Incertain a écrit : ↑ven. 27 oct. 2017, 10:22
Bonjour,
Ma question concerne la philosophie et la théologie, mais je pense qu'elle s'inscrit dans le thème de l'apologétique puisqu'il s'agit de répondre aux objections des athées.
Voici donc le problème :
Dans les philosophies chrétiennes ou proches, on en arrive (à mon avis de façon rigoureuse) à déterminer que l'univers a une Cause Première, et que celle-ci n'est pas une infinité d'atomes éternels. Cette Cause première a généré notre univers physique. On trouve un exemple très convainquant de cette démonstration chez Frédéric Guillaud dans son ouvrage "Dieu existe (Arguments philosophiques)" au Cerf. Il reprend la plupart des arguments de la théologie classique en y ajoutant des considérations plus contemporaines et une réflexion sur le Big Bang. Soit.
Il identifie ensuite cette Cause première à Dieu, en disant notamment qu'elle ne peut être matérielle (elle sert à expliquer la matière, donc si on dit qu'elle est matérielle on recule et on a rien expliqué), qu'elle est hors de l'espace et du temps, et il en conclut quecomme ce qui n'est pas matériel est spirituel, il s'agit donc nécessairement d'un Esprit. C'est là à mon sens que la démonstration achoppe. Cette Cause première pourrait être un X indéfinissable, certes non matériel au sens de non-étendu et non spatial, mais pas pour autant un Esprit conscient...
Ainsi cette Cause première pourrait être l'Etre en tant qu'être, ou l'énergie, ou la Substance (ce qui se tient "sous les choses"). Il semble hasardeux et difficile d'expliquer que cette Cause première aurait des qualités comme la conscience, l'intelligence ou la bonté.
Il y a un passage de "cause première, agent qui génère et soutient l'univers physique" à Etre intelligent, infini et bon. Comment ce passage est-il justifié et argumenté (peut-être chez St Thomas d'Aquin ou d'autres penseurs) ?
Le mieux pour cela est d'aller voir Aristote (et un livre sur lui par le prof. Thomas de Koninck. Il passe de 1er moteur à pure pensée.
Il y a plusieurs raisons, p.ex.le fait que le créateur doit être supérieur et non inférieur à l'homme.
Il ne faut pas non plus être naif: chez Dieu esprit est une facon de parler, una analogie avec l'homme. Et etymologiquement Dieu n'est pas loin de énergie, ENERGUEIA, qui veut dire en acte (par opposition à potentialité, DUNAMIS); or Aristote dit que Dieu est pure actualité (ERGON, oeuvre, travail), sans trace d'être en puissance.
Pour l'immatérialité c'est plus technique et abstrait. Je vais donner juste la formule même si ca peut paraitre peu compréhensible:
En aristotélisme tout être matériel est composé de matière et de forme (celle ci appelée âme chez les vivants). Or la matière est être en puissance. Et Dieu ne comporte aucun réalité potentielle, donc il ne peut comporter de matière.
En un sens toutefois il est vrai que Dieu n'est pas un esprit car toute notion d'esprit ne peut être calquée que sur le nôtre. Il est COMME (analogiquement) un esprit, en toute rigueur.
C'est pourquoi aussi certains théologiens (et Kierkegaard) n'aiment guère le Dieu des philosophes, qui leur parait une grosse chose pleine.