Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Gaudens » lun. 20 avr. 2020, 18:37

Nebularis,vous revenez sans cesse à votre idée d'une Rome choisie uniquement pour déterminer l'ordre des primautés épiscopales (la "taxis" des patriarches pour le Vè siècle) parce que capitale du puissant empire romain au temps des Apôtres,sans sembler réfléchir à d'autres raisons:c'est vrai que Pierre et Paul y oint parachevé leur ministère et subi le martyre parce que c'était la capitale de l'Empire mais c'est bien parce que EUX s' y ont fixé et y on subi ce martyre et parce que l'évêque de Rome, est par excellence successeur de Pierre que les premières générations ont constamment reconnu à cet évêque un pouvoir spécifique de confirmer ses frères dans la foi.Pierre aurait ou se fixer à Antioche dont il est aussi considéré comme le premier évêque mais finalement c'est à Rome qu'il l'a fait.Vous connaissez peut-être l'adage "Ubi Petrus,ibi ecclesia".Et Rome fut toujours considéré comme une Eglise phare qui n'"errait " pas grâce à ce charisme hérité de Pierre( et accessoirement de Paul).
Par ailleurs dans votre réponse concernant les "episcopes collectifs" vous me semblez confondre la notion de collégialité épiscopale(reconnue par le dernier Concile du Vatican),héritière de la collégialité apostolique , avec l'exercice collégial supposé de la fonction d'épiscopes(abusivement considérée comme distincte de l'épiscopat) dans un même lieu .Or toutes les sources que vous nous avez indiquées disent le contraire:Clément ,troisième évêque de Rome après Lin et Clet(successivement et non simultanément pour Eusèbe de Césarée, "en accord avec VOTRE (et non vos) épiscope" (lettre de St Clément aux Ephésiens),etc... Je ne nie pas les quualités du Pr Salamito mais crains bien qu'en l'espèce il se soit laissé entrainé par ce nouvel axiome des "episcopes collectifs" ,notion que j'ai lue aussi dernièrement chez un historien brésilien récent des origines de l'Eglise,pourtant lui aussi supposé catholique mais dont plusieurs affirmations m'ont fait dressé les sourcils,je dois dire tant elles me paraissaient peu étayées et dangereuses.

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Message non lu par Nebularis » lun. 20 avr. 2020, 19:59

cmoi a écrit :
lun. 20 avr. 2020, 17:40
Vous semblez donner à l’histoire un rôle plus important dans l’affectation des responsabilités, que à celui joué par Jésus Christ.
Le Christ n’a pas institué Pierre comme monarque sur son Église. Ses successeurs encore moins (vous le reconnaissez vous-même). Or l’histoire nous apprend en effet que les papes ont abusé de leur pouvoir politique — pouvoir dont ils ne devraient en principe pas disposer mais que leur conférait leur position d’évêques de Rome. Songez à la donation de Constantin, au couronnement de Charlemagne, à la querelle des Investitures, à la réforme grégorienne en général et à tant d’autres choses encore. Ici même, sur ce fil de discussion, j’apprends encore l’existence de certains documents (les « fausses décrétales ») falsifiés en vue de mettre à l’abri la papauté contre toute poursuite judiciaire !

Est-ce là ce que souhaitait le Christ pour son Église ? Soyons sérieux.
Il faut reconnaître que d’avoir pour propriété un état indépendant, ne relevant d’aucune autorité civile, est un plus qui aidera à réaliser cette mission
Ce que vous dites est l’exact inverse de la vérité. Citons ces pages lumineuses de Dostoïevski (c’est moi qui souligne) :
Le christianisme, dans les trois premiers siècles de son existence, apparaît sur la terre comme une Église et il n’était pas autre chose. Lorsque l’État romain païen eut adopté le christianisme, il arriva que, devenu chrétien, il s’incorpora l’Église, mais continua à demeurer un État païen dans une foule d’attributions. Au fond, cela était inévitable. Rome, en tant qu’État, avait hérité trop de choses de la civilisation et de la sagesse païennes, comme par exemple, les buts et les bases mêmes de l’État. L’Église du Christ, entrée dans l’État, ne pouvait évidemment rien retrancher de ces bases, de la pierre sur laquelle elle reposait ; elle ne pouvait que poursuivre ses buts, fermement établis et indiqués par le Seigneur lui-même, entre autres : convertir en Église le monde entier et, par conséquent, l’État païen antique.
Or :
Ce n’est pas l’Église qui devait se chercher une place définie dans l’État, comme « toute association publique » ou comme « une association se proposant des buts religieux » (...), mais au contraire, tout État terrestre devait par la suite se convertir en Église, ne plus être que cela, renoncer à ses autres buts incompatibles avec ceux de l’Église.

(...)

Ce n’est pas l’Église qui [doit] se convertir en État, notez-le bien, cela c’est Rome et son rêve, c’est la troisième tentation diabolique. Au contraire, c’est l’État qui [doit] se convertir en Église, qui [doit] s‘élever jusqu’à elle et [devenir] une Église sur la terre entière, ce qui est diamétralement opposé à Rome, à l’ultramontanisme (...) et n’est que la mission sublime réservée à l’Orthodoxie dans le monde. C’est en Orient que cette étoile commencera à resplendir.
F. M. Dostoïevski, Les Frères Karamazov

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Message non lu par Nebularis » lun. 20 avr. 2020, 20:36

Suliko a écrit :
lun. 20 avr. 2020, 17:58
en tant que catholique, je reconnais à saint Pierre et à ses successeurs une primauté qui n'est pas qu'honorifique (primus inter pares), mais bien une primauté de gouvernement, un pouvoir réel de confirmer ses frères dans la foi et de trancher sur les questions de dogme et de morale.
J’entends bien, Suliko. Seulement, cette primauté de gouvernement ne me semble justifiée nulle part, ni dans les Saintes Écritures, ni dans les sources historiques, et seulement en partie dans les sources patristiques. Cela dit, j’attends vos arguments !
Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas eu une certaine centralisation du pouvoir au fil du temps. C'est une évidence, me semble-t-il.
Cette « centralisation » s’est opérée dans un contexte précis, celui de la contestation de l’autorité impériale de Constantinople par les évêques de Rome, vers les VIIIe et IXe siècles. Elle est donc de nature éminemment politique : l’augmentation du pouvoir papal est rigoureusement proportionnelle au déclin de l’autorité de l’empereur ! Cela n’est contesté par aucun historien sérieux, fût-il catholique.
Fortescue aborde le sujet mieux que moi dans les deux premiers chapitres de son ouvrage "The Early Papacy".
Je l’ai lu, mais n’ai pas été convaincu. Son argument dans la question des sources anciennes (corrigez-moi si je me trompe) consiste en somme à dire que, peu importe comment la revendication papale de l’autorité universelle s’est construite historiquement, le fait est qu’à l’heure actuelle, elle existe, et que les catholiques doivent donc s’y conformer. C’est une position que l’on peut comprendre mais à laquelle seul un catholique peut adhérer.
Je me permets juste en passant, puisque vous citez saint Ignace, de souligner que ce martyr parlait de l'Eglise de Rome comme de l'Eglise qui "préside à la charité". Il ne dit pas cela des autres Eglises.
Admettons. Cela ressemble plus à un titre honorifique qu’à autre chose, cependant.
Plus généralement, je ressens chez vous une véritable aversion envers Rome et l'idée que cette ville ait pu être choisie par la divine Providence pour que le monde soit évangélisé (lieu plus efficace dans cette tâche que Triffouilly-les-Oies, vous l'admettrez...).
Une aversion envers Rome ? Non ! La splendeur civilisationnelle de l’Empire romain a été la préfiguration temporelle de l’Église universelle (catholicos). Elle a été le lieu où pour la première fois, des hommes, des peuples, des religions même, se sont fondus pour ne former qu’un ensemble, une « assemblée ». Seulement voilà : il ne fallait pas que l’Église reprenne les buts, les insignes et les attributions de l’État païen ! Il fallait les dépasser. La papauté n’a pas été à la hauteur de cette tâche historique : d’où ma déception.

Quant à l’efficacité de l’évangélisation, elle fonctionnait fort bien au Proche-Orient, qui a été jusqu’à la conquête arabe la région la plus christianisée du monde, et de loin — sans que Rome n’y ait été pour quoi que ce soit...

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Message non lu par Nebularis » lun. 20 avr. 2020, 21:07

Gaudens a écrit :
lun. 20 avr. 2020, 18:37
c'est vrai que Pierre et Paul y oint parachevé leur ministère et subi le martyre parce que c'était la capitale de l'Empire mais c'est bien parce que EUX s' y ont fixé et y on subi ce martyre et parce que l'évêque de Rome, est par excellence successeur de Pierre que les premières générations ont constamment reconnu à cet évêque un pouvoir spécifique
Mais encore une fois, si les martyres de Pierre et Paul ont joué ce rôle décisif que vous leur attribuez, alors c’est au lieu d’un autre supplice que devait revenir la prééminence, le lieu le plus important de la chrétienté, j’ai nommé Jérusalem. Comment expliquez-vous que ce soit l’Église de Rome qui ait éclipsé celle de Jérusalem, alors que c’est là qu’a vécu, prêché et qu’est mort le Supplicié, là aussi qu’Il est ressuscité, là que fut instaurée l’Église par la descente de l’Esprit sur les apôtres ? Comment peut-on songer ne serait-ce qu’un seul instant à placer Rome au-dessus de Jérusalem, à lui attribuer un quelconque rôle supérieur à celle-ci dans l’histoire des hommes ou de l’Église ? D’ailleurs tout au long du Premier siècle, c’est Jérusalem qui fut le centre incontesté de la chrétienté. Il n’était pas question de Rome !

Or ce sont encore une fois des facteurs politiques qui expliquent cette déshérence de la communauté de Jérusalem : les Romains, pour punir les juifs de leurs révoltes incessantes, en réduisirent un grand nombre en esclavage et les dispersèrent aux quatre coins de l’Empire (dont un certain nombre à Rome évidemment).

Voilà qui explique simultanément le déclin de Jérusalem et le poids croissant, au cours des IIe et IIIe siècles, du siège de Rome.
Par ailleurs dans votre réponse concernant les "episcopes collectifs" vous me semblez confondre la notion de collégialité épiscopale(reconnue par le dernier Concile du Vatican),héritière de la collégialité apostolique , avec l'exercice collégial supposé de la fonction d'épiscopes(abusivement considérée comme distincte de l'épiscopat) dans un même lieu .
Il semblerait bien, pourtant, que les premiers épiscopes n’aient pas exercé de pouvoir monarchique, mais qu’ils aient gouverné entourés de leurs presbytres. Les deux termes se confondent d’ailleurs chez des auteurs comme Ignace d’Antioche. Bien entendu, la figure de l’épiscope n’était pas strictement interchangeable avec n’importe quel membre de son presbutérion, et c’est donc à l’épiscope qu’étaient adressés les lettres et missives des autres Églises, en tant qu’il représentait la communauté locale. Mais cela ne contredit en rien le fonctionnement administratif collégial tel que décrit par les historiens spécialisés.

Cela dit, je ne suis moi-même pas un expert de la question, et je suis disposé à accepter un rôle monarchique de l’épiscope dès le Ier siècle si on me présente des arguments et sources solides !

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Message non lu par Invité » lun. 20 avr. 2020, 21:10

Entièrement d'accord avec Nebularis.

À noter également que Rome n'a pas été choisie par la divine Providence mais par les hommes. La ville ayant été le lieu du martyr de Pierre, les hommes se sont accordés pour lui accorder une primauté. Dieu et le Christ se moquent bien que telle ville soit choisie plutôt qu'une autre. Ce sont des préoccupations totalement humaines, vous en conviendrez.

J'ajouterais enfin que la sphère d'influence de l'Église catholique romaine se limite essentiellement à l'Ouest car sur la façade orientale de l'Europe, ce sont bien les églises catholiques orientales et l'orthodoxie qui ont très majoritairement le pouvoir. Cela tient pour l'essentiel à un facteur géographique évident. Croire que Rome a toujours rayonné sur le monde et continue de briller, c'est ne rien connaître à l'histoire et, dans notre époque, n'avoir jamais mis les pieds à l'Est.

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par cmoi » lun. 20 avr. 2020, 21:21

Nebularis a écrit :
lun. 20 avr. 2020, 19:59
Le Christ n’a pas institué Pierre comme monarque sur son Église.
Bien sûr que non mais je n'ai pas du tout abordé cette question.
Mon opinion ? A partir du moment où les papes son devenus sédentaires à Rome, pour acquérir un pouvoir qui débordait du spirituel, ils ont eu tort et attiré la confusion. La suite et tout ce que vous dénoncez était alors inévitable. Le pape aurait dû reprendre son bâton de pèlerin et "visiter ses frères" là où il en ressentait le besoin, pour affermir leur foi. Il aurait dû être pour tout chrétien "celui qui viendrait demain dîner à la maison".
La papauté a certes commis beaucoup d'erreurs, mais Dieu sait redresser les chemins tortueux et n'a pas retiré son assistance.

Dans le contexte actuel, l'existence du Vatican n'est pas en soi une mauvaise chose. Le rôle politique joué par Jean-Paul II aurait été sinon impossible, et il rentrait à plein dans les attributions d'un pape, qui vont bien au-delà des seuls catholiques et même chrétiens. Il est l'apôtre de la paix dans un monde qui prétend très bien connaître à fond les évangiles et en avoir "intégré autant que faire se pouvait l'esprit", aller plus loin..., alors que tant d'hypocrisie s'est glissé dans la reprise que nous en avons faite. -D'où le constat d'échec...

Donc je suis d'accord avec une grande partie de ce que vous dites, mais il n'y a aucune conclusion à en tirer.

Je ne crois pas qu'il soit souhaitable qu'un État terrestre se convertisse en Église, ne soit plus que cela et renonce à ses autres buts : cela mènerait tôt ou tard à des abus, à des entraves à la liberté de conscience, serait contraire à la tolérance. Ce qui ne veut pas dire que l'Eglise doive se chercher une place définie dans un état, elle doit rester "de passage" et volante, subtile, ne s'intéresser qu'au royaume de Dieu et refuser toute concurrence, religieuse ou non, en ce sens qu'elle n'agit que par un principe actif qui lui est propre et qui s'appelle la grâce.

"On juge un arbre à ses fruits" : la comparaison possible doit donc se faire au niveau du résultat : bonheur, santé, joie, vertus, fraternité...

Elle ne doit être représentée dans la société que par les rôles joués par des chrétiens et qui sauraient défende la position de l'Eglise sans invoquer Dieu ou des dogmes, mais la loi naturelle. Le message du Christ s'adresse à la conscience de chacun, pas à des institutions sinon par ricochet.
.
Ce n'est que quand chacun des citoyens sera en voie de sainteté que peut-être il sera tolérable d'adopter un profil et une quête aussi pure que celle que vous prônez, parce que alors chacun aura les moyens de défendre son avis "à arme égale". Nous en sommes loin...

Cela peut vous paraître l'avis d'un rêveur, alors que c'est très pragmatique.

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Gaudens » mar. 21 avr. 2020, 0:19

Nebularis,vous expliquez vous même en partie pourquoi Jérusalem n'a pu s'affirmer comme Eglise référente du monde chrétien alors que dans les premières décennies de l'Eglise il semblait que ce fut le cas:ayant subi deux terribles secousses,d'abord en 65/70 (destruction de Jérusalem par Titus et fuite de l'Eglise à Pella) puis en 170 (seconde révolte juive,date après laquelle il n'y a plus de Juifs en Judée ni de Judéo-chrétiens) elle avait quasiment disparu dans le dernier tiers du IIè siècle et ses évêques ultérieurs ne furent plus de la famille du Seigneur mais des non-juifs héllénophones). Donc totale perte de prestige pour une Eglise qui obtint péniblement au Vè siècle de devenir le dernier des Patriarcats de la Pentarchie. Par contre Rome avait les successeurs de Pierre,qui était passé de Jérusalem à Rome via Antioche.

Je ne lis pas non plus comme vous la période historique de centralisation pontificale:aux Vè ,VIè et VIIè siècles,il s'agissait pour l'évêque de Rome de se libérer de l'emprise de l'empereur d'Orient(il n'y avait plus d'empereur à Rome) et d'affirmer la liberté de l'Eglise:la sujétion à ces mêmes époques de l'Eglise de Constantinople à l'Empereur était bien un contre-exemple à fuir (mais qui est une tentation hélas récurrente chez les Etats supposés "orthodoxes") ! Par contre c'est aux XIè et XIIè siècle (querelle des Investitures,réforme grégorienne) que s'affirma la tendance centralisatrice contre un autre empire,celui d'Occident,le "Saint-Empire".

Enfin si la papauté prit le pouvoir à Rome ce fut bien parce qu'il y avait un vide de pouvoir total laissant la population à la merci de toutes les bandes prédatrices;à Rome comme dans le monde mérovingien d'ailleurs,l'évêque prenait alors ,volens nolens, le rôle de Protector civitatis qu'il garda longtemps dans l'Occident médiéval en le développant autour de Rome (avec en effet des ruses moralement condamnables comme la fausse donation de Constantin mais c'est là autre chose...).

Quant au voeu de Dostoeivski ,que l'Etat devienne Eglise,je suis bien 'accord avec Cmoi:c'est une idée fumeuse qui finit généralement très mal quand les Etats jouent à ce jeu là:Dieu nous en préserve !

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Nebularis » mar. 21 avr. 2020, 0:58

Gaudens a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 0:19
elle avait quasiment disparu dans le dernier tiers du IIè siècle et ses évêques ultérieurs ne furent plus de la famille du Seigneur mais des non-juifs héllénophones). Donc totale perte de prestige pour une Eglise qui obtint péniblement au Vè siècle de devenir le dernier des Patriarcats de la Pentarchie. Par contre Rome avait les successeurs de Pierre,qui était passé de Jérusalem à Rome via Antioche.
Permettez, je crois quand même que le prestige de Jérusalem repose sur tout autre chose que sur une obscure lignée d’épiscopes, fussent-ils issus de la famille du Christ ! C’est évident, voyons : la Terre Sainte en général et Jérusalem en particulier ont porté les pas de Notre Seigneur, ont entendu Sa voix, ont été témoins de Ses miracles, de Sa mort et de Sa Résurrection. C’est donc bien évidemment et de très loin le lieu le plus sacré au monde pour nous autres chrétiens : Jérusalem est la seule véritable Ville éternelle, Rome n’étant qu’un mirage purement temporel et de ce fait, insignifiant.
Je ne lis pas non plus comme vous la période historique de centralisation pontificale:aux Vè ,VIè et VIIè siècles,il s'agissait pour l'évêque de Rome de se libérer de l'emprise de l'empereur d'Orient(il n'y avait plus d'empereur à Rome) et d'affirmer la liberté de l'Eglise:la sujétion à ces mêmes époques de l'Eglise de Constantinople à l'Empereur était bien un contre-exemple à fuir (mais qui est une tentation hélas récurrente chez les Etats supposés "orthodoxes")
Oh vous savez ! Si cette « sujétion » (les choses sont un peu plus compliquées...) a pu nous préserver de la troisième tentation diabolique, je dirais que c’est un mal pour un bien !
Quant au voeu de Dostoeivski ,que l'Etat devienne Eglise,je suis bien 'accord avec Cmoi:c'est une idée fumeuse qui finit généralement très mal quand les Etats jouent à ce jeu là:Dieu nous en préserve !
Mais enfin Gaudens, comment pouvez-vous juger quelque chose qui ne s’est encore jamais produit dans l’histoire ? Je crois que vous n’avez pas compris cette belle idée de Dostoïevski. Relisez les Karamazov (pp. 60 à 70 environ, la réunion familiale chez le starets Zossima). Je ne peux pas tout citer ici, ce serait hors-sujet.

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par cmoi » mar. 21 avr. 2020, 5:33

Gaudens a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 0:19
Enfin si la papauté prit le pouvoir à Rome ce fut bien parce qu'il y avait un vide de pouvoir total laissant la population à la merci de toutes les bandes prédatrices;à Rome comme dans le monde mérovingien d'ailleurs,l'évêque prenait alors ,volens nolens, le rôle de Protector civitatis qu'il garda longtemps dans l'Occident médiéval en le développant autour de Rome (avec en effet des ruses moralement condamnables comme la fausse donation de Constantin mais c'est là autre chose...).
Vous avez tout à fait raison de le préciser, j'ai hésité à le faire pour ne pas rentrer dans la question de la difficulté à trouver et choisir le bon moment où il n'était pas nécessaire qu'il y reste, ce qui supposait aussi une courageuse remise en question de certains acquis confortables.

Nébularis j'ai lu et relu Dostoïevski un paquet de fois, il m'arrive de façon récurrente de le considérer comme le plus grand romancier de l'histoire, bien qu'il ne sache pas comme le fit remarquer Tolstoï donner à ses personnages un autre ton que le sien, et qu'il ait quelques autres défauts, - son chapitre sur "le grand inquisiteur" comme un sommet, mais parfois sa pensée reste centrée sur une certaine terre natale, elle relève d'une "âme Russe" bien particulière et à ce tire quelque peu partisane (la vaste terre n'en est pas vassale, un lieu de détente et de plaisir) quand il considère "l'international", cet esprit se retrouve aussi dans le communisme d'ailleurs.
Non, vraiment, la laïcité telle qu'elle est défendue dans ses prémisses en France est quelque chose de souhaitable et de bien plus réaliste, et n'exclut nullement une ou des cultures religieuses dominantes au niveau social, mais régulées par la neutralité d'un ordre civil spirituellement impartial et préservant les acquis d'une loi naturelle sagement défendue et améliorée. Tout contrôle religieux d'un état aboutit à des excès, la justice finit par se mêler de nos états de conscience qu'elle présume et juge à tort sans considération de miséricorde, on arrive à l'inquisition, notamment, aux ragots (jusqu'à la délation), etc. Toute pensée d'un chef prend une valeur absolue, il faudrait d'abord apprendre un mode de management participatif à grande échelle, la communication non violente, la gestion de la délinquance sans prisons, la fin réelle des privilèges (pas seulement pour quelques élites, mais aussi ceux de certaines catégories faisant blocus) et plein de choses à l'égard desquelles le monde n'est encore qu'en apprentissage, alors qu'en ce moment pour y parvenir il s'éloigne de la foi (sans doute à cause des torts qu'elle eut en se mêlant de politique de façon dictatoriale, justement).

Pour Jérusalem, sa place a été sous estimée, certes, mais déjà pourquoi vouloir donner des places là où il ne devrait y avoir qu'une même foi, qu'un même amour, qu'une même égalité. Etre la terre du Christ lui donne une valeur sentimentale inestimable, mais aucun autre droit. De même d'avoir été la première ou le premier en ceci ou cela ; tout serait-il bon pour reconstruire une hiérarchie là où il ne devrait y en avoir pas ?
En adoptant une telle vue vous légitimez ceux qui voudraient que le pape en ait une, de place, et la première, et renforcez leur prétention en en ayant une équivalente pour d'autres motifs... Le Christ a été très clair sur cela, amenant des petits enfants au milieu des apôtres.
Le rôle de Pierre n'est clairement pas un rôle d'autorité, il s'égarerait à croire le contraire, mais il suppose d'en avoir une de reconnue par les autres (eu égard aux paroles du Christ et par respect pour Lui) pour qu'il puisse le jouer et seulement cela. Ce n'est même pas un rôle honorifique, cela déjà est sortir de l'esprit des évangiles, mais actif et probant, qui se légitime en soi. Sans quoi parler "de serviteur des serviteurs" n'est que de l'hypocrisie mondaine, et je ne cite qu'un exemple parmi tant d'autres.

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par cmoi » mar. 21 avr. 2020, 6:56

Nebularis a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 0:58
Mais enfin Gaudens, comment pouvez-vous juger quelque chose qui ne s’est encore jamais produit dans l’histoire ?
Et la monarchie de droit divin en France, vous en faites quoi ?

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Kerygme » mar. 21 avr. 2020, 8:55

Nebularis a écrit :
lun. 20 avr. 2020, 14:49
Or ce souci de l’unité s’accommode mal d’une quelconque conception monarchique de l’autorité, qu’elle soit pétrinienne ou autre d’ailleurs.
Je ne vois pas pourquoi vous attribuez une autorité monarchique que nous n'attribuons pas à Pierre, et donc aux papes ses successeurs.
Dans l'histoire d'Israel (les livres de Samuel) la royauté est instaurée contre l'avis de Dieu, qui se plie au choix de son peuple. Il n'y a donc nul concept de royauté et encore moins monarchique (qui est bien plus tardive) dans la primauté de Pierre et de ses successeurs. La seule royauté est celle du Christ.
Mais vous vous lui attribuez, et par ce fait vous remettez en doute la primauté de Pierre voulue par le Christ et reconnue par l'ensemble des Apôtres, dont Paul comme cité précédemment.

Je peux comprendre que par votre conviction vous soyez anti-papiste ce n'est pas pour autant qu'il faut oublier, avant tout, que le pape est évêque de Rome; et c'est sa primauté sur les autres évêques qui en fait le pape. Dans la façon dont vous présentez la chose je dirais qu'en remettant en cause son statut de pape vous remettez en cause son élection comme évêque. Ce qui m'amène à vous poser cette question : sur ce même principe qu'elle autorité aurait un patriarche ?
Dernière modification par Kerygme le mar. 21 avr. 2020, 9:07, modifié 1 fois.
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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Nebularis » mar. 21 avr. 2020, 9:07

cmoi a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 5:33
Pour Jérusalem, sa place a été sous estimée, certes, mais déjà pourquoi vouloir donner des places là où il ne devrait y avoir qu'une même foi, qu'un même amour, qu'une même égalité.
Vous avez raison : je mentionne tout ceci simplement pour démontrer que si Rome a acquis un pouvoir et une importance démesurés, ce n’est pas en raison d’une quelconque légitimité apostolique (fût-elle avérée) ou parce que cette ville fut le lieu du martyre de Pierre mais uniquement par son importance politique et économique. Pierre n’est pas plus grand que le Christ, et son martyre n’est pas plus grand que la Passion : si donc nous nous situons sur ce plan-là, celui du prestige des martyrs et du sang versé, alors force est de reconnaître que la première place ne peut jamais, en aucun cas, revenir à Rome.
Et la monarchie de droit divin en France, vous en faites quoi ?
Ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit. La royauté française était un gouvernement laïc, bien que catholique.

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Kerygme » mar. 21 avr. 2020, 9:10

Nebularis a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 9:07
La royauté française était un gouvernement laïc, bien que catholique.
Est-ce une forme de révisionnisme ? Et le sacrement des rois depuis Clovis ?
L'autorité d'un roi sur le peuple est d'abord celle de Dieu ... après ce qu'il en fait est une autre histoire.
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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Nebularis » mar. 21 avr. 2020, 9:20

Kerygme a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 9:10
Est-ce une forme de révisionnisme ? Et le sacrement des rois depuis Clovis ?
L'autorité d'un roi sur le peuple est d'abord celle de Dieu ... après ce qu'il en fait est une autre histoire.
Je vous invite, vous ainsi que Cmoi, à relire dans les Frères Karamazov de Dostoïevski, la Première partie, Livre II (« Une réunion déplacée »), le chapitre V intitulé « Ainsi soit-il ».

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par cmoi » mar. 21 avr. 2020, 9:31

Nebularis a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 9:20
Kerygme a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 9:10
Est-ce une forme de révisionnisme ? Et le sacrement des rois depuis Clovis ?
L'autorité d'un roi sur le peuple est d'abord celle de Dieu ... après ce qu'il en fait est une autre histoire.
Je vous invite, vous ainsi que Cmoi, à relire dans les Frères Karamazov de Dostoïevski, la Première partie, Livre II (« Une réunion déplacée »), le chapitre V intitulé « Ainsi soit-il ».
Je vais le faire Nébularis, ce jour même..
Je comprends un peu mieux votre démarche avec ce que vous avez souligné, mais franchement, vous vous attaquez à un gros travail et au final, vous ne pourrez pas abolir "l'effet spirituel" ni le choix de la grâce. Pour l'instant, le pape est l'évêque de Rome et devra en prendre la succession, n'est-ce pas, quelles que soient les controverses historiques.
Admettons même tout de suite que vous ayez raison, cela ne change rien à la "mission particulière" donnée au pape (non à Rome, bien sûr, sortons des griffes papolâtriques et chauvinistes italiennes... si jamais nous y étions pris...) et je crois que Kerygme vous a posé une bonne question concernant l'autorité des patriarcats...

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