Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

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Christophe67
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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par Christophe67 » jeu. 17 août 2017, 6:39

Bonjour Milla,

J'ai pensé à vous, ainsi qu'à d'autres en recherche, en lisant un extrait de ce témoignage : Ancien anar, athée farouche, Alain Mejias raconte sa conversion

J'en extrait le passage qui m'a inspiré.
Après un temps de maturation et d’une perception de la foi très cérébrale — qui était en réalité ma nouvelle naissance au Christ, je suis entré dans l’âge adulte de la foi.

Cordialement.

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Héraclius
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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par Héraclius » sam. 26 août 2017, 19:43

Chère Milla,

Je peux enfin me poser un peu et esquisser une réponse à au moins quelques aspects de votre questionnement.

Pour cela je vais largement vous présenter les raisons qui font que moi, je suis du côté du Christ, malgré des doutes continuels qui font presque partie prenante ce que j'appelle la foi chez moi.


D'abord - commençons par le plus simple - je m'étonne un peu que l'idée du "dieu cruel" soit une si grande difficulté. Oh, que cette idée soit solidement ancrée dans la psychologie humaine sans doute, et qu'elle constitue une dérive de tout théisme auquel le catholicisme n'échappe pas - oui, sans le moindre doute. Mais je ne crois pas qu'adhérer au Catéchisme de l'Eglise Catholique, à l'interprétation magistérielle de l'écriture et de la tradition, demande la moindre concession à un Dieu qui serait "un peu" cruel, "un peu" haineux. Je n'y vois que l'affirmation du Dieu pur-amour, pur amour dans sa nature d'acte pur trinitaire, pur don, pur relation, manifesté dans le monde par Jésus qui est l'alpha et l'oméga de notre connaissance de Dieu, l'Image parfaite du Dieu Invisible. Personne ne vous demande d'aller au-delà et d'adhérer à toutes les conneries qu'on qura écrit en 2000 ans de Christianisme. Je lisais il y a quelques jours un morceau de la Généalogie de la Morale dans lequel Nietzche cite Des Spectacles de Tertullien, dans lequel ce dernier dans le but d'encourager les chrétiens à ne pas se rendre au jeux du cirque se trouve arguer, en gros, qu'au ciel la torture des damnés sera autrement plus intéréssante et jouissive que les combat de gladiateur et que leur désir de sang y sera amplement rassasié. Et bah si c'est là le Christianisme, rassurez-vous, je ne suis pas plus chrétien que vous.

Après, j'ajouterai une petite chose, lié à la question de l'enfer. Une chose certaine que l'on découvre sans doute d'avantage en vivant de la spiritualité chrétienne, c'est noirceur du péché. Enfait, c'est un corrolaire de la découverte de la Sainteté de Charité ; cette dernière est si grande, la splendeur de l'humilité de Dieu est si éblouissante, la Gloire de la Croix si infinie, que notre propre manque absolu de participation à cet idéal n'est pas rien. La Sainteté est si grande qu'elle nous convoque à elle-même. Et moi en tout cas, je n'aime pas, plus je médite sur l'amour plus j'en prends conscience. Ma vie n'est pas une grande offrande à Dieu et aux pauvre, au Christ et à ceux qu'il aime. Tout au plus il y a quelques tâches lumineuses sur la tunique du péché, tâche qui grandissent sous l'effet de la grâce sans doute, mais diable que je suis loin de l'idéal chrétien. C'est à ce moment que la conscience de l'enfer naît, de façon très sensible. Kierkegaard disait, substanciellement, que si il avait toute confiance en la miséricorde de Dieu pour les autres, il se savait lui-même en grand danger de mort spirituelle. Je suis une boursouflure d'orgeuil devant un Dieu qui s'immole pour racheter chaque crachat que j'ai procheté à sa face en offrant pour chaqu'un d'entre eux une surabondance d'amour. La péché n'est pas à prendre à la légére. Oh non.


Mais nous arrivons au coeur du sujet. Vous écrivez :
Je ne sais pas si je poursuis un reflet ou une chimère. Rien que l'idée d'infini me fait peur (quelque chose que rien de visible ne borne, c'est juste effrayant ; pour me faire déprimer faites-moi contempler les étoiles en me disant que l'univers est en expansion). La radicalité aussi : j'ai parfois l'impression que ce que Dieu demande aux chrétiens c'est d'être de la pâte à pain et de se laisser faire pour devenir autre chose, et moi je suis trop control-freak pour ça. Alors un amour infini qui vous change et où vous ne contrôlez rien, et où vous ne pourrez jamais répondre comme il faut parce que ça vous dépasse de toute façon...

Ce n'est pas ce que j'écris au-dessus qui vous rassurera alors. :p

Il y a certainement du vrai dans cette description que vous faites du Christianisme. Cependant, on peut aussi en voir, comme souvent, l'autre face. Dieu demande peut-être aux chrétien d'être de la pâte à pain, mais il leur donne aussi la "dignité royale" de la liberté, comme disent les Pères Orientaux. Un moine, dans un superbe documentaire sur le Barroux, commentait la profession solennelle d'un frère en disant "c'est la grandeur de l'homme que de changer sa vie sur une parole". Et c'est vrai. "L'esclavage" du chrétien est réel, pour utiliser un grand mot, mais il est aussi, paradoxalement, absolument libre. La liberté chrétienne nous arrache, vraiment, à l'esclavage des passions, des pauvres désirs concupiscent, de la médiocrité d'une vie mondaine. Le Christ nous rend libre en nous proposant son joug facile et son fardeau léger.

Enfin, vous écrivez, et on arrive au plus intéréssant :
Et quand je parle comme ça, j'ai l'impression d'être une vraie illuminée, complètement ridicule, et de me prendre la tête pour quelque chose qui n'est qu'une fable.
J'aimerais vous dire comment je vois les choses. Lorsque vous écrivez cette phrase, vous postulez qu'il existe un espèce d'espace de la normalité, un lieu rationnel dépourvu de croyance, une sorte de "sens de la vie" naturel. Vous postulez qu'il existe une position intellectuelle sécurisée, une sorte d'agnosticisme je suppose, dans lequel on n'a besoin de faire aucun choix épistémologiquement risqué.

Une des grandes raisons pour laquelle je professe la foi catholique malgré des doutes similaires, c'est que je ne crois pas qu'un tel espace existe.

Un texte qui pose bien cette question, c'est Mes Confessions, de Tolstoï. L'auteur y expose, en gros, le problème de son questionnement existentiel. Chaque action qu'il pose amène une chaîne de "pourquoi" qui en déconstruisent la raison d'être. Pourquoi chercher la gloire littéraire ? Pourquoi administrer ses biens ? Pourquoi fonder une famille ? Pourquoi vivre ? Pourquoi même survivre ?


La question du Sens est parfaitement inévitable. Et il n'existe pas de paradis laïc, de position intellectuelle neutre de tout postulat épistémologique non-déductible, qui offre une version du Sens, fut-elle modeste. L'existence du sens, de la morale, l'éthique, de valeurs objectives, tout cela est inaccessible d'une façon directe. Nous nous contraignons, d'une manière ou d'une autre, à vivre en postulant que ces choses existent, plus ou moins consciement et avec plus ou moins de réfléxion derrière.


La question n'est pas de savoir si il faut avoir la foi ou non, mais de savoir en quoi avoir la foi. Si on veut vivre pleinement, il faut croire, parce que si nous ne croyons pas, nous sommes des hypocrites ; nos actions, nos efforts pour simplement vivre, témoignent de notre foi, fut-elle simpliste, en la valeur de la vie, en la valeur du libre-arbitre, de la morale, etc...


Reste à savoir, avec le peu d'information que nous tenons du monde qui nous entoure, en quoi nous devons avoir foi.


De mon point de vue, lorsque je vois l'athée "lambda", si vous voulez, je pense que c'est lui au fond l'illuminé. Moi, je peux dire pourquoi je crois en la vie, en la morale, aux valeurs objectives. Je peux expliquer pourquoi métaphysiquement l'existence de Dieu me paraît probable, en quoi le message du Christ est-il crédible, en quoi le Catholicisme, sans être déductible par la raison naturelle, est à mon sens la plus solide des position intellectuelle à laquelle on peut préter une foi raisonnable, rationnelle, pour fonder l'existence du Bien - du sens de la vie, de la morale, des valeurs...

L'athée lambda - je ne parle pas de vous - est incapable d'expliquer, métaéthiquement, pourquoi il croit aux Droits de l'Homme, métaphysiquement, en sa propre unité ontologique et à son libre-arbitre, existentiellement, à la raison pour laquelle sa propre vie a une valeur objective - et il y croit, même si il le nie. Les vrai nihilistes ont une balle dans la tête ou une corde autour du cou.


Voilà mon avis ; il n'y a nul part où l'on peut se cacher des questions existentielles. Certes, le consensus d'une époque apporte une sorte de réconfort moral - je ne suis pas taré, puisque les autres pensent comme moi. Mais sur le fond, le consensus d'une époque en matière de sens, de morale, de métaphysique, n'est pas plus crédible que celui d'une autre. Regardez-vous en face : vous êtes déjà une illuminée, vous croyez déjà aux contes de fé.


Moi, dans l'ordre naturel, j'ai choisi le conte de fé la plus crédible, celui qui m'a semblé être le plus probablement vrai. "Le Mythe vrai à l'origine de tous les mythes" dirait Tolkien.

Dans l'ordre surnaturel, si j'ose dire, j'ai vu la face du Christ Tout-Amour, et je n'ai pas pu la quitter de vue depuis.


C'est là le tout de la proposition chrétienne, pour autant que j'en sache.


Dieu vous garde. Je vous souhaite de trouver ce que vous trouverez le plus proche du Vrai et du Bien. J'espère que ce sera le Christ.


Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par prodigal » dim. 27 août 2017, 8:40

Cher Héraclius,
je vous remercie pour ce texte que je trouve très riche et très juste.
Je crois en particulier comme vous que l'agnosticisme n'est pas un havre et que c'est à la liberté que le christianisme nous appelle.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par Milla » dim. 27 août 2017, 18:06

Merci Héraclius, apatride, prodigal.
Dernière modification par Milla le dim. 17 déc. 2017, 1:00, modifié 1 fois.
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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par axou » dim. 27 août 2017, 22:09

Chère Milla,

je trouve qu'on vous dit de bien belles choses ! Grâce à vous, tout le monde en profite.

Si Cinci a raison et que c'est par l'intellect que vous pouvez être séduite (et je pense qu'il a raison), j'ai quelques lectures à vous recommander.

D'abord "Le Dieu Pervers" de Maurice Bellet. le théologien a étudié toutes les images et projections de perversité sur Dieu qu'ont cultivés les Chrétiens et l'Eglise et les confronté à l'Evangile. 600 pages pile- poile sur le sujet de votre questionnement. je me suis régalée en lisant ce livre.

Ensuite "Le Royaume" d'Emmanuel Carrère
, lequel vous ressemble beaucoup (la primauté de l'intellect, et lui alterne des périodes de foi et d'agnosticisme). Son livre raconte son expérience spirituelle (et ses nombreuses prises de tête...) en parallèle avec la vie de l'évangéliste Luc et la vie de Paul. Captivant, comme tous ses livres d'ailleurs.

Enfin je vous recommande la lecture d'un des plus grands maîtres spirituels du XX ième siècle : Etty Hillesum, morte à 29 ans en camp de concentration. Elle est connue grâce à son journal qu'elle a écrit les deux dernières années de sa vie ("Une vie Bouleversée").Un chef d'oeuvre.
Ce journal nous raconte la conversion d'une fille à la fois très intello (étudiante en philo) et très physique (elle cumule les amants).
Elle est juive de famille intello et agnostique, ne demandera jamais le baptème. En cherchant un sens à sa vie et une voie d'apaisement de sa nature excessive et hypersensible, elle découvre le Dieu de la Bible (par la lecture de l'Ancien ET du Nouveau Testament) grâce à la psychanalyse et va incarner cette amour brûlant en Dieu par un altruisme absolu : Elle renoncera à la possibilité d'éviter les camps en décidant d'y aller afin de prendre soin des autres prisonniers. Un de mes livres de chevet et une sainte (non béatifiée officiellement) que je prie.

Bien à vous et merci pour votre partage !

Axou

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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par apatride » lun. 28 août 2017, 2:16

Je ne résiste pas non plus à l'envie de partager cette suite de conférences (toujours en cours) sur la pertinence et la signification psychologiques des récits bibliques.

Le professeur Jordan B. Peterson, de l'université de Toronto, est un régal à écouter, il est passionnant et très drôle ce qui ne gâche rien.

Cette étude m'a beaucoup aidé à articuler ce en quoi la Bible est particulièrement pertinente dans son analyse et sa narration de l'espèce humaine et son rapport à Dieu.

Attention c'est en anglais, mais la présence de sous-titres (anglais aussi) peut être une bonne béquille :

https://www.youtube.com/playlist?list=P ... UrrFTzkpat

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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par Metalhead » lun. 28 août 2017, 11:23

Bonjour à tous, Bonjour Milla,

Je me présente : je suis métalleux depuis 10 ans et je n'ai que 19 ans; pourtant je suis persuadé (à tord ? vous me le direz) de l'absence de dieu.

Je comprends parfaitement l'athéisme de Milla, bien que je crois personnellement en des choses qui me sont propres. Les anciens dieux, antiques, avaient au moins la décence de ne se consacrer qu'à une tache : la foudre, les récoltes etc. mais le concept de Dieu unique et omnipotent nous rend inévitablement médiocres sur cette terre : un etre peut tout faire, les humains sont limités par les lois physiques.

De plus, l'existence de Dieu est faite elle-meme de paradoxes : si on parle de Dieu, c'est parce que nous y pensons (à defaut d'y croire tous); si personne ne l'évoque, il disparait. Dieu est Amour mais il y a des guerres (oui je sais c'est un argument facile, n'empeche que personne ne peut le nier); Dieu nous a créé à son image mais certains humains sont plus cruels, plus odieux que tout animal; Dieu à créé la Terre en 7 jours mais on retrouve des fossiles; dois-je continuer ?

Alors je sais ce que vous allez me répondre ; la meme chose qu'à Milla : oui mais l'Eglise s'est parfois trompée... Sérieusement ? Pensez vous qu'une institution destinée à transmettre un message si important que celui d'un Dieu se tromperait ? Soit elle s'est trompée, et votre foi (que je respecte) est trop chère payée pour lui être confiée; soit l'Eglise se fout ouvertement de vous depuis 2000 ans ...

Milla, je vous conseille de ne pas être influencé(e) par les messages que vous pourriez recevoir ici. Faites-vous votre avis en lisant de nombreux livres, sur les religions mais aussi les légendes, tout ce qui a amené des gens à redouter ou adorer quelque chose. Croyez en la science car elle au moins te prouve ses résultats. Ne considérez la religion que comme un apport, une aide, un "plus" dans les moments forts de votre vie; mais surtout pas comme un guide omniscient: vous êtes la (le) seul(e) maitre de votre corps et votre âme.

Cdt

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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par Héraclius » lun. 28 août 2017, 12:12

Chère Milla,


Quelques réflexions sur le "Dieu cruel".

Mais quand je lis le catéchisme du Concile de Trente (chapitre 8), qui est un texte qui, niveau "autorité", se situe à un autre degré, pas besoin d'aller très loin :
Chapitre 8eme a écrit :[...] Le mot qui vient ensuite: maudits, augmente encore cruellement leur effroyable malheur. En effet, si, au moment de les chasser de sa Présence, Dieu avait daigné laisser tomber sur eux la moindre bénédiction, ils en auraient éprouvé un grand soulagement. Mais, hélas ! ils n’ont rien de pareil à attendre pour adoucir leur souffrance, et la Justice divine, en les bannissant, n’aura que trop raison de les accabler de toutes ses malédictions.

Dans le feu éternel. Ces mots désignent un autre genre de peine, que les théologiens appellent la peine du sens, parce que les sens du corps en sont les organes, comme dans le supplice des verges, des fouets, ou d’autres plus graves. Mais si, de tous les tourments, le plus sensible et le plus douloureux est celui du feu, et si, d’autre part, on ajoute à cela que ces tourments n’auront jamais de fin, on demeurera convaincu que la punition des damnés est le comble de tous les châtiments. [...]

C'est effectivemment un passage qui utilise un language très dur ; mais il ne me pose pas vraiment de problème, pour de multiples raisons.

Lorsqu'on lit ce genre de texte, il y a beaucoup de grilles d'interprétation qu'il faut appliquer. Le degré d'autorité. La prise en compte du contexte historique. De la mentalité de ses auteurs. L'objectif de ces dernier.

Mais avant tout, c'est le plus fondamental, il faut comme nous le commande le Nouveau Testament lire toute chose, toute "lettre", à l'aune de l'Esprit de la loi, qui tient tout entier dans les deux premiers commandements ; Tu aimeras Dieu et ton prochain. C'est un principe qui est absolu et qui est le premier mouvement de toute la dogmatique chrétienne. Un dogme ne sert de rien si il ne parle pas de la Charité. L'enfer n'a aucun sens si il n'a pas écrit sur son fronton, comme Dante l'avait imaginé : "Moi aussi, l'amour éternel m'a fait".


En l'occurence, quelles sont les implications dogmatiques de ce texte, au delà de son language terrible ? Il parle, tout simplement, de la peine de sens. Oui, en Enfer nous souffrirons non seulement de la peine surnaturelle de damn, mais notre nature elle-même ne sera pas épargnée. Comment pourrait-elle l'être ? La nature et la surnature sont liées, d'autant plus que c'est au fond la dernière qui donne le "la".

Ce que l'Eglise enseigne donc, c'est que la séparation d'avec le Bien suprême et l'enfermement dans le péché ne peut se faire sans que les conséquences soient totale. Nos vies, surnaturelles comme naturelles, sont don de Dieu, don de l'Être, et nier le Donneur c'est nier le don. Donc quelque soit la nature exacte du corps dans lequel nous serons tous réssucités, sauvés et damnés, ce "corps" sera également un lieu de dépérissement chez les damnés, tout comme leur âme. Quant à la "nature" exacte de la nature renouvellée d'en haut ou d'en bas, personne ne sait vraiment de quoi il s'agit. Certains théologiens ont pu tenir la position que le feu de l'enfer est matériel. Cette position n'est évidemment plus très à la mode aujourd'hui - à mon humble avis c'est pas plus mal. En tout cas l'Eglise n'a jamais définie exactemment ce que signifiait la matérialité de l'enfer ou la nature du feu de la Géhenne.


La Justice Divine est une question très complexe. Il faut bien voir que c'est un mot qui est fondamentalement, comme tout attribut de Dieu, analogique. Dieu n'est pas comme un juge humain ; il ne prononce pas une sentence personnelle suite à une estimation de la culpabilité d'un homme, il entérinne leur choix en fonction de la nature même des choses. La Justice divine, en tout cas, n'est jamais une cruauté dans la condamnation. Elle est paradoxale ; en un sens elle est parfaitement passive, puisque c'est l'homme qui se condamne lui-même. En un autre, elle est suractive, puisque c'est la Sainteté de Dieu qui banni l'impie, lequel ne peut se tenir en présence de l'amour sans brûler à un degré terrible.


Mais que tout procède de l'amour, c'est la première vérité de la foi à laquelle toute autre vérité rend témoignage. C'est ce qu'enseigne univocalement l'Eglise.


Tout ça pour dire que ce passage du Catéchisme de Trente ne me semble pas enseigner des choses fausses ; par contre, il évoque la question de l'enfer et de la peine de sens avec un vocabulaire particulièrement noir en mettant uniquement en valeur la souffrance des damnés, qui était à l'époque un objet de fascination un peu morbide. Dieu, du reste "hait" sans doute les damnés - au sens ou il hait leur péché d'une force terrifiante. Il les aime toujours comme personne, au niveau le plus fondamental, c'est évident ("Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres ; si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé." Sagesse 11, 24). Mais une âme hermétique, enfermée librement sur elle-même par un orgeuil sans limite, celle-là ne peut se tenir devant le Seigneur de l'Amour sans brûler. Cet amour lui-même, déversé sur un être qui éternellement le refuse et dépérit hors de lui, ne peut que lui être une souffrance terrible. C'est bien cet amour même que Dieu voue aux damnés qui est leur pire châtiment. C'est l'asymétrie totale de leur rapport avec leur créateur, son éternel amour frappant à la porte de leur abject refus, qui les brûle. Dieu est un feu qui embrase les justes pour leur plus grande joie, et les damnés pour leur plus grand malheur. Oui, ils sont maudits.
Très franchement, si j'étais catholique, je ne saurais pas quoi faire d'un texte comme celui-là (ce n'est pas le seul passage qui me heurte). L'accepter, c'est accepter que Dieu, c'est... ça. Hors de question de professer que "Dieu est amour" si on parle de quelqu'un qui abreuve de malédictions des condamnés. Le rejeter, c'est accepter que l’Église peut enseigner de façon tout à fait "officielle" des choses tout à fait fausses : pourquoi lui faire confiance sur le reste ?
C'est un vrai point de blocage sur lequel je ne me lasse pas de faire du sur-place.
Ce qui est clair, chère Milla, c'est qu'il y a une hiérarchie entre les vérités, et que celle d'en dessous doivent êtres lus à l'aune des vérités supérieures. De même que l'Ancien Testament doit être lu à l'aune du Nouveau, de même que le Nouveau Testament doit être lu à l'aune des Evangiles, de même les vérités dogmatiques sont hiérarchisées, et au sommet, il y a "Dieu est Trinité d'Amour".

Lorsque vous tombez sur un passage difficile, rappellez-vous toujours sa place dans la hiérarchie. La théologie n'est qu'herméneutique ; vous avez souvent vu, je suppose, nos débats sur l'interprétation de Vatican II, la "lecture" que l'ont doit en faire... Et bien la clé de lecture de toute la théologie catholique, c'est Jésus-Christ, nous révélant le visage de Dieu comme celui d'un agneau offert pour tous. C'est Lui le Logos, la source de tout sens, la source de toute parole juste. La seule herméneutique de l'Enfer, c'est le Christ à la Croix, et c'est tout.


Dieu vous bénisse,



Héraclius -
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gerardh
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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par gerardh » lun. 28 août 2017, 14:02

_______

Bonjour,

Dieu n'est pas cruel : il est juste et bon. Il est amour mais aussi lumière.


________

saperlipopette
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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par saperlipopette » lun. 28 août 2017, 19:20

mais le concept de Dieu unique et omnipotent nous rend inévitablement médiocres sur cette terre : un etre peut tout faire, les humains sont limités par les lois physiques.
Pouvez-vous préciser s'il-vous-plait?
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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par Milla » sam. 09 sept. 2017, 12:28

Merci Héraclius et axou.
Dernière modification par Milla le dim. 17 déc. 2017, 1:02, modifié 1 fois.
Dire que Dieu se détourne des méchants revient à dire que le soleil se cache des aveugles.
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ChristianK
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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par ChristianK » mar. 12 sept. 2017, 0:30

Milla a écrit :
dim. 27 août 2017, 18:06
Cher
Ce que je lis : Dieu hait les damnés et les condamne pour l'éternité à subir les châtiments les plus douloureux, sans autre objectif que de leur infliger une violente punition en les faisant souffrir au plus haut point, puisqu’aucun changement d'état n'est possible. Je ne vois aucune surabondance d'amour là-dedans, aucune miséricorde, et si c'est un don, il est bien amer. En fait, ce texte appelle justice divine ce qu'on appellerait cruauté gratuite chez un homme.
Très franchement, si j'étais catholique, je ne saurais pas quoi faire d'un texte comme celui-là (ce n'est pas le seul passage qui me heurte). L'accepter, c'est accepter que Dieu, c'est... ça. Hors de question de professer que "Dieu est amour" si on parle de quelqu'un qui abreuve de malédictions des condamnés. Le rejeter, c'est accepter que l’Église peut enseigner de façon tout à fait "officielle" des choses tout à fait fausses : pourquoi lui faire confiance sur le reste ?
C'est un vrai point de blocage sur lequel je ne me lasse pas de faire du sur-place.
c
Sur le très classique deus vindex, dieu vengeur il faut savoir qu'il s' agit d'un sens un peu ancien et technique du mot vengeance.

http://articles.wikia.com/wiki/Dieu_ven ... atholiques

Ensuite et surtout il faut se méfier du sens cucu et émotif du mot amour, qui est lui aussi analogique en Dieu. Dieu est d'abord parfait et amour du bien, qui implique justice et chatiments mérités. Pour comprendre l'enfer il faut comprendre la gravité du péché mortel, qui est autre chose que le crime civil ou l'action simplement mauvaise vue isolément.
Dieu aime le damné mais seulement d'une facon compatible avec sa justice et sa perfection. St thomas dit qu'il punit encore moins que le damné ne le mériterait.
Il faut extirper toute connotation cucu au mot amour. Charité est mieux, et encore là il faut extirper...
Religion cucu, messe à gogo, génération défroquée vont ensemble, et vers la mort

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ChristianK
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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par ChristianK » dim. 17 sept. 2017, 15:35

Milla a écrit :
mer. 09 août 2017, 21:24
Bonjour...

Mais je suis troublée par la multiplicité des confessions protestantes et toutes les questions autour de la Tradition. Je ne détaille pas plus. Alors quoi, croire en ce Dieu-là pour ne pas savoir où et avec qui approfondir cela, à qui faire confiance, et, pire, passer du temps sur cette question qui devrait rester secondaire... Cela me décourage d'avance.
Moins glorieusement, je ne
Il n'y a que 2 voies pour les questions ultimes, la philo et la religion, chacune avec sers instruments, et elles se ressemblent un peu du pt de vue ci haut, car il y a pluralité dans ces champs. On se retrouve devant une tradition philosophique, de platon à foucault, qui compte au moins 20-40 très grands noms et il faut traverser ca pour y voir clair et saisir que les différences ne sont pas aussi aaigues que prévu, le total a beaucoup de sens, au dela des différences.
Pour la religion c'est encore plus difficile (et plus facile à un autre pt de vue). Elle fonctionne par argument d'autorité et donc est accessible à tous: au lieu d'être savant, on fait confiance à quelqu'un qui l'est, un fondateur de religion ou de théologie (pour différentes églises d'une même grande branche), qu'on estime crédible (intellect compétent et volonté droite: il sait les choses et il n'est pas menteur) sur indices et signes (miracles etc.). Le revers de cette accessibilité c'est une obscurité plus grande. Voir qu'il pleut dehors est plus clair que le croire pcq un témoin me l'a dit. Alors quand des témoins se contredisent, leur crédibilité peut être dure et complexe à juger:quelle est l'église xtienne la plus authentique? Encore là il y a des signes, et ce n'est pas immensément différent de la détection de la vraie religion: pourquoi dire que l'islam est moins parfait? Pcq il est trop guerrier peut être etc.
Rappelons les 4 étapes de l'apologétique
1) théisme ou athéisme
2) si dieu existe, religion ou irréligion (intervient il dans l'histoire?)
3) s' il intervient, quelle est son intervention authentique (vraie religion ou révélation) islam, xtianisme etc.
4) si une religion est la vraie , quel groupe église la représente le mieux? Catho, protestant etc

Ps.la faiblesse du xtianisme présente dépend des pulsions animalisantes mondaines et du manque de combat contre elles. C'est en cours de correction. Etre impopulaire en période animalisante n'est pas un mauvais signe, mais un bon signe. A condition de voir l'animalisation et les animaux, et de préférence de haut...

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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par Incertain » lun. 18 sept. 2017, 16:36

Bonjour Milla et ChristianK,

je pense qu'il y a quelque chose d'incompréhensible dans la doctrine du péché mortel ; je vais vous donner un exemple :

- supposons Marc Dutroux, qui meurt sans se repentir en état de péché mortel ;

- supposons un divorcé remarié, qui meurt sans aller vers l'église et sans se confesser ni se repentir de son divorce, il est en état de péché mortel.

Le premier est un serial killer pervers, il a agi en sachant qu'il faisait le mal ; le second (supposons-le) a pris soin de ses enfants, de sa seconde femme, a travaillé dur et honnêtement toute sa vie.

Et les deux seraient dans grosso modo la même "case" du Péché Mortel ?

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans un tel amalgame. Un juge qui considérerait en gros que ces 2 personnes méritent la même peine (de dam et de sens) serait considéré comme in-sensé ; et on voudrait croire que Dieu Lui-même, parfait et omniscient, serait insensé aussi ?

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Re: Pourquoi je suis athée et le resterai sans doute

Message non lu par ChristianK » lun. 18 sept. 2017, 18:51

Réponse classique:
-il y a des degrés de péchés mortels et des degrés de peines en enfer.
-le nerf de l'argument c'est que 1er a commis des crimes civils, tandis que le second a commis une immoralité , "seulement" un péché, et nous sommes très habitués, pcq nous sommes mondains - surtout mondains animalisés depuis les 60s - à considérer le crime plus grave. Mais si on change de tribunal, le péché est effectivement un crime, aussi grave que l'autre, et il est très important de voir que l'essentiel dans le péché de dutroux n'est pas la mort et la douleur des enfants innocents mais la désobéissance et l'attaque contre dieu. D'innombrables enfants souffrent et meurent, et ce phénomène est moins grave qu'un péché mortel.

D'autre part un divorcé remarié adultérin méprise la loi divine, mais il y a des circonstances pour le péché mortel, eg.son mépris peut ne pas être explicite il peut, eg.être convaincu que son 1er mariage est nul et qu'une erreur humaine d'un tribunal canonique a été commise. Auquel cas son erreur, au cas ou c'en est une, diminue sa responsabilité, comme dans tout cas ou un agent ne sais pas exactement ce qu'il fait.

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