Dans son ouvrage Dieu en question, André Frossard répond à sa façon à certaines objections qui lui sont perpétuellement reformulées au travers du grand public qu'il a pu côtoyer.
En quatrième de couverture :
Encore :André Frossard propose sa propre réflexion, toujours pénétrante, parfois incisive et audacieuse, celle qui réhabilite le mystère, cette "nourriture naturelle de l'intelligence", et qui fait de l'acte de croire le plus grand anticonformisme de notre époque. Un livre pour les croyants inquiets et les sceptiques qui s'interrogent.
Des jeunes, des garçons et filles, élèves de terminale, ont envoyé à André Frossard plus de deux mille questions qui reviennent toujours sur : Dieu, l'Église, la Vérité, la science [...] Leurs questions, nous nous les posons tous. Elles sont de celles qui font douter les croyants et les éloignent de la foi ceux qui voudraient croire. Elles fondent le scepticisme moderne.
Extraits :
Sur Marie
Objection, votre honneur!
"Marie ?
Le temps n'est plus des excès de la mariolâtrie, qui frôlaient souvent l'adoration indue, et qui s'exprimait par la récitation mécanique d'un chapelet dépourvu de contenu spirituel bien avant le dixième grain, et par la vénération des images pieuses dont la médiocrité n'est plus à faire. On cite moins souvent Marie dans les offices, on se garde de toute exaltation intempérante de sa personne, et cette modération a fort heureusement mis fin à bien des spéculations hasardeuses sur la naissance virginale du Christ, l'Annonciation et autres vains sujets de discordes théologiques dans un monde en proie à des préoccupations infiniment plus concrètes. Maire était sainte sans doute, mais elle était d'abord une femme comme les autres, et non cet être surnaturel que la misogynie sournoise de l'Église a proposé aux femmes comme modèle, tout en sachant parfaitement qu'il était inaccessible, ainsi que la psychologie moderne et la psychanalyse l'ont démontré."
Frossard répond :
La dévotion mariale est un précieux indice de disposition à la douceur, à l'humilité, en même temps qu'un signe indubitable de cette bienveillance divine qui s'étend, certes, à tous les humains mais qui, là, est particulièrement visible. Inversement, l'animosité envers la piété mariale est un signe décisif d'inintelligence spirituelle.
On répondra aux objections :
- Que la dévotion à Marie, que certains croient déconsidérer en la qualifiant de "mariolâtrie", n'est pas le fait d'une religiosité mièvre ou débile; elle tenait une place considérable dans la spiritualité de Maximilien Kolbe, qui donna sa vie pour un autre à Auschwitz, et elle est souvent prônée par Jean-Paul II, qui n'est pas un faible, ni un sentimental apeuré.
-Que les grains du chapelet sont les grains de blé d'une moisson qui se lève ailleurs. Cette prière insistante est proche du langage répétitif de la louange, chère aux mystiques. Il est d'ailleurs un moyen très simple pour l'empêcher de tourner à l'exercice mécanique : dédiez le premier grain à une personne, et il s'en présentera aussitôt après une autre à votre esprit, puid dix, puis vingt, et le chapelet vous paraîtra non pas trop long, mais trop court, et vous aurez eu la preuve que votre prochain a grand besoin de votre prière.
-Que toutes les femmes étant médiatrices par nature, il serait étrange la Vierge Marie fût seule à ne pas l'être.
-Que l'on peut soutenir que Marie est "avant tout une femme comme les autres", à condition d'ajouter qu'aucune autre ne nous a jamais dit : "Je suis l'Immaculée Conception."
- Qu'il n'y a pas plus de misogynie inavouée à célébrer en Marie le plus grand des êtres crées qu'il n'y a de misanthropie retorse à nous inviter à suivre Jésus-Christ. Je ne sais plus quel grand médecin a dit un jour que la psychanalyse était une maladie qui se prenait pour son remède. La thèse de l'exaltation misogyne d'une femme confirme le diagnostic.
Que l'Annonciation, la naissance virginale de Jésus, etc., ne sont pas des sujets de spéculations oiseuses, mais des mystères qui éclairent toute la suite de l'Évangile. Éteignez ces lumières, et l'Évangile ne sera plus qu'un recueil de maximes et de vaines promesses. En vérité, par son acquiescement à l'Être, la Vierge Marie est une étincelante figure de l'intelligence. Elle est la seule avec Dieu à avoir prononcé ce Fiat qui a donné deux fois naissance à la lumière.