Bonjour Suliko !
Au contraire, les plus tradis tendent à une vision idéalisée de l'ère pré-conciliaire, comme une apogée de la clarté du Dogme, une ère disciplinée où la modernisme est condamné, les séminaires et couvent sont pleins, les soutanes visibles à tous les coins de rues, la liturgie célébrée dans sa forme ''de toujours'', l'autorité de l'Eglise hiérarchique affirmée sans ambiguitée. Ils pointeront les vertus du catéchisme systématique qui permettait à tout le monde de réciter la liste des sacrements avec forme, matière et ministre comme des tables de multiplication, ce qui sera opposé aux ''coloriages'' du catéchisme moderne. Plus largement, ce qu'ils plébisciteront, c'est une Eglise sûre d'elle-même, résolument contre-culturelle, anathémisant fièrement la modernité du haut de ses 19 siècles d'histoire.
Je ne pense pas que constater qu'avant le concile, la foi se transmettait assez bien au sein des familles catholiques signifie idéaliser le passé...Honnêtement, je n'ai jamais lu de traditionaliste qui pensait que les années 50 ou 40 étaient une période merveilleuse pour le catholicisme, une apogée de la civilisation chrétienne. Non, nous avons bien conscience que bien des élites étaient déjà marquées par le relativisme, le libéralisme et tant d'idées incompatibles avec le règne social du Christ. Cependant, il existait encore de fortes poches de résistance, des régions et pays catholiques même dans leurs lois et constitution et surtout, l'Eglise faisait son devoir : elle condamnait les hérésies et transmettait la religion catholique, par des catéchismes clairs, une liturgie malgré tout digne et belle (parce que désolée de le dire, mais les soucis liturgiques pré-conciliaires, bien que réels, ne sont rien à côté de ce qui se passe actuellement dans la plupart des paroisses...), etc... Tout cela aurait-il résisté longtemps face aux actions de sécularisation des élites rejetant le christianisme ? Je ne sais pas, mais il me semble que la déchristianisation aurait été beaucoup moins violente et conséquente si le haut clergé ne s'était pas précipité dans ce qui fut souvent appelé la nouvelle Pentecôte...
Les deux petites descriptions que j'ai faites au-dessus sont des caricatures qui marquent les ''limites'' de notre compréhension de la période pré-conciliaire. Je ne dit pas que les tradis embrassent cette caricature, je dis qu'ils sont plus proches de l'idéalisation absolue de la période pré-conciliaire que de son rejet absolu. Ils ne sont pas entre les deux, ils tendent vers l'une des deux frontières.
Quant à la liturgie, je n'en suis guère une spécialiste, mais ce qui me semble aujourd'hui essentiel pour beaucoup de traditionalistes, c'est la stabilité. Après toutes les réformes violentes et injustifiées subies dans les paroisses après le concile, je pense que nous avons le droit de vouloir que plus rien ne change, du moins jusqu'à ce que la crise effroyable que nous vivons se résorbe (si telle est la volonté de Dieu). Ce qui est sûr, c'est que si la liturgie traditionnelle peut subir quelques légères modifications positives (là encore, je ne me prononce pas, n'étant pas liturgiste), retarder un tel travail n'a aucune conséquence sur la sanctification des fidèles.
Si la liturgie traditionnelle évitait quelques petites corruptions mineures (lectures en latin, mentalité messe basse, etc...) elle apparaîtrait beaucoup plus acceptable à beaucoup plus de gens qui pourraient ainsi découvrir sa richesse.
On ne saurait en dire autant de la FORM... Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de faire une petite remarque à la lecture de ce fil : Théodore, Socrate d'Aquin et vous discutez assez hardiment de l'avenir de la liturgie, du contenu des réformes qui devraient selon vous être accomplies, etc... Moi, pendant ce temps, je constate tristement que beaucoup de gens qui fréquentent régulièrement ou occasionnellement l'église (version FORM de la plupart des paroisses) ne savent même plus - ou n'ont jamais su, s'ils sont relativement jeunes - ce qu'est la liturgie : que nous sommes au Calvaire, au pied de la Croix, que l'on ne peut pas communier en état de péché mortel sans se condamner, etc... Il est très difficile de discuter de cela et ce que l'on réplique souvent aux gens dans mon genre, c'est qu'il ne faut pas être trop rigide, que Dieu juge (dans le cas des communions sacrilèges), qu'il faut vivre avec son temps. Il me semble qu'il faut se rendre à l'évidence que de telles paroisses sont vouées à l'échec et qu'il n'est pas profitable de perdre son temps à essayer d'y redresser tant bien que mal la situation.
Toutes les paroisses FORM ne sont pas des paroisses de campagnes mourantes avec que des cheveux blanc et un curé marxiste, loin de là. Dans une ville comme Paris, il existe de nombreuses paroisses relativement conservatrices qui parviennent à assurer une transmission plutôt forte, un catéchisme souvent défaillant sur certains points mais efficace, une liturgie qui au moins évite toute offense aux rubriques de la FORM. Il existe même des centres conservateurs qui sont des sources de renouveaux, qui évangélisent, qui montre un grand dynamisme, un amour du Christ et de l'Eglise, parfois couplé à une orthodoxie informée et consciente d'elle-même. Les Dominicains de Toulouse, par exemple, consituent un brillant bastion de ce courant.
C'est à tout ce monde-là, qui est beaucoup plus vaste que le petit milieu tradi, que nous pensons lorsque nous éspérons un redressement de la liturgie en France dans l'esprit de Vatican II et de Sacrosanctum Concilium.
Vous évoquiez également le fait que vous assistez habituellement à des messes FORM pour vous sentir plus en communion avec l'Eglise latine.
Non. Le mot communion est trop fort ; c'est une préférence culturelle, si j'ose dire, pas spirituelle.
Sans vouloir vous taquinez, dites-moi : allez-vous donc à la paroisse de votre enfance ou - puisque vous êtes à l'étranger - à la paroisse la plus proche de votre lieu d'études ou de résidence, ou bien cherchez-vous la perle rare, à savoir la messe FORM bien célébrée et toute tournée vers Dieu ?
En l'occurence, la paroisse ou je vais est à deux pas de mon université, mais je suis d'accord avec vous sur le fond, au sens ou je sais très bien que c'est une exception. Surtout que Londres et le Catholicisme anglais en général consituent en eux-mêmes une exception dans le monde Occidental sur le plan liturgique.
Si vous répondez par la deuxième option, comme je pense que ce sera le cas, il faut tout de même vous mettre en tête que pour beaucoup de gens, le choix n'est pas entre une messe FORM bien célébrée ou une messe FERM, mais entre une messe FORM plus ou moins mal célébrée et une messe FERM. Nous n'habitons pas tous dans des capitales ou des grandes villes où le choix liturgique est assez vaste !
Oui, et ? Je parle d'un choix personnel, je ne juge pas le fait de choisir la FERM contre la FORM. Je ne dit pas que mon exemple doit être imité.
Par ailleurs, où est la communion avec la très grande majorité de l'Eglise latine, puisque vous cherchez la perle rare que peu de catholiques connaissent ou fréquentent ?
Ma ''connexion culturelle'' est basée sur le fait d'avoir les mêmes textes, même calendrier, etc... Si imparfaits soient-ils. Plus largement, je veux pouvoir me mettre au service de l'amélioration de la liturgie ordinaire de l'Eglise de l'intérieur, et non de l'extérieur.
NSJC vous bénisse.
Héraclius -