Re: L'incohérence de la Bible, ses mythes et légendes
Publié : ven. 17 févr. 2012, 5:51
Cher Libertatis,Libertatis a écrit :Je précise d’abord que je n’ai absolument rien contre les croyants car je crois à la liberté de chacun de choisir ses croyances, mais je crois également que pour se faire, il faut des arguments de tous les points de vue donc je vais essayer d’apporter des arguments en faveur de l’athéisme.
Pendant ce corpus je me suis efforcé d’apporter des arguments en faveur de l’athéisme, pourtant, comme la prouvé la théière de Russell, ce serait à vous de prouvé l’existence de Dieu donc j’espère qu’on pourra avoir une discussion constructive.
vous n'avez donc vraiment rien contre les croyants? J'en doute, et je vais vous expliquez pourquoi. Mais auparavant, je dois vous signaler que je passe entièrement sur les nombreux arguments de votre "corpus" pour me consacrer à la plaisanterie de la théière de Russell. Parce que c’est amusant et que j'aime les théières en porcelaine.
La théière de Russell ne prouve qu'une seule chose : la mécompréhension totale dont fait preuve Russell à l’égard de la foi chrétienne.
Pour expliquer les choses à ma manière, je vais faire appel au meilleur élève de Russell. Il s'agit de Ludwig Wittgenstein. Comme Russel, c'est un penseur de la modernité, c'est-à-dire un brave libéral pour qui l'autonomie de la personne reste toujours la seule vraie et unique valeur. Mais Wittgenstein, c'est surtout quelqu'un qui sait réfléchir. Il a donc été capable d’expliquer que "la foi chrétienne et la superstition sont choses fort différentes. La seconde vient de la peur et est une fausse science. La première est une confiance."
En gros, établir une distinction radicale entre la croyance religieuse et le savoir, et puis ensuite entre la croyance religieuse et ce qui est rationnel sont deux erreurs. Si on les commet, comme Russell, on trouvera forcément que ce qui relève de la croyance religieuse est de l'irrationnel – donc de la superstition – et en conséquence du mensonge, et du mensonge dangereux. Or il s’agit là d’un préjugé : celui que dénonce précisément Wittgenstein. Le préjugé qui consiste à croire que les seules croyances légitimes sont celles que la science autorise.
Comme cette position n’est elle-même qu’une croyance et ne peut être fondée en raison, elle est une superstition irrationnelle...
En réalité, c’est bien Wittgenstein qui prouve quelque chose, et pas l'histoire de la théière. Et puis, ce qui pose problème ensuite, c’est qu'au-delà de la superstition, il y a la peur d’où vient la superstition. C’est la peur, et certainement pas la foi, qui conduit au fanatisme et à la violence dans le monde. Mais la question du fil n’est pas là.
Pour en revenir à la compréhension erronée de la foi chrétienne comme superstition, Russell veut absolument nous réduire à être de simples "croyants". En somme, notre religion ne serait qu’un système de croyances, par ailleurs équivalent à n’importe quel autre système de croyances, de telle façon que les croyances chrétiennes se ramènent à n’être qu’une idéologie inepte et dangereuse. Inepte, c'est aussi le terme que vous utilisez à propos de Ecritures.
Mais le problème, c'est que les chrétiens ne sont pas des "croyants" - laissons celà aux musulmans, par exemple. Les chrétiens sont des témoins de la foi. Autrement dit, notre foi comporte une dimension existentielle ("être témoin") et la foi est vécue dans cette dimension existentielle comme une vertu. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est toujours Wittgenstein : "la foi chrétienne est d’abord et avant tout une vertu, pour laquelle le "contenu propositionnel" est totalement secondaire."
Et l’essentiel de la vertu de la foi, c’est l’attitude consistant à faire confiance. Penser la religion exactement comme le fait Russell, c’est-à-dire en évacuant la vertu de la foi, en la réduisant à une simple "croyance", c’est justement être superstitieux. C’était, du moins, l’appréciation que portait Wittgenstein sur Russell.
On pourrait s’amuser à relire le passage de Russell dans lequel il explique que l’habitude de fonder les convictions sur des preuves, et de ne leur accorder de certitude que dans la mesure où elles sont garanties par des preuves, guérirait, si elle devenait générale, la plupart des maux dont souffre le monde. C'est un sujet classique pour bac de philo.
Et bien, prenons ce principe pour argent comptant : il faut alors rejeter la quasi-totalité de nos croyances. Lesquelles ? Mais par exemple, la croyance à d’autres esprits que le nôtre, ou encore, l’existence d’un Etat politique, l’existence d’une "volonté générale" dont la démocratie serait l’expression, l’existence de la garantie des "libertés" par un texte consitutionnel. Quelle évidence avons-nous de croire à toutes ces choses ?
Russell prétend que la croyance religieuse est comparable à la croyance en une théière chinoise en orbite autour de Mars. Et tout le monde de rire... mais si je m’en tiens à l’éthique de la croyance de Russell, les partisans de François Hollande – candidat à l’élection présidentielle, qui croient dur comme fer en la victoire de leur candidat, devraient pourtant cesser impérativement de croire à ses chances de devenir président, l’évidence de la preuve d'une victoire décisive leur faisant cruellement défaut. Et même, il faudrait condamner fermement comme étant immorale, voire vicieuse, la foi en la victoire de François Hollande. N’est-ce pas aberrant ?
Le principe éthique de Russell, c’est que la foi, qui est pourtant définie explicitement par l’Eglise comme étant une vertu, devient ainsi un vice - une croyance dépourvue de moralité. Mais où est le respect dans une telle appréciation? Et comment établir un dialogue sur de telles bases?
Je m'autorise donc de la conclusion de votre message pour penser que vous avez vraiment quelque chose contre les croyants, et qu'en conséquence il n'y aura la discussion constructive que vous espérez qu'à la condition d'un abandon de vos présupposés irrationnels, ceux qui vous font écrire une liste impressionante d'arguments qui n'en sont pas - et qu'il serait de toute façon si simple d'abattre un à un, de façon méthodique mais pas trop implacable.
Amicalement.
Virgile.