cmoi a écrit : ↑mar. 21 avr. 2020, 10:07
J'ai l'impression quand même que vous touchez du doigt une des faiblesses de l'orthodoxie que les orthodoxes eux-mêmes (certains en tout cas) reconnaissent en reconnaissant le bien-fondé d'un rôle comme celui donné à Pierre par Jésus.
Et que vous faites bien peu de cas des passages des évangiles que Suliko a déjà cité, donc je n'y reviendrai pas...
Je fais partie de ceux, vous l’aurez compris, qui considèrent avec beaucoup de scepticisme l’interprétation catholique qui est faite de passages tels que
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». N’est-il pas étrange de confier les clefs du Royaume au seul apôtre qui renia le Christ par trois fois ? Non, « tu es Pierre » peut être compris différemment, puisque dans le texte grec original, l’usage du pronom démonstratif féminin pour dire « sur cette pierre » indique que l’on se réfère plutôt à la foi apostolique qu’à la personne de Pierre. Autrement, le pronom démonstratif masculin eut été plus approprié. Cela est confirmé par le fait que les mêmes clefs qui sont — en apparence — remises à Képhas (les clefs, c’est-à-dire le pouvoir « de lier et de délier ») sont remises à l’assemblée toute entière des chrétiens dans le même Évangile de Mathieu, quelques versets plus loin, en Mt XVIII, 18 :
En vérité je vous le dis : tout ce que vous lierez sur la terre sera tenu au ciel pour lié, et tout ce que vous délierez sur la terre sera tenu au ciel pour délié.
Si l’on compare avec Mt XVI, 19 :
Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié.
La primauté de Pierre apparaît tout de suite moins évidente.
Soit dit en passant, dans Mt XVIII, on trouve aussi ce passage fort intéressant (versets 15 à 17, soit juste avant la citation précédente) :
Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le, seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres, pour que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins. Que s’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté. Et s’il refuse d’écouter même la communauté, qu’il soit pour toi comme le païen et le publicain.
Voilà qui est entièrement cohérent avec l’organisation ecclésiale des premières communautés chrétiennes, où les décisions se prenaient collégialement. En revanche, ce passage s’accommode mal avec le pouvoir monarchique du pape !