Se rapprocher de l'Eglise Catholique

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Message non lu par Suliko » mer. 22 mars 2017, 22:51

Quant à la pratique d'une très longue période de l'histoire de l'Eglise, c'est évidemment vrai. Mais cette pratique n'est certainement pas en elle-même un enseignement infaillible.
Si la pratique et l'enseignement constants de l'Eglise sur la question n'est pas infaillible, je ne vois pas trop ce qui le serait ! Vous faites comme s'il était accidentel que l'Eglise ait rejeté la séparation des pouvoirs temporel et spirituel depuis qu'elle a eu à se prononcer sur la question (c'est-à-dire depuis de très longs siècles). Le problème, c'est que par la même occasion, vous faites de l'enseignement post-conciliaire sur les relations Eglise-Etat quelque chose de tout aussi accidentel et non infaillible, que je suis conséquemment totalement libre de rejeter !
Quant à la légitimité pour l'Etat de lutter contre l'erreur religieuse, j'en ai déjà parlé : refuser d'imprimer des ouvrages hérétiques, refuser ou limiter la construction de lieux de culte non catholiques, ne faire que tolérer les faux cultes, alors que le catholicisme est clairement reconnu comme la vraie religion, etc...en sont bien des illustrations assez claires.
Dernière modification par Suliko le jeu. 23 mars 2017, 1:09, modifié 1 fois.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Altior » jeu. 23 mars 2017, 0:14

Vous voyez, Suliko, la Sainte Église n'est plus dans les mêmes conditions qu'avant la Révolution. Ni même dans les mêmes conditions que pendant le XIX-ème siècle. À qui la faute? C'est un tout autre sujet. Force est de constater qu'on ne peut plus parler, de nos jours, d'États chrétiens (à l'exception, peut-être, de Malte et de l'Hongrie tout récemment).

Dans l'histoire de l'expansion de l'Église il y a deux moments de grand changement en ce qui concerne les rapport entre la Sainte Église et l'État.
Le premier a été l'Édit de Milan: alors, dans l'année 313, le christianisme est devenu une religion tolérée et l'Église, persécutée farouchement jusqu'alors, a gagné une place dans la cité. Le chrétiens pouvaient pratiquer leur culte publique sans la peur qu'il seront jetés aux lions.
Le deuxième a été l'Édit de Thessalonique. Alors, dans l'an 380, le christianisme est devenu religion d'état. Toléré depuis 313, une religion parmi d'autres, le christianisme devient LA religion, la Sainte Église Catholique gagnant une position éminente, tendis que les autres religions deviennent tolérées, dans la manière où on tolère, de nos jours, des gens qui sont convaincus que la terre est plate, sans que cela veuille dire qu'on se sent obligé d'enseigner cela dans les écoles publiques et sans considérer qu'il y a plusieurs vérités concernant la forme géométrique de la terre.

Eh bien, je vous dis avec un certain regret: il y a eu une croissance du christianisme et il y a une décroissance. Jusque quand ? Jusque quand l'Église devra suivre son Époux sur la croix. Ce n'est pas moi qui dit ça, c'est le CEC, le catéchisme dernière édition Jean-Paul II- Schonborn. Et, le plus nous nous rapprochons de ce moment, le plus nous descendons du sommet de la montagne, de là où l'Église projetait de construire le Jérusalem terrestre, miroir de Jérusalem céleste. De façon que nous traversons, de notre vécu, le temps à sens inverse entre les deux Édits. Nous sommes entre l'Édit de Théssalonique et l'Édit de Milan. De nos jours, l'Église, loin de prétendre une position dominante dans la cité, serait très heureuse avec une position tolérée. Elle serait très heureuse que ses fils et ses filles se réjouissent des mêmes droits dont les athées et les mécréants se réjouissent. J'ai peur que le temps viendra, s'il n'est encore venu, quand l'Église n'aura plus le droit de tolérance qu'elle a connu entre l'an 313 et l'an 380.

Fraternaliter in Christo,
A.

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Héraclius » jeu. 23 mars 2017, 1:21

Quant à la pratique d'une très longue période de l'histoire de l'Eglise, c'est évidemment vrai. Mais cette pratique n'est certainement pas en elle-même un enseignement infaillible.
Si la pratique et l'enseignement constants de l'Eglise sur la question n'est pas infaillible, je ne vois pas trop ce qui le serait !


Vous modifiez délibérément ma phrase, qui évite volontairement le terme d'enseignement et qui parle d'une longue période et non d'une constance intemporelle.

Il y a beaucoup de choses que l'église a fait, de façon toute aussi "constante", et qui sont de l'ordre de la pratique politique plus qu'autre chose. Prenez le fait de recruter les évêques au sein de l'aristocratie: une pratique universelle, à eu près aussi répandue que la censure des fausses religions. Est-ce un dogme ? Non, évidemment !

Vous faites comme s'il était accidentel que l'Eglise ait rejeté la séparation des pouvoirs temporel et spirituel depuis qu'elle a eu à se prononcer sur la question (c'est-à-dire depuis de très longs siècles). Le problème, c'est que par la même occasion, vous faites de l'enseignement post-conciliaire sur les relations Eglise-Etat quelque chose de tout aussi accidentel et non infaillible, que je suis conséquemment totalement libre de rejeter !
Je ne suis pas pour la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en tout cas pas au sens laïc du terme, et l'Église conciliaire non plus.


Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Suliko » jeu. 23 mars 2017, 13:56

Vous modifiez délibérément ma phrase, qui évite volontairement le terme d'enseignement et qui parle d'une longue période et non d'une constance intemporelle.
A partir du moment où l'Eglise a toujours condamné la séparation des pouvoirs temporels et ecclésiastiques, il me semble correct de parler d'un enseignement constant.
Il y a beaucoup de choses que l'église a fait, de façon toute aussi "constante", et qui sont de l'ordre de la pratique politique plus qu'autre chose. Prenez le fait de recruter les évêques au sein de l'aristocratie: une pratique universelle, à eu près aussi répandue que la censure des fausses religions. Est-ce un dogme ? Non, évidemment !
Mais cela n'a rien à voir ! D'une part, il y a toujours eu des évêques issus de la plèbe et d'autre part, qu'un évêque soit issu de tel ou tel milieu n'a aucune influence directe sur le salut des âmes. La nature des relations entre l'Eglise et l'Etat, par contre, a une incidence claire sur cette question.
Je ne suis pas pour la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en tout cas pas au sens laïc du terme, et l'Église conciliaire non plus.
Désolée, mais ce n'est pas là le langage des papes et évêques d'aujourd'hui. Ils se prononcent clairement pour le droit de pratiquer publiquement la religion de son choix et c'est Paul VI lui-même qui a fait retirer les références chrétiennes de nombres d'Etats. Je ne sais vraiment pas ce qu'il vous faut de plus pour constater un changement radical de doctrine avant et après le concile. A quoi bon chercher par tous les moyens à prouver qu'il n'y a pas de contradiction entre ce qui était enseigné autrefois et ce qui l'est aujourd'hui ?
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Héraclius » jeu. 23 mars 2017, 16:08

Suliko a écrit :
jeu. 23 mars 2017, 13:56
Vous modifiez délibérément ma phrase, qui évite volontairement le terme d'enseignement et qui parle d'une longue période et non d'une constance intemporelle.
A partir du moment où l'Eglise a toujours condamné la séparation des pouvoirs temporels et ecclésiastiques, il me semble correct de parler d'un enseignement constant.
Il y a beaucoup de choses que l'église a fait, de façon toute aussi "constante", et qui sont de l'ordre de la pratique politique plus qu'autre chose. Prenez le fait de recruter les évêques au sein de l'aristocratie: une pratique universelle, à eu près aussi répandue que la censure des fausses religions. Est-ce un dogme ? Non, évidemment !
Mais cela n'a rien à voir ! D'une part, il y a toujours eu des évêques issus de la plèbe et d'autre part, qu'un évêque soit issu de tel ou tel milieu n'a aucune influence directe sur le salut des âmes. La nature des relations entre l'Eglise et l'Etat, par contre, a une incidence claire sur cette question.
Je ne suis pas pour la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en tout cas pas au sens laïc du terme, et l'Église conciliaire non plus.
Désolée, mais ce n'est pas là le langage des papes et évêques d'aujourd'hui. Ils se prononcent clairement pour le droit de pratiquer publiquement la religion de son choix et c'est Paul VI lui-même qui a fait retirer les références chrétiennes de nombres d'Etats. Je ne sais vraiment pas ce qu'il vous faut de plus pour constater un changement radical de doctrine avant et après le concile. A quoi bon chercher par tous les moyens à prouver qu'il n'y a pas de contradiction entre ce qui était enseigné autrefois et ce qui l'est aujourd'hui ?

Le problème c'est que vous limitez le rôle d'une religion d'état à la censure de l'erreur religieuse.

Avant cela, il y a le fait de définir l'orientation de la société, fonder le droit et l'exercice du pouvoir, l'alignement des fondements de la société sur l'Evangile, la promotion positive de la foi, etc...


Je refuse complètement l'opposition que vous faites entre l'idée de religion officielle et le droit de pratiquer la religion de son choix.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Suliko » jeu. 23 mars 2017, 20:03

Le problème c'est que vous limitez le rôle d'une religion d'état à la censure de l'erreur religieuse.
Je n'ai jamais rien écrit de tel. C'est seulement parce que vous minorez cet aspect des choses que je m'y attarde tout particulièrement.
Je refuse complètement l'opposition que vous faites entre l'idée de religion officielle et le droit de pratiquer la religion de son choix.
Pourtant, vous ne pouvez pas avoir d'Etat véritablement catholique dans ses lois et son organisation sociale sans que cela n'implique un minimum d'entrave à la pratique publique des fausses religions. C'est ce qui s'est toujours vu et je ne vois vraiment pas comment il pourrait en être autrement. Un pays catholique n'a aucune raison de laisser libre court au prosélytisme protestant, mormon, etc...
Et de toute façon, le clergé actuel est en faveur de la liberté religieuse, perçue comme un droit découlant de la nature humaine. Je crois qu'on peut difficilement le nier. Et tout ce que je dis, c'est que c'est en contradiction avec le Magistère traditionnel. Je ne comprends pas ce qu'il y a de si injustifiable dans mes propos... On peut certes essayer de tordre les textes pré-conciliaires dans le sens le plus libéral possible et faire de même avec Dignitatis Humanae, mais dans le sens le plus orthodoxe possible, Néanmoins, cela ne me convainc pas du tout.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Cinci » jeu. 23 mars 2017, 23:10

Suliko :
Pourtant, vous ne pouvez pas avoir d'Etat véritablement catholique dans ses lois et son organisation sociale sans que cela n'implique un minimum d'entrave à la pratique publique des fausses religions. C'est ce qui s'est toujours vu et je ne vois vraiment pas comment il pourrait en être autrement. Un pays catholique n'a aucune raison de laisser libre court au prosélytisme protestant, mormon, etc...
Donc, c'est vrai que Pie IX condamnait comme du délire et une erreur funeste le point de vue libéral que défend Paul VI en matière de liberté de conscience et de religion.

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par axou » jeu. 23 mars 2017, 23:14

Qu'est-ce que la liberté religieuse ? : article de La Croix (Elodie Marot) que je trouve très éclairant sur le thème "rupture et continuité" lesquels ne se contredisent pas sur ce beau chemin de l'Eglise en marche :
(c'est moi qui mets en gras)


Avec la déclaration « Dignitatis humanae » de Vatican II sur la liberté religieuse, l'Église catholique refuse toute contrainte sur les consciences en matière religieuse.

Pour la première fois dans l'histoire de l'Église catholique, le concileVatican II (1962-1965) en a donné une définition : cette liberté « consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse, nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience, ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres ». (Déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse, 2, 1.)

Les pères conciliaires ont adossé cette liberté à une philosophie de la personne, considérée comme sujet de droit. « Le droit de la personne humaine à la liberté religieuse n'est pas simplement positif ou concédé, il est naturel ; il n'est pas conditionné ou contingent, mais absolu. Il relève de la structure originaire de l'homme comme personne, c'est-à-dire comme image de Dieu », commente le théologien jésuite Gustave Martelet (1).

La liberté religieuse concerne d'abord le domaine des relations avec les autorités civiles. La séparation de l'Église et de l'État est acceptée. L'intolérance religieuse devient une « impossibilité de droit » pour l'Église. En retour, celle-ci demande la liberté d'association et d'expression dans l'espace public. Mais le texte du Concile touche aussi un niveau existentiel et spirituel : il affirme la valeur de la recherche de la vérité par l'homme, avec ses tâtonnements.

« La grande nouveauté du document, c'est la manière dont il insiste sur la recherche personnelle de la vérité par la conscience. Auparavant, l'homme n'avait le choix qu'entre acquiescer à la vérité catholique ou être dans la conscience erronée. Le Concile, au contraire, reconnaît que la quête de vérité de ceux qui n'ont pas abouti à la religion catholique n'est pas sans valeur : leur recherche et leurs choix ont un sens », souligne le P. Dominique Gonnet (2).

En quoi ce texte fait-il rupture ?

À la veille de Vatican II, la position catholique officielle était toujours celle d'un refus de la liberté religieuse
. Le Magistère restait favorable à l'État catholique, reconnaissant le catholicisme pour religion officielle. Liée au refus de la Réforme puis des Lumières, cette hostilité à la reconnaissance des libertés avait atteint son paroxysme dans l'encycliqueQuanta Cura de Pie IX (1864), qui qualifie de « folie » (deliramentum) l'idée selon laquelle la liberté de conscience est un droit universel.

Devant la progression et la consolidation des États démocratiques, l'Église a cependant développé progressivement une posture pragmatique. Ce compromis, dit de « la thèse » et de « l'hypothèse », restera en vigueur jusqu'à Vatican II
: la « thèse » affirmait que l'idéal était l'État chrétien, mais l'« hypothèse » permettait de tenir compte des circonstances politiques et de l'impossibilité pour les catholiques d'avoir ce type d'exigence en pratique. Au Concile, l'abandon de cette logique binaire a permis d'envisager la liberté religieuse autrement que comme déficience et faiblesse.

Comment Vatican II a-t-il argumenté ce changement ?

Avec Dignitatis humanæ, sa déclaration sur la liberté religieuse, le Concile rompt avec des siècles de justification du monolithisme politico-religieux. Ce tournant s'explique par tout un contexte politique et spirituel. Lorsque s'ouvre Vatican II, la liberté religieuse est reconnue depuis longtemps dans les constitutions civiles des États démocratiques.

En 1948, la déclaration universelle des droits de l'homme, publiée par l'ONU, a affirmé que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion » (article 8). Parmi les évêques, beaucoup constatent les bienfaits de cette évolution : les Américains vont ainsi témoigner des effets positifs de la séparation de l'Église et de l'État et de la reconnaissance de la liberté religieuse.

Ce contexte politique et social, reconnu comme positif par Jean XXIII dès l'encyclique Pacem in terris (1963), a joué en faveur d'une reconnaissance de la liberté religieuse. Celle-ci permet aussi de progresser dans la réconciliation oecuménique désirée par Vatican II et de solder l'héritage des guerres de religion.


Dans la constitution Gaudium et spes , le Concile vient de déclarer que « l'Église n'ignore pas tout ce qu'elle a reçu de l'histoire et de l'évolution du genre humain » (GS 44, 1) : la déclaration sur la liberté religieuse sera emblématique de ce nouveau regard porté sur le monde et de la manière dont l'Église catholique accepte d'apprendre de l'histoire humaine. Les pères reconnaissent ainsi que « le ferment évangélique » n'a pas été absent des évolutions politiques qui ont conduit à la reconnaissance de « la dignité de la personne humaine ».

Ils affirment que la « non-contrainte » en matière de foi fait partie de la Tradition de l'Église, tout en discernant qu'il y a eu « dans la vie du peuple de Dieu, cheminant à travers les vicissitudes de l'histoire humaine, des manières d'agir moins conformes, bien plus même contraires à l'esprit évangélique » (DH 12).

Vatican II va jusqu'à enraciner le respect de la liberté religieuse au coeur de la foi chrétienne. « Cette doctrine de la liberté a ses racines dans la Révélation divine », pose-t-il clairement. Dans un style très nouveau pour un document officiel, la déclaration offre, dans sa seconde partie, une longue méditation sur le Christ exemple « de douceur et de modestie ». « Instruits par la parole et l'exemple du Christ, les Apôtres suivirent la même voie, poursuit le texte. Avec courage, ils annonçaient à tous le dessein de Dieu Sauveur ( ), mais en même temps, vis-à-vis des faibles, même vivants dans l'erreur, leur attitude était faite de respect manifestant ainsi comment "chacun d'entre nous rendra compte à Dieu pour soi-même (Rm 14, 12) et, pour autant, est tenu d'obéir à sa propre conscience." »


Bien à vous,

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Kerniou » ven. 24 mars 2017, 3:02

Merci, Axou, pour votre "brillante" intervention.
" Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu , car Dieu est Amour " I Jean 4,7.

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Héraclius » ven. 24 mars 2017, 10:50

Oui, mais ça c'est une interprétation progressiste du concile, qui est justemment la même que celle des tradis...

Dignitatis Humanae, en attendant, ne dit rien de la séparation de l'Église et de l'état.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Suliko » ven. 24 mars 2017, 11:38

Ils affirment que la « non-contrainte » en matière de foi fait partie de la Tradition de l'Église
Ce qui est dit dans cet article est totalement contradictoire ! Un enseignement ne peut pas à la fois faire partie de la Tradition de l'Eglise et avoir toujours été condamné jusqu'au dernier concile.

Héraclius,

Vous dites que mon interprétation de Dignitatis Humanae est progressiste, mais je ne crois pas, car c'est l'interprétation de la très grande majorité du clergé. De plus, Paul VI lui-même, comme je l'ai déjà souligné, a demandé à des Etats catholiques de retirer les références catholiques de leur Constitution. Ce que je n'arrive pas à comprendre dans votre réflexion, c'est comment vous conjuguez l'absence de frein à la liberté de pratiquer publiquement la religion de son choix et la catholicité de l'Etat. Comment ce dernier pourrait-il protéger cette catholicité des lois et des mœurs si on lui enlève la possibilité d'agir concrètement contre le prosélytisme des fausses religions et s'il est obligé de céder aux revendications cultuelles de ces dernières (construction de temples, de mosquées, etc.., prosélytisme, création d'écoles non catholiques, etc...et la liste est longue). D'ailleurs, quels sont les clercs et laïcs qui sont sur la même ligne que vous ? Et qu'est-ce qui vous "dérange" dans les textes pré-conciliaires qui parlent de la question ?
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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par prodigal » ven. 24 mars 2017, 13:24

Le prosélytisme est règlementé dans toutes les sociétés, y compris celles qui considèrent la liberté religieuse comme fondamentale, y compris aussi bien entendu la société française, qui se définit comme laïque.
Le problème n'est donc pas là, si tant est qu'il y ait un problème. :)
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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par axou » ven. 24 mars 2017, 14:22

Héraclius a écrit :
ven. 24 mars 2017, 10:50
Oui, mais ça c'est une interprétation progressiste du concile, qui est justemment la même que celle des tradis...

Dignitatis Humanae, en attendant, ne dit rien de la séparation de l'Église et de l'état.
C'est bien normal que les Pères conciliaires, dans le processus qui est le leur, ne se mêlent pas de politique et ne se positionnent pas sur un régime politique précis. Mais à partir du moment ou la liberté de conscience et de religion ("de telle sorte qu'en matière religieuse, nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience, ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres ") sont reconnues, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, sans être une absolue nécessité devient une donnée assez naturelle et tout à fait acceptable pour eux et pour l'Eglise.
Il y a un cheminement logique entre la liberté de conscience et la laicité.

Bien à vous,

Axou

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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par prodigal » ven. 24 mars 2017, 14:35

Chère Axou,
je trouve que ce que vous dites est pertinent et utile, et votre long exposé sis quelques messages plus haut constitue une bonne base de travail, dont je voudrais vous remercier.
Un petit détail cependant, s'il est vrai que la laïcité (bien comprise) implique le respect de la liberté de conscience, la réciproque n'est pas vraie. L'exemple du Royaume-Uni est parlant à cet égard.
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Re: Se rapprocher de l'Eglise Catholique

Message non lu par Suliko » ven. 24 mars 2017, 14:57

prodigal a écrit :
ven. 24 mars 2017, 13:24
Le prosélytisme est règlementé dans toutes les sociétés, y compris celles qui considèrent la liberté religieuse comme fondamentale, y compris aussi bien entendu la société française, qui se définit comme laïque.
Le problème n'est donc pas là, si tant est qu'il y ait un problème. :)
Il n'est pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir... Un Etat laïque n'a tout simplement pas le droit d'interdire à de pacifiques mormons ou témoins de Jéhovah d'être prosélytes et de construire des lieux de culte. Un Etat catholique, oui ! Je trouve axou plus logique que vous ou qu'Héraclius, car elle reconnaît qu'il y a clairement une rupture dans le discours de l'Eglise au sujet de la liberté religieuse, tandis que vous essayez, - à mon sens en vain -, de voire une continuité, un simple développement de la Tradition, dans les enseignements pré- et post-conciliaires.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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