Suis-je irénique ?

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Compagnon de Tobie
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Re: Suis-je irénique ?

Message non lu par Compagnon de Tobie » jeu. 14 mars 2024, 3:59

Je trouve votre approche étonnante parce qu'elle s'appuie sur "je crois", et j'avoue que c'est une approche qui me laisse perplexe. Sur quelle base objective, et donc éligible à la discussion rationnelle, vous appuyez-vous pour soutenir que ce serait de la quasi-superstition ou de l'orgueil ? Pourquoi est-ce qu'"il me semble" ? Prenez-vous comme point de départ de votre réflexion votre ressenti ? Mais si tel est le cas, quelle est la légitimité de ce ressenti ? Un ressenti ne vient pas de nulle part, il est la résultante d'une éducation, d'une histoire...
Oui l'approche est étonnante, tout comme était curieuse l'entreprise de répondre spontanément à un test de personnalité théologico-politique aimablement proposé par Altior. J'avoue aimer les discussions à bâton rompu. Les "je crois" et "il me semble" étaient donc parties intrinsèques de l'entreprise. Mon ressenti a bien une origine : mon éducation par des parents agnostiques et une conversion tardive, récente, dont résultent une foi naïve que j'aime comme telle, qui s'affermit et que je compte approfondir. Mais c'est dans le cadre même de cette naïveté, dénué du désir de convaincre quiconque, que je ne ressens pas le poids de la preuve sur mes épaules. Si je devais en prendre la charge seul et par de vagues monologues, il serait lourd ou ennuyeux à porter. En revanche, oui, mes lectures de la bible et du catéchisme catholique ne m'ont pas convaincues de la réalité de la succession apostolique, tout au plus de sa beauté, de ses fruits historiques et de son utilité pastorale. Pardonnez-donc les termes de superstition et d'orgueil, ladite succession est pour moi l'objet d'un simple questionnement. Je suis plus qu'ouvert aux données objectives de la foi, cependant, mes incertitudes temporaires et qui ne seront sur terre jamais entièrement comblées ne me gênent pas, du moins je m'efforce, dans la prière en particulier, de ne pas les craindre.
Permettez-moi de vous donner quelques pistes sur cet enseignement de S. Paul
Je vous remercie sincèrement de ces précisions. Un point tout de même : "car c'est bien le Christ qui nous a aimé le premier". Jésus et Paul valorisant le célibat comme, sinon plus que le mariage, je ne parviens pas à voir dans cet "amour premier au masculin" le fondement des différences que vous développez. La prohibition de l'inconduite est un commandement explicite, oui. L'institution du mariage lui donne un cadre et une légitimité. En revanche, je ne vois ni où ni comment concevoir cette institution comme le fondement sacramental, anhistorique, figeant une fois pour toute des rôles tendancieusement hiérarchiques au sein de la conjugalité - oui sociologiquement hiérarchiques, ne nous racontons pas d'histoire. L'institution me semble au contraire être le lieu où déployer l'ensemble de la volonté réelle du programme rédempteur et de l'anticipation du règne. Donner sa vie pour son conjoint... j'espère ma femme capable d'en faire autant, et même pourquoi pas plus ! Je me sens bien le devoir de l'être en premier et, sans modestie vous le constatez, c'est un devoir auquel, Dieu merci, je n'ai jamais manqué. Toutefois, ayant trop entendu parler des chansons de geste et de leur postérité, le contenu et les illustrations figés (ou disons la symétrie unilatérale illusoirement dynamique) que vous donnez aux différences conjugales, aussi sources normatives ces strictes différences soient-elles en vérité, me semblent manquer de lucidité.
Il est révolutionnaire pour toute époque
. Par de mystérieuses voies, nous nous retrouvons donc.

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Olivier JC
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Re: Suis-je irénique ?

Message non lu par Olivier JC » jeu. 14 mars 2024, 12:31

Compagnon de Tobie a écrit :
jeu. 14 mars 2024, 3:59
En revanche, oui, mes lectures de la bible et du catéchisme catholique ne m'ont pas convaincues de la réalité de la succession apostolique, tout au plus de sa beauté, de ses fruits historiques et de son utilité pastorale. Pardonnez-donc les termes de superstition et d'orgueil, ladite succession est pour moi l'objet d'un simple questionnement. Je suis plus qu'ouvert aux données objectives de la foi, cependant, mes incertitudes temporaires et qui ne seront sur terre jamais entièrement comblées ne me gênent pas, du moins je m'efforce, dans la prière en particulier, de ne pas les craindre.
Je peux sans peine comprendre que la seule lecture de la Bible et du Catéchisme de l'Eglise Catholique ne soient pas suffisants pour admettre la doctrine relative à la succession apostolique. La première n'est pas des plus explicites sur ce point, son objet n'étant comparable à une sorte de loi constitutionnelle, et le CEC étant un exposé de la doctrine catholique et non à proprement parler une explication de celle-ci.

Ce n'est pas ici le lieu, ce me semble, pour s'engager dans des échanges sur la véracité de la doctrine catholique de la succession apostolique, et je vous invite à ouvrir un fil dédié si vous souhaitez échanger sur le sujet. Je ne peux, à défaut, que vous redire ce que j'ai évoqué précédemment : la seule Bible n'est pas suffisante pour étudier correctement la doctrine chrétienne. Il est nécessaire d'avoir également une approche historique, en recherchant quelle a été la compréhension intellectuelle et existentielle qui a été celle de ceux qui sont les plus proches chronologiquement des faits. Il s'agit donc d'histoire proprement dite. Il s'agit également d'une histoire intellectuelle, avec les écrits des premiers chrétiens et de ceux qui sont appelés les Pères de l'Eglise.

S'appuyer uniquement sur la Bible, en partant au surplus dans le cadre de l'étude sur le présupposé faux que les évangiles auraient été rédigés en grec plusieurs décennies après les faits à partir de sources mythiques, ne vous conduira pas bien loin, et vous fera en tout cas passer à côté de bien des merveilles.
Compagnon de Tobie a écrit :
jeu. 14 mars 2024, 3:59
Un point tout de même : "car c'est bien le Christ qui nous a aimé le premier". Jésus et Paul valorisant le célibat comme, sinon plus que le mariage, je ne parviens pas à voir dans cet "amour premier au masculin" le fondement des différences que vous développez. La prohibition de l'inconduite est un commandement explicite, oui. L'institution du mariage lui donne un cadre et une légitimité. En revanche, je ne vois ni où ni comment concevoir cette institution comme le fondement sacramental, anhistorique, figeant une fois pour toute des rôles tendancieusement hiérarchiques au sein de la conjugalité - oui sociologiquement hiérarchiques, ne nous racontons pas d'histoire. L'institution me semble au contraire être le lieu où déployer l'ensemble de la volonté réelle du programme rédempteur et de l'anticipation du règne. Donner sa vie pour son conjoint... j'espère ma femme capable d'en faire autant, et même pourquoi pas plus ! Je me sens bien le devoir de l'être en premier et, sans modestie vous le constatez, c'est un devoir auquel, Dieu merci, je n'ai jamais manqué. Toutefois, ayant trop entendu parler des chansons de geste et de leur postérité, le contenu et les illustrations figés (ou disons la symétrie unilatérale illusoirement dynamique) que vous donnez aux différences conjugales, aussi sources normatives ces strictes différences soient-elles en vérité, me semblent manquer de lucidité.
Je crois qu'il faut distinguer deux choses. Il y a premièrement les rôles que vous évoquez. Au risque de subir ici quelques foudres, je suis particulièrement en phase avec l'approche qui fut celle de Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe. Pour résumer sa thèse, elle estime que les rôles masculins et féminins pouvant être constatés dans une société donnée sont des constructions culturelles exprimant la différence entre l'homme et la femme. C'est-à-dire que sa thèse est de considérer qu'il y a bien une différence réelle entre un homme et une femme, mais que cette différence réelle ne conditionne pas les rôles qui, dans telle ou telle société, expriment cette différence. En d'autres termes, Madame aux fourneaux avec les enfants et Monsieur à l'usine ou au bureau, ce sont des rôles exprimant une différence réelle et ne pouvant donc par principe être considérée comme illégitime. Mais ce ne sont pas des rôles nécessaires en ce sens que cette différence entre l'homme et la femme peut s'exprimer différemment. Mais, et c'est à mon sens ce qui est le plus intéressant dans la thèse de Simone de Beauvoir, cette différence ne peut pas ne pas d'exprimer, d'une manière ou d'une autre, précisément parce qu'elle est réelle.

Il y a ensuite cette différence proprement dite. Il m'apparaît que la seule différence réelle, concrète et indépassable entre l'homme et la femme, c'est que seule la femme peut être mère. L'homme ne le peut pas, c'est une impossibilité biologique. C'est dans l'utérus de la femme que se développe un nouvel être humain. L'homme n'en a pas. C'est au sein de la femme que peut se nourrir un bébé. L'homme ne produit pas de lait.

C'est donc ce qui est fondamental : c'est la femme qui donne la vie et la soutient dans ses premiers instants. L'homme n'a, pour sa part, rien qui lui soit propre. En un sens, la femme est un homme avec quelque chose de plus, la maternité.

Comment situer l'enseignement de S. Paul dans ce cadre ? Si j'admets sans difficulté que mon interprétation puisse être discutable, il me semble difficile de nier que l'Apôtre fait bien une différence entre l'homme et la femme en posant une correspondance avec la relation existante entre le Christ et l'Eglise, et il ne saurait être considéré sérieusement que la relation Christ -> Eglise soit équivalent ou identique à la relation Eglise -> Christ.

Toujours est-il que cette différence ressortant du discours de l'Apôtre me semble nécessairement devoir être rattachée à ce qui apparaît être comme la seule différence réelle et concrète entre l'homme et la femme, à savoir la maternité.

Mais je suis preneur de tout avis divergent ou de toute autre lecture :-D

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Compagnon de Tobie
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Re: Suis-je irénique ?

Message non lu par Compagnon de Tobie » sam. 16 mars 2024, 3:29

je vous invite à ouvrir un fil dédié si vous souhaitez échanger sur le sujet.
Oui, c'est une bonne idée, quand j'aurais le temps je le ferai.
Au risque de subir ici quelques foudres, je suis particulièrement en phase avec l'approche qui fut celle de Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe.
Je me demande toutefois si vous n'éludez pas la contrepartie masculine du rôle de la femme, afin de vous éviter un autre type de foudre :) En tout cas, j'aime bien Simone et lu (parfois parcouru) les 2 tomes. Ce que je trouve le plus fondamental de son approche, c'est qu'elle y parle comme femme et des femmes, à partir de l'expérience réelle d'une femme, et non d'une définition de la Femme. Il n'y a pas non plus l'Homme chez elle. Les philosophes les plus "féministes" de son époque (des hommes) parlaient, certes pour la valoriser, de LA Femme.

Dans ses conclusions, il y a en effet ce fameux passage (p. 651-652) où Simone insiste à la fois sur la contradiction et sur la réconciliation, avec "Il est absurde de prétendre que l’orgie, le vice, l’extase, la passion deviendraient impossibles si l’homme et la femme étaient concrètement des semblables ; les contradictions qui opposent la chair à l’esprit, l’instant au temps, le vertige de l’immanence à l’appel de la transcendance, l’absolu du plaisir au néant de l’oubli ne seront jamais levées ; dans la sexualité se matérialiseront toujours la tension, le déchirement, la joie, l’échec et le triomphe de l’existence. Affranchir la femme, c’est refuser de l’enfermer dans les rapports qu’elle soutient avec l’homme, mais non les nier ; qu’elle se pose pour soi elle n’en continuera pas moins à exister aussi pour lui : se reconnaissant mutuellement comme sujet, chacun demeurera cependant pour l’autre un autre ; la réciprocité de leurs relations ne supprimera pas les miracles qu’engendre la division des êtres humains en deux catégories séparées : le désir, la possession, l’amour, le rêve, l’aventure ; et les mots qui nous émeuvent : donner, conquérir, s’unir, garderont leur sens ; c’est au contraire quand sera aboli l’esclavage d’une moitié de l’humanité et tout le système d’hypocrisie qu’il implique que la ‘section’ de l’humanité révélera son authentique signification et que le couple humain trouvera sa vraie figure." Aspect neutre ou idéaliste du dépassement de la contradiction.

Je ne sais pas si c'est cette tournure de Beauvoir qui vous plait, car elle sait aussi se faire marxiste, un peu avant le passage ci-dessus : la passage qui commence avec La femme n'est victime d'aucune mystérieuse fatalité : il ne faut pas conclure que ses ovaires la condamnent à vivre éternellement à genoux. et se termine avec :

On me dira que toutes ces considérations sont bien utopiques puisqu’il faudrait pour "refaire la femme’ que déjà la société en ait fait réellement l’égale de l’homme ; les conservateurs n’ont jamais manqué en toutes circonstances analogues de dénoncer ce cercle vicieux : pourtant l’histoire ne tourne pas en rond. Sans doute si on maintient une caste en état d’infériorité, elle demeure inférieure : mais la liberté peut briser le cercle ; qu’on laisse les Noirs voter, ils deviennent dignes de vote ; qu’on donne à la femme des responsabilités, elle sait les assumer ; le fait est qu’on ne saurait attendre des oppresseurs un mouvement gratuit de générosité ; mais tantôt la révolte des opprimés, tantôt l’évolution même de la caste privilégiée crée des situations nouvelles ; ainsi les hommes ont été amenés, dans leur propre intérêt, à émanciper partiellement les femmes : elles n’ont plus qu’à poursuivre leur ascension et les succès qu’elles obtiennent les y encouragent ; il semble à peu près certain qu’elles accéderont d’ici un temps plus ou moins long à la parfaite égalité économique et sociale, ce qui entraînera une métamorphose intérieure.

La parfaite égalité.... bon, soit, à manger et à boire, que je ne reprends pas à mon compte. En revanche, difficile de la contredire sur le retournement de l'argument conservateur. Ce n'est pas un avis théologique divergent du votre, simplement pour montrer l'ambivalence de Simone et les foudres que vous évoquez.

Bonne soirée !

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