Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

« Dieu leur donnera peut-être de se convertir et de connaître la vérité. » (2Tm 2.25)
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Cinci
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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » jeu. 15 nov. 2018, 14:03

Incorporés à un corps (bis)

"... c'est la tentation même de la gnose qui accompagne le christianisme dès sa naissance; c'est à dire la tentation de transformer l'histoire personnelle qu'est l'Évangile en seule sagesse (gnosis; en grec) ; de faire d'une chaire une parole. Rien d'étrange si aujourd'hui même, des catholiques, souvent culturellement en retard, sont atteints, deux mille ans plus tard, par le virus du spiritualisme des sectes gnostiques de l'Antiquité; ou, quatre siècles plus tard, par la démythisation spiritualiste de l'eucharistie, par oeuvre de la Réforme.

Déjà, dans l'ancien calvinisme, la Sainte Cène - célébrée avec une parcimonie circonspecte seulement quatre fois par an - était précédée par l'avertissement du pasteur qui présidait : "Frères, gardez-vous de penser que le Seigneur puisse être contenue dans le pain et le vin comme grossièrement et charnellement le croient le Pape-Antéchrist et son Église - Babylone en leur idolâtrie maudite".

Or, ce n'est pas mon pauvre avis, bien insignifiant, mais celui de la plus ancienne et nombreuse Église chrétienne qui revendique sa descendance des Apôtres eux-mêmes : il n'y a pas à rougir de la dite "grossièreté" et "charnalité" de cette idolâtrie maudite (l'expression est de Calvin lui-même) ; au contraire tout cela doit être défendu avec ténacité.

Le corps que le croyant découvre sous les apparences, c'est le corps du Christ ressuscité et glorieux : il appartient donc déjà au monde nouveau et transfiguré dont nous ne pouvons prétendre savoir grand chose. Ou plutôt, dont nous ne savons presque rien. C'est bien sûr le corps du Ressuscité qui, à chacune de ses apparitions, demande à manger à ses disciples incrédules pour leur montrer qu'il n'est pas un fantôme, qu'il n'est point un esprit : mais c'est aussi ce corps qui passe à travers les portes fermées.

"Si Dieu s'est fait homme, il peut bien se faire pain et vin", affirmait Pascal; pour ensuite s'écrier, fatigué par les chrétiens sophistes qui, de nos jours, se sont multipliés : "Que je hais ces sottises, de ne pas croire l'eucharistie ! Si l'Évangile est vrai, si Jésus-Christ est Dieu, quelle difficulté il y a ? "

Ce mystère s'accomplit tout entier à l'intérieur de la dimension de l'amour : et l'amour tend toujours vers un maximum, il tend toujours vers les extrêmes. Moi le premier, j'essaie de me convaincre que l'on ne se trompe jamais en surestimant les limites de l'amour du Dieu chrétien; alors qu'on se trompe toujours en sous-estimant les limites de cet amour.

Moi le premier, j'essaie de me convertir aux exhortations de l'Apôtre à croire en "un Dieu qui nous a fait des largesses" (2 Cor 2,9), en un Dieu qui a "le pouvoir de faire bien plus que ce que nous pouvons demander ou penser" (Éph 3,20). C'est en prévoyant notre petitesse que Paul prie pour que nous soyons "en mesure de comprendre avec tous les saints quelle est la grandeur, la longueur, la hauteur, la profondeur" (Éph 3,18) de l'amour par lequel nous sommes aimés.

Pourquoi, alors, viser plus bas, dans notre espérance ? Pourquoi vouloir croire moins que ce maximum qui nous est offert, que cette extrême dimension d'espérance, de vie, de résurrection qui - en changeant la substance du pain et du vin - peut changer notre substance même et la rendre immortelle ?


[...]

Du reste, pendant plus de mille ans, jusqu'aux théologiens du XIIe siècle - les chrétiens crurent à une réalité qu'ils n'avaient pas besoin d'exprimer par un mot technique.

Dans le christianisme, les mots suivent toujours l'action de la liturgie qui exprime la foi avec la chaleur de la vie et non la froideur obligée de la théologie. Pour savoir ce que croit l'Église, il suffirait de regarder ce qu'elle fait : ici encore, c'est la logique chrétienne de la vie qui prévaut sur la mort des schémas et des traités; ce sont encore les faits qui prévalent sur les mots.

Comme il en a été pour presque tous ses dogmes, l'Église s'est vue forcée de donner une définition contraignante de l'eucharistie, non par goût de mettre le mystère en cage, mais pour protéger sa foi contre ce qui semblait des erreurs dangereuses.

C'est ainsi que le mot de transsubstantiation est lancé contre le mot moins fort, moins provocateur, de consubstantiation de Luther, qui ne désignait qu'une coexistence du corps et du sang avec la substance du pain et du vin. Pour être plus clair : tandis que pour les catholiques pain et vin se transforment en le Christ, pour les luthériens le Christ se borne à venir en eux.

Ce mot de transsubstantiation est lancé aussi contre l'opinion moins forte encore de Calvin, qui laissait intouchée la substance et se bornait à parler d'une présence dynamique.

Transsubstantiation, enfin, est lancée contre la troisième branche de la Réforme, celle de Zwingli, qui menait à sa conclusion logique le désamorçage de la bombe eucharistique et se réfugiait dans le spiritualisme du symbole : alors le pain devenait le simple symbole de la chair; le vin, le simple symbole du sang.

Ces nouveaux christianismes du XVIe siècle tendaient donc à glisser dans la subjectivité : "Dans l'eucharistie il y a, certes, en quelque façon le Christ; mais il n'y est que si l'on y croit." Tandis qu'au contrraire pour toute la tradition précédente, défendue avec ténacité par Rome, la présence est réelle par le fait même qu'elle est objective et non subjective.

Pour le catholique, il est certes nécessaire de croire en la présence du Christ pour que la communion avec lui porte des fruits. Si c'est bien là l'acte d'amour par excellence, comment oublier que l'amour a besoin d'être partagé ? Au cri fait suite l'écho ; l'appel a besoin de réponse; la présence - ici - veut la prise de conscience.

Et pourtant,le Christ n'est pas présent parce que nous croyons : au contraire, nous croyons parce qu'il est présent. Un exemple peut aider : pour un protestant, si l'on reçoit l'eucharistie sans la foi ou, pire, en s'en moquant, on ne reçoit rien ; pour un catholique, on commet au contraire un des plus terribles sacrilèges qui soient. Saint Paul nous en avertit avec des mots très durs qui vont exactement dans le sens de la thèse catholique de l'objectivité du mystère qui se cache sous le pain : "Parce que quiconque mange le pain ou boit au calice du Seigneur d'une façon indigne, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Aussi, que chacun s'examine lui-même avant de manger de ce pain et boire à ce calice; parce que qui mange et boit sans reconnaître le corps du Seigneur, mange et boit sa propre condamnation."

Ajoutons enfin que les réformateurs imposaient des limites non seulement à la substantialité et donc à l'objectivité de la présence, mais qu'ils voulaient en limiter également la durée : la Cène finie, finissait la présence; le pain redevenait du simple pain, le vin du simple vin.

Il fallait donc réagir et sauvegarder le caractère concret de la foi témoignée par toute la tradition, fût-ce au prix du sang. C'est à partir du IIIe siècle que l'Église honore comme saint cet enfant, Tarcisius, qui choisit le martyre plutôt que de profaner les "membres célestes" (c'est ainsi que les désigne la très ancienne épigraphie de sa tombe) que, cachés sous sa tunique, il portait à un malade.

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » jeu. 15 nov. 2018, 15:43

Il y a église et Église

Nous devons toujours avoir présent à l'esprit cette distinction sans laquelle nous risquons constamment d'entretenir une équivoque : jamais nous ne devons oublier l'inéluctable ambiguïté de l'Église. Car il y a église et Église.

Il y a l'église que tout le monde voit : et souvent ce n'est pas une bien belle vue. Mais, "toute cachée qu'elle soit à nos yeux de chair, derrière les curies épiscopales et les codes de droit canonique pourtant nécessaires" (J. Maritain) , il y a l'Église : celle avec une Majuscule, celle que tout le monde ne voit pas, celle que la seule foi peut distinguer au-delà de sa lourde façade. L'Église dans son ensemble, disait saint Augustin, est comme la nouvelle lune : la face tournée vers nous est obscure mais, même sans la voir, tu crois qu'il y a une autre face éclairée par le soleil.

Bien des attaques, des accusations portées contre l'Église sont justifiées, mais en même temps manquent leur cible parce qu'elles n'en reconnaissent pas la double nature. Le catholique sait bien que son Église - selon la définition médiévale - est une casta meretrix : "chaste" comme le Christ, dans son essence; "prostituée", souvent, dans sa structure humaine. Les croyants n'ont certes pas attendu la polémique de ceux qui sont à l'extérieur d'elle pour s'apercevoir des tares de l'institution.

Papini disait : "On pourrait composer une anthologie de l'anticléricalisme chrétien, rien qu'en citant des paroles de saints : elle serait terrible". Pourtant, ces saints ont vécu et sont morts dans une Église qu'ils aimaient et qui, à la fin, leur a donné raison, en les glorifiant sur ses autels". Ces saints, en effet, ne confondaient pas les plans : ils savaient que l'Église est sainte mais comprend, en son sein, les pécheurs; ils savaient que les membres de l'Église pèchent mais, de la sorte, trahissent son essence même qui est le Christ; par conséquent, l'Église n'est jamais sans pécheurs mais elle est toujours sans péché.

C'est à cause de cette ambiguïté non résolue et insoluble qu'un Hans Küng peut écrire : "L'Église est souvent plus un obstacle qu'une aide pour devenir chrétien." Et l'on ne peut donner tort à Jean Delumeau quand il écrit : "Tout propos se voulant chrétien doit avant tout saisir pourquoi tant de nos contemporains n'éprouvent, à l'égard de l'Église, que répulsion, défiance, rancoeur." ; "L'Église apparaît à beaucoup comme une institution qui divise, plutôt qu'elle ne réconcilie les hommes."

J'aime le cri passionné de Luther, gravé à la base du monument qu'on lui a élevé dans le parc de Worms :"J'en suis là, je ne peux rien d'autre ! Dieu, aide-moi ! Amen." Saisissant la Bible, ce moine cria ces mots, au cours du fameux procès, à l'adresse de Charles-Quint (le saint empereur romain), de l'archevêque de Trèves, des légats et des théologiens du Pape. Ce cri je ne peux pas ne pas le faire mien; mais, malgré tout, non point contre l'Église de Rome, mais bien contre cette "Babylone" sur laquelle le réformateur invoquait la colère divine.

N'allez pas croire que je n'aie pas mes problèmes. Je n'arrive pas à être ému au coeur même du catholicisme, entre les colonnes du Bernin, dans la basilique de Saint-Pierre, dans cette montagne de marbre pour l'édification de laquelle des dignitaires spéculèrent sur la piété envers les morts et mirent le feu au baril de poudre de l'Europe du Nord. Certes : ce n'est pas le chantier de Saint-Pierre qui est le seul responsable de tout cela, même si, historiquement, il fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Mais ce chantier est le signe d'un certain catholicisme; d'une certaine église qui, tandis qu'elle annonce l'Évangile aux autres, semble oublier de se le prêcher à elle-même.

Et, pourtant, quand j'y réfléchis, je ne suis pas scandalisé au point de refuser de chercher là-dedans, au milieu de ces marbres fastueux, l'espérance qui sauve.

L'Église est en effet tenue de témoigner à la fois de ce qui est humainement inconciliable : d'un côté la gloire de Dieu, du Très Haut, de l'Éternel; et de l'autre l'humiliation, la croix du Dieu caché que la foi reconnaît sous les pauvres vêtements d'un certain Jésus de Nazareth. L'Église doit rester fidèle à l'Ancien Testament dont le symbole est le grand Temple de Jérusalem, cette merveille du monde; et elle doit en même temps rester fidèle au Nouveau Testament, qui commence avec la désolation de la grotte de Bethléem, cette honte aux yeux du monde.

Ce qui est vraiment important, ce qui est décisif au coeur de ces édifices, c'est l'humble signe. C'est cette petite lampe rouge qui, dans les églises catholiques, signale la présence dans le tabernacle du plus grand des miracles, l'eucharistie. Ce qui importe c'est cette Présence que la foi entrevoit sous les apparences banales du pain et du vin. Ce qui importe c'est cet autel, cette table sur laquelle se prépare et se distribue la Nourriture grâce à laquelle le croyant, lui seul, peut s'unir à saint Paul pour demander : "Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ?" (1 Cor 15, 55)

p. 134

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » mer. 28 nov. 2018, 15:27

"L'au-delà, c'est évident, n'existe pas"


"... parlant de Moravia, Saul Bellow, l'écrivain prix Nobel, se demandait : "Pourquoi ces maîtres se refusent-ils si obstinément à parler en terme de vérité et d'humanité ?"

En réalité, ils ne le peuvent, prisonniers comme ils le sont du rôle dont les a investis une société névrosée par la pensée de la mort, dont le mystère la terrorise.

Comme au temps de la pythie, la prêtresse du temple d'Apollon à Delphes, les hommes courent encore consulter l'oracle pour se rassurer, pour tenter d'apaiser leur angoisse.

"Maître, est-il vrai ou non qu'après la mort il n'y a rien ?, demandent les journalistes au nom de tous, au cours du rite périodique et superstitieux de l'interview que leur accorde cet écrivain, ou celui qui, à ce moment-là, est de service. "On ne peut plus vrai, confirme le maître, pensif et paternel. C'est on ne peut plus vrai. Soyez tranquille, écrivez donc qu'il n'y a rien, dites-le donc aux gens. Il n'y a rien, c'est moi qui vous l'assure, je vous en donne ma parole."

Ne te laisse pas endormir par les bavardages consolateurs de ces maîtres suspects. Ne te laisse pas éblouir par les tableaux de commande de tous les computers et de toutes les machineries technologiques et électroniques. Le super-technicien en blouse blanche qui projette, construit et manoeuvre ces appareils, sur l'énigme de son propre destin et de celui de ses semblables n'en sait pas plus que l'analphabète ou que l'homme des cavernes.

Seuls de grossiers propagandistes à la Michel Verret peuvent oser écrire des phrases de ce genre : "La science empêche d'attribuer la moindre consistance objective aux fables religieuses sur l'au-delà."

Là, mon cher, on tente de transformer la réalité en un souhait. La science et le problème de la mort (et de son "après") se situent sur deux plans différents et parallèles qui ne se rencontreront jamais. Il n'est possible de jeter aucun pont entre ces deux dimensions, sinon en devenant de médiocres savants; ou, plus exactement, en renonçant à être des savants. La science peut progresser autant qu'elle le voudra, le mystère qui nous occupe ici restera entier.

[...]

Mais méfie-toi tout autant de qui voudrait se débarrasser du mystère en se servant, d'une manière également abusive, non de la science, mais d'une autre voie de recherche : la philosophie. Joseph Gevaert, le philosophe néerlandais observe, en effet, que "la quasi-totalité des philosophes qui présentent la mort comme le dernier mot de l'aventure humaine, le font comme s'il s'agissait d'une donnée de fait absolument évidente et non susceptible d'être mis en discussion". En réalité, poursuit-il, "nous sommes devant une pure et simple affirmation gratuite, sans la moindre tentative de se fonder sur des hypothèses critiques".

Ainsi, continue-t-il, "de grands penseurs, à commencer par Karl Marx et Frédéric Engels et tant d'autres, n'ont apparemment pas le moindre doute sur la disparition radicale et totale de l'existence personnelle, après la mort biologique. Mais qui leur a donné cette assurance ? Il faut bien le dire : leurs idées, rien d'autre que leurs idées préconçues."

Les deux affirmations sont indémontrables dans l'ordre du concret : toutes les deux dépendent non de l'expérience ou de la raison, mais d'une foi; d'une certitude qui ne pourra jamais être objective, mais restera toujours confinée dans le subjectif.

Le croyant au sens traditionnel, l'adepte d'une religion "verticale" dira : "Au-delà de la mort, il y a un Dieu qui attend ses créatures. Ce n'est qu'en apparence que la mort est la dernière étape : en fait, elle est l'avant-dernière. La vie est un don qui nous sera conservé."

Le libre-penseur, l'esprit fort bourgeois ou le matérialiste dialectique marxiste, c'est à dire les croyants d'une des nouvelles religions horizontales déguisées en science ou en philosophie objective, dira : "Il n'y a aucun Dieu, nous sommes les produits du hasard, de l'évolution, de la nécessité biologique. Après la mort, nous retournons entièrement à la matière sourde et aveugle dont nous venons. La vie est un accident, un hasard qui ne laissera nulle trace."

A y regarder de près, le croyant traditionnel, celui qui ne cache pas qu'il parle au nom d'une foi, révèle une attitude de plus grande humilité et de plus grande logique. Si c'est un croyant authentique qui ne s'abaisse pas lui aussi au rang de propagandiste, il avouera en effet que sa foi n'est pas contraire à la raison mais qu'elle la dépasse, qu'il n'est pas donné à tous de comprendre cette parole.

Le croyant "nouveau", celui qui se drape abusivement dans l'orgueil de l'objectivité, de la science, dira au contraire qu'il a de son côté - lui, et seulement lui - la raison bien comprise. Aussi, lorsqu'il disposera du pouvoir, il enfermera en camp de concentration ou en hôpital psychiatrique celui qui se permettra de faire observer que - comme le montrent aussi bien la logique du problème qu'une expérience plusieurs fois millénaire - la raison seule n'est pas du tout en mesure de répondre à la question : Qu'est-ce que la mort ? Est-ce la fin ou le commencement ?

En attendant, il recourra à l'intimidation culturelle, au terrorisme idéologique, déclarant les croyants traditionnels privés de droits de citoyenneté culturelle, adeptes de vieilles histoires, déchets folkloriques d'un monde qui se meurt.

p. 78

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » mer. 28 nov. 2018, 15:38

Un débouché obligé


Voici maintenant, non un quelconque prédicateur de carême, mais un des plus lucides témoins de notre temps, un des plus logiques avec lui-même, qui nous rappelle à quoi peut nous mener un monde aussi fermé que le nôtre. Camus, qui toucha le fond des ressources d'une culture dite "laïque", dresse un bilan tragique : "A la fin, le seul problème sur lequel il vaut la peine de discuter, c'est le suicide."

C'est à dire : faut-il attendre passivement le terme fixé par destin à cette aventure insensée, à cette "passion inutile" qu'est l'homme avec sa pensée ?

Ou convient-il plutôt d'abréger le temps, de résoudre enfin le mystère qui nous accable en courant à sa rencontre; en nous donnant de notre propre main, cette mort qui, si on lui trouve pas sa place, nous menace, nous angoisse, prive de sens même nos jours les meilleurs ?

p. 90

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par aldebaran » mer. 28 nov. 2018, 17:22

@Cinci
je vous remercie de nous faire connaitre ce passage de Saul Bellow.
Cela correspond, en bien dit, à ce que je pense profondément : athées et religieux sont croyants. Alors que la science ne tranche pas, les athées croient dans le néant, qu'ils ne peuvent définir et dont ils ne peuvent expliquer qu'il produit l'univers (le non être produisant l'être). Les religieux croient en un Dieu qui ne se manifeste pas usuellement de manière visible, qu'ils ne peuvent définir (autrement que par révélation, tel le Dieu de la Bible "Je suis Celui qui est") et dont ils ne peuvent expliquer l'éternité.
Notre avantage est clairement effectivement d'être plus "honnête" et de nous placer résolument dans une foi et non une vérité conformément à un fait établi.

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » mer. 15 mai 2019, 2:37

Bonjour,

C'est pour partager d'autres propos qui sont toujours intéressants du même Vittorio Messori. Ça reste en lien avec le thème de la mort et en tout cas comme le christianisme traiterait la chose.


Voici :

Quand l'histoire enquête sur le Ressuscité

"Pour le chrétien, l'histoire est un mystère, mais elle n'est pas incompréhensible, ce qu'elle était pour les païens, et ce qu'elle est, et sera toujours pour les non-croyants. Tout en respectant pleinement l'énigme située entre deux voies, en apparence incompatibles - le plan providentiel de Dieu et celui de la liberté de l'homme - l'historien peut percevoir, dans le flux des affaires humaines, non des "lois" semblables à celles des sciences physiques, mais au moins des constantes. Ce qui veut dire que certaines prémisses étant posées, l'expérience et la réflexion nous avertissent qu'arriveront, très probablement, certaines conséquences.

Prenons un exemple entre une infinité d'autres possibles. Il est évident que je n'ai aucun don pour deviner l'avenir, je le reconnais. Cependant, en 1987, deux ans après l'élection de Mikhael Gorbatchev, comme secrétaire général du PCUS, dans la rubrique que je signais dans un quotidien catholique, je prévoyais comment s'achèverait cette glasnost et cette perestroïka, enthousiasmantes pour tan tde commentateurs, qui estimaient ces choix prudents, avisés et pleins d'avenir.

J'étais déjà, à ce moment, certain - les événements allaient le confirmer en tout point - de l'effondrement de l'URSS, qui espérait se relever de la ruine du marxisme qui voulait s'humaniser, comme de la chute de Gorbatchev lui-même entraîné par les décombres. Ce n'était certes pas dû à des talents prophétiques dont je suis totalement dépouvu. Mais je savais, pour avoir lu Alexis Tocqueville, qu'un système totalitaire ne se réforme pas sans s'écrouler.

C'est une illusion mortelle, pour un régime totalitaire, de penser se sauver en relâchant les freins et en entrouvant la porte à la liberté. Voici les paroles de Tocqueville, elles datent de 1856 :
"Un peuple qui supporte les lois les plus écrasantes, les repousse avec violence justement quand leur poids commence à s'alléger. Le moment le plus dangereux pour un gouvernement despotique est celui où il commence à se réformer. Seul un grand génie pourrait sauver un prince qui se prépare à libérer ses sujets après une longue oppression. Le mal, patiemment supporté tout le temps qu'il semble inévitable, devient intolérable dès que leur traverse l'esprit, l'idée qu'ils peuvent s'en libérer. Tout abus en moins souligne ceux qui restent encore. Le mal, c'est vrai, est diminué, mais la sensibilité grandit."
Voilà ce qui est arrivé à l'URSS de Gorbatchev : le contrôle de la situation a échappé au "réformateur", et ce qu'il pensait consolider s'est écroulé.

Un peu de cela - pour nous en tenir à l'histoire chrétienne et avec (comment serait-ce possible autrement !) tous les distinguo et les cas d'espèces que vous voulez - arriva à l'Église catholique durant les années soixante et soixante-dix, au cours de la période bouleversée du Concile. Les ouvertures de la doctrine "monolithique" et les "adoucissements" apportés à la discipline ne furent pas vécus comme une évolution souhaitable et paisible, mais comme une révolution incontrôlable.

Commençons par Paul VI, qui dans ses dernières années, s'en plaignait, d'un air toujours plus étonné et blessé. "Nous attendions une journée de soleil, c'est la tempête qui est arrivée ..." Il a fini par penser que "la fumée de Satan se serait infiltrée par quelque fissure, selon ses propres paroles, dans le temple de Dieu". Peut-être, sans vouloir déranger le diable, mais sans exclure cette possibilité, est-il seulement arrivé ce qui se passe dans ces cas historiques similaires. D'ailleurs, même le cardinal John Henry Newman, le célèbre converti de l'anglicanisme (dans les années quatre-vingt du XIXe siècle), avait prévu avec justesse ce qui se produirait dans une période post-conciliaire.

Pourquoi le rappeler? Parce qu'il serait intéressant de procéder à une analyse permettant de constater combien le Dieu des chrétiens prend au sérieux l'histoire des hommes, au point d'en accepter toutes les dynamiques, grâce à l'Incarnation de Jésus de Nazareth.

Jésus n'est pas "parachuté" parmi les hommes, faisant semblant d'être comme eux sans en assumer à fond la nature, il est au contraire pleinement inséré dans leur histoire. Le Nazaréen semble respecter même les constantes qui la dirigent dans les affaires des hommes au cours des siècles. Prendre en compte cette insertion radicale dans les affaires humaines ordinaires, pourrait permettre de faire davantage la lumière - mais aussi avec beaucoup de prudence - sur Celui que les chrétiens reconnaissent comme Messie et adorent en tant que Fils de Dieu.

[...]

Évidemment, est-il besoin de le préciser, il ne s'agit certes pas de comparer le régime soviétique à l'Église préconciliaire ... Dieu nous en garde ! Mais l'Église a, en plus de sa vocation surnaturelle, une dimension terrestre, institutionnelle, et de ce fait, elle est soumise aux constantes régissant l'histoire de toutes les autres sociétés humaines."

Source : V. Messori, Ils disent :"Il est ressuscité". Enquête sur le tombeau vide, p. 200

En parlant d'histoire, Messori est amené à faire valoir l'existence de certaines constantes. C'est avec des constantes du genre historique que le déroulement des événements dans le monde (ou l'histoire des hommes) ne paraîtra plus irrationnel ou incompréhensible mais compréhensible. C'est ce qui va l'amener plus loin à aborder le traitement que l'on devrait réserver au fait de la résurrection de Jésus. C'est ce qui m'intéresse en premier lieu. Mais j'ai cru bon amener ici l'une des prémisses de l'auteur en ce que je trouve déjà intéressant en soi la remarque qu'il peut faire touchant la période trouble suivant le Concile (la remarque de Tocqueville, etc.), et aussi le fait que le cardinal Newman aurait pu prévoir lui-même le désordre à venir.

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » mer. 15 mai 2019, 3:05

Donc, c'est Messori qui continue :


"Nous voudrions maintenant continuer de réfléchir, accompagnés d'un grand spécialiste, Jacques Perret, titulaire de la chaire d'histoire romaine à la Sorbonne. Il a publié des oeuvres importantes internationalement reconnues. par exemple, une étude monumentale en trois volumes sur Virgile et l'Énéide, et d'autres consacrées à des auteurs et personnages de l'Antiquité latine.

A la fin de sa carrière universitaire, le professeur Perret décida d'appliquer son expérience d'historien scientifique, ses connaissances très étendues de l'Antiquité et des textes de l'époque classique, à l'examen des récits des Évangiles racontant la Résurrection et les apparitions du Ressuscité, depuis Pâques jusqu'à l'Ascension. Il en résulta un petit livre, publié en 1984, qui me sembla, sur le coup, extrêmement intéressant, au point d'en faire la traduction italienne. Moins de cent pages, mais remplies d'informations et de réflexions surprenantes, et fort éclairantes, s'appuyant, entre autres, sur une connaissance approfondie de l'Écriture et de ses commentaires, ainsi que des interprétations des spécialistes actuels de l'exégèse.

Après avoir étudié, selon les méthodes scientifiques actuellement reconnues, les versets des Évangiles, les passages des Actes et des Lettres apostoliques se rapportant à la Résurrection et au Ressuscité, son livre conclut ainsi : "Quand on refuse de croire à la résurrection de Jésus, ce n'est pas pour des raisons historiques. L'histoire, aussi loin qu'elle puisse arriver, non seulement ne contredit pas, mais nous amène à juger comme la plus probable de toutes, l'hypothèse suivante : "les évangélistes nous rapportent en substance la vérité de ce qui est véritablement arrivé".

Pour Perret, qui est lui-même un catholique convaincu, les méthodes historiques les plus modernes ne peuvent - c'est évident - donner la Foi, don de Dieu et de Lui seul, mais peuvent nous amener au point où le savant est comme contraint de reconnaître une réalité objective : accepter la vérité de la Résurrection n'est que la suite logique d'un raisonnement, bien autrement cohérent que celui qui consiste à nier la crédibilité de tout ce qui se rapporte au Nouveau Testament.

Pour en arriver à cette conclusion, l'historien parisien est obligé de contredire ceux de ses frères catholiques qui répètent - nous l'avons vu - "que la Résurrection est une affaire de foi, qui échappe à l'histoire". Il serait, selon eux, inutile de chercher à établir ce qui est vraiment arrivé à Pâques et après. Car, ici, on serait en face de simples "vérités théologiques", qui n'auraient rien à voir avec les réalités de ce monde, réalités qui, seules, intéressent l'historien. Séparer les récits de Pâques de ceux que peut rechercher un scientifique, serait donc, pour eux, respecter les intentions des évangélistes eux-mêmes, puisqu'ils étaient uniquement préoccupés de partager des expériences religieuses, et non de rapporter des faits observables.

D'ordinaire toujours maître de lui, habitué de raisonner avec calme sur des textes, Perret a ici un accès de passion, un mouvement d'impatience, envers cette "intelligentsia" chrétienne : l'historien est surpris et n'arrive pas à les comprendre ! Il est surpris par cette espèce d'obstination que mettent de semblables professeurs, souvent des prêtres, à nous persuader de cette idée : essayer d'approcher les récits de la Résurrection par l'histoire, serait une pieuse utopie. Qu'en savent-ils, ces exégètes et théologiens, eux justement qui se vantent de ne pas s'intéresser à l'histoire ?

(à suivre)

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » mer. 15 mai 2019, 13:29

Nous continuons maintenant par l'examen d'un argument souvent avancé pour nier le caractère objectif des récits de la Résurrection. Celle-ci, dit-on, n'a pas eu de témoins, personne ne l'a suivie dans son déroulement, donc, ce n'est pas une réalité dont l'histoire peut tenter de dire quelque chose.

Perret remarque : "On ne peut qu'être stupéfait de l'influence de cette considération sur certains auteurs, comme si tout essai d'approche historique était nécessairement vouée à l'échec". Il continue, s'appuyant - au-delà de son expérience de savant - sur ce qu'il appelle le sens commun, le bon sens : innombrables sont les événements dont le degré de vraisemblance ne dépend en rien de la présence ou de l'absence de témoins immédiats. En effet, rien que dans les Évangiles : "Supposons qu'un des Juifs qui assistèrent à la mort et aux funérailles de Lazare, et pleurèrent trois ou quatre jours durant, près de sa tombe scellée, l'ai rencontré plus tard, vivant, dans une rue. Cet homme-là n'aurait-il pas été forcé de croire qu'entre-temps, Lazare avait été ramené à la vie ? Il n'en aurait su, certes, ni le jour ni l'heure, ni les circonstances, et ne les auraient peut-être jamais connues exactement, mais cela ne l'aurait pas empêché d'être certain de sa résurrection. Il y aurait cru tout comme s'il y avait lui-même assisté."

Passons à un exemple contraire : "Si l'on retrouve mort un ami, avec lequel nous parlions la veille encore, il n'y a aucun doute qu'il est passé de vie à trépas à un moment précis, même si aucun témoin oculaire ne peut le dire, quand et comment, ce passage s'est fait."

Puisque - comme le dit Perret - c'est le point de vue du bon sens, c'est aussi celui des auteurs du Nouveau Testament. En effet, n'oublions pas l'aveugle-né de Jean (9,8-9) guéri par Jésus, ou le boiteux de la Belle Porte (Acte 3, 10) remis sur pied par Pierre : Personne ne cherche à savoir si leur guérison a eu des témoins oculaires. La seule difficulté qui se pose est celle de leur identité : s'agit-il bien de la même personne ? Eh bien, il en est de même dans le cas de Jésus ressuscité. Nous pensons à l,apparition, d'après le retour d'Emmaüs, en Luc 24, 39. "Oui, c'est bien moi !" Les disciples et les auteurs du Nouveau Testament sont aussi sûr de cette résurrection que s'ils avaient été présents au tombeau à ce moment-là, bien qu'il y ait - et ils le rapportent, ce qui confirme encore leur bonne foi - un vide, un espace blanc dans la suite de leurs expériences.

Il est vrai, l'événement de la Résurrection n'a pas eu de témoins, mais les disciples ont bien cru pouvoir l'affirmer à partir d'autres événements , qui touchaient directement leurs sens et la prouvaient tout autant. Ils nous l'ont décrit aussi exactement que possible, en nous proposant en même temps leur interprétation. Cette dernière, en aucun cas, ne dépasse les limites de la vraisemblance historique.

Le fait d'insister sans cesse sur l'absence de témoins oculaires n'est qu'un simple prétexte pour tant d'exégètes actuels. L'important, c'est en effet les conséquences - les apparitions - qui évidemment renvoient à une cause : elle ne peut être que le retour à la vie. Ils font alors une autre objection contre la possibilité de reconstruire sûrement ces événements. C'est l'objection de principe, qui est répété comme si elle était indiscutable. Perret en dit ceci : "On insiste sur le fait que ces textes ont été écrits par des croyants et donc, on ne peut les croire."

Ici encore cet historien réagit avec vigueur : "Est-il possible que ces savants biblistes ignorent qu'il serait impossible d'écrire quelque histoire que ce soit - et donc, que l'histoire elle-même n'existerait pas - s'il fallait récuser tous les auteurs suspects d'être impliqués dans les faits rapportés ?"

Bien au contraire de ce que tant de gens pensent, c'est le désir même de convaincre, qui guide ces témoins directs et qui les oblige à construire leur récit avec des éléments authentiques.

Le vice de ces hypothèses semble toujours se trouver - du moins pour un historien, homme de dates et de faits précis - dans la chronologie supposée des reconstructions qui voudraient nier la vérité de la Résurrection. Exégètes et critiques, sans toujours s'en apercevoir clairement, continuent de fignoler indéfiniment leurs explications "dé-mythisantes". Leurs modèles demandent une chronologie tardive. Imaginons que les textes du NT n'aient pris leur forme définitive qu'au cours du second siècle, sous la plume de quelque Marcion, alors là oui, dans ce grand temps vide les séparant de la mort de Jésus - tous les témoins étant disparus- bien des métamorphoses auraient pu se produire et bien des fables apparaître. Aujourd'hui, cet intervalle, entre les événements de la vie du Christ et la rédaction des Évangiles, qu'on voulait agrandir considérablement se réduit à peu d'années, et sur certains points, à quelques mois ou quelques jours. Ce n'est pas cent ans plus tard que les chrétiens annoncent en public la résurrection de Jésus - et à ce qu'il semble, avec l'essentiel des détails que nous lisons aujourd'hui dans nos textes - mais moins de deux mois après le Vendredi Saint !

Mais, au point où nous en sommes, beaucoup objectent que de semblables considérations ne sont pas de mise, car les évangélistes - en cela, différents de César ou de Tacite, pour reprendre l'exemple de Perret - n'avaient pas l'intention de faire oeuvre d'historiens. On nous objectera également que le "genre littéraire" des Évangiles n'est pas celui d'un essai historique.

p. 210

(à suivre)

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » mer. 15 mai 2019, 13:33

Mais ici encore ce grand universitaire répond : Admettons l'hypothèse - d'ailleurs, sans trop savoir ce qu,elle veut signifier - selon laquelle les auteurs du Nouveau Testament n'étaient pas des historiens au sens moderne du terme. Les chrétiens de ce temps n'avaient pas "l'esprit historique" (pris au sens moderne). Ceux qui tiennent tant à nous convaincre de cela, semblent amnésiques au point de faire des chrétiens de cette communauté originelle des "sous-hommes", les privant entièrement d'un des caractères les plus universels de la nature humaine : être attentifs aux événements et désirer en conserver un souvenir aussi précis que possible.

En effet, il poursuit : "Il n'est pas du tout vraisemblable que les premières communautés n'aient compté que des rêveurs, et des gens habitués aux extases, ne se souciant que de leurs états d'âmes, ou des besoins de leur groupe; oublieux, et indifférents à ce qu'ils avaient vu, entendu et pu apprendre de façon authentique, de Jésus. Les événements qui suivirent la Passion, la tombe vide, apparitions, etc. - nous sont transmis par ceux-là mêmes qui nous ont rapporté les paraboles, la guérison du paralytique ou les marchands chassés du Temple. Venant de la même source, ils ont donc le même degré d'historicité". Nous-mêmes, le rappelions au début, notre livre que voici sur la Résurrection, mérite la même confiance - si l'on veut bien nous la donner - que le précédent sur la Passion et la mort, puisque les auteurs et leurs efforts pour nous raconter ce qui est vraiment arrivé, sont les mêmes. Accepter l'historicité fondamentale de ce qui est rapporté de ce Vendredi, nous amène à en faire autant pour ce qui est dit du Dimanche et des jours suivants.

Sur ces événements, se fonde la foi inébranlable, jusqu'au martyre, des apôtres de la vérité de la Résurrection, Sur ces événements, l'historien peut et doit en parler.

Notre auteur observe : Les manifestations de Jésus ressuscité, ses apparitions, en effet, ne nous sont pas présentées comme un fruit de la Foi, mais comme des faits, qui se déroulent dans l'espace et qui se voient et se touchent. Ces manifestations sont perceptibles à un incrédule - Paul - qui de ce fait se convertit; ;à des incrédules, les compagnons de Paul, qui ne se convertissent pas; à des disciples qui n'admettent pas qu'il soit possible de ressusciter - Marie-Madeleine, les Onze. Certains, en dépit du témoignage de leurs compagnons, refusent de croire, dans un premier temps, puis finiront par se rendre (Thomas) D'autres encore, persistent dans leur scepticisme, "pourtant, ils doutèrent" (Mat 28,17)

Une telle diversité de réactions montre bien, selon les auteurs du Nouveau Testament, que ces manifestations ne sont pas l'effet de dispositions intérieures particulières, mais comme tout phénomène de ce monde, s'imposent du dehors. De la même façon, donner de l'importance, comme le font les auteurs des Évangiles, à la tombe trouvée vide, et présenter ce fait comme réellement constatable par tout un chacun, n'aurait aucun sens, sauf à supposer un rapport avec la Résurrection de Jésus. De quelque façon qu'il faille le comprendre, la réalité du fait, perceptible par tous, est du domaine de l'histoire de ce monde.

p. 213

(à suivre)

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » ven. 17 mai 2019, 13:18

(suite)

Oui, mais est-ce la véritable difficulté ? Nous sommes ici face à un récit qui, s'il est vrai, amène à conclure que l'événement le plus extraordinaire de tous - rien de moins que la résurrection d'un homme - s'est réellement produit. Un historien objectif, au-delà de tout présupposé de foi, peut-il étudier la possibilité d'une semblable hypothèse sans être taxé de fou ?

Et pourquoi pas ? répond sans hésiter le professeur Perret. Pourquoi une telle hypothèse ne serait-elle pas légitime? C'est un événement hors du commun, certes, et absolument unique, parmi tous ceux qu'un historien est rarement ou jamais, amené à étudier. Hors du commun, sans doute, mais pour qui étudie à fond les textes et sait les mettre en perspective, il a sa vraisemblance, qui sait satisfaire la raison. Il n'est pas vrai que, par principe, une telle hypothèse - la résurrection d'un cadavre que les Évangiles rapportent après-coup - soit inadmissible.

N'oublions pas, nous avertit cet universitaire, que l'historien lui aussi doit savoir que :"Les limites du possible et de l'impossible ne se laissent pas déterminer avec certitude. Car il y a beaucoup plus de choses au ciel et sur la terre que n'en connaît notre philosophie". Soyons prêts à être parfois très surpris.

C'est bien connu: Notre tentation est de restreindre le règne du possible à ce que notre expérience quotidienne change pour nous en habitude. Tout le reste finit par nous paraître imaginaire. C'est une tentation de paresse, contre laquelle un vrai savant doit sans cesse réagir. Les constantes elles-mêmes sur lesquelles nous nous appuyons pour explorer le réel - et que nous avons baptisées "lois" - ne résultent-elles pas d'une série de statistiques, définissant seulement ce qui arrive d'ordinaire ? Par leur nature même, ces lois ne peuvent exclure la singularité d'événements particuliers et la possibilité d'événements hors du commun. Donc, pour pouvoir formuler des hypothèses objectives sur un événement hors du commun, l'historien n'a pas besoin d'autre chose que ce respect extrême, dû aux situations particulières, aux cas spéciaux. Ce faisant, il ne sort pas de son territoire. Bien au contraire, même un événement inhabituel demeure un événement historique, comme tout autre événement, il prend place dans le temps, dans une suite d'autres événements.

p. 214

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » sam. 18 mai 2019, 12:36

Et l'objection ...

La Religiongeschichte, "l'histoire des religions elle-même affirmait : cette affaire de résurrection attribuée à Jésus le Nazaréen, n'était rien d'autre qu'une des imitations copiées sur une quantité d'histoires de résurrections de morts dont le mythe païen, surtout hellénistique, serait débordant. Originale la vie du Christ? Pas du tout répondaient les érudits allemands , qui n'y voyaient qu'une variante d'une histoire très répandue dans tout le Proche-Orient hellénisé.

Mais ces pionniers de la critique historique ne tenaient pas compte - entre beaucoup d'autres choses - d'une scène qu'on peut lire au chapitre 17 des Actes des Apôtres, scène historiquement confirmée par le critère de rupture. Aucun chrétien, en effet, et encore moins l'auteur des Actes, n'auraient inventé un tel témoignage, si embarrassant pour Paul, l'apôtre vénéré des gentils.

Ce Paul, arrivé à Athènes, fait violence à son caractère de Juif fougueux, accoutumé à annoncer de façon directe, sans flatteries, le scandale et la folie du Crucifié revenu à la Vie. Paul essaie donc de présenter la Bonne Nouvelle à travers la culture locale, allant jusqu'à citer les vers d'un poète païen, et à employer un style inhabituel. Il essaie, en un mot, d'attirer ses auditeurs. Il "dialogue", dirions-nous aujourd'hui; il fait de l'inculturation.

Il y réussit jusqu'à un certain point seulement, où il lui faut se découvrir, et révéler le coeur de sa prédication : "... car Dieu a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice, par l'homme qu'il a désigné, et qu'il a accrédité auprès de tous, en le ressuscitant des morts."

Alors, réaction immédiate : "Lorsqu'ils entendirent parler de résurrection des morts, les uns se moquèrent, les autres dirent : Nous t'entendrons là-dessus une autre fois." C'est ainsi que Paul se retira du milieu d'eux (Actes 17, 31-34)

Réaction athénienne très significative : l'Aréopage, la colline de Arès-Mars, était le tribunal suprême des affaires religieuses : les aréopagites, ses membres, étaient dans tout l'empire romain, sans doute les plus experts des cultes en tous genres qui fourmillaient à Athènes, terrain accueillant et fertile. C'était des gens, par conséquent, habitués à en entendre de toutes les couleurs, et à ne s'étonner de rien, et voici que le mot "résurrection" provoque l'arrêt du discours, et que personne ne proteste même contre cet extravagant, d'une naïveté à pleurer. Ils le laissent donc partir, le prenant pour un faible d'esprit.

Comment expliquer ce résultat ? D'autres fois, la prédication avait fini dans le tumulte et la violence. Jamais comme ici, dans le ridicule. Or, nous sommes précisément dans la capitale de cette culture, qui, selon ces grands spécialistes de la Religiongeschichte, fournissait d'abondants mythes de résurrection.

La réalité c'est que l'idée même d'un homme ressuscité des morts est non seulement étrangère à l'hellénisme, mais qu'elle lui apparaît complètement absurde. Eschyle fait dire à un personnage d'une de ses tragédies : "Une fois que la poussière de la terre a bu le sang d'un mort, il n'est question d'aucun genre de résurrection." Les Grecs avait une conception dualiste de la substance au contraire des Hébreux. Pour Israël, l'homme est une unité indivisible, où corps et âme sont inséparables, pas plus qu'esprit et matière : la résurrection entraîne ipso facto, tout l'homme, la personne entière. Pour les Grecs, au contraire, l'homme est le résultat d'une addition, de l'âme au corps, de l'esprit à la matière. Deux réalités distinctes, juxtaposées, et souvent en lutte. En tout cas, une culture de forme grecque est incapable de concevoir une résurrection qui comprend le corps également : leur pensée arrive tout au plus, à l'immortalité spirituelle, une survivance de l'âme.

Allons plus loin. Si l'instinct grec est rebelle à l'idée d'un homme "quelconque" sortant du sépulcre avec sa chair et ses os et son âme, il ne peut que trouver ridicule - et Paul fut forcé de l'admettre à ses dépens - l'annonce de la résurrection d'un dieu. Immortel par nature, un dieu ne pouvait mourir, ni par conséquent ressusciter.

Dans ce climat culturel, l'annonce de la résurrection d'un Juif à Jérusalem, un certain matin de Pâques, était vouée à l'échec à Athènes. Le Sanhédrin d'Israël condamnait et persécutait tous ceux qui osaient évoquer la résurrection de Jésus, l'Aréopage, lui, en riait à gorges chaudes. Le mépris est pire que la persécution et comme l'on sait, le ridicule tue beaucoup plus que l'épée.

Écoutons, en effet, les paroles même des Actes des Apôtres sur la façon dont le discours de Paul fut interrompu et lui-même traité de plaisantin. "Or quelques philosophes épicuriens et stoïciens ayant conféré avec lui, les uns disaient : Que nous veut ce semeur de paroles ? ce charlatan ? " D'autres l'entendant prêcher Jésus et la résurrection, disaient : "Il paraît qu'il vient nous annoncer des divinités étrangères". Et l'ayant pris avec eux, ils le menèrent avec eux sur l'Aréopage, disant : "Pourrions-nous savoir quelle est cette nouvelle doctrine que tu enseignes ? Car tu nous fais entendre des choses étranges, nous voudrions donc savoir ce qu'il en est" (17, 18-20)

Donc, qui parle de résurrection, pour les Athéniens, ne peut même pas être admis parmi les autres fidèles de cultes étrangers, auxquels la capitale culturelle et religieuse de la Grèce était habituée. Il n'est qu'un charlatan, un semeur de paroles, spermologos (rendu dans la Bible traduite par Salvatore Garafalo par "presque-analphabète"). Quelle ignorance phénoménale que celle d'un homme ignorant jusqu'au fait qu'après la mort il n'y a pas de résurrection ! C'était du verbiage, bien plus qu'une nouvelle doctrine !

Voilà donc le terrain culturel où devraient avoir poussé les racines du mythe contagieux des partisans du Christ ressuscité ? C'est la Religiongeschichte qui voudrait nous le faire croire, mais la réalité est tout autre. La réalité, la voici : c'est justement parmi les convertis provenant de la culture grecque, que le fait de la Résurrection fut le plus difficile à faire accepter. "Si l'on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment quelques-uns parmi vous disent-ils qu'il n'y a point de résurrection des morts ?" (1 Co 15,12)

Ce reproche de Paul à des chrétiens de Corinthe, cité grecque, nous confirme dans l'idée des objections que ces pauvres Grecs opposèrent à cette étrange doctrine enseignée par Paul : "scandale pour les Juifs (car "scandaleux" était le candidat au titre de Messie, en la personne de Jésus vaincu en Croix), c'était une foi impensable pour les païens. Et, cela d'autant plus, si l'on voulait conférer à cette folle résurrection une valeur universelle, une promesse de salut éternel, valable pour tous. Un lever en masse des morts quittant leurs tombeaux, y compris ceux déjà réduits en poussière ? Vraiment, des idées de fous, d'aliénés, fous à lier ...

p. 62

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » lun. 27 mai 2019, 14:30

Poursuivons un peu le raisonnement apologétique de Messori ...



"Scandale pour les Juifs"

Ce n'est pas la foi en "la Loi et les prophètes" qui "amène" à la Résurrection. C'est l'acceptation du fait de cette Résurrection qui conduit à chercher dans "la Loi et les prophètes", la confirmation de ce dont il a bien fallu admettre l'évidence. Les prophéties messianiques ne sont pas la source, mais tout au plus, une confirmation de "ce qui a été touché et vu", et avait été annoncé par la Parole de Dieu.

Cette façon de faire de la première communauté est bien indiquée dans le Nouveau Testament, au cours de la seconde lettre de Pierre :

"Ce n'est pas, en effet, sur la foi des fables ingénieusement imaginées que nous vous avons fait connaître la puissance et l'avènement de Notre Seigneur Jésus Christ mais en témoins de sa majesté ... Et ainsi a été confirmée pour nous l'Écriture prophétique" (2 P 1, 16-19) - "écriture des prophètes", retrouvée, nous le verrons, non sans efforts et il faudra même procéder à une relecture du message des prophètes, interprété jusque-là de façon différente.


Essayons de voir [...]

Charles Schubert, savant spécialiste de l'hébreu, à l'université de Vienne, écrit : "La dernière des choses qu'un Hébreu pouvait attendre du Messie était de devoir souffrir, mourir et puis ressusciter. La dernière des choses, que nous pouvions attendre, aux temps messianiques, était la Croix, suivie d'un sépulcre vide lancé dans l'histoire."

Écoutons encore Schubert : "L'idée que l'événement eschatologique, final, de la résurrection aurait pu être anticipé en faveur d'un individu - quel qu'il fût, le Messie lui-même - était totalement étrangère au judaïsme, toutes tendances confondues."

Joachim Jeremias, autre exégète fort célèbre, le confirme : "La prédication chrétienne du début, quant à la Résurrection de Jésus, avec un intervalle de temps le séparant de la résurrection universelle de tous les morts, est pour le judaïsme d'une nouveauté absolue. Et nous seulement pour lui, mais pour toute l'histoire des religions."

Rudolph Schnackenburg, un autre savant bibliste allemand contemporain, en tire les conclusions suivantes : "Pour affirmer la Résurrection de la personne de Jésus, il faut bien admettre que ce sont les apparitions qui ont contraint à une telle affirmation. La pensée juive ne l'autorisait aucunement."

Le fameux exégète anglais J.T.A Robinson est d'accord : "Si cette idée inouïe d'une résurrection "à part" et "anticipée" du Messie s'est formée dans la mentalité juive des Apôtres, cela n'a pu avoir lieu que quand s'est imposé à eux ,le fait invincible, irrécusable de la Résurrection de Jésus."

Schubert : "D'un côté, la résurrection était considéré par les Juifs du temps de Jésus, comme un événement général et eschatologique. De l'autre côté, l'interprétation du serviteur souffrant d'Isaïe était étrangère aux Juifs eux-mêmes : le Messie ne meurt pas et par conséquent, ne revient pas à la vie. Alors ? Eh bien, il y a nécessité de conclure que les témoins de Pâques ont constaté "quelque chose", qu'ils sont absolument certains d'avoir rencontré Jésus, en personne, après sa mort et sa sépulture. Autrement, ils n'auraient même jamais pensé à parler de sa Résurrection."

Ceci est tellement indiscutable que c'est même admis par un Charles Guignebert, le rationaliste pour qui les apparitions du Ressuscité seraient des hallucinations de Pierre, bouleversé et ne se résignant pas au décès du Maître. Il nous semble décisif de rapporter cette affirmation honnête de Guignebert : "Nous ne voyons vraiment aucune Écriture prédisant la Résurrection du Messie ... autant que nous sachions, aucune doctrine de l'Ancien Testament à propos de la résurrection ne peut s'appliquer à Jésus."

Cette absence embarrasse fort la jeune communauté chrétienne.

Dans l'Ancien Testament, la Torah, il y a des exemples de résurrection - mais rares. Jésus lui-même, selon les Évangiles, ressuscite le fils d'une veuve, au village de Naïm; la fille d'un chef de synagogue, Jaïre; et son ami Lazare. Mais comme le dit clairement Joachim Jeremias déjà cité : "Ce qu'on ne trouve jamais dans la littérature juive, où rien du tout ne peut se comparer à la Résurrection de Jésus, c'est une résurrection "glorieuse", avec une nouvelle forme de vie éternelle. Toutes les résurrections dont il est question, y compris les trois, prodigieuses, attribuées à Jésus, sont seulement et chacune d'entre elles des retours, provisoires, à la vie ordinaire de la terre."

Une solution échappatoire semble s'offrir alors, à qui s'obstine à ne voir dans la Résurrection de Jésus qu'une réalisation des espérances de la conscience collective d'Israël. Tout en reconnaissant, comment faire autrement, que le judaïsme officiel n'attendait pas du tout ce que la communauté des hébreux devenus chrétiens dira être arrivé à Jésus, ne pourrait-on imaginer que l'inspiration aurait pu germer et mûrir dans une des si nombreuses "sectes hérétiques", non orthodoxes du temps ? Nous savons bien qu'à ce moment-là, plus que jamais, le judaïsme n'était pas uniforme dans ses croyances, il contenait tout un levain d'écoles.

Mais, à bien envisager la chose, aucune réponse ne se trouve non plus de ce côté.

David Flusser, un savant juif très autorisé : "Il n'y a rien dans tout le judaïsme, au temps de Jésus, rien en aucun des courants, à notre connaissance, qui sache la moindre chose d'un "Fils de l'homme" devant mourir et ressusciter." Et l'auteur, ici, qui montre tant d'assurance, est - excusez-moi - le meilleur expert israélien de l'époque du second Temple, celle des origines du christianisme.

La résurrection et même toute résurrection (y compris, paraît-il, toute possibilité de vie après la mort) était niée justement par la puissante secte des sadducéens, cette élite "progressiste" et "moderne". Alors, s'agit-il des esséniens ? Oui, ceux-ci croyaient au paradis, à l'enfer, à la vie éternelle, mais s'opposaient aux pharisiens et, d'accord en cela avec les sadducéens, niaient la résurrection finale des morts.

Il semble que les esséniens attendaient bien le retour de leur Maître de justice comme prémisse de la fin des temps. Cependant, cet homme qu'ils attendaient dans les jeûnes et la prière, n'était pas le Messie et son retour aurait dû être une simple apparition et non pas une résurrection.

C'était donc des apparitions qui devaient précéder la fin des temps, selon plusieurs courants du judaïsme et non pas des résurrections. Jésus lui-même est pris pour l'une de ces apparitions de quelque prophète de l'Ancien Testament : "Étant venu dans le territoire de Césarée de Philippe, il demanda à ses disciples : Qui dit-on qu'est le Fils de l'homme ? Ils lui répondirent : les uns disent Jean-Baptiste, d'autres Élie, d'autres Jérémie, ou quelques uns des prophètes" (Mt 16,13)

Ces antiques personnages dont on attendait le retour, devaient préparer le peuple au jugement finale, en expliquant les points difficiles de la Loi et par leurs invitations à faire pénitence. Leurs apparitions, de toute façon, aurait encore fait partie de ce vieux monde, et non de la création nouvelle, à laquelle appartient la résurrection de Jésus.

Il conviendrait donc de réfléchir à cette inflexion du judaïsme opérée par Jésus. Tout indique encore ici un imprévisible événement, un traumatisme, indépendant de la volonté des disciples, et qui pose comme fondement de la foi, un fait auquel on n'avait pas pensé, tout simplement parce qu'il était impensable.

p. 72

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par apatride » mar. 28 mai 2019, 2:29

Cinci, comme publier (et probablement retaper) ces textes est un exercice ingrat, je voulais vous en remercier et vous inviter à continuer. C'est vraiment très intéressant.

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par Cinci » mar. 28 mai 2019, 4:34

Merci apatride.

Pendant que j'y pense, le titre de l'ouvrage datant de 1984 et évoqué plus haut c'est Perret, Jacques, Ressuscité ?, Approche Historique, Paris, FAC éditions, 1984. Messori dit que ce petit livre est une mine d'or.

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Re: Propos remarquables de Vittorio Messori sur la mort

Message non lu par apatride » mar. 28 mai 2019, 4:43

J'en avais fait la recherche de mon côté, sur la base des éléments évoqués, car son propos m'intéresse vivement ; mais semblerait-il hélas que ce livre ne soit pas des plus faciles à se procurer.

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