Romano Guardini, "Le Dieu vivant"

« J'enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez 36.26)
Règles du forum
Forum d'échanges et de partage sur la spiritualité chrétienne
Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12400
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Romano Guardini, "Le Dieu vivant"

Message non lu par Fée Violine » sam. 07 sept. 2013, 22:16

Après "La fin des temps modernes" (voir compte rendu en "Philosophie"), je lis un autre livre de Romano Guardini : Le Dieu vivant, publié en 1956 aux éditions Alsatia, 135 pages, et traduit, comme le précédent, par Jeanne Ancelet-Hustache.

Le texte de la 4ème de couverture dit que ce livre a été appelé "une théodicée du coeur", et parle de la "langue vibrante et délicate" de l'auteur. C'est vrai que son langage est simple mais sa pensée est subtile et profonde.
Je rappelle que Romano Guardini était un théologien allemand. Il est né à Vérone, il a étudié la chimie et l'économie, il a eu parmi ses élèves un certain Joseph Ratzinger, il a refusé par humilité un titre de cardinal que Paul VI lui proposait, et il est mort en 1968.
Ce petit livre est composé de 12 enseignements qui à l'origine ont été faits oralement.

La face de Dieu.
Dieu ne change pas. Ce qui change c'est la façon dont nous le voyons.
L'enfant se construit une image de la grandeur de Dieu à partir de ce qu'il vit avec ses parents. Donc il comprend sans peine ce qu'on lui raconte du comportement de Dieu avec les premiers hommes (désobéissance, punition, réconciliation font partie de son univers).
À l'adolescence apparaissent le désir de vivre, le sentiment de l'infini, la critique des structures de sa vie enfantine. Le jeune n'est plus en fusion avec le monde, il se pose en face. "La profondeur du flux vital, la puissance d'enthousiasme, l'ampleur de la nostalgie aux dimensions du monde, la grande expérience de l'amour : c'est à partir de ces réalités que se constitue son image de l'infini".
Ensuite le sentiment de l'infini perd de son immensité, l'homme prend conscience de ses limites et commence à comprendre ce qu'est véritablement l'homme : de là émerge "un visage vivant et clair. Tout ce qui a précédé demeure, mais reçoit sa détermination du fait que Dieu est une personne. Il n'est plus le Dieu des philosophes ni des poètes, mais le Dieu vivant dont parle la sainte Écriture". "Les pensées enfantines, la spiritualité et tous les concepts d'infini, l'expérience de la profondeur et du sérieux des rapports personnels, ne sont encore qu'une préparation, qu'une intuition préliminaire. C'est la Révélation seulement qui nous fait pénétrer dans l'essentiel".

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12400
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

La Providence / Dieu voit / La volonté de Dieu

Message non lu par Fée Violine » sam. 07 sept. 2013, 22:51

La Providence
Dans le NT revient sans cesse l'idée de Providence. Cette vérité est à prendre au sérieux, et pourtant elle n'est pas évidente, dans ce monde où un hasard destructeur semble régner. Certes le monde suit des lois, mais ne se soucie pas de l'homme, l'univers suit son cours.
Qu'est donc cette Providence? C'est dire que tout est prévu pour mon bien, "que tous les événements du monde incluent une intention, un coeur, une vigilance et une puissance plus forte que toute la puissance du monde".
Le mystère de la Providence ne va pas de soi. "Croire en la Providence, être animé par la foi vivante en la Providence, c'est transformer l'image du monde (...). Il devient vivant". Il demeure dur, mais n'est pas clos sur lui-même. Les lois de la nature sont au service d'une instance plus haute, transcendante au monde : la volonté d'amour qui est en Dieu.
L'amour de Dieu pour l'homme est vivant et toujours nouveau. Le monde se renouvelle à chaque instant. Je suis appelé, je suis invité. Je peux prendre conscience de cette réalité grâce au "moment présent".
"La Providence est une réalité qu'on ne doit pas surtout penser, mais accomplir". Demeurer attentif pour Le reconnaître dans chaque situation. La Providence "se réalise dans sa puissance créatrice selon la liberté de Dieu toujours nouvelle et aussi selon notre petite liberté humaine", ici et maintenant. Alors tu comprendras ce que signifie "le Dieu vivant".

Dieu voit
Gn 22, sacrifice d'Isaac. Dieu libère Abraham de l'épreuve "et Abraham nomma cet endroit Dieu voit". Dieu est celui qui voit, il voit tous les éléments du monde, et il voit aussi les abîmes insondables du coeur humain.
Être vu ainsi peut être effrayant. Le regard agit sur ce qu'il voit. On peut regarder avec antipathie, curiosité, luxure, méchanceté, lucidité indifférente... Mais aussi avec respect, bienveillance, bonté, amour.
Le regard de Dieu est plein d'amour et de pardon, son amour est créateur et rédempteur.
"Dieu est celui qui voit avec amour; par son regard les choses sont elles-mêmes; par ce regard je suis moi-même".
Rien de plus clair que son regard; pas de meilleur asile. Son regard ne dévoile pas, il garde.
Mettons-nous sous son regard, sans crainte ni paresse ni fierté illusoire.
Même si ma vie est insuffisante et mauvaise, ce n'est pas encore mortel si je suis sous le regard de Dieu.

La volonté de Dieu
Le Notre Père est la structure fondamentale de toute prière chrétienne.
Que ta volonté soit faite signifie que
*cette volonté est précieuse (pas toujours évident)
*si on demande qu'elle se fasse, cela signifie-t-il que la volonté du Dieu tout-puissant puisse ne pas se faire?
*encore plus étonnant, nous demandons à Dieu lui-même d'accorder l'accomplissement de sa propre volonté!

Qu'est-ce donc que la volonté de Dieu?
Elle est bien plus que la somme de ce que nous devons faire (loi morale).
Elle est ce qui doit s'accomplir afin que le monde devienne tel que Dieu l'a pensé.
De plus elle est ce que je dois faire, moi : non un ordre de marche à exécuter, mais une puissance vivante qui règne en moi. Elle n'est pas seulement une exigence mais aussi un agir. Elle s'appelle aussi "la grâce".
Elle est constamment nouvelle. Si je ne l'accomplis pas, le mal est fait, la volonté de Dieu s'adresse à nouveau à moi, elle "n'est pas achevée une fois pour toutes, mais elle embrasse ma liberté et son action, et chaque fois s'adresse de nouveau à moi à partir de ce qui est. (...) Devant Dieu, il y a toujours une issue".
Cette volonté de Dieu, c'est l'amour du Père.
"Plus la puissance de la grâce devient forte, et plus la liberté appartient librement à elle-même".
La "crainte de Dieu" fait que le chrétien souhaite ne pas tomber hors de la sainte volonté.

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12400
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Le repentir / Le coeur et Dieu

Message non lu par Fée Violine » sam. 07 sept. 2013, 23:19

Le repentir
Comme Moïse sur l'Horeb enlève ses sandales pour accéder au lieu sacré, nous laissons tomber les concepts pour accéder au mystère du Dieu vivant. Au-delà des possibilités de l'intelligence, "c'est ce que la sainte Écriture nomme le coeur qui nous donne la connaissance la plus profonde de Dieu. (...) Le repentir est un de ces lieux où flamboie le buisson ardent".
La pensée du pardon divin peut paraître presque une trahison envers la grandeur de la morale. Pour Kant la loi morale est la grandeur suprême. Mais "le véritable pardon porte en soi toute la rigueur de la morale".
Ce qui est fait est fait (bien ou mal), le pardon ne peut changer le fait.

Que signifie donc "Dieu pardonne"? Que la faute n'existe plus.
=>
*"La loi morale n'est pas au-dessus de Dieu, comme si elle avait à le surveiller. Le bien moral qui nous oblige n'est pas une loi abstraite, mais uniquement le Dieu vivant".
* C'est un mystère de création. Dieu rend innocent ce qui est coupable. L'homme renaît sans sa faute.
Si nous restons dans le domaine de l'éthique, le repentir n'a pas sa place, il suffirait de porter le poids de ses actes.
Mais le repentir appartient au domaine où réside le Dieu vivant. Le repentir est plus que la conscience d'avoir mal fait et la résolution de mieux faire. Il est un recours à Dieu qui est très saint (ne tolère pas le mal) mais qui est en même temps l'amour, qui peut recréer l'homme souillé par la faute.
"Le repentir est le recours au mystère le plus profond de la force créatrice dans le Dieu saint". Le repentir ne masque pas la faute, il veut la vérité; mais il fait appel à l'amour de Dieu.
"L'intelligence n'a plus rien à voir là, mais le coeur sait".
"Le repentir lui-même est un don".
"Il y a là un mystère profond".

Le coeur et Dieu
1Jn 3, 19 : "Quand notre coeur nous accuse, Dieu est plus grand que notre coeur et il connaît toutes choses".
L'accusation du coeur est plus douloureuse que celle de la conscience, il ne s'agit pas d'une faute morale mais envers la vie, c'est-à-dire envers Dieu lui-même.
"Dieu est plus grand que ton coeur" signifie que notre coeur est grand. Mais Dieu est encore plus grand, il est plus grand que tout.
Cette parole de st Jean est d'une profondeur indicible.
"...et il sait tout" : "cette connaissance a la profondeur de la mer où tout est englouti". On peut dire : "Il y a une réponse à toute vraie question, à toute question vivante, et la voici : Dieu est Dieu". Cette réponse répond à toute question parce qu'elle supprime toute interrogation.

(à suivre)

Avatar de l’utilisateur
Ficelle
Censor
Censor
Messages : 143
Inscription : ven. 25 févr. 2011, 21:16

Re: Romano Guardini, "Le Dieu vivant"

Message non lu par Ficelle » ven. 20 sept. 2013, 19:11

Bonjour,

Merci de nous faire découvrir cet auteur. J'avais lu quelques citations qui m'avaient interpelées, ce que vous en dites m'incite à aller plus loin et le découvrir.
Quel livre conseillez vous pour commencer?
"Heureux les hommes dont tu es la force, des chemins s'ouvrent dans leur coeur." Psaume 83

jeanbaptiste
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 3085
Inscription : mer. 30 avr. 2008, 2:40

Re: Romano Guardini, "Le Dieu vivant"

Message non lu par jeanbaptiste » ven. 20 sept. 2013, 22:01

Merci Fée Violine !

J'ai été frappé par les quelques mots sur le rapport au monde, à la Création, sur la Providence. Sur le fait que nous devons vivre, au fond, selon la volonté de Dieu, c'est-à-dire dans la relation avec toute la Création. Cela nous fait totalement sortir (et c'est justement le sujet suivant) d'un rapport "moraliste" (et judiciaire) à Dieu.

La perspective "juridico-moraliste" de Dieu consiste à penser que je dois "bien faire", suivre les "commandements", pour être sauvé, pour ne pas être puni etc.

Faire la "volonté de Dieu", au sens propre, c'est prendre conscience que nous sommes ici un "acteur" de la Providence divine. Que si nous devons bien agir c'est moins pour ne pas être puni, que pour prendre part à la réalisation de cette "Providence", que le "jugement particulier" est ordonné au "jugement dernier" (et non déconnecté). Bref que nous ne faisons pas la volonté de Dieu pour nous, mais pour toute la Création.

La "justice" d'un pays ne condamnera personne (sauf situations particulière) à ne pas avoir fait de bonnes choses pour la société. Elle condamnera pour des actes mauvais. C'est ça au fond le rapport "moral" à Dieu : je fais pour ne pas être puni.

Alors que Dieu nous demande de faire sa volonté, c'est-à-dire d'aimer comme Lui sa Création afin que nous voulions et agissons pour son bien.

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12400
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Re: Romano Guardini, "Le Dieu vivant"

Message non lu par Fée Violine » sam. 21 sept. 2013, 16:51

J'ai laissé Romano Guardini en plan, il faut que je le termine.
Ce matin j'ai lu quelques pages du chapitre sur "La patience de Dieu" :coeur: , et je me dis que c'est un auteur qu'il faut déguster par petites bouchées, et non avaler tout à la fois.
Il parle de Dieu comme s'il le fréquentait intimement, ce qui finalement n'est pas si fréquent. Ou alors, c'est son langage qui me parle particulièrement. Je donnerais 10 000 pages de blabla de voyantes (même agréées par l'Église) pour une seule page de Guardini.
En somme, il réalise la devise des dominicains :"contempler, et transmettre aux autres ce qu'on a vu".
Et à cette hauteur-là, c'est sûr que la morale paraît bien secondaire (pour répondre à Jean-Baptiste).

Ficelle : je ne connais encore pas beaucoup de ses oeuvres, mais j'ai l'impression qu'elles sont toutes sublimes !

jeanbaptiste
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 3085
Inscription : mer. 30 avr. 2008, 2:40

Re: Romano Guardini, "Le Dieu vivant"

Message non lu par jeanbaptiste » dim. 22 sept. 2013, 1:04

Pour ma part, je n'ai lu de lui que son ouvrage sur "Pascal". Et franchement, c'est un livre excellent : fin, très humble et vraiment pénétrant.

Le sous-titre c'est "le drame de la conscience chrétienne".

De mémoire (ça fait longtemps que je ne l'ai pas lu), Guardini ne cherche pas à dessiner un Pascal saint, il ne cherche pas non plus à "orthodoxiser" ses pensées. Il s'attarde vraiment à cerner le "drame de Pascal", sa vie de chrétien.

Je n'en dis pas plus, car j'ai peur de trahir son propos. Il faudrait que je parcours à nouveau le livre.

Si je le fais, je donne un compte-rendu.

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12400
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

La patience de Dieu/Sur la manière dont on connaît Dieu

Message non lu par Fée Violine » sam. 28 sept. 2013, 23:24

La patience de Dieu
"Comme la nature de l'homme est en Dieu et que l'homme devient réellement homme en adhérant à Dieu, les noms divins renferment en même temps des révélations sur l'homme".
noms divins : Celui qui voit ; Seigneur de la patience;
"La nature de Dieu est simple comme la lumière et elle renferme pourtant la plénitude de tout le possible. Il est lui-même l'ordre vivant dont la sagesse est sainte. Ainsi il lui plaît que tout ait son heure et chaque chose la place qui lui convient. Il a la grande patience créatrice qui donne aux choses la plénitude de leur sens.
Le monde que Dieu a créé comporte des hommes et, avec l'homme, la liberté mais celle-ci est entre les mains d'un être qui peut se tromper. Ainsi, la liberté peut devenir méchante et folle".
"Loué soit Dieu de n'être pas comme l'homme se l'imagine!"
Au contraire l'homme pécheur est impatient "car le péché est impuissance et violence en même temps. (...) C'est la bonté de Dieu elle-même qui est sa patience".
"Comme il est bon que la patience de Dieu soit aussi grande que sa toute-puissance!"

***

Sur la manière dont on connaît Dieu
Comment savons-nous quelque chose sur Dieu? La pensée et la réflexion n'y peuvent suffire.
"Mais il existe aussi une pensée vivante, celle qui vient de la vie et qui retourne à elle, qui est portée par les facultés de l'existence humaine (contemplation, conscience, désir, intuition, expérience de la réalité...)".
"Quand le plus intime de l'être, quand le coeur est prêt, le regard spirituel pénètre les événements et les choses et il y reconnaît l'Autre dans sa grandeur".
[L'auteur précise qu'il ne fait pas ici une doctrine théologique de la connaissance.]

Des exemples de voies pour connaître Dieu:
* je peux percevoir un jour que les conséquences (bonnes ou mauvaises) de mes décisions atteignent le domaine du sacré, quelque chose de plus que la simple loi morale, "Dieu est là tout proche", qui me parle par la voix de la conscience.

*derrière un événement, je peux parfois pressentir quelque chose de particulier, que "je suis l'objet d'une attention ". Si je regarde en arrière, je vois que ma vie forme un ensemble cohérent. On peut objecter que cette interprétation est subjective... Oui, peut-être en partie, mais pas entièrement, car "dès que s'ouvrent les yeux de l'âme, une vérité qui correspond mieux à l'essentiel se manifeste", on voit l'intention derrière les choses. C'est cette expérience que Jésus évoque quand il parle "du Père des cieux et de sa providence. De l'organe par lequel l'homme sait ici quelque chose du Dieu vivant, nous dirons qu'il nous fait percevoir le sens de la vie."

*le désir nostalgique (Sehnsucht, terme très répandu dans la pensée allemande): recherche d'absolu, d'amour, mais rien, ni choses ni gens, ne peut nous satisfaire, d'où lassitude, désespoir, mais aussi peut-être on peut se dire que "ce que je cherche doit pourtant bien exister".
"Une telle recherche signifie qu'on a déjà trouvé parce que c'est le Dieu vivant qui provoque cette recherche, cette insatisfaction et qui par là attire l'homme à soi".
"Dieu est celui qui nous rencontre et celui qui rassasie".

*savoir simplement que Dieu est là. Cette prise de conscience peut avoir deux formes: celle du vide et celle de la plénitude. Même si Dieu est absent, "il est là, du fait qu'il n'est pas là". C'est à la fois une souffrance et une béatitude. Il peut se faire qu'à cette privation succède une délicate plénitude. L'organe qui en prend conscience est "la fine pointe de l'esprit", "le fond de l'âme", "l'étincelle de l'âme".
"Par l'expérience vivante et pure de notre qualité d'êtres créés, nous avons l'intuition de Celui qui nous a créés".
En tant qu'être fini, je suis le voile de Dieu. Par conséquent, Dieu est de l'autre côté de ma finitude! Objection : ce qui me sépare de lui, c'est aussi le péché. Oui, mais je suis quand même son image. Et plus j'accepte humblement ma finitude et me repens sincèrement de mon péché, plus tôt peut m'être donnée l'intuition de "l'autre côté."

Prions pour demander la connaissance. La Bible est pleine de promesses, que nous verrons Dieu, que nous serons proches de lui. Ce ne sont pas que des mots.
"Mener notre vie, être avec les hommes, avec les choses, mais tendre l'oreille vers l'autre côté pour savoir si ce murmure léger, infiniment délicat, ne se fait pas entendre : la proximité de Dieu. Et pour le reste, attendre".

***

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12400
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Le roi pour qui tout vit

Message non lu par Fée Violine » dim. 29 sept. 2013, 0:06

"Adorons le roi pour qui tout vit", dit la liturgie des morts.
Dieu est le Vivant, plein d'une puissance de vie inexprimable. Les humains ont plus ou moins de vitalité. En Dieu, il n'y a rien de mort, tout est être, acte, plénitude de possession. "Rien ne dort, tout brûle dans le perpétuel présent d'un acte vital unique, infini, qui embrasse tout".
Mais ça, c'est juste par comparaison avec l'homme. La véritable vie de Dieu est sa sainteté.

Nous vivons en lui. Nos joies, nos peines, nos travaux ne lui sont pas indifférents. Il y a une mauvaise piété qui exalte les choses divines en rabaissant les choses de ce monde. Mais "il a créé le monde pour qu'il soit, il a vu que tout y était bon"; quand le péché a envahi son oeuvre bonne il a pris l'événement tellement au sérieux qu'il a livré son Fils unique. Il est à côté de nous quand nous accomplissons notre oeuvre quelle qu'elle soit. C'est pour lui que vit notre oeuvre. Il vit aussi dans notre conscience. Par la grâce il nous donne de participer à sa vie.

Alors pourquoi la mort? "La nature du Dieu vivant n'est-elle pas ici en défaut? La foi nous dit que dans la mort, Dieu donne à la vie son véritable accomplissement".
À notre mort, Dieu nous accorde la grâce de se révéler. Tout ce qui en nous était mort se consume et nous parvenons à notre véritable vie. Nous qui sommes en vie, nous ne sommes pas absolument vivants, nous ne vivons que par intermittence.
L'homme se juge en même temps que Dieu le juge. "Dans la lumière libératrice de Dieu, surgira glorieusement le caractère nouveau que nous portons en nous".
La vie éternelle, c'est Dieu. Et ce n'est pas monotone, car le monde entier nous est donné !
La vie éternelle, pénétration infinie dans la plénitude infinie de la splendeur du Dieu vivant".

***

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12400
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Dieu console/Lumen cordis

Message non lu par Fée Violine » dim. 29 sept. 2013, 16:02

Dieu console

Jésus nous a promis "un autre paraclet", c'est-à-dire consolateur.

L'hymne de Pentecôte Veni sancte Spiritus
http://www.youtube.com/watch?v=3pU34vUoO9g (grégorien)
http://www.youtube.com/watch?v=WmxXwAgkhWQ (Taizé)
est pleine de paix, c'est un dialogue à voix basse, un mouvement calme, intime. "Le coeur humain avec ses souffrances et sa lassitude s'adresse au Dieu consolateur".
L'homme a facilement le sentiment que Dieu est puissant et redoutable, mais il dit dans la Bible "Je vous consolerai comme une mère console son enfant"; qu'il est exigeant; qu'il est lointain, "et pourtant Dieu est réel!"
Il y a dans la consolation quelque chose de vivant. Pour consoler, il faut aimer, être ouvert, il faut le regard clair, le coeur sensible, la force subtile. Consoler, c'est éveiller, créer, faire naître, donner, appeler l'autre à ce qu'il a de meilleur, agir en lui pour le rendre libre, éveiller sa force vitale cachée, s'allier à ce qu'il a de plus intime, éveiller une nouvelle confiance, montrer des voies et des issues, donner une direction à celui qui en avait perdu le sens. L'amour humain peut faire tout cela, mais il est limité, il n'est pas Dieu.
Le Saint Esprit est la proximité. Comme une haleine légère il touche ton âme, et tout est changé.

L'hymne dit : "lumière des coeurs". Il y a une lumière pour les yeux, une pour l'esprit, mais "lumière du coeur"? Ce n'est pas une lumière froide comme celle de la connaissance, mais ardente et intime.
"La consolation de Dieu : un signe qui guide à travers l'erreur, une chaleur qui dissipe la raideur et le froid, un breuvage qui apaise la soif de plénitude infinie, un remède qui guérit; la pureté, la beauté rendues..."

Surtout, cette hymne a en vue "la vie quotidienne avec tout son poids, sa rumeur, sa détresse". C'est une consolation réelle qui ne tarit pas dans les tourments de l'existence, une vie si vivante qu'aucune lassitude ne parvient à l'étouffer.

***

Lumen cordis
Le douzième et dernier chapitre du livre, "Lumen cordis" [lumière du coeur], est comme le dixième, "Dieu console", une méditation sur l'hymne "Veni sancte Spiritus", mais il y écrit des choses un peu différentes. Je les mets ensemble.

"Dieu est toujours ce dont l'homme a besoin, et davantage".
"Le mystère en Dieu, c'est que la clarté soit en même temps intimité profonde, que la force soit amour, que la plénitude créatrice soit lumière. Comme il est bon qu'il en soit ainsi!"
"Les sept dons :
la crainte de Dieu, pour qui Dieu est sans cesse présent;
l'intelligence, qui connaît la vérité;
la sagesse, qui comprend la signification des choses;
la prudence, qui découvre les droits chemins;
la justice, qui veut le bien;
la force, qui ose et qui peut;
la mesure, qui a le sens du respect et se tient dans ses limites.
En tout cela, une seule et même chose : la force de l'Esprit".

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12400
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Les nouveaux cieux et la terre nouvelle

Message non lu par Fée Violine » dim. 29 sept. 2013, 16:33

Les nouveaux cieux et la terre nouvelle

Voici donc l'avant-dernier chapitre, et qui n'est pas le moindre!

"Le mystère de la vie nouvelle n'existe-t-il que pour l'homme?" Qu'en est-il des choses autour de nous?
"Beaucoup de personnes ont le sentiment que la nature recèle une profonde attente, qu'elle renferme plus de choses que celles que l'on peut saisir et utiliser".
Rm 8, 19-22 "La création attend anxieusement la révélation des fils de Dieu (...) pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Jusqu'à ce jour la création gémit dans les douleurs de l'enfantement" : le monde n'est pas terminé et clos, il y aspire douloureusement.
Pour un enfant, les choses autour de lui sont vivantes, elles signifient pour lui plus que pour un adulte. Puis l'enfant grandit, utilise les choses, elles perdent cette liberté qu'elles avaient.
Or quelque chose de semblable arrive autour de certains êtres, mais plus haut. Par exemple saint François d'Assise. Les légendes qui le concernent (avec les oiseaux, le loup etc.) indiquent qu'autour de lui, les choses étaient autrement qu'avec les autres hommes. Près de ce véritable "enfant de Dieu" et de sa "gloire", quelque chose venant de Dieu pénétrait en elles, quelque chose qui était ce qu'elles attendaient et en quoi elles pouvaient devenir tout à fait elles-mêmes. "Près de lui, le monde a commencé à devenir bienheureux".

Le livre de l'Apocalypse "parle de l'oppression que subit dans le monde la vie sacrée qui vient de Dieu, et des combats où elle doit persévérer; mais en même temps il parle de la gloire qui, venue de Dieu, rayonne de toute la création. L'Apocalypse entière est remplie du profond mystère de l'amour divin non seulement envers l'homme, mais aussi envers les choses".
Dieu aime aussi les choses. Un sourire de l'amour de Dieu rayonne sur la beauté de ses créatures.
Le récit de la Genèse a été écrit à une époque où certains disaient que le monde est mauvais, créé par le Malin.
Ensuite la Bible parle du péché et de la souffrance, mais jamais Dieu n'abandonne le monde.
Jésus le regarde avec bienveillance. "Il nous a révélé que le grand mystère de la providence du Père s'accomplit dans les événements de ce monde, que les choses sont des réceptacles, des instruments, des messagers et des directions pour ses enfants".
St Paul dit qu'on peut entrevoir dans les choses visibles l'existence et l'action du Dieu invisible.
Tout cela, ce sont des signes qui montrent que Dieu aime les choses.
Enfin dans l'Apocalypse, le mystère, la splendeur de l'amour divin, apparaissent clairement. Il y aura de nouveaux cieux et une terre nouvelle, tout le mal disparaîtra, tout sera libéré, transformé.
Avec la Transfiguration et la Résurrection du Christ, on entre au coeur même de cette transformation. Le Seigneur transfiguré est vivant, il agit, il attire le monde en lui, les hommes et toute créature.
"Tout est vie! Tout est lumière! Tout n'est que l'unique beauté de l'amour!" L'Apocalypse en parle avec de magnifiques images.

***

C'était le compte rendu de ce magnifique et très nourrissant petit livre de 133 pages, qui parfois m'a fait penser à Éloi Leclerc, même genre de spiritualité limpide et profonde. Et notamment ce qui m'a fait penser à cet auteur, c'est l'idée (paradoxale) que c'est dans son absence que Dieu est présent (chapitre "De la manière dont on connaît Dieu"): c'est justement l'idée centrale du livre d'Éloi Leclerc "Le royaume caché".

Avatar de l’utilisateur
Ficelle
Censor
Censor
Messages : 143
Inscription : ven. 25 févr. 2011, 21:16

Re: Romano Guardini, "Le Dieu vivant"

Message non lu par Ficelle » sam. 12 oct. 2013, 13:06

Bonjour,

Je viens de dénicher dans une foire aux livres, "Le commencement de toutes choses, méditations sur la Genèse I-III" de Romano Guardini !
Je vais pouvoir m'y pencher sérieusement! :)

:fleur:
"Heureux les hommes dont tu es la force, des chemins s'ouvrent dans leur coeur." Psaume 83

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12400
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Re: Romano Guardini, "Le Dieu vivant"

Message non lu par Fée Violine » sam. 12 oct. 2013, 18:23

Vous nous en ferez un compte rendu, j'espère ? :)

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 39 invités