Les cathos traditionalistes

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Cinci
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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Cinci » mer. 15 nov. 2017, 22:46

archi a écrit :
Ah... avouez que c'est une définition nouvelle. En général, "traditionaliste" équivaut à
- "ancien Missel"
- bien souvent "théologie pré-conciliaire" (ie Vatican II est admis ou non dans le principe mais n'existe pas dans la pratique).
En effet.

Il me semble que les termes intégristes, fondamentalistes ou traditionalistes intervenant dans le cadre de la polémique entre Mgr Lefevbre et le Vatican seraient tels des synonymes nous renvoyant à l'idée suivante : les catholiques conservateurs qui n'acceptent pas le dernier concile du Vatican dans le fond d'eux-mêmes.

Il s'agit de conservateurs qui veulent s'en tenir aux pratiques de l'ancienne messe ainsi qu'à la théologie pré-conciliaire, comme vous le dites.

C'est le refus de la liberté religieuse, la désolation du retrait de la formule touchant les "Juifs perfides", l'inacceptation du dialogue avec les protestants ou avec l'islam. On y regrette l'approche pastorale ou disciplinaire ferme du temps de Pie XI ou de Pie X ... quand toute la société devait être catholique idéalement avec une constitution catholique du pays, avec roi ou président catholique, syndicat catholique, journaux catholiques, patrons catholiques, loisirs catholiques, école catholique, hôpital catholique, etc.

On ne se console pas vraiment de la perte de prestige, du temps où la censure ou les sanctions pouvaient s'abattre de manière drue sur la tête des fautifs : prêtres, professeurs de théologie, responsable d'association, gros commerçant, fournisseurs de services, politiciens ... On y pleure en repensant à ce qu'était le prêtre à cette époque bénie, et quand les familles nombreuses comptaient beaucoup d'enfants.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Cinci » mer. 15 nov. 2017, 23:07

Parce qu'un truc comme la FSSP n'est qu'une sorte de palliatif mis en place au moment de châtier Mgr Lefebvre pour sa désobéissance. Le Vatican essaie bien de montrer qu'il y aurait moyen de vivre dans l'Église avec sa sensibilité conservatrice bien à soi et tel que d'y pouvoir évoluer à l'intérieur des clous. C'est un peu comme la demande qu'adresse Cycas à Altior.

Sauf que ce "traditionalisme de forme" n'est plus qu'un pauvre succédané, bien éloigné tout de même du véritable esprit de résistance qui devrait animer celui-là qui pense que le dernier concile serait une trahison de la foi pure et simple.

Pour moi, si Altior parle de la FSSPX comme la "locomotive du traditionalisme" ou du groupement des bons prêtres résistants, ceux qui ont le plus de mérites à s'être dressés devant la forfaiture, alors la définition de son traditionalisme doit nous renvoyer à ce qui est dit plus haut, c. à dire le refus de Vatican II.

- Non possumus

P.S. Il se peut qu'Altior hésite encore pour le moment à franchir le Rubicon. Un peu compréhensible.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Altior » jeu. 16 nov. 2017, 0:13

archi a écrit :
mer. 15 nov. 2017, 20:51

Ah... avouez que c'est une définition nouvelle. En général, "traditionaliste" équivaut à
- "ancien Missel"
- bien souvent "théologie pré-conciliaire" (ie Vatican II est admis ou non dans le principe mais n'existe pas dans la pratique).
Tout à fait d'accord sur le deuxième point. En effet, l'adhérence à une façon thomiste de voir le choses, l'usage d'une terminologie pré-conciliaire, d'une façon d'agir et d'un savoir faire liturgique et ecclésial préconciliaire est un trait commun qui unit les traditionalistes.

Par contre, je refute partiellement le premier point. C'est vrai que la plupart des tradis ont une préférence pour Ordo Missae. Mais pas tous. Par exemple, moi je fais partie formellement de l'Église Grecque Catholique. Mon rite propre (et mon Église particulaire sui iuris) n'est pas basé sur Ordo Missae, qui est conçu et destiné à être d'usage dans le rite latin. Pourtant, je me considère tout aussi traditionaliste que tous les traditionalistes qui utilisent Ordo Missae comme Missel propre. C'est, d'ailleurs, pourquoi, étant en impossibilité matérielle de pratiquer dans mon rite oriental, au bout de deux ans de recherche dans les paroisses modernistes du coin, je me suis vite orienté vers les communautés qui usent l'ancien Missel. J'ai retrouvé l'air de ma maison, simplement avec toutes autres prières, office, pratiques que j'ai vite appris parce qu'elles me parlaient, parce que je les sentais comme les miennes. Pourquoi je les sentais comme les miennes, pourquoi ce coup de foudre en dépit d'un complètement autre Missel, ayant un écart avec la Messe de Saint Jean des cathos orientaux bien plus grand que l'écart entre Ordo Missae et Novus Ordo Missae ? C'est justement parce que j'ai reconnu la même théologie pré-conciliaire. La même estime pour les Pères de l'Église, la même estime pour les générations de catholiques qui nous ont précédées, le même désir de continuer leur œuvre en marchant plus loin sur leurs ornières. Voilà la chose qui unit vraiment les traditionalistes. Ce n'est pas l'ancien Missel, qui reste, pourtant, une forte référence, mais pas définitoire.
Pour ce que vous dites, il vaudrait mieux parler de "conservateurs" et de "progressistes", ce qui reste schématique, mais plus précis.
«Conservateur» et loin d'être la même chose que «traditionaliste». La plus grosse différence est marquée par la réponse différente à la question: «Doit-on donner priorité au magistère de dernière heure ou au magistère de toujours ?». Vous voyez, les deux, le conservateur et le traditionaliste, sont très obéissants au Pape (je sais, le magistère n'est pas que le Pape, mais je simplifie les choses). Ils sont obéissants bien plus que le moderniste. Néanmoins, le conservatoire et lui seul reste obéissant de façon inconditionnelle. S'il y a inadvertance, le traditionaliste préfère la tradition, il préfère ce qu'il a reçu, tendis que le conservateur veut conserver un état de fait. La référence du traditionaliste est dans le passé, nous sommes tous un peu passéistes si vous voulez et la plupart d'entre nous l'assume. La référence du conservatoire est l'état de fait, il se prend pour réaliste. La référence du moderniste est dans un futur, habituellement utopique, d'où sa fuite en avant. Le conservatoire va, tout d'abord, tenter d'expliquer à tout le monde qu'il n'y a aucune différence entre ce que la magistère actuel et celui de toujours disent sur tel ou tel point. Que l'un est en parfaite continuité de l'autre. Puis, quand le bon sens prend le dessus du simple désir, il se trouve en angoisse. C'est sa crise intérieure. Finalement, quand il se rend compte qu'une option est incontournable, il fait l'option pour ce que le Pape régnant dit. Parce qu'il est conservateur, car autrement il serait traditionaliste.

Tout conservateur pense qu'il est un conciliateur (je parle de conciliation, pas de Concile). Il veut concilier à tout pris. Louable objectif, si cela serait possible. Mais cela reste toujours une impossibilité. C'est comme dans la politique, où la plupart du monde se prend pour «centre» ou «ni-ni». Ou, beaucoup plus dangereux encore, adepte d'une «troisième voie». Mais ce centre reste toujours illusoire. Le centre est une ligne, la droite et la gauche sont des plans. Une ligne n'a pas de superficie, on ne peut pas rester sur une ligne, on tombe toujours soit d'un côté, soit d'un autre. Vous connaissez des partis vraiment de centre en France, vous ? Si oui, pour combien de temps peuvent-ils rester comme ça ?
D'une part, il y a des cas de rapprochement, notamment tradis-charismatiques,
Vous faites référence à des cas de rapprochement tradis-charismatiques. Je ne connais aucun, mais je suis loin de connaître tout le milieu tradi en France. Pourriez-vous me dire d'avantage ?
Je ne pense pas que la liturgie traditionnelle gagne à se cloisonner, même si ça peut être plus confortable pour les communautés en place.
J'avoue ne pas comprendre ce que vous voulez dire par ce cloisonnement.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Héraclius » jeu. 16 nov. 2017, 13:49

Cher Altior,

Votre équation entre le champ politique et le champ religieux me dérange. Sans nier qu'une analogie est possible, le vocabulaire gauche-droite est inapproprié pour parler de l'Eglise.

Vous condamnez l'idée de la recherche d'une ''troisième voie''. J'en conclus que pour vous, Ratzinger est un conservateur semi-moderniste...? Je veux dire, toute la faction rigoureusement orthodoxe de la ''Nouvelle'' Théologie (de Lubac, Ratzinger, Bouyer...) s'est pensée comme une troisième voix entre le modernisme et la parti des ''intransigeants''¨comme on disait à l'époque. L'herméneutique de continuité, qu'est-ce d'autre qu'un effort de ''réconciliation'' comme vous le présentez et le condamnez ? Donc Benoît XVI n'avait pas la même religion que vous ?

Dieu vous garde,

Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Altior » jeu. 16 nov. 2017, 23:44

Héraclius a écrit :
jeu. 16 nov. 2017, 13:49
Votre équation entre le champ politique et le champ religieux me dérange. Sans nier qu'une analogie est possible, le vocabulaire gauche-droite est inapproprié pour parler de l'Eglise.
Ce n'est pas une équation, mais c'est une analogie. Elle fonctionne en ce qui concerne au moins deux points:
-une ligne qui se prétend d'équilibre, ligne que nous appelons «centre» en politique et «position conservatrice» dans le champ religieux est fragile, voire insoutenable à la longue.
-les même options fondamentales philosophiques (peut-être les traits psychologiques aussi) qui font que quelqu'un soit enclin vers la gauche ou vers la droite en politique font que le même soit enclin vers le modernisme, respectivement vers le traditionalisme. Preuve est le vote, preuve ce sont même les opinions politiques affichées sur ce forum. Le plus quelqu'un est moderniste, le plus il sera attiré par des idées de gauche. Par contre, le plus quelqu'un est traditionaliste, le plus il sera attiré par des idées de droite.
Vous condamnez l'idée de la recherche d'une ''troisième voie''. J'en conclus que pour vous, Ratzinger est un conservateur semi-moderniste...?
Card Ratzinger est manifestement conservateur. Il est même un cas emblématique, confirmant tout ce que j'ai dit et tout ce que archi a dit sur les conservateurs.
Semi-moderniste ? Pas plus que semi-traditionaliste. Cette versatilité des conservateurs pur-sang comme S.E. vient, d'un côté, de l'impossibilité pratique de tenir un équilibre entre deux option fondamentales que tout oppose et, d'un autre côté, d'une envie de clignoter tantôt vers une direction, tantôt vers l'autre dans leur effort tactique de réconcilier.

En quoi S.E. card Ratzinger confirme ce que dit archi sur les conservateurs, dont j'affirme qu'il est emblématique ? En cela qu'il peut facilement passer pour un traditionaliste. Effectivement, de nos jours, suite au fait que le modernisme a gagné beaucoup de terrain, la ligne (imaginaire) d'équilibre se trouve déplacée aussi. Pour continuer l'analogie avec la politique, cette analogie qui vous dérange, le centre de hier est devenu la droite d'aujourd'hui. Vous voyez, il y a pas plus que 10 ans, quelqu'un devait jeter sur la table sa carte d'adhésion à la FSSPX pour bénéficier de porter le titre d'honneur d'intégriste. De nos jours, c'est suffisant d'affirmer ce que Jean Paul II ou Benoît ont affirmé pour bénéficier de la même gratification. Vous pensez qu'une femme ne peut pas recevoir la prêtrise ? Vous êtes intégriste. Vous pensez qu'il n'y a aucune circonstance qui puisse justifier l'avortement ? Oh là, là, quel intégriste! Vous pensez que le mariage est possible seulement entre un homme et une femme et que les états ne devraient pas permettre cette abomination homosexuelle qui mime le mariage ? Mais non, vous êtes un intégriste infréquentable, je ne peux pas même m'afficher à côté de vous!
L'herméneutique de continuité, qu'est-ce d'autre qu'un effort de ''réconciliation'' comme vous le présentez et le condamnez ?
D'accord. Mais alors vous ne voyez pas tous les traits d'un grand conservateur là-dedans, les traits que j'ai énumérés ? Y compris la crise intérieure, ce déchirement, ce sentiment d'impuissance qui l'a amené à son abdication ? Et puis: l'échec total de la ligne ratzinguerienne, car ce qu'il y reste de cette ligne ? Rien, elle a volé en éclats.

Par ailleurs, Héraclius: hier mes messages vous énervaient. Je pensais qu'une fois n'est pas coutume. Aujourd'hui elles vous dérangent. Alors, cela a l'air de devenir systématique. Moi, quand quelqu'un me dérange, je ne lui répond plus. Comme ça, mes veines de la tempe ne se gonflent pas et je ne risque rien de grave, car je reste zen. Si mes messages vous énervent et vous dérangent tant, ne prenez plus la peine de répondre, mieux vaut les ignorer.

Laudetur Iesus Christus!

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Anne » ven. 17 nov. 2017, 5:38

Oh.

Et pourquoi donc, cher altior, vos propos ne pourraient-ils pas déranger ou énerver le lectorat ?

La méthode "évitement" n'empêche nullement la veine temporale de palpiter (ne serait-ce que quelques instants) et le retrait n'a pas l'habitude de faire avancer la discussion ou d'édifier qui que ce soit...
"À tout moment, nous subissons l’épreuve, mais nous ne sommes pas écrasés;
nous sommes désorientés, mais non pas désemparés;
nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés;
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".
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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par prodigal » ven. 17 nov. 2017, 11:19

J'entends parler de troisième voie et je ne comprends pas.
Il me semblait que l'Evangile était clair sur le sujet, et qu'il n'y en avait qu'une, de voie, qui plus est fort étroite.
Cette voie est aussi Vie, donc mouvement, et Vérité, donc orientée vers l'Eternité.
Par conséquent, la question de savoir s'il faut préférer un passé mythifié ou bien un avenir fantasmé, à moins peut-être d'inventer un étrange hybride de l'un et l'autre, ne me paraît pas vraiment pertinente, du point de vue chrétien.
Autrement dit, il n'y a pas de problème avec les traditionalistes, sauf à partir du moment où ils se disent eux-mêmes traditionalistes, et prétendent parler à la place d'autrui pour mieux le condamner à l'enfer. C'est la seule ligne de fracture que je vois pour ma part. :)
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par AdoramusTe » ven. 17 nov. 2017, 13:47

Ceux qui se croient bien portants pensent que ce sont les autres qui sont malades et ont besoin d'un médecin.
Mais nous sommes tous malades d'une façon ou d'une autre.
C'est à cause de notre péché personnel que les choses vont mal. Cela devrait nous ôter toute attitude de supériorité.
Ignoratio enim Scripturarum ignoratio Christi est

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Altior » ven. 17 nov. 2017, 23:08

La FSSPX dispose maintenant d'un splendide nouveau lieu de Messe à Utrecht, au Pays Bas. Une ancienne église vient d'être acheté, arrachée de son usage profane, restaurée et redonné au culte de Dieu. Elle a été consacré par Mgr Fellay.
Reportage (en anglais) ici.

Omnia instaurare in Christo!

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Suliko » sam. 25 nov. 2017, 22:40

Bonjours Héraclius,

Je réagis à votre intervention avec un certain retard...
Suliko, par exemple, n'a pas - pas encore ? - eu cette audace. Qu'elle le confirme, mais pour elle je suis catholique. Un genre de Lacordaire un peu trop gentil avec les libéraux et tenant quelques idées bizarres, mais un catholique.

Suliko est du reste un bon exemple, parce que ce qui me paraît clair, c'est qu'elle pense le Concile Vatican II hérétique - d'où le fait qu'elle penche vers le sédévacantisme. Votre propre position, corrigez-moi si je me trompe, est que si il est vrai que les documents du concile contiennent de regrettables ''ambiguïtés'', cela reste un Concile Œcuménique de plein droit. Alors, êtes-vous si certain d'avoir la même foi qu'elle, selon vos propre critères ?
Je n'ai effectivement jamais remis en question votre catholicité et à vrai dire, ce genre de jugement sur les personnes ne m'attire pas plus que cela. Tout ce que j'essaie parfois de dire - maladroitement il est vrai -, c'est que face au dernier concile et à l'abandon massif de la foi catholique qui en fut l'aboutissement, il est légitime de se poser des questions. Et à mon avis, il n'existe pas mille manières d'interpréter les événements tout en restant attaché au catholicisme : soit on considère que le concile est orthodoxe en ses textes, mais non dans sa mise en oeuvre (c'est la position des conservateurs et d'une partie des traditionalistes), soit on considère que mêmes les textes sont en partie hétérodoxes. Et dans ce dernier cas, soit on en déduit que l'Eglise, qui est infaillible et ne saurait égarer les fidèles, n'a pu en être l'auteur (et dans ce cas, on adopte la croyance sédévacantiste), soit on en déduit que le pape est toujours le pape, les évêques toujours de vrais évêques, mais qu'ils sont plus ou moins fortement engagés dans des idées hétérodoxes (c'est la position de la FSSPX, et de manière plus générale d'une partie non négligeable des traditionalistes non-FSSPX). Quant à ceux qui applaudissent la mise en oeuvre du concile et ses prétendues avancées, j'avouerai bien sincèrement ne plus trop voir où est leur catholicité...
Et évidemment, certains catholiques oscillent entre les trois positions esquissées ci-dessus, ce qui est bien compréhensible dans un climat de crise sans précédent.
Je vous livre, au cas où cela vous intéresserait, un petit lien qui me semble illustrer de manière originale et intéressante le traditionalisme :
http://archives.leforumcatholique.org/c ... num=224956

Suliko
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par archi » dim. 26 nov. 2017, 14:41

Bonjour Altior, désolé pour la réponse tardive.
Altior a écrit :
jeu. 16 nov. 2017, 0:13
Tout à fait d'accord sur le deuxième point. En effet, l'adhérence à une façon thomiste de voir le choses, l'usage d'une terminologie pré-conciliaire, d'une façon d'agir et d'un savoir faire liturgique et ecclésial préconciliaire est un trait commun qui unit les traditionalistes.
Le point essentiel est la liturgie pré-conciliaire, qui est d'ailleurs le point de départ d'une part des résistances locales, d'autre part du mouvement de Mgr Lefebvre qui a permis de les unifier. Le thomisme est déjà moins universel. Par contre, la formation de clercs dans le moule pré-conciliaire (via les séminaires de la FSSPX et ceux qui ont pris leur suite après les sacres de 1988, ainsi que certains monastères) garantit effectivement, chez eux, une certains homogénéité dans la façon de penser et de s'exprimer.

Chez les fidèles, je pense que c'est nettement plus contrasté. Par exemple, personnellement, même si je reconnais St Thomas d'Aquin comme un docteur d'immense envergure (et pourquoi lui refuserais-je cet honneur puisque même un Marc d'Ephèse ou un Gennadios Scholarios le lui reconnaissaient en son temps), dans la pratique, je suis loin d'être un inconditionnel du thomisme (et je ne suis pas le seul). A vrai dire, je me sens là-dessus bien plus proche d'un Ratzinger dont la théologie est fortement basée sur St Augustin et St Bonaventure, que du thomisme.

Soit dit en passant, il y aurait beaucoup à dire sur les différentes approches philosophiques. Celle des Pères (largement teintée de platonisme), celle des scolastiques (fondée sur l'aristotélisme), celle des thomistes modernes et des néo-thomistes (largement mâtinée de nominalisme vers les XVIe-XVIIe siècles, et de philosophies post-modernes au XXe, cf quelqu'un comme Rahner qui était lui aussi thomiste...).
Par contre, je refute partiellement le premier point. C'est vrai que la plupart des tradis ont une préférence pour Ordo Missae. Mais pas tous. Par exemple, moi je fais partie formellement de l'Église Grecque Catholique. Mon rite propre (et mon Église particulaire sui iuris) n'est pas basé sur Ordo Missae, qui est conçu et destiné à être d'usage dans le rite latin.
Bien sûr, la majorité des tradis vient du rite latin. La plupart respectent au moins les rites orientaux en tant que parfaitement traditionnels, certains comme moi y trouvent un intérêt particulier.
J'ai retrouvé l'air de ma maison, simplement avec toutes autres prières, office, pratiques que j'ai vite appris parce qu'elles me parlaient, parce que je les sentais comme les miennes. Pourquoi je les sentais comme les miennes, pourquoi ce coup de foudre en dépit d'un complètement autre Missel, ayant un écart avec la Messe de Saint Jean des cathos orientaux bien plus grand que l'écart entre Ordo Missae et Novus Ordo Missae ? C'est justement parce que j'ai reconnu la même théologie pré-conciliaire.
L'"air de la maison" comme vous dites, je suis parfaitement d'accord. La même théologie en revanche... justement l'intérêt du rite de St Pie V, c'est d'avoir été codifié et fixé au XVIe Siècle, en ne conservant que des éléments anciens, tout au moins en ce qui concerne le noyau du rite, les interventions ultérieures ne concernant que les fêtes et certains propres. Ce qui a à mon sens, limité les dégâts liés à la médiocrité liturgique des siècles suivants. La plus grande partie du missel de St Pie V date en fait soit de l'antiquité romaine, soit des apports du rite gallican lors de l'"import" du rite romain dans la Gaule carolingienne, ou éventuellement juste après (apologies de l'offertoire, par exemple).

Au contraire, la théologie pré-conciliaire a largement commencé avec St Thomas pour aller jusqu'à Vatican I. Bref après la formation du rite. Ce qui peut être commun, ça va être surtout, je pense, la doctrine thomiste sur l'Eucharistie et la liturgie qui va avec (Fête Dieu, adoration), en fait dans la foulée de la lutte contre l'hérésie de Béranger de Tours qui remonte au XIe Siècle.

On peut parler du Concile de Trente, mais ce Concile a manifesté justement un respect pour les Pères de l'Eglise qui a été largement perdu de vue ensuite, et que le renouveau patristique du XXe Siècle (qui a influencé Vatican II) a remis à l'honneur.

«Conservateur» et loin d'être la même chose que «traditionaliste». La plus grosse différence est marquée par la réponse différente à la question: «Doit-on donner priorité au magistère de dernière heure ou au magistère de toujours ?». Vous voyez, les deux, le conservateur et le traditionaliste, sont très obéissants au Pape (je sais, le magistère n'est pas que le Pape, mais je simplifie les choses). Ils sont obéissants bien plus que le moderniste. Néanmoins, le conservatoire et lui seul reste obéissant de façon inconditionnelle. S'il y a inadvertance, le traditionaliste préfère la tradition, il préfère ce qu'il a reçu, tendis que le conservateur veut conserver un état de fait. La référence du traditionaliste est dans le passé, nous sommes tous un peu passéistes si vous voulez et la plupart d'entre nous l'assume. La référence du conservatoire est l'état de fait, il se prend pour réaliste. La référence du moderniste est dans un futur, habituellement utopique, d'où sa fuite en avant.
Là je vous suis, aussi bien sur la différence entre "conservateur" et "traditionaliste" (comme disait Chesterton, le monde se divise entre les progressistes dont le rôle est de faire des erreurs, et les conservateurs dont le rôle est d'empêcher qu'elles soient corrigées ;) ) que sur l'orientation fondamentale respective du traditionaliste et du moderniste. J'ajouterais d'ailleurs qu'un chrétien devrait forcément être fondamentalement orienté vers le passé, puisque notre foi est fondée sur la Révélation donnée par Dieu attestée par le témoignage des Apôtres et des Prophètes. Toutes choses situées dans le passé, et que nous devrions nous attacher à conserver, mais aussi à retrouver lorsque manifestement ça a été perdu. Comme je l'ai lu récemment, nous devrions

Par contre, la distinction entre tradis et conservateurs est loin d'être toujours claire, parce que bien souvent les "tradis" ne sont que des conservateurs de l'état des lieux pré-conciliaire. Or, il s'en faut de beaucoup que celui-ci corresponde à la transmission parfaite de l'Eglise apostolique. Il y a un tri à faire entre Tradition et habitude, ce qui est attesté de façon universelle et constante et ce qui a été visiblement introduit à un moment identifiable de l'histoire, et dans ces derniers éléments entre ce qui est en parfaite harmonie avec les témoignages précédents, et d'autre part les obscurcit voire les contredit.

Un tout petit exemple parmi d'autres, auquel j'ai pensé à l'occasion de la messe de ce matin: après "au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit", répondez-vous "Amen" ou "Ainsi soit-il"? ;)
L'usage chez les tradis (parce que ça se faisait avant le Concile) est de dire "Ainsi soit-il", alors que maintenant on a repris l'"Amen" original, dont le sens est bien plus large qu'"ainsi soit-il", et qui était pourtant conservé dans la liturgie (de la même façon qu'elle conserve dans la forme traditionnelle Deus Sabaoth et Kyrie Eleison, bref qu'on évite de traduire en vernaculaire ce qui n'avait pas été traduit dans l'original latin). Alors, pourquoi dire encore "ainsi soit-il", si ce n'est par habitude?

D'une part, il y a des cas de rapprochement, notamment tradis-charismatiques,
Vous faites référence à des cas de rapprochement tradis-charismatiques. Je ne connais aucun, mais je suis loin de connaître tout le milieu tradi en France. Pourriez-vous me dire d'avantage ? [/quote]

J'ai souvent lu l'expression "tradismatiques". Sinon j'en connais qui fréquentent à la fois les messes tradies d'une part, d'autre part les sessions de Paray le Monial voire les groupes de prières locaux de l'Emmanuel.

Tout n'est pas monolithique.

In Xto,
archi.
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
Et chantons l'hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité.
Déposons maintenant tous les soucis de ce monde.

Pour recevoir le Roi de toutes choses, Invisiblement escorté des choeurs angéliques.
Alléluia, alléluia, alléluia.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Socrate d'Aquin » lun. 27 nov. 2017, 20:39

Une petite note sur le thomisme.
Concernant le thomisme, je ne dirais pas qu'il s'agit d'une caractéristique propre au traditionalisme. Certes, la plupart des prêtres tradis reçoivent une formation thomiste et c'est souvent dans leur rang que se trouvent des penseurs thomistes. Toutefois, on compte aussi des exceptions; ainsi, Gregory Solari est plutôt de tendance "newmannienne" si j'ose dire. Et sans doute à l'étranger trouvera-t-on des traditionalistes augustiniens ou "neo-théologiens".
A l'inverse, on trouve quantité de thomistes non-traditionalistes. Ainsi, des penseurs comme les Pères dominicains Thierry-Dominique Humbrecht et François Daguet (et en général, la province dominicaine de Toulouse, farouchement thomiste), Dom Oury de Solesmes (Dieu ait son âme), Don Jean-Rémi Lanavère, Mgr Pascal Ide... et enfin (last but... undoubtedly least) moi-même, à un niveau beaucoup plus modeste (je me suis contenté de faire une licence thomiste).

Sinon... le courant "tradismatique" existe bel et bien; assez réduit, certes. On pourrait citer les Missionnaires de la Miséricorde divine, à Toulon. Mais je crois que ce sont les seuls. Dommage, car ils font du très bon boulot.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Héraclius
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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Héraclius » mar. 28 nov. 2017, 15:03

Suliko a écrit :
sam. 25 nov. 2017, 22:40
Bonjours Héraclius,

Je réagis à votre intervention avec un certain retard...
Suliko, par exemple, n'a pas - pas encore ? - eu cette audace. Qu'elle le confirme, mais pour elle je suis catholique. Un genre de Lacordaire un peu trop gentil avec les libéraux et tenant quelques idées bizarres, mais un catholique.

Suliko est du reste un bon exemple, parce que ce qui me paraît clair, c'est qu'elle pense le Concile Vatican II hérétique - d'où le fait qu'elle penche vers le sédévacantisme. Votre propre position, corrigez-moi si je me trompe, est que si il est vrai que les documents du concile contiennent de regrettables ''ambiguïtés'', cela reste un Concile Œcuménique de plein droit. Alors, êtes-vous si certain d'avoir la même foi qu'elle, selon vos propre critères ?
Je n'ai effectivement jamais remis en question votre catholicité et à vrai dire, ce genre de jugement sur les personnes ne m'attire pas plus que cela. Tout ce que j'essaie parfois de dire - maladroitement il est vrai -, c'est que face au dernier concile et à l'abandon massif de la foi catholique qui en fut l'aboutissement, il est légitime de se poser des questions. Et à mon avis, il n'existe pas mille manières d'interpréter les événements tout en restant attaché au catholicisme : soit on considère que le concile est orthodoxe en ses textes, mais non dans sa mise en oeuvre (c'est la position des conservateurs et d'une partie des traditionalistes), soit on considère que mêmes les textes sont en partie hétérodoxes. Et dans ce dernier cas, soit on en déduit que l'Eglise, qui est infaillible et ne saurait égarer les fidèles, n'a pu en être l'auteur (et dans ce cas, on adopte la croyance sédévacantiste), soit on en déduit que le pape est toujours le pape, les évêques toujours de vrais évêques, mais qu'ils sont plus ou moins fortement engagés dans des idées hétérodoxes (c'est la position de la FSSPX, et de manière plus générale d'une partie non négligeable des traditionalistes non-FSSPX). Quant à ceux qui applaudissent la mise en oeuvre du concile et ses prétendues avancées, j'avouerai bien sincèrement ne plus trop voir où est leur catholicité...
Et évidemment, certains catholiques oscillent entre les trois positions esquissées ci-dessus, ce qui est bien compréhensible dans un climat de crise sans précédent.
Je vous livre, au cas où cela vous intéresserait, un petit lien qui me semble illustrer de manière originale et intéressante le traditionalisme :
http://archives.leforumcatholique.org/c ... num=224956

Suliko

C'est fort intéressant.


Je dirais qu'il existe en autre d'autre facteurs pas forcément très théologiques mais de fait assez important dans le positionnement des catholiques aujourd'hui dans leur vision du Concile.

En sus du principal (la foi dans le caractère surnaturel de l'Eglise et de l'assistance de l'Esprit Saint dans un Concile Oeucuménique), on retrouve :

1 - La gravité relative de la situation du Catholicisme pré-conciliaire.

2 - La gravité relative de la situation du Catholicisme post-conciliaire.


Notre jugement sur ces périodes de l'histoire de l'Eglise est très déterminant.


Typiquement, un progressiste aura une vision très négative de l'ère pré-conciliaire. Il y verra une religion sclérosée, amatrice de rituels quasi-magiques en latin plus que de l'amour du prochain. Il jugera très négativement le type de relation à Dieu promu par les catéchismes et la liturgie, ce rapport très vertical qui ne semble pas laisser de la place à la douce humilité de l'incarnation et ramène le Christ sur un inaccessible piédestal. L'insistance sur la moral sexuelle contrastant avec le peu d'appel au service de ''nos seigneurs les pauvres'' le choquera. Idem pour la réduction de la théologique à une Néo-scholastique des manuels, d'une sécheresse terrible. L'idée même de l'Index lui paraîtra improbable.


Au contraire, les plus tradis tendent à une vision idéalisée de l'ère pré-conciliaire, comme une apogée de la clarté du Dogme, une ère disciplinée où la modernisme est condamné, les séminaires et couvent sont pleins, les soutanes visibles à tous les coins de rues, la liturgie célébrée dans sa forme ''de toujours'', l'autorité de l'Eglise hiérarchique affirmée sans ambiguitée. Ils pointeront les vertus du catéchisme systématique qui permettait à tout le monde de réciter la liste des sacrements avec forme, matière et ministre comme des tables de multiplication, ce qui sera opposé aux ''coloriages'' du catéchisme moderne. Plus largement, ce qu'ils plébisciteront, c'est une Eglise sûre d'elle-même, résolument contre-culturelle, anathémisant fièrement la modernité du haut de ses 19 siècles d'histoire.


Idem pour la période post-conciliaire dont on a largement discuté au-dessus.


C'est très important parce que ces deux variables sont déterminantes dans notre compréhension du Concile. Moi-même je me situe quelque part entre les deux positions caricaturales décrites au-dessus, évidemment. Mais j'accepte volontier l'idée, d'un point de vue historique, que le Catholicisme de la première moitiée du 20ème siècle était malade, en tout cas sur certain point. Si on accepte ce point essentiel, alors on comprend et accepte le sens du Concile - comme une tentative de résoudre ce problème.

Altior, par exemple, souligne que le Concile n'a pas été convoqué pour condamner une hérésie, ce qui pour lui pose un problème. En substance, il juge que le Concile n'avait pas de raison d'être convoqué - corrigez-moi si je vous prête des opinions cher Altior ! - ce qui effectivement amène à un jugement négatif à certains égards. Si tout allait bien, que soudainement l'évènement Concile est apparu, et qu'ensuite tout va mal, alors il est difficile d'en défendre la parfaite légitimité. Au mieux, on reconnaîtra son orthodoxie, mais sans aller plus loin.

Maintant, si on pense que l'Eglise allait déjà mal avant VII, alors la légitimité du Concile, son sens, et la façon dont il a formullé ses jugements, apparaît de façon beaucoup plus claire.


Prenons un exemple concret : la Liturgie. Mettons que, comme moi, vous pensez qu'il a des problèmes dans la façon dont on célébrait la messe avant VII. Citons en particulier, sur le plan des rubriques, le manque de connection entre le sanctuaire et le peuple, le manque de place alloué au vernaculaire en particulier pour les lectures ; plus largement, le manque d'érudition liturgique de beaucoup de prêtres, l'exécution des rituels dans une optique rubsciciste - une approche moderne au sens historique, du rituel liturgique vu comme une liste de chose à faire, à exécuter - le manque de participation active (le fait de prier à la messe plutôt que de prier la messe), etc...

Si vous êtes dans cette optique, vous ne pouvez pas ne pas voir en Sacrosanctum Concilium un texte central, qui couronne des décennies de mouvement liturgique, demande un retour aux sources (bibliques, patristiques, médiévales) de la liturgie (soit, de la liturgie telle qu'elle est au moment du concile, LE rite romain ''de toujours''), demande le retour de la conscience de la ''célébration du mystère'', la participatio actuosa, la prééminence du liturgique sur le dévotionnel, etc, etc...

Si vous acceptez tout cela a priori, et bien le désastre liturgique post-conciliaire ne vous ferra pas changer d'avis sur VII ou SC. Ce serait comme accuser le Concile d'avoir assassiné le chant liturgique à cause de la séquence temporelle (pré-VII grégorien, mais pas assez) - [VII : incitation à chanter plus de grégorien] - (post-VII plus du tout de grégorien). Si vous acceptez que Vatican II propose des solutions valides à un problème existant, le désastre qui suit ne vous ferra pas changer d'avis sur le Concile.


Donc finalement, la différence d'un conservateur crypto-tradi ''ratzingérien'' (genre moa) avec les Tradis vrais de vrai vient largement d'une analyse différente de la situation pré-conciliaire.


De même, d'autres différences apparaissent selon notre jugement de la période post-conciliaire. Si on prend quelqu'un comme Socrate d'Aquin, par exemple, on trouvera gobalement la même analyse de la situation pré-conciliaire et la même reconnaissance du caractère surnaturel et pleinement nécessaire du Concile qu'exposée au dessus. Par contre, il y a un différent quant au jugement de la gravité de la crise post-conciliaire, notamment sur le plan liturgique.

J'avais écrit autre part qu'il existait 4 niveau de critique de la ''liturgie nouvelle''. (1) Critiquer les abus les plus évidemment contraires aux rubriques (2) Critiquer le manque d'esprit traditionnel des célébrations néo-rubricistes en rappelant que des éléments comme l'ad orientem et le grégorien ne sont pas des options comme des autres mais ont caractère de norme pour la FO (3) critiquer le missel de 69 lui-même - et donc le travail du Concilium (4) critiquer la nécessité même d'une réforme - et donc plus ou moins explicitement Sacrostanctum Concilium.

Or on trouve sur ce forum un peu de tout. Quelqu'un comme Fée Violine (désolé de vous ''impliquer'' dans le débat :p ) se situera au niveau de (1), comme beaucoup de prêtres néo-conservateurs ''génération Jean Paul II''. Socrate d'Aquinva jusqu'à (2). Je suppose qu'archi, par exemple, va jusqu'à (3). Altior et Suliko ne sont pas très loin de (4), encore que c'est moins clair.

(Moi même je vais volontier jusqu'à 3).


Enfin bref, tout cela pour dire que ces deux critères, le jugement historique sur deux périodes de l'histoire de l'Eglise, sont déterminante dans la formation des opinions. C'est un peu un enfonçage de porte ouverte, je sais, mais je veux souligner qu'il s'agit de critères souvent plus déterminants que les critères théologiques spécifiques. Surtout, si on discute beaucoup ici du jugement de la période post-conciliaire comme déterminant pour l'identité tradi / conservatrice, on parle moins du jugement de la période pré-conciliaire, qui est extrêmement déterminant lui-aussi.


En NSJC,


Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Théodore » mer. 29 nov. 2017, 2:24

Cher Socrate d'Aquin, je ne connaissais pas M. Solari, mais il m'a l'air des plus intéressants !



Et je dis cela en tant que fier tradi allant hardiement jusqu'au (3) dans la liste d'Héraclius, biberonné par les Dominicains de Toulouse, et ayant choisi le bienheureux cardinal Newman comme maître de théologie !

Je parlais justement avec un dominicain de Toulouse, qui me disait que c'est le problème du débat tradi/moderniste (tout est dans la formulation !) en France : il est complètement idéologisé, et d'une façon qui n'a que peu de parallèles dans le reste de l'Occident.
J'en veux pour preuve l'absence quasi-totale d'une critique constructive de la nouvelle liturgie (du genre de ce qu'on peut retrouver dans le monde anglo-saxon avec le New Liturgical Movement) dans la vie intellectuelle de l'Eglise de France, voire même de l'absence de penseurs systématiques de la "Réforme de la Réforme". Il n'y a, semble-t-il, pas de "Via Media" intellectuelle entre la louange de principe du missel de 1969 d'une part ; et la démonisation de principe d'une réforme de la Liturgie avec les "lefebvristes" (ce qui n'était pas l'opinion de Mgr Lefebvre, loin de là) d'autre part. La liturgie n'est, en réalité, pas un sujet, tant les écoutilles sont fermées de part et d'autre.
Unam peti a Domino, hanc requiram,
Ut inhabitem in domo Domini omnibus diebus vitae meae.
Ut videam voluptatem Domini, et visitem templum eius.


Psaume XXVI, verset 7-8.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par AdoramusTe » mer. 29 nov. 2017, 10:22

Théodore a écrit :
mer. 29 nov. 2017, 2:24
Il n'y a, semble-t-il, pas de "Via Media" intellectuelle entre la louange de principe du missel de 1969 d'une part ; et la démonisation de principe d'une réforme de la Liturgie avec les "lefebvristes" (ce qui n'était pas l'opinion de Mgr Lefebvre, loin de là) d'autre part. La liturgie n'est, en réalité, pas un sujet, tant les écoutilles sont fermées de part et d'autre.
La critique du missel de 1969 est tout à fait légitime. C'est même le Concile qui rappelle que la liturgie est faite d'éléments humains sujets à changements et d'autres d'institution divine. Autrement dit les éléments humains sont perfectibles.

Par contre, il faut garder à l'esprit que cette liturgie est aujourd'hui répendue dans toute l'Eglise latine. Vouloir la supprimer pour restaurer l'ancien missel n'a absolument aucun sens car ce n'est absolument pas réaliste. De plus, on ne peut réitérer l'erreur pastorale qui a été faite il y quarante ans en remplaçant brutalement un missel par un autre. Nombreux prêtres et fidèles y ont coulé leur piété et en vivent authentiquement.

Par conséquent, il faut escompter que le missel de 1969 continue de vivre durablement mais évolue dans un sens plus classique.
En tout cas, ça ne se fera pas sans laisser se développer le missel de 1962.
Seule la voie médiane permettra l'un et l'autre, sinon il n'y aura ni l'un ni l'autre.
Ignoratio enim Scripturarum ignoratio Christi est

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