Merci, cher Altior, pour votre longue et pertinente réponse.
Sans doute, Socrate. Mais les républiques chrétiennes citées (dont la liste n'est pas longue: Venise, Florence ...) étaient organiquement créés. Puis, elle étaient petites. D'ailleurs, plus généralement parlant, les républiques qu'on donne pour exemples de succès furent de taille humaine. Même Athènes dans son apogée, pendant Périclès, avait un corps électoral de 40 000 personnes. À cette taille là, on arrive facilement à connaître, sinon directement, au moins à deuxième main ceux qui demandent le suffrage. Arrivé en France, j'ai noté que le suffrage démocratique fonctionne beaucoup mieux aux élections locales qu'au niveau national. J'ai connu personnellement une bonne dizaine de maires et aucun n'était totalement incompétent pour sa fonction. Les uns étaient excellents, d'autres étaient pour le moins utiles à leurs communes. Aux locales, ce succès de la démocratie est proportionnel à la taille de la circonscription: plus une commune est petite, plus elle a de chance d'avoir un maire comme il faut.
Nous sommes d'accord sur un point très important : la démocratie est d'abord locale. C'est là qu'il faudrait commencer à introduire davantage de démocratie réelle, je veux dire directe, où les citoyens décident eux-mêmes des affaires qui les concernent immédiatement.
Ceci ne veut pas dire que le peuple ne peut pas intervenir directement au niveau national. Le référendum reste une très bonne chose.
Je répondrais un peu plus loin sur la question du suffrage universel.
On a cité encore les États Unis. En voilà une république qui dépasse la "taille humaine". Dans ce cas, on n'a pas encore peut-être le recul historique nécessaire. On sait que les racines des États Unis furent profondement chrétiennes. Tous les quatre "Pères fondateurs" étaient de fervents chrétiens. On en est où maintenant ? Le catholique Biden, vous pensez qu'il est animé par la même ferveur religieuse que Thomas Jefferson ou George Washington ?
Je ne connais pas la foi personnelle de Joe Biden, mais il est clair qu'il ne se conduit guère en catholique. Les USA ne sont plus un pays chrétien, nous sommes d'accord là-dessus, mais j'ai déjà fait remarqué que la même situation pourrait être observée en Belgique ou au Royaume-Uni, pays monarchiques s'il en est. Si les USA ne sont plus chrétiens, c'est parce qu'ils sont sécularisés, pas parce qu'ils sont une république.
Un préopinant a noté qu'à Rome, tout comme en France, la république naquit par réacion révolutionnaire à la monarchie. C'est vrai. Mais la république romaine échoue en dégringolade, avec des incessantes luttes pour le pouvoir et des listes de proscription où chacun mettait les ennemis de sa famille. La reprise de la monarchie, à une toute autre échelle que lorsque Rome était petite, s'est avéré nécessaire.
On pourrait faire remarquer qu'en France aussi, la monarchie a fini par dégringoler, pour le meilleur et pour le pire. De même en Italie, en Allemagne, en Russie, etc.
Je donne raison a celui qui disait que s'il était Suisse il raisonnerait autrement. Moi, en tant que Roumain par nature et Français par adoption, je suis royaliste. En Roumanie, la République naquit avec du sang innocent sur ses mains. Ce sont les blindés soviétiques qui nous ont fait ce maudit cadeau. En France, pareillement, la République naquit par ce qui fut le modèle de référence de toutes les "révolutions" communistes. L'acte de décapiter le Père de la Nation fut le baptême sanglant de la République. C'est pourquoi, cher Français, je te rapelle :
Si tu veux la délivrance
Pense clair et marche droit
Les Rois on fait la France
Elle se défait sans Roi.
Je ne me serais jamais attendu à voir un membre de ce forum citer un chant de l'Action française. Comme quoi, tout arrive ^^
C'est moi qui disais cela au sujet de la Suisse. Un régime politique bon dans un certain pays n'a pas vocation à s'imposer à tous. On l'a cru pour la démocratie et le prix à payer s'est compté en milliers de morts irakiens, afghans, libyens, etc. Il en va de même pour tout autre régime, y compris monarchique.
Pour l'anecdote, le premier Comte de Paris, Philippe d'Orléans (ou Philippe VII si l'on est royaliste) l'avait si bien compris que, se rendant aux USA, il avait prononcé un discours à ses hôtes américains en leur expliquant que si la république était le régime naturel des Américains, la royauté était celui de la France. Et il raisonnait bien : la monarchie n'est pas une internationale.
Soit dit en passant, puisque vous êtes Roumain de naissance, quel prétendant soutenez-vous ? Je suis d'autant plus intéressé que l'idée monarchique a fait son retour en Roumanie il y a peu.
Maintenant, pour sortir du domaine politique en entrant dans le domaine théologique, je pense que la forme de gouvernement qui puisse pencher le mieux en faveur du christianisme est la monarchie sur la base d'un argument de toute autre nature. On sait bien que l'Église Triomphante est une monarchie. L'Église Militante pareillement. Si on part de la prémisse que le modèle de gouvernance de la société terrestre doit être la société céleste (pour que la Cité Catholique d'ici bas soit une image de la Cité Catholique des Cieux), alors la forme de gouvernement monarchique s'impose avec nécessité. Bon, on peut imaginer une monarchie qui ne soit pas forcément héréditaire, mais élective. Cela a existé dans le Saint Empire déjà évoqué, cela existe dans l'Église. Néanmoins, la monarchie dans ce modèle est incompatible avec le suffrage universel, car les électeurs (princes électeurs dans le premier cas, princes de l'Église dans le deuxième) et non pas l'ensemble du corps social seront appelés à élire. Pas même besoin de théologie, la philosophie est suffisante : l'idée que du bas surgisse le haut a quelque chose d'absurde, dont la nature ne nous donne aucun exemple. Selon les mots de Saint Jacques : Tout don excellent, toute grâce parfaite, descend d'en haut, du Père des lumières, en qui n'existe aucune vicissitude, ni ombre de changement. (Jaques 1 : 17)
Plus exactement, l'Eglise militante est ce que saint Thomas appelle un "régime mixte", un régime composé d'éléments démocratiques (le peuple de Dieu), aristocratiques (le clergé) et monarchiques (l'évêque au niveau local, le souverain pontife au niveau universel). Il ne découle pas de là que la monarchie est le meilleur régime en soi et pour tous, car ce qui vaut pour l'Eglise ne vaut pas forcément pour la société civile.
Sur la question du suffrage universel, j'entends beaucoup de royalistes français s'y opposer sans savoir qu'ils se trouvent en porte-à-faux avec leur propre tradition. Souvenons-nous en effet que sous la Restauration, les premiers partisans du suffrage universel se trouvent parmi les Ultras ; que le Comte de Chambord voulait l'élargir ; que Maurras lui-même n'y était pas défavorable. Bien sûr, l'objet du suffrage n'était pas, dans leur pensée, la désignation du souverain, mais l'élection des députés, maires, etc.
De sorte qu'il n'y a pas de contradiction à être à la fois royaliste et partisan du suffrage universel.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.