Jovanni,
Un catholique fondamentaliste tiendrait-il tel discours?
Je me fous de l’opinion des "cathos fondamentaliste".
Si les mentalités ont certes évolué et les mœurs adoucis, c'était loin d'être le cas quand le catholicisme a connu son age d'or.
A l’âge d’or du Catholicisme, comme vous dites, on trouve des interprétation littérales comme des interprétation métaphorique de la Genèse. Les deux. La science moderne a confirmé la supériorité des secondes, tenues par des Pères aussi illustres qu’Augustin ou Origène.
De plus le courant protestant correspond à tout un pan de votre culture commune, le balayer d'un revers de main ne me semble pas adéquat.
Si. Je défends l’institution catholique romaine, pas le Christianisme au sens le plus large et mou du terme. Les groupes anti-intellectualistes qui reprochaient, et reprochent encore, à l’Eglise son usage de la raison ("La raison est la putain du diable", disait Luther) ne l’engagent pas.
Même problème avec le suaire.., vous dites que l’Église a lâché l'affaire, mais c'est faux. Une bonne partie de ses adeptes voient encore le suaire comme une preuve incontestable de l’authenticité de Jésus et accessoirement Dieu. C'est d'ailleurs pas pour rien que toute cette contestation est née et qu'il y a encore des polémiques aujourd’hui.
D’abord elle n’a pas "lâché l’affaire", comme si elle avait abandonné un article de foi : elle ne s’est jamais prononcé sur authenticité du suaire. D’autre part, certains cathos, en s’appuyant sur les datations qui concordent avec le Nouveau Testament, contestent via des arguments le rejet de l’authenticité du suaire. La polémique ne m’intéresse que moyennement, mais il ne me semble pas que ces cathos soient des anti-intellectualistes de première. Quant il y a deux datations divergentes, permettez-moi de dire que formuler des théories qui expliquerait leur discordance (comme remarquer que l’usage du suaire au moyen-âge pourrait être la cause des traces de carbone 14 de l’époque) ne me semble pas absurde. Maintenant je suis assez opposé à un certain enthousiasme trop grand de certains cathos, et ce pour des raisons d’abords théologiques : bien faible la foi qui a besoin de l’authenticité du Suaire !
Si Jésus est Dieu, alors il n’y a rien d’impossible à ce qu’il fasse des miracles.
Parfaitement! Comme vous vous en doutez, le problème est dans le "Si". Car il est bien connu qu'avec des "si" on met Paris en bouteille.
Oui, mais dans ce cas votre argument de l’impossibilité des miracles est absurde. Bien sûr que si Jésus n’est pas Dieu, les miracles sont faux. Nous sommes tous d’accord.
Sinon concernant le "Malleus Maleficarum" certes il fut interdit, cependant l'ouvrage est de la main d'inquisiteurs. Ça nous donne un indice d'une valeur historique assez précieuse sur les pratiques et mentalités de cette époque.
Oui, en effet. Qui le nie ? Pas moi. Mais ces inquisiteurs n’engagent pas plus l’Eglise que Luther.
Héraclius a écrit :
Je peux vous tenir l’argument exactement inverse. L’Eglise a financé des milliers de scientifiques à travers l’histoire (elle s’est justement retrouvée mêlée à l’affaire Galilée parce que comme mécène de 80 pourcent des scientifiques ces derniers essayaient de résoudre leurs différends à travers elle). Elle a fondé les universités et les hôpitaux modernes en Occident. De nombreux prêtres-scientifiques ont eu une influence considérable. Le point commun entre la génétique moderne et le big bang ? Les deux sont le fruits des travaux d’un prêtre (Mendel et Lemaître). Plus encore, l’idée même de création a permis la désacralisation du monde physique (qui était vu comme contrôlé par des lois divines étudiables par l’homme et non comme le fruit des agissements d’esprits) et l’affirmation du principe de raison suffisante (l’idée que le monde est fondamentalement intelligible, car pensé par un Créateur, et donc que tout est rationnel et étudiable). Ce n’est pas un hasard si la science moderne est née dans une terre monothéiste et chrétienne...
Donc vous voyez, le Catholicisme est non seulement pas un adversaire de la science, mais elle a favorisé son développement.
Oui enfin c'est de l'autofinancement à ne pas s'y tromper. :> L'Eglise avait la main mise sur tous les organes de la société, l'Eglise a régné en maître absolu sur l'occident pendant plus de mille ans. Donc oui, tout était dû à la religion, et en même temps c'est pas vraiment comme si on avait le choix. Et regardez le résultat quand on osait s'écarter du chemin dessiné à l'avance par l'institution la plus puissante de l'époque. (pas la peine de reciter les hommes de science qui furent persécutés).
Vous faites comme si c’était l’Eglise qui avait pris le contrôle d’institutions existantes. Non, elle les a créées. Sans les monastères, pas de transmission Occidentale du savoir gréco-romain. Sans les ordres hospitaliers, fondés par des gens vraiment convaincus que le Christ leur demandait de protéger les pauvres, pas autant d’hôpitaux. Sans les financements de l’Eglise, moins de scientifiques.
ps: savoir si oui ou non c'était une bonne chose est un autre débat, construire des hôpitaux, ça, même Pablo Escobar l'a fait, ça n'a pas fait de lui un saint.
Il l’a fait pour gagner le support des foules. Lorsqu’un moine se lance dans la création d’un ordre pour servir les pauvres, son motif est différent. Il veut vraiment aider les pauvres.
Astya,
@ Héraclius : j'avais oublié Hypatie ! http://www-history.mcs.st-and.ac.uk/Bio ... patia.html
Hypathie est morte dans un mouvement de foule dans le cadre d’un massacre général dans un temple païen. C’était une philosophe Néo-platonicienne, et si vous connaissez le néo-platonisme vous savez que ça n’a rien à voir avec la science. L’idée que les premiers chrétiens associaient le savoir et la science avec le paganisme, que présente votre article, est complètement fausse. Lisez Cyrille d’Alexandrie, le fameux patriarche, et vous verrez qui parlait de la foi elle-même dans les catégories philosophiques de son temps qu’il maîtrisait avec aisance.
Qu’on soit clair : cette histoire est terrible et est un exemple des chrétiens qui jadis persécutés, ce sont faits persécuteurs. Mais y voir à l’oeuvre un obscurantisme anti-savoir, anti-science, c’est ridicule.
C'est discutable ; il y a certains historiens aujourd'hui qui contestent l'influence de l'inquisition pendant la période chasse aux sorcières (16-17ème) et qui en profitent pour affirmer que les procès pour hérésie du moyen âge ne sont pas assez documentés pour valoir l'étude.
Par contre les historiens d'hier retracent ces procès ou croisades anti-hérésie : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2 ... f142.image
Cet ouvrage de deux bénédictins est (long) très détaillé et cite ses sources. Il n'y a pas lieu de soupçonner ces deux révérends pères de partialités envers les albigeois. Mais cet ouvrage date du 18è : les auteurs trouvent regrettable certains abus, même si ils trouvent parfaitement normal la confiscation des biens des hérétiques ou l'interdiction de certains emplois aux juifs, par exemple.
Certains sites relaient parfois une partie tronquée du discours des historiens, ou bien une thèse ou un questionnement comme si c'était une affirmation.
Mais qui nie que l’Inquisition fit de nombreuses victimes ?
Mentionné dans ce site (site par ailleurs discutable, propageant une justification de l'inquistion sans beaucoup de nuances) :
http://www.linquisitionpourlesnuls.com/ ... me-siecle/
La bulle en question de Boniface VIII serait "De sepulturis" ou "Detestandae feritates abusum"
Mais c'est ambigu : cette bulle a été interprétée comme interdisant les dissections médicales, mais c'est peut être une prohibition de pratiques non médicales https://books.google.fr/books?id=wxNsJd ... on&f=false
La Bulle de Boniface VIII condamne en effet le démenbrement des cadavres ayant pour but de les transporter plus facilement.
Lorsque l’Inquisition arrête, comme hérétique, Arnaud de Villeneuve (1235-1311), le plus célèbre des médecins de l’école de Montpellier, Boniface VIII, qu’il a guéri d’une lithiase rénale, intervient pour lui épargner le bûcher (néanmoins, ses traités de théologie seront, a sa mort, brûlés en place publique)
Ouf !
Et ? Il est visiblement accusé pour sa théologie, par pour sa pratique de la médecine. Encore une fois rien avoir avec Science vs Religion.
Concernant Bruno, vous dites
L’usage que l’on fait de la figure de Bruno de nos jours comme d’un genre de martyr de la science n’a aucun fondement historique.
18 ans de prison pour finir brulé c'est un martyr tout court !
Sans doute, mais pas de la science.
Encore une fois je ne cherche pas à défendre ces mises à morts, je relève juste qu’elles ne sont en rien des instances d’une guerre Science vs Religion. La nuance est colossale. Je ne dis pas que la mise à mort de Bruno ou Hypathie étaient justifiables ; je dis qu’ils ne peuvent êtres utilisés pour supporter la thèse d’une mentalité anti-science et anti-raison systématique de la part de l’Eglise.
Héraclius -