apatride a écrit : ↑mer. 18 sept. 2019, 5:08
Kant considérait qu'aucune pensée n'existe dans le monde autre que celle de l'observateur qui l'y projette. Dans cette optique, toute philosophie de la nature et, a fortiori, de l'Absolu n'a effectivement aucun sens.
La question de comprendre si, oui ou non, Kant posait l'existence de la chose en soi, est génératrice de débats depuis l'origine du kantisme. S'il est difficile de trancher pour ce qui concerne l'œuvre kantienne originelle, même s'il existe une tendance de fond pour dire que l'idée de Kant sur la question a évolué d'une chose en soi ontologique à une chose en soi concept, les post-kantismes et certainement les néo-kantismes ont résolu ce problème : il n'est pas nécessaire, pour un idéalisme transcendantal achevé, de poser une chose en soi sur le plan ontologique. Ce qui infirme l'affirmation de l'
existence de la pensée. L'expérience ne doit donc pas être assimilée, dans cette optique, au
résultat d'une pensée qui lui préexisterait.
apatride a écrit : ↑mer. 18 sept. 2019, 5:08
Il est regrettable que l'histoire de la philosophie telle qu'elle est enseignée considère avec méfiance toute métaphysique christiano-compatible, donnant l'impression erronée que l'horizon kantien est indépassable voire, encore pire, que Kant aurait définitivement "démontré" quoi que ce soit à la manière d'un théorème mathématique. On saute allègrement des philosophes grecs à Descartes en laissant dans l'ombre et l'ignorance quatorze siècles de pensée informés par le christianisme.
Kant n'a en effet rien démontré, et en cela il reste fidèle à sa doctrine. Il a posé les bases d'une monstration, pas d'une démonstration. Et cette monstration, en termes simples, fait remarquer que quoi que l'on dise ou ressente, ces dires et ces ressentis seront toujours, radicalement, des dires et des ressentis
pour moi. Pour autant, la pensée chrétienne vaut assurément la peine de s'y attarder - et pas qu'un peu! Mais elle reste dogmatique.
apatride a écrit : ↑mer. 18 sept. 2019, 5:08
D'une part une philosophie expurgée de toute pensée chrétienne, d'autre part la croyance, et au milieu aucune intégration ni unité possible. Tout cela aboutit à la conclusion fidéiste que vous énoncez, heureusement fausse, selon laquelle seule la foi permet d'accéder à Dieu, et qu'il n'y a pas la place pour une pensée philosophique rationnelle.
Accéder à Dieu, c'est-à-dire à l'Absolu, par la logique rationnelle, exige de cette dernière de revendiquer un caractère universel d'outil de vérité. Or ce n'est manifestement pas le cas : la logique est plurielle, et les désaccords, les incompréhensions et surtout l'évolution même de la logique, nous le montrent en permanence. Une logique, ce n'est en somme qu'un ensemble de règles contextuelles auxquelles on prête indûment un pouvoir de résolution métaphysique. Une égalité mathématique, par exemple, n'est pas une vérité mais une tautologie.
1+1=2 n'est pas une proposition
vraie, elle est une proposition
axiomatique. Pour échanger un message avec autrui, il faut partager une logique. Mais ce partage, même lorsqu'il se trouve diffusé en masse, ne peut être dit universel pour autant, car la possibilité que cette logique soit altérée, modifiée ou erronée ne peut être invalidée pour cette seule raison.
L'infrastructure logique prend appui sur une fondation axiomatique de béton. Mais ce béton repose sur les sables mous de la
conviction. Le concept de conviction fait appel à une double croyance couverte par le jugement personnel, qui s'exprime unitairement par le terme de
vraisemblance, par lequel le concept de foi émerge comme tiers-produit : (1) D'une part je crois qu'une Vérité existe, (2) de l'autre je crois que cette Vérité est connaissable. Par exemple, pour poser un axiome comme Spinoza le fait, il est nécessaire d'avoir l'intime conviction, la
certitude interne de sa vérité. Il faut donc croire que la Vérité existe ; croire que des axiomes sont là
devant nous, et croire que ces Vérités nous sont
accessibles.
Et cette croyance, c'est la foi personnelle. La foi n'est rien d'autre qu'une racine ultime, une conviction irrationnelle,
alogique, de la réalité d'une proposition, qui se fonde sur un jugement
instinctif.
Toute affirmation de l'absolu relève de la foi. Je mets au défi quiconque d'avancer une proposition absolue qui ne relève pas de la foi, à l'exception du constat cartésien de l'expérience présente (qui n'est pas une proposition mais le prérequis à toutes propositions).
apatride a écrit : ↑mer. 18 sept. 2019, 5:08
Si pallier ce déficit vous intéresse, je vous renvoie vers quelques grands métaphysiciens du XXème siècle -- citons notamment Bergson, Tresmontant, Blondel -- qui ont renoué avec le brillant édifice métaphysique chrétien du XIIIème siècle, et réussi avec brio à se libérer d'un héritage kantien un brin étriqué.
J'apprécie énormément Bergson.