Pour répondre à Cendrine :
Voici un (bref) commentaire des paragraphes de
Sacrosanctum Concilium se rapportant à la langue liturgique.
Commençons par la liturgie en général (article 36) :
1. L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins
2. Toutefois, soit dans la messe, soit dans l’administration des sacrements, soit dans les autres parties de la liturgie, l’emploi de la langue du pays peut être souvent très utile pour le peuple ; on pourra donc lui accorder une plus large place, surtout dans les lectures et les monitions, dans un certain nombre de prières et de chants, conformément aux normes qui sont établies sur cette matière dans les chapitres suivants, pour chaque cas.
3. Ces normes étant observées, il revient à l’autorité ecclésiastique qui a compétence sur le territoire, mentionnée à l’article 22(même, le cas échéant, après avoir délibéré avec les évêques des régions limitrophes de même langue), de statuer si on emploie la langue du pays et de quelle façon, en faisant agréer, c’est-à-dire ratifier, ses actes par le Siège apostolique.
4. La traduction du texte latin dans la langue du pays, à employer dans la liturgie, doit être approuvée par l’autorité ecclésiastique ayant compétence sur le territoire, dont il est question ci-dessus.
Résumons ces quatre premiers articles :
- l'usage du latin sera conservé ;
- on pourra admettre la langue vulgaire plus largement que par le passé (on détaillera plus loin) pour :
1) les lectures ;
2) les monitions ;
3) certaines prières ;
4) certains chants ;
- les évêques décideront de garder le latin ou d'admettre l'usage de la langue vulgaire.
Pour la Messe (article 54) :
On pourra donner la place qui convient à la langue du pays dans les messes célébrées avec le concours du peuple, surtout pour les lectures et la « prière commune », et, selon les conditions locales, aussi dans les parties qui reviennent au peuple, conformément à l’article 36 de la présente Constitution.
On veillera cependant à ce que les fidèles puissent dire ou chanter ensemble, en langue latine, aussi les parties de l’ordinaire de la messe qui leur reviennent.
Mais si quelque part un emploi plus large de la langue du pays dans la messe semble opportun, on observera ce qui est prescrit à l’article 40 de la présente Constitution.
Résumons-nous :
- l'usage de la langue vivante est concédé pour :
1) les lectures ;
2) la prière des fidèles (« certaines prières ») ;
- Il est permis, selon les conditions locales (et c'est à l'épiscopat local d'en décider) pour les parties réservées au peuple (« certains chants ») ;
cependant, les fidèles doivent savoir dire ou chanter en latin les parties de la Messe qui leur reviennent (principalement l'ordinaire) ;
- s'il semble opportun d'autoriser plus largement l'emploi des langues vulgaire, on observe l'article 40.
Référons-nous donc à l'article 40 :
Mais, comme en différents lieux et en différentes circonstances, il est urgent d’adapter plus profondément la liturgie, ce qui augmente la difficulté :
1. L’autorité ecclésiastique ayant compétence sur le territoire, mentionnée à l’article 22 §2, considérera avec attention et prudence ce qui, en ce domaine, à partir des traditions et du génie de chaque peuple, peut opportunément être admis dans le culte divin. Les adaptations jugées utiles ou nécessaires seront proposées au Siège apostolique pour être introduites avec son consentement.
2. Mais pour que l’adaptation se fasse avec la circonspection nécessaire, faculté sera donnée par le Siège apostolique à cette autorité ecclésiastique territoriale de permettre et de diriger, le cas échéant, les expériences préalables nécessaires dans certaines assemblées appropriées à ces essais et pendant un temps limité.
3. Parce que les lois liturgiques présentent ordinairement des difficultés spéciales en matière d’adaptation, surtout dans les missions, on devra, pour les établir, avoir à sa disposition des hommes experts en ce domaine.
Commentons :
- en certains lieux, il faut adapter la liturgie plus profondément (on pense principalement aux pays de mission) ;
- en ce cas, l'autorité pourra admettre, avec « prudence et attention », ce qui peut être admis dans le culte divin, avec l'autorisation express du Saint-Siège ;
- en attendant, elle peut, avec l'autorisation du Saint-Siège, faire quelques expériences en ce domaine ;
- et pour ce faire, on s'aidera d'experts en ce domaine.
De cela, il ressort que :
- la liturgie gardera l'usage de la langue latine ;
- on autorise l'emploi des langues vivantes dans certains cas et sous certaines conditions ;
- s'il faut aller plus loin et faire œuvre d'inculturation, on procédera avec prudence et non sans l'autorisation du Saint-Siège.
Donc, il aurait été envisageable d'avoir la Messe dite de saint Pie V célébrée ainsi :
- principalement en latin ;
- les lectures et la prière des fidèle chantées en français ;
- éventuellement, les réponses des fidèles peuvent être chantées en français (« Et avec ton esprit ») ;
- s'il y a lieu, et avec le consentement du Saint-Siège, on peut faire œuvre d'inculturation en adaptant la liturgie aux nécessités locales ; un brillant exemple d'inculturation est l'oeuvre de l'abbaye bénédictine de Keur Moussa, au Sénégal (on peut aussi penser aux missels iroquois du XVIIIe siècle, comme quoi... nihil nove sub sole) ;
- Les fidèles doivent néanmoins savoir chanter en latin les parties de la Messe qui leur reviennent.
Conclusion :
Sacrosanctum Concilium permet l'usage des langues vivantes, de manière limitée et non sans garde-fous.
De là, un grand horizon de créativité s'ouvrait : on aurait pu créer de nouveaux tons pour chanter les lectures, la prière des fidèles et les réponses ; adapter en français le propre grégorien (au moins en partie) ; et même, pourquoi pas, mettre en valeur les diverses traditions musicales du monde chrétien, sous réserve qu'elles s'accordent avec les prescriptions du concile.
Ce n'est pas ce qui fut fait, malheureusement. Mais tout n'est pas perdu.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.