Série d'objections aussi intéressantes que classiques, mais assez difficiles, c'est pourquoi le sens commun et le fidèle ordinaire va plutot se rattacher à la foi plutot que d'y répondre clairement. Des réponses doivent aller au delà de la religion, en théologie, c'est à dire en religion rationalisée par des instruments philosophiques
Gop-Girafe a écrit : ↑ven. 26 juil. 2019, 12:25
Je pense qu'effectivement, aujourd'hui le concept d'enfer éternel est insupportable psychologiquement.
Surtout dans les sociétés de consommation, ce qui est plutot bon signe pour l'enfer. Même chose pour ascétisme, péché mortel etc. Tout ce qui n'est pas cucu.
La notion de ciel pour tous est bien plus absurde quand on y réfléchit sérieusement.
De plus, certains raisonnements sur le sujet me paraissent assez douteux : les péchés étant par définition temporels, il est au moins cruel de permettre un châtiment éternel pour les punir.
--Ils sont temporels mais ils offensent l'infini. Même limité dans le temps, leur intensité-gravité est infinie.
Et puis selon la Bible elle-même, ne sommes nous pas des enfants de Dieu ? Si on part de cette idée, alors l'image d'un dieu injuste se trace assez vite : quel parent mettrait son enfant au coin pour l'éternité, alors que celui-ci lui aurait mal parlé et ne se serait pas excusé avant un temps défini ?
[…] aimez Dieu votre père et si vous refusez vous vous retrouverez en enfer pour toujours. Quel parent imposerait aussi strictement son amour ? L'intérêt d'une punition est de faire s'améliorer le puni, pas de le faire souffrir pour l'éternité.
Anthropomorphisme imparfait. Il y a un aspect médicinal dans les chatiments, mais pas dans l'enfer ou la peine de mort, qui sont vindicatifs (qui visent uniquement à rétablir un équilibre, par soustraction; c'est pourquoi un condamné va rester 25 ans en prison même s'il est totalement réhabilité en 2 ans). Et même les chatiments médicinaux sont accompagnés généralement d'un aspect vindicatif.
Oui, les parentsd n'ont pas le droit de punir comme Dieu car ils ne sont pas lui, leurs droits sont limités, et leur justice.
https://articles.fandom.com/wiki/Dieu_v ... atholiques
Et puis même si on part de la racine du problème : si Dieu est omniscient, alors ça veut dire qu'il connaît nos actions et nos choix à l'avance, donc qu'il sait si nous irons en enfer ou non. Dès lors, pourquoi ne nous sauve-t-il pas, ne fait-il pas le nécessaire pour que nous fassions le bon choix ? De toute manière la chrétienté exclut au moins l'une de ses deux notions clés par pure logique : soit on a le libre arbitre et Dieu n'est pas omniscient, soit on ne l'a pas […].
Il ne peut pas faire le nécessaire pas plus qu'il ne peut faire des cercles carrés: il nous crée libres, donc faire le nécessaire doit aussi respecter la liberté de damnation.
Préscience et libre arbitre sont compatibles car Dieu ne connait pas à l'avance comme nous, mais au présent. Or connaitre au présent ne prédétermine pas.
Et même avant le problème du libre arbitre, on a encore un dilemme entre deux autres notions clés : si Dieu est à la source de tout, alors c'est aussi lui qui a créé le péché (d'ailleurs les chrétiens disent que c'est Dieu qui a créé Satan lui-même, donc là encore, soit il ne savait pas que le diable allait se révolter et entraîner beaucoup de monde à souffrir pour l'éternité, soit il le savait et l'a fait en toute connaissance de cause).
Dieu n'est à la source du péché qu'en tant qu'il est à la source de la liberté, source veut dire ici cause indirecte et pas de problème là car les parents de Hitler sont aussi "à la source" de l'holocauste, sans être blamables.
Pour Satan, même réponse: il est libre.
En réponse à ces problèmes les chrétiens modernes nous pondent des "ce n'est pas très édifiant" et des "Dieu nous a donné le libre arbitre et certains d'entre nous se sont trompé, mais sa miséricorde est grande et il faut avoir confiance en Dieu et espérer, ce qui est la seule véritable source du salut etc", donc finalement, la réponse à la question criante de l'enfer éternel n'est jamais claire, d'autant plus que c'est comme par hasard le point où les courants divergent ; il y a les conservateurs fanatiques qui nous parlent d'"hérésie protestante", laissant la question sans réponse, d'autres qui tentent d'y répondre comme ils peuvent (les universalistes par exemple), les orthodoxes qui, justement, "espèrent" et déclarent que l'homme ne peut pas tout comprendre à la logique divine, que Dieu est au-dessus de toute loi parce que c'est le créateur (Dieu userait-il de la loi du plus fort ?), qu'il faut donc lui faire confiance, car de toute façon la religion n'est pas quelque chose qui se prouve sur du papier mais l'amour éternel que l'on ne trouve que dans son coeur etc, et enfin les athées qui ont répondu à tout depuis longtemps mais dont les opinions ne sont pas encore très répandues (beaucoup de gens disons peu épanouis utilisent la religion comme thérapie ou comme solution à des problèmes quotidiens, sans essayer d'en comprendre les fondements).
Les fidèles ordinaires, pcq ils ne sontpas théologiens et pcq ces questions sont parmi les plus difficiles, ont recours à l'argument d'autorité (confiance, foi): ils croient le Xt, ou l"Eglise sur parole, ils savent (croient) qu'une chose est vraie, sans savoir (croire) pourquoi; dans le jargon on disait connaissance QUIA (que telle proposition est vraie) plutot que connaissance PROPTER QUID (pourquoi telle proposition est vraie).
Tenez un autre exemple : si Dieu est omniscient (ou du moins infiniment supérieur à nous intellectuellement parlant), alors face à lui nous sommes comme des enfants ; maintenant imaginez un enfant qui a été laissé par ses parents dans la forêt (ce que Dieu a précisément fait, si on en croit la Genèse : il les a mis face au dilemme du fruit interdit sachant à l'avance qu'Ève allait le manger et en faire prendre à Adam, alors qu'il aurait pu tout simplement retirer l'arbuste maléfique, ce qu'il n'a pas fait […]
Et puis d'ailleurs pourquoi a-t-il laissé le diable s'introduire chez lui comme ça ? Il ne pouvait pas le sortir peut-être ?
Il pouvait mais en détruisant la liberté. Supposons que ni anges ni hommes ni aucun être libre n'existe. Plus de crimes, plus de mal moral. L'univers serait il plus parfait ou plus imparfait?
C’est comme un enfant qui rencontre un monsieur qui lui propose de venir chez lui le temps qu'il contacte les services sociaux. L'enfant refuse son aide parce qu'il pense pouvoir atteindre son chez lui tout seul (il n'a pas encore compris que ses parents l'ont abandonné), puis il marche sur quelques kilomètres et comprend qu'il est perdu au milieu de nulle part. Il rentre voir l'homme de tout-à-l'heure pour lui demander de l'aide, et là on lui répond "C'est toi qui a fait le choix de partir, je ne t'ai obligé à rien, maintenant débrouilles-toi tout seul! !" L'enfant lui répond "oui mais là j'ai besoin de toi, stp aide moi !", "Non tu as fait ton choix, maintenant assume-en les conséquences!" (c'est ce qui risque de se produire supposant que l'enfer existe : on y atterrit, on comprend qu'on s'est trompé et on implore Dieu de nous en sortir ; selon les chrétiens il devrait alors nous envoyer nous faire contempler parce que nous aurions "fait notre choix"). En France, on appelle ça non-assistance à personne en danger (déjà rien que le fait que l'homme ait laissé l'enfant partir tout seul dans la forêt rentre déjà dans la NAPD (non assistance ...).
D'abord l'enfant ne s'est pas trompé pour être damné, il a commis un péché mortel en le sachant (plein consentement et délibération). S'il "pense pouvoir atteindre" par erreur d'ignorance invincible, il est soit innocent soit en péché véniel.
Meilleur exemple: un infidèle rejette Dieu sciemment pour pouvoir pécher en tuant des gens, alors qu'il avait l'occasion de faire pénitence; lorsque l'occasion est perdue et qu'il voit le jugement, il crie à l'aide. Il veut le beurre et l'argent du beurre, il veut rejeter et profiter, tout en ne voulant pas les conséquenses naturelles et le remboursement, bref il veut continuer à profiter.
Dans l'exemple, il faudrait ajouter que le monsieur a bien averti l'enfant des conséquences du choix tourné vers le mal. L'idée d'être perdu géographiquement rend la métaphore trop faible.
Bon je vous laisse sur un dernier argument-exemple. Il n'y a pas moins de 32 versets dans la bible qui parlent de la crainte qui est due à Dieu :
https://bible.knowing-jesus.com/Fran%C3 ... sultats-De
Etant donné que Dieu est généralement vu comme étant bon, je conclurai avec la très légitime question de Diogène : "qui craint le bien ?"
Crainte veut dire respect. C'est plutot la damnation qui est crainte. Le bien de l'univers peut impliquer la damnation de certains, et ils ont raison de craindre, faut distinguer les points de vue.