La sexualité et l'amour

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Jeremy43
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Jeremy43 » mar. 05 mai 2015, 1:36

Bonsoir,
Il nous faut des mérites c'est-à-dire des actes de charité envers Dieu ou envers le prochain pour espérer aller au Ciel, et une fois au Ciel ce mérite (ou cet acte de charité si le terme "mérite" vous frustre) va nous donner droit à un titre de gloire qui peut être vu comme une récompense. En effet Dieu étant juste, toute gloire qu'il donne est une forme de récompense ou si on veut Dieu ne peut pas nous admettre au Ciel si on ne le mérite pas car Il est juste. Voilà.
Je pense que vous voyez les choses sous un mauvais angle kisito, sous un angle très légaliste: si nous devons poser des actes de charité chaque fois que nous le pouvons c'est tout simplement pour nous configurer à Dieu, c'est-à-dire nous configurer à notre nature profonde d'enfant de Dieu.

Ce n'est pas pour acquérir des mérites mais simplement pour être capables de recevoir sa Lumière car plus on se configure à Dieu, plus on Lui ressemble, plus on reçoit de Lui. Le Ciel ce n'est pas, en tout cas d'après moi, la cour des mérites où chacun exposera sa gloire : c'est une union intime et profonde avec le Dieu Vivant qui est un Dieu d'Amour, union intime et profonde qui sera à la mesure de la charité que nous aurons eue car Jésus nous l'a dit : "de la mesure que vous mesurerez, on mesurera pour vous" et la mesure de l'Amour, c'est la démesure.

Dieu est notre Père et le désir d'un enfant, c'est de ressembler à son père, c'est ça qui doit nous motiver, être notre moteur. Enfin c'est mon avis.

Cinci
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Cinci » mar. 05 mai 2015, 1:43

Kisito poursuivait :
Le problème c'est que dans la vie religieuse, on voit clairement comment, en suivant les conseils évangéliques, on se sanctifie:

- le vœu de pauvreté nous permet de lutter contre la convoitise des richesses, nous libère de l'esclavage des richesses du monde ;
- le vœu de chasteté nous libère de l'esclavage des plaisirs de la chair et du corps ;
- le vœu d’obéissance nous libère de l'esclavage de la réputation et des honneurs mondains.
La pauvreté d'un sujet dans la communauté religieuse reste celle d'être désapproprié de soi-même (pour le service entre autres), et les frères ou soeurs mettront tout en commun. La désappropriation de soi-même est également présente dans le mariage qui est un autre régime de communauté de biens. La chasteté doit être présente tant dans le mariage que chez les frères du Sacré-Coeur. Le défi est à relever pour tous. L'obéissance fera aussi partie du mariage chrétien en l'espèce.

Mais concrètement le mariage contribue comment à lutter contre les trois principales convoitises : celle des richesses, des plaisirs, et des honneurs, sources de tous les péchés ? Ou bien quels péchés on réussit à mieux combattre par le mariage ?
Entre le cardinal Mazarin et une paysanne française de l'an 1645, je pense que la paysanne mariée sera moins tentée par les grandes richesses.
Il y a quand même plus d'honneurs (donc plus de périls pour l'humilité, etc.) pour celui qui confesse le roi ou qui sert la messe le dimanche qu'à être boucher même veuf.
Il peut être beaucoup plus plaisant de servir dans la curie à Rome qu'à devoir subir une femme acariâtre pendant 40 ans ou bien de devoir s'occuper d'un mari paralytique. Vous avez déjà vu le film Un homme d'exception ? Le coup de la femme qui se ramasse avec un mari schizophrène.

Il n'y a pas de condition "en soi" qui devrait rendre beaucoup plus facile la lutte contre le péché, pour en parler d'une manière générale. A supposer même que les tentations seraient éliminées en étant trappiste, le mérite en serait réduit d'autant, n'est-ce pas?

Belin
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Belin » mar. 05 mai 2015, 9:16

Cinci a écrit :Reprenons ...
La vie religieuse vise la perfection chrétienne en suivant les conseils évangélique: pauvreté, chasteté, obéissance. Quelqu'un qui cherche à pratiquer ces conseils dans leur perfection ne peut pas se marier, tout de même se serait absurde.- Kisito
Vous êtes en train d'affirmer que le mariage chrétien est un obstacle à la sainteté.
Pas du tout c'est comme cela que vous interprétez mes propos. Je n'ai dit nulle part que quelqu'un qui ne pratique pas les conseils dans leur perfection ne peut pas être saint. J'ai dit que quelqu'un qui veut suivre les conseils évangéliques dans leur perfection ne peut pas se marier, il y a nuance. Il ne peut pas se marier pour la simple raison que vivre la chasteté dans la virginité est plus élevée que la vivre dans le mariage. Donc s'il veut pratiquer la vertu de chasteté dans sa perfection il est obligé de rester vierge et se marier en voulant rester vierge est absurde à mon avis. Vous voyez un peu ce que j'ai voulu dire?

La perfection de la vie religieuse chrétienne consiste à mener une vie intime avec Dieu et cela se passe dans la solitude et dans le silence ; seule l’obéissance, la nécessité et les devoirs de charité doivent nous faire quitter notre intimité avec Dieu.
Une intimité de vie avec Dieu ne se réalise que dans la solitude et le silence, dites-vous. En un mot : uniquement dans une cellule de moine.
Mon frère pourquoi vous me faites dire ce que je n'ai pas dit depuis? Pourquoi, selon vous, "solitude et silence" signifient dans une cellule de moine pourquoi prendre ce raccourci ? Faites au moins ce que Jésus a dit et imitez-le. Il a dit pour prier intimement : "va dans ta chambre, ferme-la" et pour lui-même il est écrit que chaque fois qu'il voulait prier il se retirait seul. Jésus l'a dit et lui même l'a pratiqué cela signifie à mon avis que c'est cela qui est la façon parfaite d'avoir une intimité avec Dieu.
Mettre en compétition la vie dans une communauté de frères ou de soeurs avec la vie des chrétiens mariés : c'est précisément cela qui est absurde. Il s'agit simplement d'engagements différents. Il n'y a pas à estimer la condition des uns meilleure que celle des autres. C'est Dieu qui appelle l'un comme prêtre, l'autre comme époux dans la mariage. Si c'est Dieu qui place des baptisés dans la vie conjugale, il ne les place pas dans cette vie afin de nuire à leur perspective de salut, pour les empêcher de prier, de communier, d'assister des pauvres, etc.
Mon frère ce n'est pas moi qui les met en compétition : l'Eglise, depuis 2000 ans, affirme que le célibat consacré est supérieur au mariage. Comprenez que je ne parle pas de vie consacrée dans un ordre religieux, mais en général du célibat consacré à Dieu qui peut se faire dans une vie religieuse ou dans une vie séculière.

C'est pas moi qui affirme que la vie contemplative est supérieure à la vie active, c'est l'Eglise qui l'affirme

J'ai eu à prendre une comparaison et je la reprends si vous ne l'avez pas lu:
dans la vie sociale selon le monde, être cadre est supérieur à être ouvrier, mais cela ne signifie pas qu'on n'a pas besoin des ouvriers dans une société. Et toute personne qui veut parfaitement réussir socialement cherche a priori à devenir cadre c'est logique; il devient ouvrier par défaut lorsque d'une façon claire il constate qu'il n'a pas la vocation à être cadre et enfin si un cadre gère mal son talent et devient un corrompu, on va le mettre en prison et il deviendra socialement inférieur à un ouvrier.

On peut transposer le même raisonnement dans la vie selon l'Esprit en remplaçant cadre par vierge, et ouvrier par marié, prison par enfer.

Si vous revoyez d'autres objections je suis preneur.

Belin
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Belin » mar. 05 mai 2015, 9:47

Jeremy43 a écrit : Je pense que vous voyez les choses sous un mauvais angle kisito, sous un angle très légaliste ; si nous devons poser des actes de charité chaque fois que nous le pouvons c'est tout simplement pour nous configurer à Dieu, c'est-à-dire nous configurer à notre nature profonde d'enfant de Dieu.

Ce n'est pas pour acquérir des mérites mais simplement pour être capable de recevoir sa Lumière car plus on se configure à Dieu, plus on Lui ressemble, plus on reçoit de Lui. .
Comprenez bien ce que je dis mon cher Jeremy : un mérite est un acte de charité qu'on fait qui nous donne un titre de gloire au Ciel. Si on les recherche ce n'est pas en suivant un acte légaliste comme vous le dites, c'est pour glorifier Dieu parce qu'on aime Dieu. Plus on aime Dieu plus on veut que sa gloire se manifeste dans le meilleur éclat possible en nous et à travers nous, plus on cherche à poser des œuvres qui vont justement faire que cette gloire se manifeste ainsi. Donc la motivation c'est en fait la gloire de Dieu et non notre propre gloire, mais par ricochet nous allons aussi recevoir cette gloire.

Belin
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Belin » mar. 05 mai 2015, 10:29

Cinci a écrit : La pauvreté d'un sujet dans la communauté religieuse reste celle d'être désapproprié de soi-même (pour le service entre autres), et les frères ou soeurs mettront tout en commun. La désappropriation de soi-même est également présente dans le mariage qui est un autre régime de communauté de biens. La chasteté doit être présente tant dans le mariage que chez les frères du Sacré-Coeur. Le défi est à relever pour tous. L'obéissance fera aussi partie du mariage chrétien en l'espèce.
Je ne crois pas que la pauvreté soit juste une mise en commun des biens, après qu'on s'en soit désapproprié, vivre la pauvreté ainsi c'est la pratiquer dans un degré inférieur. Et attention, les religieux ne sont pas tous en soit des modèles de pratique des vertus
St Bonanventure a écrit :Celui-là est dans un degré élevé de pauvreté qui n'a rien de propre en particulier, comme beaucoup de religieux ; dans un plus haut degré celui qui n'a rien de propre en commun pour une année entière ou pour un temps plus long, comme un petit nombre de religieux ; et dans un très-haut degré celui qui n'a rien de propre en communauté ni pour une semaine pour un jour, comme les frères mineurs
.

C'est à mon avis un péché même de vouloir faire des enfants et en même temps se placer librement et volontairement dans une situation où soit et son épouse seront des mendiants c'est-à-dire ne rien avoir (au sens strict) en commun, comme le sont les frères mineurs, et ceci est le degré de pauvreté le plus élevé. Je rappelle que Jésus et ses disciples ont vécu parfois dans cette situation extrême (on les voit aller cueillir les maïs dans des champs parce qu'ils n'avaient plus d'argent; Jésus a été obligé de demander à Pierre d'aller chercher l'argent dans un poisson pour payer l'impôt, leur caisse étant vide).

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Christophe67
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Christophe67 » mar. 05 mai 2015, 11:09

Bonjour à tous,


Bien que sorti de ce débat, le sujet m'a donné matière à réflexion, et comme il n'est jamais mauvais de revoir l'état des fondations de ce que nous construisons, j'ai ressorti de mon stock de vidéos celles de l'Abbé Philippe Laguérie.
Dans le cadre d'une catéchèse pour adultes, face aux séminaristes de propédeutique du séminaire de l’Institut du Bon Pasteur, celle parlant du mariage devrait intéresser tout le monde quant à ses positions ou sa vision du mariage.

Je ne souhaite pas commenter afin que chacun y trouve ce qu'il doit y trouver mais j'attire néanmoins l'attention, dans le cadre de ce débat, sur les points suivants :

- Le rapport du Christ au mariage au travers de Son Incarnation;
- Le début de Son ministère public par les noces de Cana;
- Le rôle intrinsèque des époux dans le sacrement du mariage.

Bon visionnage .



Le blog de l'Abbé Laguerrie avec ses vidéos de catéchèse.


Cordialement.

Belin
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Belin » mar. 05 mai 2015, 11:57

Par contre je crois que je me suis trompé lorsque j'ai dis que l'union conjugale n'est pas un acte de charité : en effet St Bonaventure a dit que le le fruit de la chasteté est de 30 quand on est marié, 60 quand on vit la continence pour le Christ après avoir perdu sa virginité et de 100 quand on reste vierge toute sa vie à cause de Jésus.

Donc si la chasteté dans le mariage porte des fruits cela signifie qu'elle est un acte de charité. Donc quand l'union des couples se fait dans la chasteté c'est-à-dire en respectant son conjoint (donc si on constate que son conjoint ne veut pas ou veut le faire malgré lui on doit renoncer sinon c'est du viol) et en respectant l'ordre naturel de la procréation (ce qui exclut la sodomie, la fellation, les contraceptifs, etc) alors c'est un acte de charité.

La question maintenant est de savoir comment en elle-même l'union conjugale rapproche objectivement de Dieu ? Comment l'expliquer sans utiliser des concepts abstraits où il est difficile de voir l’Agape ? C'est à ce niveau où je trouve que la notion de lutte contre la concupiscence prend toute sa valeur.

De mon expérience propre, quand le coeur est envahi par la passion ou lorsque le désir d'un compagnon (ou d'une compagne) est assez fort, en donnant satisfaction à ce désir, la passion tombe, donc le coeur est libéré de son idole et Dieu peut à nouveau occuper une autre place dans notre coeur. C'est ainsi que, au sein d'un couple, la flamme de la passion diminue au fil du temps et finit par disparaître. Cette diminution et cette disparition est bien, car notre cœur se libère de son idole et Dieu aura la possibilité d'occuper une nouvelle place dans ce coeur.

Mais la nouvelle pastorale/ doctrine de l'Eglise a retiré cette notion de lutte contre la concupiscence de son enseignement par un ensemble de concepts abstraits et flous. Pourtant je trouve la formulation traditionnelle assez claire et cohérente avec la notion de charité.

Enfin je voudrais faire un commentaire sur cette notion de vocation, comme quoi Dieu appelle chacun à une vocation qu'on doit respecter. Ce que je crois c'est qu'on peut demander à Dieu à avoir une vocation si on ne l'a pas. Et je suis convaincu que si on demande à Dieu la vocation d'un bien supérieur il va nous l'accorder.

Par exemple voici un problème concret qui se pose : quelqu'un souffre de solitude et est naturellement attiré à vivre avec un compagnon/une compagne. Il y a deux possibilités : soit il demande à Dieu de satisfaire son désir naturel, soit il demande à Dieu de lui donner la grâce de vivre heureux dans la solitude à cause de lui. Très peu demandent cette seconde option, donc très peu ne veulent pas avoir la vocation de célibat. Naturellement ils n'ont pas cette vocation, mais c'est possible qu'ils l'aient s'ils la veulent vraiment et s'ils la demandent à Dieu (je suis même certain que s'ils la demandent à Dieu avec une volonté droite ils vont l'obtenir).
Dernière modification par Anne le mer. 06 mai 2015, 4:35, modifié 1 fois.
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Héraclius » mar. 05 mai 2015, 11:59

Par contre je crois que je me suis trompé lorsque j'ai dis que l'union conjugale n'est pas un acte de charité : en effet St Bonaventure a dit que le le fruit de la chasteté est de 30 quand on est marié, 60 quand on vit la continence pour le Christ après avoir perdu sa virginité et de 100 quand on reste vierge toute sa vie à cause de Jésus.

Donc si la chasteté dans le mariage porte des fruits cela signifie qu'elle est un acte de charité. Donc quand l'union des couples se fait dans la chasteté c'est-à-dire en respectant son conjoint (donc si on constate que son conjoint ne veut pas ou veut le faire malgré lui on doit renoncer sinon c'est du viol) et en respectant l'ordre naturel de la procréation (ce qui exclut la sodomie, la fellation, les contraceptifs, etc) alors c'est un acte de charité..
Alléluia, même si la comptabilité des mérites me parle pas trop. :p
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Christophe67 » mar. 05 mai 2015, 12:45

Bonjour kisito,



je ne sais si la vidéo a joué dans ce sens, mais vos propos plus modérés sur la vision du mariage me fait plaisir.
Il est parfois difficile de faire marche arrière, mais vous l'avez fait, accordant par là même aux couples mariés un chemin de vie contribuant à témoigner, d'une autre façon, de la charité du Christ. Et par ce fait notre vocation à avancer en sainteté.
Maintenant que le chemin emprunté par l'un, ou par l'autre, soit plus sanctifiant je ne me prononce pas dessus. Mais j'espère bien que tous les chemins mèneront à Rome .



Cordialement.

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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par axou » mar. 05 mai 2015, 14:31

kisito a écrit : Donc si la chasteté dans le mariage porte des fruits cela signifie qu'elle est un acte de charité.
La question maintenant est de savoir comment en elle-même l'union conjugale rapproche objectivement de Dieu ? Comment l'expliquer sans utiliser des concepts abstraits où il est difficile de voir l’Agape ? C'est à ce niveau où je trouve que la notion de lutte contre la concupiscence prend toute sa valeur.
Et bien merci Saint Bonaventure ! Je tente de répondre à votre question sur l'union conjugale qui rapproche de Dieu, et en même temps sur l'acte de charité.
Je repars de vos propos Kisito :
kisito a écrit : Jésus a posé l'acte de charité par excellence pour nous, c'est-à-dire souffrir et mourir pour notre salut. Et c'est que nous devons faire pour notre prochain : en esprit ou en désir obligatoirement, effectivement si Dieu nous donne l'opportunité et la capacité de souffrir et de mourir effectivement pour son Amour ou pour le salut du prochain. Un acte de charité est désintéressé par sa nature.
Dans l'union conjugale, il y a toujours une joie et un plaisir qu'on a, donc cet acte n'est jamais désintéressé dans sa nature, récompense ou si on veut Dieu ne peut pas nous admettre
Je comprends mieux.
Personne ne vous enlèvera que donner sa vie par amour, à la suite du Christ, comme l'ont fait les moines de Thibirine en demeurant près de leurs frères en Algérie, ou en demandant de prendre la place d'un père de famille parmi les condamnés à mort comme l'a fait Saint Maximilien Kolbe, c'est le sommet de l'amour, le sommet du don de soi, le sommet de la charité chrétienne, le plus grand des actes de charité. Et que oui, le summum de l'amour, c'est le martyre, c'est le suprême renoncement à sa propre vie comme l'a fait le Christ pour nous. Vous nous rappelez que c'est le sommet, et c'est la vérité.

Concernant le couple. D'abord, comme le dit Cinci, il y a d'autres formes de martyres, d'immenses sacrifices dans le couple ou la vie de famille (comme dans "un homme d'exception") qui sont agréés par Dieu dans le secret des coeurs.

Mais notre sujet est la sexualité et l'amour et l'union qui rapproche de Dieu. Et bien tout d'abord, la Bible, Jésus lui-même, l'Eglise dans toute sa richesse et sa diversité à travers les âges nous dit que le martyre n'est pas la seule manière de glorifier Dieu, qu'il n'y a pas que la souffrance offerte qui rapproche de Dieu, que la joie, la paix, le plaisir, l'union sont des Dons de Dieu et donc des voies d'accès à Dieu lorsqu'ils sont accueillis. On a un peu l'impression à vous lire que seul le summum a le droit de cité, que seul l'extrême est digne de Dieu. Et que les autres voies, si elles ne sont pas teintées de souffrance et de difficiles renoncements, sont menu fretin. Ce faisant, vous passez à côté, me semble-t-il, d'un aspect considérable du don de Dieu qui nous donne sa joie et sa paix, en lui-même par la prière et aussi par l'union physique des corps des époux qui s'aiment. La charité de Dieu va jusque là et la charité de notre part, est de la redonner, la rendre en action de grâce. En fait, c'est un aspect considérable de l'incarnation, et la foi en un Dieu que l'on glorifie également par le bonheur, la joie, le don dans la joie.
Héraclius a écrit :[
L'acte sexuel sanctifiant existe, il est celui qui ne désire pas le plaisir sexuel pour lui-même mais souhaite connaître la communion de la chair - que je n'entends pas directement comme plaisir - et donner du plaisir à son partenaire tout en accueillant la béatitude de l'acte comme conséquence, en action de grâce.
Le plaisir devient péché lorsqu'il est érigé en finalité, mais il ne corrompt pas une finalité sainte elle-même lorsqu'il est simple conséquence. Je dirais même que l'accueil du plaisir sans désir avec action de grâce est juste.
Ce qui est sanctifiant ici c'est la relation et le don dans cette relation, dans cette prise en compte magistrale de l'altérité. Comme le dit Héraclius, ce n'est pas le plaisir que je cherche avant tout (ou l'autre n'est qu'objet) mais l'autre que je cherche à rencontrer et le plaisir arrive comme conséquence, plus exactement comme FRUIT, expression phare du Cantique. Le Cantique est un texte sur le désir comme tension forte vers l'autre, une tension parfois douloureuse et intolérable (le Bien-aimé échappe à la Bien-aimée à certains moments), parfois assouvie. Ce qui est sanctifiant, c'est l'accueil de la joie de la rencontre comme don de Dieu, dans l'abandon, la confiance, la liberté qui sont des dons de Dieu et qui ne vont pas de soi.

Les mystiques s'approprient cette tension pour dire les tourments de leur âme qui a soif de Dieu qui leur échappe et ils s'approprient les mots sur le plaisir pour dire les joies de leur âme comblée par Dieu. C'est le signe que le corps est Signe, lieu d'union entre les époux et que cette union est à la fois le fruit et la source d'une union plus forte avec Dieu (j'espère que je suis claire).

En effet, Madeleine Delbrel disait que le chrétien est celui qui est "chargé " de Dieu et qui rayonne de Dieu autour de lui. Et bien si une personne est ainsi "chargée" de Dieu (par sa vie de prière), elle va rencontrer les autres de manière différente des autres : sa poignée de main, son sourire, son regard vont porter l'empreinte de Dieu qui va être donnée à l'autre, lequel reçoit de la présence divine, sans que des mots religieux soient prononcés. Et bien dans l'union physique des époux, si les personnes sont "chargées" de Dieu, leur rencontre physique est nourrie de cette présence sacrée et cette rencontre elle-même cultive en eux la présence de Dieu, par la joie offerte. C'est la rencontre entre Eros et Agapé.

Je cite un passage pris sur le site "théologie du corps" sur le Cantique :

"Le fait que l'Écriture Sainte célèbre l'eros ne devrait pas nous surprendre : en effet, dans la mesure où nous sommes libres de la vision manichéenne, nous reconnaissons qu'un tel thème "contient un signe primordial et essentiel de la sainteté": le "corps parle". Si la sainteté permet à l'homme de s'exprimer profondément, par son corps et plus précisément par le don de soi, alors c'est dans nos corps que nous prenons conscience de notre appel à la sainteté.
Le Cantique est le livre préféré de nombre de mystiques : la poésie érotique qu'il contient leur donne en effet un langage - certes imparfait, mais le moins imparfait qui soit - pour exprimer la passion brûlante de l'amour de Dieu.
Présentant la position de Dubarle, le Pape Jean-Paul II affirme qu'un amour humain fidèle et heureux révèle aux hommes les qualités de l'amour divin. D. Lys note que c'est un poème à la fois sexuel et sacré. Enlevez le sacré et le Cantique n'est qu'un banal poème érotique ; enlevez le sexuel et il n'est qu'une vague allégori
e."

Je cite Alina Rheyes qui a écrit " Charité de la chair : le sexe et le sacré" (écrivain passionnant qui a écrit sur sa conversion, je n'ai pas encore lu celui-ci mais je vais le faire).

"La bonne alliance, c'est que la chair ne soit pas coupée de l'esprit, que l'esprit ne soit pas coupé de la chair. Que le désir de la chair et celui de l'esprit ne soient pas ennemis. Qu'ils ne s'annulent pas l'un l'autre, car il ne resterait plus ni l'un ni l'autre, et il n'y aurait plus de vie, ni charnelle ni spirituelle.
Nous avons le sentiment que l'amour charnel est bon quand il unit deux personnes qui s'aiment. Mais il faut aller plus loin encore et comprendre que l'acte sexuel accompli dans sa profonde vérité est en lui-même pure charité. Qui efface toute dette, passée ou à venir. Deux êtres qui se sont vraiment donnés l'un à l'autre par la chair se sont gagnés l'un à l'autre un pardon définiti
f.»

A découvrir aussi, Marie-Paul Ross, religieuse et sexologue (!), auteur de "Je voudrais vous parler d'amour et de sexe".

Je suis émue de parler de ce sujet, tellement cela touche au coeur de notre être.

Bien à vous,

Axou

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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Jeremy43 » mar. 05 mai 2015, 16:05

Bonjour,

Merci à tous pour ces échanges très intéressants et à Christophe67 : j'adore cet abbé, il n'a pas sa langue dans sa poche et enseigne très bien.

Il montre la beauté et la grandeur du don total de soi-même à son épouse (ou à son époux).

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axou
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par axou » mar. 05 mai 2015, 21:55

Quelle belle vidéo Christophe ! Cet abbé pose les choses de manière très puissante et originale.

Axou

Belin
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Belin » jeu. 07 mai 2015, 13:10

axou a écrit : Mais notre sujet est la sexualité et l'amour et l'union qui rapproche de Dieu. Et bien tout d'abord, la Bible, Jésus lui-même, l'Eglise dans toute sa richesse et sa diversité à travers les âges nous dit que le martyr n'est pas la seule manière de glorifier Dieu, qu'il n'y a pas que la souffrance offerte qui rapproche de Dieu, que la joie, la paix, le plaisir, l'union sont des Dons de Dieu et donc des voies d'accès à Dieu lorsqu'ils sont accueillis. On a un peu l'impression à vous lire que seul le summum a le droit de cité, que seul l'extrême est digne de Dieu. Et que les autres voies, si elles ne sont pas teintées de souffrance et de difficiles renoncements, sont menu fretin.
Attention une précision doit être apportée. La joie qui rapproche de Dieu est la joie des béatitudes , et non la joie fruit d'une jouissance des biens et/ou des plaisirs du monde et ni d'ailleurs la joie conséquence d'une jouissance des biens spirituels! Et les béatitudes "négatives" nous en avertissent: "malheureux vous qui êtes riches, malheureux vous qui riez etc".

La joie des béatitudes, "heureux les pauvres, les affligés etc" et le motif de cette joie "car le royaume des cieux est à vous, etc". Voilà la joie qui rapproche de Dieu, et qui porte des fruits.
La samaritaine a eu la joie de connaitre Jésus et elle a annoncé à tout son village la bonne nouvelle (voilà le fruit de sa joie : le témoignage), alors que St Pierre a connu une joie spirituelle au mont Tabor pendant la transfiguration mais a voulu s’installer dans cette joie ( au lieu de chercher à descendre de la montagne pour partager sa joie).

La joie de la samaritaine est la joie évangélique, celle-là qui porte des fruits; la joie de Pierre, bien qu’étant une joie d’origine spirituelle, n’était pas une joie ordonnée à porter des fruits, donc à rapprocher d’avantage de Dieu.

Ainsi lorsque la sécheresse s’installe, que ce soit dans les couples ou même dans la vie de certains religieux, ils deviennent tristes, c’est parce qu'au départ ce qu’ils visaient ce n’était pas l’Amour de Dieu mais leur propre bien-être, car lorsque l’opportunité de manifester vraiment l’Amour qu’ils ont pour Dieu se présente, ils sont tristes. Le vrai problème c’est que dès le départ on rate la cible. On cible notre bien être et non la gloire de Dieu. Et la gloire de Dieu est toujours opposée à notre bien-être naturel, c’est pour cela que ceux qui pensent qu’en jouissant selon la nature ils glorifient Dieu se trompent.
Le Notre Père nous rappelle bien la priorité dans ce qu’on fait. D’abord la gloire de Dieu, et ensuite nous-mêmes par rapport à cette Gloire. Et Jésus aussi l’a rappelé : « cherchez d’abord le royaume des cieux et sa justice ».

Il n’y pas un autre chemin pour être sauvé que la croix ! Qu’on ne se trompe pas, s’il y en avait ,Jésus l’aurait choisi car la souffrance étant mal, si Jésus l’a choisie c’est qu’il n’y avait pas une autre possibilité. Si une joie n’est pas une conséquence de la croix qu’on subit (« heureux les affligés » ) ou bien si elle ne nous porte pas (souvent accidentellement, malgré nous) à la croix, alors je dirais que cette jouissance est vaine, « on a déjà eu sa récompense ».
Dernière modification par Anne le dim. 10 mai 2015, 7:45, modifié 1 fois.
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Cinci » jeu. 07 mai 2015, 16:24

Chose vue :

  • «... je sais bien qu'aujourd'hui les meilleurs laïcs explosent de colère à une simple allusion à ce caractère exclusif, dans la vie religieuse, de ces noces spirituelles et de cette attente eschatologique du retour du Christ. Ils y soupçonnent une hiérarchie des vocations en leur défaveur. Ce n'est pas une raison pour se taire, puisque c'est la finalité de la chasteté pour Dieu que de permettre cette exclusivité, et de la chasteté telle qu'elle est vécue dans la vie religieuse. [...] ce n'est aucunement rabaisser la sainteté chrétienne du mariage que de dire cela, mais signifier que l'appel au célibat pour Dieu est, non pas une alternative au mariage mais une concurrence, et un renoncement à un grand bien pour un bien plus grand encore. Par démagogie, bien des gens d'Église n'osent plus le prêcher; peut-être parce qu'ils ne savent plus s'il faut y croire. On ne saurait s'étonner après de l'extinction de la vie consacrée.» (T.-D. Humbrecht, La vocation dominicaine, p.130)


Je respecte l'auteur de ces lignes qui est un frère dominicain très brillant.

Mais ...

Je mentirais s'il me fallait nier que je conserve pour moi la perception d'une ambiguïté dans le discours entendu. Il s'y trouve à la fois une volonté de rassurer le client («Le mariage n'est pas dévalorisé») et celle de rehausser la vie consacrée. Or il serait difficile de se méprendre quant au fait que la vie consacrée serait un meilleur choix (je ne ferai que suivre le raisonnement étudié) vu qu'il serait un «choix arrêté en vue d'un plus grand bien» que ne le permettrait le mariage. Bref, le mariage s'y trouve dévalorisé malgré tout. Et les laïcs ont alors raison de soupçonner une hiérarchie des vocations en leur défaveur. Quelle histoire!

La clé se trouve-t-elle dans la reconnaissance de miasmes d'idolâtrie toujours présentes dans le coeur des hommes?

Je veux dire que la vraie réponse tient peut-être au fait que les chrétiens mariés qui s'imaginent «mieux» que les célibataires sont dans le champs et bien dignes d'une convocation au tribunal, que le prêtre qui figure sa situation comme témoignant pour lui d'une supériorité plus grande de sa propre personne est juste mûr pour le tribunal correctionel, que la situation de la prostituée n'est pas «mieux» non plus objectivement. Il n'y a pas de «mieux» en le sens qu'une situation personnelle ne permet pas de conclure cavalièrement à la plus grande valeur personnelle d'un individu sur un autre. La situation personnelle ne permet pas en principe de juger que Dieu aime plus untel (quand le monde "bourgeois" aimerait pourtant plus untel en effet, lui et sa situation) et moins unetelle.

Belin
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Re: La sexualité et l'amour

Message non lu par Belin » jeu. 07 mai 2015, 17:03

Salut Cinci
A mon avis je tiens d’abord à donner certaines précisions. Célibat consacré ne signifie pas forcement vie religieuse. D’autre part les vertus se vivent d’abord dans le cœur et en Esprit. Et enfin on peut demander une vocation si on ne l’a pas.
Ceci dit nul besoin de s’engager dans les ordres pour vivre la chasteté à son degré de perfection le plus élevé (ce qui signifie la vivre dans la virginité) et un laïc peut très bien vivre la chasteté dans la virginité à cause du royaume.
Si on a déjà perdu sa virginité en dehors du mariage ou dans le mariage, on peut toujours en Esprit et en désir tendre vers ce degré de chasteté le plus élevé. Dieu, qui voit essentiellement les cœurs et non les apparences, saura apprécier. Marie n'a pas été martyre mais elle est considérée comme la reine des martyrs parce que, en Esprit et en désir, elle a certainement vécu un martyr plus excellent que celui des autres martyrs effectifs. Ste Thérèse est appelée patronne des missions, pourtant elle n'a jamais été missionnaire. Donc je me dis qu'en Esprit et en désir on peut avoir les mérites d'une vertu qu'on a pas pu pratiquer en acte.
Enfin on ne peut pas toujours dire qu’on a reçu une vocation inférieure. A-t-on seulement demandé à Dieu la vocation supérieure? A-t-on recherché sans succès à vivre la vocation supérieure ?
Et contrairement à ce que beaucoup croient, Dieu aime tout le monde, mais il aime certains plus que d’autres (beaucoup de grands théologiens et autorités de l’Eglise l’affirment). Par contre (là je donne mon point de vue) on peut mériter par nos prières ou nos œuvres de Foi, un Amour de Dieu pour nous encore plus grand.
Dernière modification par Anne le dim. 10 mai 2015, 7:49, modifié 1 fois.
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