Jovanni a écrit :
Deux défauts majeurs à cette théorie qui n'est, en aucun cas, une "preuve"
Il dépendrait alors de votre définition personnelle de ce qu'est une preuve.
[...]
Dans le cas d'Augustin cité plus haut, il commence par établir son raisonnement à partir
d'un fait qui est celui de l'existence du monde. Mais il est amené ensuite à se basé, comme plus sûrement encore, sur ce qu'il nomme "son être intérieur" et quand il rapporte que "deux hommes se trouvent en lui". Il évoque l'être extérieur, l'être intérieur.
Descartes ne fera pas autre chose que ce qu'avait fait Augustin avant lui. Et ce serait pareil pour Aristote.
"... à quoi j'ajoutai que, puisque je connaissais quelques perfections que je n'avais point, je n'étais pas le seul être qui existât (j'userai, s'il vous plaît, ici librement des mots de l'école), mais qu'il fallait, de nécessité, qu'il y en eût quelque autre plus parfait, duquel je dépendisse, et duquel j'eusse acquis tout ce que j'avais. Car, si j'eusse été seul et indépendant de tout autre, en sorte que j,eusse eu, de moi-même, tout ce peu que je participais de l'être parfait, j'eusse pu avoir de moi, par même raison, tout le surplus que je connaissais me manquer, et ainsi être moi-même infini, éternel, immuable, tout connaissant, tout-puissant, et enfin avoir toutes les perfections que je pouvais remarquer en Dieu. " (
Descartes,
Discours de la Méthode, IV, A.T., VI,34 )
Tresmontant expliquait :
Il nous suffit de rappeler que, du point de vue cartésien, on ne peut pas partir du monde, comme nous l'avons fait pour établir l'existence de Dieu, puisque l'existence du monde ne paraît pas à Descartes une certitude initiale incontestable. Une seule certitude est, au départ, incontestable, selon Descartes, c'est celle du philosophe lui-même en tant qu'il pense, de Descartes lui-même, non pas tant qu'il est un corps, ce qui est douteux, mais en tant qu'il est une substance qui pense.
Eh bien, même en acceptant ce point de départ par ailleurs tout à fait discutable, même en acceptant cette réduction, on peut encore engager une démarche rationnelle qui conduise jusqu'à reconnaître l'existence de Dieu. Il suffit d'opérer une transposition et de rapporter à cette "substance pensante" tout ce que nous avons dit de l'univers, de reprendre, à propos du moi pensant du philosophe, la démarche que nous avons utilisée en parlant de l'univers.
Descartes ne fait que transposer, sur le registre idéaliste, la preuve de l'existence de Dieu élaborée par Aristote, puis par les grands scolastiques arabes, juifs et chrétiens. Il reprend, mais sans les justifier, et en les attribuant simplement à la "lumière naturelle de l'esprit humain", les adages scolastiques :
"C'est une chose manifeste - par la lumière naturelle - qu'il doit y avoir pour le moins autant de réalité dans la cause efficiente et totale que dans son effet : Car d'où est-ce que l'effet peut tirer sa réalité sinon de sa cause? et comment cette cause la lui pourrait-elle communiquer, si elle ne l'avait pas en elle-même? Et de là il suit non seulement que le néant ne saurait produire aucune chose, mais aussi que ce qui est plus parfait, c'est à dire qui contient en soi plus de réalité, ne peut être une suite et une dépendance du moins parfait". (Descartes, Méditations, III ... IX, 32)
Descartes désavoue l'idée de la chaîne infinie d'une suite d'effets dépendant toujours d'un moins parfait. Cette substance pensante de Descartes qui est son propre moi n'est autre que cet "homme intérieur" d'Augustin.
Une preuve, me semble-t-il, ne peut représenter rien d'autre qu'un
raisonnement qui puisse emporter la conviction personnelle d'un sujet. Autrement, il n'existe pas de preuve de "quoi que ce soit dans le monde" qui puisse
forcer un individu passionné à croire ce qu'il ne voudrait pas croire, à voir ce qu'il ne veut pas voir, ni interpréter dans le sens lui déplaisant, etc. Un idéaliste pourrait toujours préférer rejeter le monde, croire que la matière est une illusion, etc. Une "preuve" tient toujours à la volonté du sujet de recevoir ou pas ce qui lui est dit. La fermeture est aussi une passion.