exigence, si j'ai bien compris.
UdP,
Boris

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Re: SAINT JEAN DE LA CROIX

Message non lu par Francesco » mer. 19 sept. 2007, 15:51

vous utilisez une icône de St François et vous dites aimer le Fray Juan ?
Et Oui,j'aime plusieurs saints et j,espere que tu ne m'en voudras pas d,avoir aussi une icone de Francois car,je l'ai dans plusieurs forums(meme si celle que je préfere est trop grande pour ici).Nous serons freres franciscains en quelques sortes..Amitié.Francesco

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Re: SAINT JEAN DE LA CROIX

Message non lu par Francesco » mer. 19 sept. 2007, 15:55

St Jean de la Croix est tout de même le restaurateur de l'ordre du Carmel par l'exigence, si j'ai bien compris.
Tu as bien compris.St-Jean de la Croix,avec ste-Thérese d'Avila ont réformés le carmel ensemble et sont devenus deux docteurs de l'église.Leurs écrits sont de l'or pour l'église;surtout au niveau de la compréhension de la vie spirituelle.Francesco

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Re: SAINT JEAN DE LA CROIX

Message non lu par Boris » mer. 19 sept. 2007, 20:40

Francesco a écrit :
vous utilisez une icône de St François et vous dites aimer le Fray Juan ?
Et Oui,j'aime plusieurs saints et j,espere que tu ne m'en voudras pas d,avoir aussi une icone de Francois car,je l'ai dans plusieurs forums(meme si celle que je préfere est trop grande pour ici).Nous serons freres franciscains en quelques sortes..Amitié.Francesco
Aucune rancune, au contraire faisons connaître l'enseignement du Très Bas.
UdP,
Boris

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Re: SAINT JEAN DE LA CROIX

Message non lu par Francesco » jeu. 20 sept. 2007, 1:05

Aucune rancune, au contraire faisons connaître l'enseignement du Très Bas.
Euh,tu veux dire du tres haut sinon,on ne serait pas dans la meme équipe....Francesco

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Re: SAINT JEAN DE LA CROIX

Message non lu par Francesco » jeu. 20 sept. 2007, 1:27

LES PÉCHÉS DE DÉBUTANTS.
Les pratiques saintes portent à l'humilité, et cependant, comme nos débutants se sentent pleins de ferveur et de zèle pour les choses spirituelles et les exercices religieux, il advient, par un effet de leur imperfection, qu'un rejeton d'orgueil se fait secrètement jour dans leur coeur. Vous les verrez très satisfaits d'eux-mêmes et de leurs oeuvres : ils éprouvent un désir plein de vanité de parler devant d'autres des choses spirituelles, un penchant à enseigner plutôt qu'à s'instruire, à condamner intérieurement ceux qu'ils ne voient pas pratiquer le genre de dévotion qu'ils apprécient.
Souvent le démon, en vue de faire grandir en eux l'orgueil et la présomption, accroît leur ardeur pour telle ou telle oeuvre extérieure, car il sait très bien que les bonnes oeuvres et les pratiques de vertu accomplies dans ces conditions n'ont aucune valeur et sont même mauvaises.
Leurs maîtres spirituels viennent-ils à désapprouver leur esprit et leur conduite, ces débutants, qui entendent qu'on estime et qu'on loue leur spiritualité, déclarent que leurs confesseurs -ou leurs supérieurs- ne les comprennent pas et qu'ils ne sont pas spirituels, puisqu'ils ne les approuvent ni ne les favorisent. Là-dessus ils se mettent en quête d'autres maîtres plus à leur goût, car c'est la pente de l'esprit humain de communiquer volontiers avec les personnes qu'on voit disposées à vous louer et à canoniser vos voies. Ceux-ci fuient comme la mort les maîtres qui, pour les mettre dans un chemin sûr, visent à les rabaisser, et ils les prennent quelquefois en véritable aversion. Leur présomption fait qu'ils se proposent d'ordinaire de grandes choses, mais ils n'en réalisent qu'une très faible partie. Ils s'efforcent de captiver l'attention et la préférence des confesseurs, d'où naissent des jalousies et des inquétudes sans fin. Parfois ils vont trouver un confesseur étranger pour s'accuser à lui de ce qui les humilie : ainsi leur confesseur ordinaire ne verra en eux que vertu...
Tantôt ils se soucient peu des fautes dans lesquelles ils tombent, tantôt ils s'attristent outre mesure de se voir encore sujets à des défauts ; car, dans leur pensée, ils devraient déjà être des saints... Ils détestent donner des louanges aux autres et aiment extrêmement qu'on les loue. De ces imperfections, il en est qui passent à d'autres, bien plus graves. Elles ont des degrés divers.
Ceux qui, en ce même temps, s'attachent à la perfection véritable procèdent d'une tout autre manière et sont dans une disposition d'esprit bien différente. Comme ils sont très humbles, ils ne font aucune estime de leurs propres voies. Dans la sérénité de leur humilité, ils ont grande envie qu'on leur donne un enseignement dont ils puissent profiter, bien différents de ceux dont nous avons parlé, qui voudraient en remontrer à tout le monde et qui, au moment où vous vous disposez à leur enseigner quelque chose, vous coupent la parole comme sachant déjà parfaitement ce dont il s'agit.

Imperfections relatives à l'avarice spirituelle.
On en voit un grand nombre insatiables de direction, de livres qui traitent de spiritualité : à quoi les commençants donnent plus d'importance qu'à la mortification et à la pauvreté d'esprit. Ils se plaisent à se charger d'images, de chapelets, de croix, de reliques, d'agnus dei, etc, qu'ils veulent d'un beau travail et de prix...
Ce que je blâme en cela, c'est l'attache du coeur, l'importance donnée à la façon ou au nombre et à la beauté des objets, chose très contraire à la pauvreté d'esprit. La pauvreté d'esprit ne considère que l'essentiel de la dévotion ; elle use de ce qui la favorise, mais n'a que du dégoût pour la multiplicité et la recherche. C'est que la vrai dévotion vient du coeur ; elle se préoccupe de la réalité substantielle que représentent ces objets pieux. Tout le reste n'est qu'attache, propriété imparfaite, qu'il faut nécessairement retrancher pour arriver à l'état de perfection.
Ceux qui, dès le début, s'engagent ainsi dans la bonne voie ne s'attachent guère aux instruments visibles de la prière, et ne se chargent pas d'un grand nombre d'objets. Ils ne se soucient pas non plus de savoir plus qu'il ne leur en faut pour bien agir. Leur unique préoccupation est de se mettre bien avec Dieu et de lui plaire. C'est là que tendent tous leurs désirs. Aussi donnent-ils avec libéralité ce qu'ils ont ; leur joie est de savoir s'en priver pour Dieu et leur prochain, qu'il s'agisse de biens spirituels ou de biens temporels. Je le répète, ils ne s'attachent qu'à la vraie perfection intérieure, qui consiste à plaire à Dieu, non à se satisfaire soi-même.
Des imperfections qui naissent de l'avarice spirituelle, comme de toutes les autres, l'âme ne peut se purifier entièrement si Dieu ne l'introduit dans la purification passive de "la nuit obscure". Cependant elle doit faire ce qui dépend d'elle pour se purifier et se perfectionner, en vue d'obtenir de Dieu qu'il lui fasse subir ce divin traitement, qui guérit l'âme des maux dont elle est impuissante à se défaire elle-même. En effet, elle a beau faire effort, elle est incapable, par sa seule activité, de se purifier de manière à obtenir la moindre disposition proportionnée à l'union d'amour parfait. Il faut que Dieu la prenne, pour ainsi dire, par la main et la purifie lui-même dans ce feu obscur...

Imperfections relatives à l'impureté spirituelle.
...L'affection a-t-elle pour principe une passion sensuelle, elle produit des effets tout opposés : à mesure que l'affection sensuelle prend des accroissements, l'amour de Dieu diminue, ainsi que le souvenir de Dieu. Que dans ce cas cet amour de Dieu se refroidisse et tombe dans l'oubli, c'est chose bien facile à constater, et en même temps la conscience se plaint. Au contraire, quand l'amour de Dieu grandit dans une âme, les affections humaines se refroidissent et se perdent de vue. Ces deux amours étant opposés, il n'y a entre eux ni accord ni assistance réciproque. Celui qui prédomine éteint et anéantit l'autre : c'est ce que nous disent les philosophes. Le Christ lui-même n'a-t-il pas déclaré : "Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'esprit est esprit (Jn 3,6) ? En d'autres termes, l'amour né de la sensualité se termine à la sensualité, tandis que l'amour né de l'esprit se termine à l'esprit et fait croître la grâce.

La colère. Se trouvent-ils privés du plaisir qu'ils goûtaient dans les choses spirituelles, vous les verrez tomber dans le mécontentement. Ils s'irritent, par un zèle désordonné, contre les mauvais penchants d'autrui. Ils observent leur prochain et parfois se sentent portés à le reprendre aigrement. Il leur arrive même de le faire, s'établissant ainsi juges de la vertu. Tout cela est contraire à la douceur spirituelle.
D'autres encore, se voyant imparfaits, s'irritent avec orgueil contre eux-mêmes. Leur impatience est si grande qu'ils voudraient se voir saints en un jour.
Parmi ceux-là, il en est un bon nombre qui ont de grands projets de sainteté, qui font des plans magnifiques ; mais comme l'humilité leur manque et qu'ils présument d'eux-mêmes, ils font des chutes d'autant plus graves qu'ils se sont proposé de monter plus haut : sur quoi, leur irritation croît de plus belle. Ces gens-là n'ont pas la patience d'attendre l'heure de Dieu, qui leur donnera la vertu quand il le trouvera bon, et cela est également opposé à la mansuétude spirituelle. La purification de la "nuit obscure" remédie à toutes ces imperfections.
Par contre, il en est qui sont si peu impatients d'avancer, si lents à faire des progrès, que Dieu verrait volontiers en eux un peu plus d'ardeur.



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Re: SAINT JEAN DE LA CROIX

Message non lu par Francesco » jeu. 20 sept. 2007, 1:29

VERS L'UNION PARFAITE.
VERS L’UNION PARFAITE





AVANT-PROPOS



Le 24 août 1926, notre saint Père le Pape Pie XI déclarait saint Jean de la Croix Docteur de l’Eglise universelle ; comblant par là les vœux de toute la Famille du Carmel en présentant à l’Eglise un saint déjà vénéré, en affirmant « insigne la sainteté de sa vie, et éminente sa doctrine ».

S’il est vrai de dire que notre Docteur mystique a pensé plus spécialement à son Ordre en écrivant, il est vrai d’ajouter qu’il s’adresse à tous les chrétiens résolus à marcher par les voies d’un très grand détachement, pour arriver à la bienheureuse union avec Dieu, essence de la sainteté [1].

Et cependant, qui d’entre nous n’a entendu dire, n’a pensé peut-être, que saint Jean de la Croix était de ces Saints inabordables dont les écrits sont réservés à une élite restreinte d’âmes privilégiées… que les voies dans lesquelles il engage ne sont pas les plus sûres, et que la grande majorité des âmes intérieures doit les ignorer ?

Cette erreur est très préjudiciable aux personnes d’oraison, et nous voudrions contribuer à la dissiper. Beaucoup d’âmes admirablement douées ne font que piétiner sur place, [2] parce qu’elles manquent de lumière, parce qu’elles n’ont pas des idées justes sur les moyens de parvenir au but suprême auquel elles aspirent : l’union à Dieu. Il semble que ces âmes attirées vers la vie intérieure, vers l’oraison, vers la contemplation, soient plus nombreuse que jamais à l’heure actuelle dans notre milieu traditionnel… ! N’est-il donc pas bien opportun de leur montrer qu’elles trouveront, dans la sublime et lumineuse Doctrine de saint Jean de la Croix, la réponse à leurs aspirations intimes ; qu’elles ont tort de s’effrayer ; et que les écrits du grand Docteur leur seront une mine précieuse à exploiter ?... Tous les détails de la vie intérieure y sont synthétisés, en sorte que tout s’unifie. Aux bonnes volontés qui seraient peut-être exposées à ne pas assez distinguer l’accidentel de l’essentiel, à confondre ce qui est secondaire avec ce qui est principal, il propose un moyen unique qui les conduira sûrement au grand but de la vie : l’union avec Dieu, — et ce moyen, c’est la prière [3].

La prière, voilà le grand devoir de tous les chrétiens : « Qui prie se sauve, qui ne prie pas se damne », répétait constamment saint Alphonse de Liguori, un autre Docteur de l’Eglise.

Quand faut-il prier ? Comment faut-il prier ? Notre-Seigneur a répondu à ces deux questions dans l’Evangile. — Quand ? « Oportet semper orare et non deficere » (Luc. XVIII, 11) : toujours.

Comment ? « Spiritu et veritate » (Jean. IV, 23) : En esprit et en vérité.

Mais si ce double précepte est pour tous, il y a des manières bien différentes de l’observer. Les degrés de cette échelle qui doit nous élever jusqu’à l’union sont innombrables ; on peut cependant les grouper en trois étages sans discontinuité, s’il m’est permis de parler ainsi : il y a la prière mentale des commençants, celle des avancés et celle des parfaits.

La première est la méditation. Saint Jean de la Croix l’appelle « l’exercice des commençants » [4]. On se met par la foi en la présence de Dieu et de quelque grande vérité ; on exprime à Dieu les sentiments que ces vérités excitent, les résolutions qu’elles provoquent, et on supplie le Seigneur de les bénir, de nous accorder la grâce de les mettre en pratique [5].

Saint Jean de la Croix parle peu de cette sorte d’oraison : beaucoup d’auteurs ont traité ce sujet abondamment. Il s’adresse à ceux qui, ayant persévéré quelque temps dans cet exercice, sont déjà arrivés à embrasser d’un seul regard la vérité qu’ils devaient auparavant fouiller, disséquer, pour tirer le suc [6]. Ils en sont maintenant pénétrés et nourris. Cette oraison très simple a reçu le nom d’oraison de simple regard ; parfois on lui donne déjà le nom de contemplation, contemplation acquise. Dans cette oraison, il n’y a rien qui excède l’exercice naturel de nos facultés ; mais c’est un terrain excellemment préparé pour la contemplation infuse. En effet, cette simplicité de regard, cette tranquillité d’esprit, rendent l’âme apte à recevoir le rayon de contemplation infuse.

La contemplation est déjà l’oraison des avancés : les commençants ont fait le premier pas ; ils sont devenus les progressants de la voie spirituelle. Dieu purifiera la partie sensible en leur donnant « une connaissance obscure, générale, amoureuse », qui tiendra leurs facultés dans l’aridité et la sécheresse ; mais Il les instruira secrètement dans les voies plus élevées. Et, quand Il lui plaira, Il donnera la contemplation manifestement mystique, moyen efficace d’union avec Dieu. C’est toujours le développement de l’oraison mentale.

Remarquons cependant que cette connaissance obscure, générale, amoureuse et purifiante ne dépend déjà plus de l’activité des facultés humaines ; et moins encore la contemplation proprement dite, qui est infuse à l’âme. Comme d’ordinaire, cette connaissance n’est donnée que par intermittences, surtout au commencement de la purification, et qu’entre-temps l’âme peut encore faire oraison comme autrefois, et que jamais la passivité des facultés n’est complète, certains auteurs, disciples et commentateurs de saint Jean de la Croix, ont cru pouvoir donner à cette oraison des « avancés » le nom de « contemplation acquise », par opposition à la contemplation infuse des parfaits, qui est complètement passive, et dont ils jouissent constamment sans avoir aucun travail préalable à fournir [7].

L’expression est juste si on la rapporte à la part de préparation active de l’âme : mais il ne faut pas oublier que la connaissance amoureuse de Dieu, qui est la caractéristique de cette oraison des avancés est surnaturelle, elle excède la portée naturelle de nos facultés, personne ne peut se la procurer à son gré : si Dieu n’intervient pas en mettant en exercice les dons de Sagesse et de l’Intelligence, tous nos efforts seront vains [8] .

Cette contemplation, dans son fond, est donc infuse déjà, il y a déjà un peu de passivité puisque l’âme ne peut plus — à certains moments du moins — se servir de son intelligence comme autrefois, pour échafauder des concepts et des raisonnements.

Saint Jean de la Croix fait remarquer que ce commencement de contemplation infuse est accordé généralement à beaucoup d’âmes [9] qui persévèrent depuis quelque temps dans la méditation et qui veillent à la pureté de leur cœur. Ceux qui sont retirés du monde, la reçoivent ordinairement très vite [10] ; c’est déjà une « contemplation » [11] qui apporte à l’âme les fruits les plus abondants [12]. Le saint Docteur excelle à donner les conseils propres à développer ce germe mystique, ou plutôt, à écarter tous les obstacles qui peuvent s’opposer à sa croissance [13].

Si beaucoup d’âmes parviennent à cet état de contemplation semi passive, bien peu, dit encore saint Jean de la Croix, atteignent la contemplation parfaite, strictement infuse, complètement passive, pas même la moitié de ceux qui ont reçu les premières grâces mystiques [14].

Bien rares sont celles à qui Dieu enlève définitivement et complètement l’exercice humain de leurs facultés, et qui sont en tout mues par l’Esprit-Saint. Bien peu, en effet, permettent à Dieu de les purifier assez profondément, assez vigoureusement pour que la grâce puisse tout envahir ; bien peu consentent pratiquement à perdre leur moi humain — dans l’ordre d’opération, cela s’entend, car dans l’ordre de la substance, c’est impossible — pour trouver l’exercice de leurs facultés dans la vie même de la Sainte Trinité, par une union ineffable qui échappe à toute analyse [15].

*

Dans cet état de transformation, l’âme reçoit des lumières si abondantes et si vives, qu’elle est comme introduite dans une région céleste où elle contemple, dans un regard absolument simple et ardemment affectueux, les choses divines. Sa volonté confirmée dans le bien [1] se porte sans effort à toutes les vertus dans ce qu’elles ont de plus héroïque. Cet état, pour être très rare, exceptionnel, ne doit pas être regardé pour cela comme extraordinaire, car l’âme y parvient par l’exercice des vertus théologales et des dons du Saint-Esprit. C’est le sommet du développement de la grâce sanctifiante [2].

L’Union mystique est donc un état admirable. Peut-on nourrir dans son cœur le désir d’y parvenir ? N’est-ce pas présomption, orgueil ?...

Il ne saurait y avoir présomption et orgueil à désirer ardemment, mais humblement la grâce de la contemplation infuse, car il faut s’y disposer et tendre à l’Union divine. Mais il y en aurait à désirer les faveurs accessoires et les phénomènes accidentels qui peuvent l’accompagner, tels que révélations, visions corporelles ou imaginaires (ainsi nommées parce qu’elles sont produites dans l’imagination), esprit de prophétie, paroles surnaturelles… grâces qui peuvent être sujettes à illusion, et qui, en tout cas, en elles-mêmes ne constituent pas la sainteté et ne lui sont pas nécessaires. Dieu accorde ces faveurs quand Il veut, comme Il veut et à qui Il veut, et sa divine Sagesse sait mieux que nous les voies où il convient de marcher [3].

Pour saint Jean de la Croix, le but à atteindre, but qu’il décrit avec une maîtrise si parfaite, c’est « L’union d’amour avec Dieu » [4]. Pour lui, le seul moyen d’arriver à ce but, c’est la contemplation [5].

Toute l’ascèse du grand Docteur, sa doctrine du « rien » [6] consiste à éliminer des puissances de l’âme ce qui pourrait les troubler, ce qui serait un obstacle [7] à la connaissance quasi-expérimentale, [8] d’un Dieu présent au centre de notre être [9] et désireux de s’unir à nous [10].



Vers l’Union Parfaite

Explications préliminaires



Un saint est un héroïque serviteur, plus que cela, un Ami de Dieu : « Je ne vous appellerai plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous ai donné le nom d’amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître ». ( Jean. XV, 15).

L’amitié suppose un amour mutuel, et dans ce double amour, l’âme puise une énergie surhumaine et divine qui la vivifie, la spiritualise et la déifie sans anéantir la nature, mais la transformant, l’achevant.

La perfection, dit saint Jean de la Croix, c’est « l’union d’amour avec Dieu » [11] à laquelle la contemplation conduit sûrement. Le saint Docteur la place à la base de la sainteté.

Plus nombreuses qu’on ne le croit parfois superficiellement, sont les âmes que Dieu appelle à l’union mystique en cherchant à les purifier passivement [12], et, comme nous le feront remarquer plus loin, la nuit obscure passive est un commencement [13] de contemplation mystique, au sens strict du mot. Or, selon le Saint, si beaucoup d’âmes appelées à la perfection n’y parviennent pas ; ce n’est pas toujours par mauvais vouloir, « cela vient de leur ignorance, ou parce qu’elles cherchent, sans le trouver, un guide averti capable de les conduire au sommet » [14]. Certains confesseurs ne voient que « mélancolie et faiblesse » [15] là où il y a action divine, et ils entravent cette action, et par conséquent le progrès des âmes qui ont mis en eux leur confiance…

Saint Jean de la Croix entreprit de suppléer à leur insuffisance [16]. Il le fit avec une grâce toute spéciale reçue du Ciel, jointe à une profonde science acquise et une vertu éminente. Ses écrits le placent dans la sainte Eglise comme le guide le plus sûr et le plus lumineux dans les chemins obscurs et parfois douloureux qui conduisent à l’union divine [17]…..





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<endif>
[1] Nuit obscure, liv. II, ch. XVIII, p. 118.

[2] Montée du Carmel, Prologue de l’auteur,P. 2.

[3] Cantique spirituel, 1eres Demeures, ch. I, p. 46.

[4] Vive Flamme d’Amour, strophe III, § 5, p. 209.

[5] Montée du Carmel, liv. II, ch. XI, p. 99. — Les épines de l’Esprit, Edit. crit. Tom. III, ch. VII, b. 17.

[6] Montée du Carmel, II, ch. V, p. 75.

[7] R. P .R. Garrigou-Lagrange. Préface de l’essai sur l’Oraison par le R. P. Théodore de St Joseph. Voir encore p. 74, note 36).

[8] Voir notre Essai sur l’Oraison, p. 87.

[9] Nuit Obscure, 1.I, ch. VIII, p.27-29. — Vive Flamme, strophe III, 3e vers, p. 210.

[10] Nuit Obscure, 1. I, ch. VIII, p. 29. — Vive Flamme, strophe III, 3e vers, p. 210.

[11] Nuit Obscure, 1. I, ch. IX, p. 31.

[12] Nuit Obscure, 1. I, ch. XII, XIII, Titre.

[13] Montée du Carmel. Titre.

[14] Nuit Obscure, liv. I, ch. IX, p. 34 ; ch. XIV, p. 51.

[15] Nuit Obscure, liv. I, ch. XIV, p. 51. — Liv. II, ch. XX, p. 125. — Vive Flamme, strophe I, 4e vers, p. 161. Strophe II, 5e vers, p. 185, 187. — Cantique Spirituel, strophe XXVI, p. 162. Strophe XXIX, p. 183.



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[1] Cantique Spirituel, strophe XXII, p. 141.

[2] Vive Flamme, strophe II, vers VI, p. 189-190.

[3] P. Théodore de St-Joseph. Essai sur l’Oraison, p. 121 etc. — Joseph a Spir. S., Mystica Isagoge, Lib. I, Synt. IV, n°168-172.

[4] Montée du Carmel, Exposition du Sujet (Edit. Critique). — Liv. II, Ch. IV, p. 177. — Ch. XXIV, p. 182,

— Nuit Obscure, Exposition du Sujet (Edit. Critique), tom. II, p. 238.

[5] Montée du Carmel, liv. II, ch. XXII, p. 177.

[6] Montée du Carmel, liv. I, ch. XIII.

[7] Montée du Carmel, Titre.

[8] Montée du Carmel, liv. II, ch. XXIV, p. 185. — Vive Flamme, strophe IV, vers I et II, p. 250. — Cantique Spirituel, strophe XI, p. 68, 69.

[9] S. Thomas, I, XIII. — Montée du Carmel, liv. II, ch. IV, p. 68, 69. — Ch. XIV, p. 120. — Nuit Obscure, liv. II, ch. XXIII, p. 137. — Vive Flamme, strophe IV, vers I et II, p. 245, 249. — Cantique spirituel, strophe I, p. 23. — Strophe XI, p. 68, 69. — Connaissance de Dieu et Union d’Amour, ch. X, p. 79 (Trad. P. Théodore de St-Jos) — Sainte Thérèse, Château Intérieur, 1e Demeures, ch. II.

[10] Vive Flamme, strophe I, vers III, p. 155.

[11] Nuit Obscure, Exposition du Sujet (Edit. Critique), tom. II, p. 238.

[12] Vive Flamme, strophe II, vers V, p. 184.

[13] Nuit Obscure, liv. I, ch. IX, p. 31.

[14] Montée du Carmel, Prologue, p. 2.

[15] Ibid. p. 3.

[16] Montée du Carmel, Prologue, p. 4. — Vive Flamme, stophe III, vers 3, §§ IV, VIII, XIII.

[17] Mente perfusa radiis ab alto.

Montis ascensum, tenebrasque noctis.

Et facem vivam recolens amoris.

Alta revelas (Office de la Fête, IIes Vêpres).

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Francesco
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ST-JEAN DE LA CROIX SUR LE DISCERNEMENT FACE AUX RÉVÉLATIONS

Message non lu par Francesco » ven. 21 sept. 2007, 0:22

Bonjour ce texte de st-Jean de la Croix est tres éclairant au sujet des apparitions mariales multiples et ou révélations privées .A lire et méditer lentement....Francesco.
CHAPITRE I)




ON COMMENCE À PARLER
DE LA NUIT DE L'ESPRIT.
ON MONTRE À QUELLE
ÉPOQUE ELLE COMMENCE.




Voilà donc l'âme que Dieu doit élever plus haut. Mais ce n'est pas aussitôt qu'elle sort des sécheresses et des épreuves de la première purification ou nuit des sens que sa Majesté l'introduit dans la nuit de l'esprit. Elle passe d'ordinaire un temps très long et même des années, où, après avoir franchi l'état des commençants, elle doit s'exercer dans celui de ceux qui progressent. Semblable à celui qui est sorti d'une étroite prison, elle s'avance dans les choses de Dieu avec beaucoup plus d'aisance et de satisfaction, comme aussi avec une joie plus abondante et plus intime que dans les débuts avant son entrée dans cette nuit; désormais son imagination et ses puissances ne sont plus embarrassées comme elles l'étaient par les liens du raisonnement ou des préoccupation spirituelles. C'est avec la plus grande facilité qu'elle trouve immédiatement dans son esprit une douce et amoureuse contemplation ainsi qu'une saveur spirituelle sans qu'il lui en coûte le moindre raisonnement.

Néanmoins la purification de l'âme n'a pas été achevée: il y manque la partie principale, la purification de l'esprit, sans laquelle, vu les liens étroits qu'il y a entre l'une et l'autre, puisqu'elles font partie d'un même sujet, la purification des sens elle-même, si profonde qu'elle ait été, ne saurait être achevée ni parfaite. Aussi l'âme ne manquera-t-elle pas encore de passer parfois par certaines sécheresses, aridités, ténèbres et angoisses; parfois même ces épreuves seront beaucoup plus intenses que les précédentes; car elles sont comme les avant-coureurs et les messagers de la nuit de l'esprit qui va venir; leur durée cependant ne sera pas aussi longue que celle de la nuit de l'esprit qu'elle attend. Quand elle s'est trouvée quelques instants, quelques heures ou quelques jours au milieu de cette nuit ou de cette tempête, elle recouvre aussitôt sa sérénité ordinaire. C'est de la sorte que Dieu purifie peu à peu certaines âmes qui ne doivent pas arriver à un aussi haut degré d'amour que les autres; il les met parfois et par intervalles dans cette nuit de contemplation ou de purification spirituelle; il les fait passer fréquemment des ténèbres de la nuit à la lumière du jour. C'est ainsi que se vérifie la parole de David: « Il envoie sa face », c'est-à-dire sa contemplation, « comme par petites bouchées »: Mittit cristallum suam sicut buccellas (Ps., CXLVII, 17). il est vrai, ces petites bouchées de contemplation obscure ne sont jamais aussi pénétrantes que celles de l'horrible nuit de contemplation dont nous devons parler et où Dieu introduit l'âme pour l'élever jusqu'à l'union avec lui.

Cette saveur et cette suavité intérieure dont nous parlons et que ceux qui progressent trouvent avec facilité et abondance et goûtent dans leur esprit, ils les reçoivent donc avec beaucoup plus d'abondance que précédemment, et leur rejaillissement sur les sens est beaucoup plus pénétrant qu'avant cette purification des sens. Plus, en effet, les sens sont purifiés, plus aussi ils ont de facilité pour goûter à leur manière les joies de l'esprit. Comme en définitive cette partie sensitive de l'âme est faible et incapable de supporter les fortes impressions de l'esprit, il en résulte que ceux qui sont dans l'état de progrès, et vu le rejaillissement de l'esprit sur la partie sensitive, éprouvent dans cette partie sensitive de nombreuses faiblesses, des souffrances, des fatigues d'estomac et par suite également des fatigues d'esprit. C'est ce que le Sage exprime en ces termes: Corpus enim quod corrumpitur, aggravat animam: « Le corps, qui est sujet à la corruption, appesantit l'âme (Sag., IX, 15) ». De là il suit que ces communications dont nous parlons ne peuvent être ni très fortes, ni très intenses, ni très spirituelles, ni telles qu'il le faudrait pour l'union divine, car elles participent à la faiblesse et à la corruption de la sensualité. Voilà ce qui explique les ravissements, les extases, les dislocations des os qui se produisent toujours quand les communications ne sont pas purement spirituelles, c'est-à-dire pour l'esprit seul; et c'est le cas pour les parfaits. Ils sont déjà purifiés dans la seconde nuit, celle de l'esprit; on ne voit plus chez eux ces ravissements, ces agitations du corps; ils jouissent de la liberté d'esprit, sans que leurs sens en soient offusqués ou tourmentés.

Mais pour que l'on comprenne bien la nécessité où sont les progressants d'entrer dans cette nuit de l'esprit, nous signalerons ici quelques-unes de leurs imperfections, ainsi que les dangers auxquels ils sont exposés.




II

(CHAPITRE II)




QUELQUES – UNES
DES IMPERFECTIONS DE CEUX QUI SONT DANS
L'ÉTAT DE PROGRÈS.




Il y a deux sortes d'imperfections chez ceux qui sont dans l'état de progrès: les unes sont habituelles, les autres actuelles. Les habituelles sont les attaches et habitudes imparfaites dont les racines sont encore restées dans l'esprit, où la purification des sens n'a pu parvenir. Entre ces deux purifications il y a la même différence qu'entre déraciner un arbre et en couper une branche ou effacer une tache de fraîche date et celle qui est déjà ancienne. Comme nous l'avons déjà dit, la purification des sens n'est que la porte et le principe de la contemplation qui mène à celle de l'esprit, et, comme nous l'avons dit également, son but est plutôt d'accommoder les sens à l'esprit, que d'unir l'esprit à Dieu. Mais les taches du vieil homme restent encore dans l'esprit, bien qu'il ne s'en aperçoivent pas et ne le voie pas. Voilà pourquoi, si on ne les fait pas disparaître avec le savon et la forte lessive de la purification de cette nuit, l'esprit ne pourra parvenir à la pureté de l'union divine.

Ceux qui sont dans l'état de progrès ont encore comme imperfections habituelles la pesanteur d'esprit, la rudesse naturelle que tout homme contracte par le péché; ils sont distraits, ils se livrent aux épanchements extérieurs. Voilà pourquoi il leur convient d'être éclairés, purifiés et mis dans le recueillement par les peines et les angoisses de cette nuit de l'esprit. Tous ceux qui n'ont pas encore dépassé cet état des progressants sont sujets à ces imperfections habituelles, qui, nous le répétons, sont incompatibles avec l'état parfait de l'union d'amour.

Mais tous ne tombent pas de la même manière dans les imperfections actuelles. Quelques-uns comprennent ces biens spirituels d'une façon si étrange et si conforme aux sens qu'ils tombent dans des inconvénients et des dangers plus grands que ceux dont nous avons parlé au commencement. Ils reçoivent une foule de communications et de pensées dans leurs sens et dans leur esprit; bien souvent ils ont des visions imaginaires et spirituelles; dans cet état d'ailleurs ils ont aussi fréquemment des sentiments pleins de saveur. Or c'est alors que le démon et l'imagination tendent très ordinairement des pièges à l'âme. Le démon lui insinue et lui suggère ces pensées avec tant de charme qu'il la trompe et la séduit très facilement, si elle n'a pas la précaution de vivre dans la résignation à la volonté de Dieu et de se prémunir fortement par la foi contre toutes ces visions et imaginations. Tel est le moyen que le démon emploie à l'égard de beaucoup pour les faire adhérer à de fausses visions et à de fausses prophéties; c'est alors qu'il leur suggère la présomption de croire que Dieu et les saints leur parlent, quand bien souvent il ne s'agit que de leur imagination. Le démon a coutume encore de les remplir de présomption et d'orgueil, et ces personnes, attirées par leur vanité et leur arrogance, se laissent volontiers voir dans des actes extérieurs qui paraissent des actes de sainteté, comme sont les ravissements et autres manifestations extérieures. Elles se montrent pleines d'audace à l'égard de Dieu; elles perdent la sainte crainte qui est la clef et la sauvegarde de toutes les vertus; quelques-unes même multiplient à ce point le nombre de leurs faussetés et de leurs tromperies et s'y endurcissent de telle sorte qu'elles rendent très douteux leur retour au pur chemin de la vertu et du véritable esprit. Si elles en sont venues à de pareilles misères, c'est qu'au début, lorsqu'elles commençaient à progresser dans ces voies surnaturelles, elles se sont livrées avec trop de sécurité à ces sortes de connaissances ou appréhensions spirituelles. Il y aurait beaucoup à dire sur ces imperfections; mais, comme elles sont d'autant plus incurables qu'on les regarde comme plus spirituelles que les premières, je n'en veux rien dire. J'ajoute seulement, pour prouver la nécessité de la nuit de l'esprit ou de la purification spirituelle chez celui qui doit monter plus haut, que, parmi ceux qui se trouvent dans l'état des progressants, il n'y en a aucun qui malgré tous ses efforts, n'ait encore beaucoup de ces affections naturelles et de ces habitudes imparfaites, qu'il faudrait, avons-nous dit, nécessairement purifier pour pouvoir passer à l'union divine; de plus, comme nous l'avons dit plus haut, la partie inférieure a beau avoir une communication de ces faveurs spirituelles, ces faveurs ne seront jamais aussi intenses, aussi pures et aussi fortes qu'il le faut pour l'union. Voilà pourquoi il convient à l'âme qui doit arriver à l'union d'entrer dans la seconde nuit, celle de l'esprit; c'est là que les sens et l'esprit sont complètement dépouillés de toutes ces appréhensions et goûts sensibles; ou l'oblige alors à marcher dans l'obscurité et la pureté de la foi, car la foi est le moyen propre et adéquat pour l'union de l'âme avec Dieu, selon cette parole d'Osée: Sponsabo te mihi in fide: « Je t'épouserai, c'est-à-dire je t'unirai à moi par la foi (Osée, II, 20). »


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