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http://trilogies.orgTrilogies en quelques mots
Qu’est-ce que le Monde ? Qu’est-ce que l’Homme ? Qu’est-ce que Dieu ? Ces trois interrogations ont, dès l’origine, travaillé l’esprit humain. Trilogies entend les revisiter et les re-lier à la lumière des grandes questions de notre temps. Dans un dialogue entre quêtes de sens contemporaines et traditions spirituelles. En contribuant à l’émergence de la nouvelle conscience et des nouveaux paradigmes dont l’humanité a urgemment besoin pour relever les défis majeurs auxquels elle est confrontée.
Un manifeste pour une foi ouverte
RELIGION. Le Vaudois Michel Maxime Egger a créé un site internet qui veut offrir une plate-forme de dialogue entre les religions.
Patricia Briel
Samedi 28 juillet 2007
Rubrique: Société
Comment vivre une foi ouverte aujourd'hui, alors que les trois monothéismes sont en proie à de redoutables convulsions fondamentalistes? Taraudé par cette question, Michel Maxime Egger, membre de l'Eglise orthodoxe et coordinateur pour la politique de développement à Alliance Sud à Lausanne, vient de créer Trilogies, un site internet qui propose un espace de réflexion et de dialogue interreligieux.
Trilogies est destiné à tous ceux qui pensent qu'avoir la foi ne se réduit pas à adhérer à un corps de doctrines ni à obéir aveuglément à une institution religieuse. Le site a pour but de développer un réseau et de tisser des ponts entre le cosmique, l'humain et le divin, afin de dépasser par la spiritualité les frontières établies par les religions et participer à l'émergence d'une nouvelle conscience. Il propose des textes de réflexion, organise des conférences et publie une newsletter. Ce tout jeune site est parrainé par des personnalités prestigieuses, comme la théologienne protestante Lytta Basset, le maître soufi Khaled Bentounès, l'historien et théologien orthodoxe Olivier Clément, le philosophe Edgar Morin, l'exégète Annick de Souzenelle ou encore le journaliste catholique Jean-Claude Guillebaud.
«L'humanité a besoin de nouveaux paradigmes pour relever les défis majeurs auxquels elle est confrontée, dit Michel Maxime Egger, qui est aussi sociologue et ancien journaliste. Nous devons changer les lunettes avec lesquelles nous voyons le monde. Trilogies veut construire un réseau de réflexion et aider les diverses traditions spirituelles à se féconder.»
Ici, on est très loin des réaffirmations autoritaires de la foi et de l'identité religieuse. Michel Maxime Egger, qui a été diacre au sein de l'Eglise orthodoxe pendant dix ans, est en contact avec de nombreux chrétiens. Le ras-le-bol à l'égard des institutions, il l'entend et le connaît. «L'homme et la femme d'aujourd'hui ne peuvent plus accepter telles quelles les formulations dogmatiques et doctrinales des religions traditionnelles, dit-il. De nombreuses personnes en quête spirituelle ont besoin d'un autre langage et s'en vont ailleurs assouvir leur soif.» A plus forte raison lorsque le Vatican publie un document controversé sur la définition de l'Eglise catholique, qui serait «la seule à être la véritable Eglise du Christ». L'ancien diacre a réagi à ce document en publiant un long commentaire sur Trilogies, avec un titre éloquent: «Quand la religion se transforme en tombeau». «Jésus a traversé les frontières entre les races et les nations, brisé les murs de séparation entre les hommes et les femmes, les adultes et les enfants, les purs et les impurs, les juifs et les non-juifs, écrit-il. Il a proclamé que si Dieu est plus grand que l'être humain, celui-ci est plus grand que la religion: «Le shabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le shabbat.» La religion, l'Eglise doit être au service de l'être humain et non l'inverse.»
Sur Trilogies aussi, un autre texte du sociologue, qui pourrait servir de manifeste pour tous les chrétiens qui ne se reconnaissent plus dans leurs Eglises: «L'ouverture de la foi, un enjeu majeur.» Pour Michel Maxime Egger, «la foi fermée tue, la foi ouverte vivifie». «Faire émerger et vivre une foi ouverte est aujourd'hui une nécessité, écrit-il. Un impératif historique dans la situation de crise sociétale et de pluralisme interculturel qui est la nôtre. Car sans une telle foi - qui s'enracine dans une tradition religieuse tout en la transcendant de l'intérieur - il ne saurait y avoir de vrai dialogue. Et sans dialogue authentique [...] l'humanité ne parviendra pas à relever les immenses défis actuels. L'enjeu de cette ouverture de la foi est donc majeur, en ces temps où les religions sont de plus en plus déconnectées du réel, travaillées par l'intégrisme, le communautarisme, le repli identitaire.»
Qu'est-ce qu'une foi ouverte? En tant que membre de l'Eglise orthodoxe, Michel Maxime Egger adhère au Credo de Nicée-Constantinople, aux dogmes des Conciles œcuméniques sur le Christ et la Trinité et aux mystères sacramentels. Mais il refuse d'absolutiser ces expressions de la foi. «Cela reviendrait à confondre la lune, Dieu en l'occurrence, avec le doigt qui la montre, dit-il. Ces expressions sont le produit de l'histoire, elles sont relatives. Dieu est au-delà de tout ce qu'on peut en dire.»
Avoir une foi ouverte, c'est ne pas identifier l'expérience de Dieu à une Eglise ou à une communauté religieuse. «C'est distinguer entre la foi et la croyance, la foi et la religion. C'est accepter qu'il n'y a pas qu'un seul chemin qui mène au divin, admettre que toutes les religions sont des chemins différents pouvant conduire à la vérité.» Benoît XVI parlerait de relativisme... «Il ne s'agit ni de syncrétisme, ni de relativisme, poursuit le sociologue. Toute foi s'exprime dans une croyance particulière. Chaque religion a son génie propre. L'enracinement dans une tradition est nécessaire, mais il doit mener à l'ouverture. Je refuse de penser que le christianisme est supérieur aux autres traditions. Il y a eu une Révélation incomparable dans le christianisme, mais le mystère de l'Incarnation n'épuise pas la vérité divine. Le principe christique, universel s'est aussi manifesté sous d'autres formes.»
Trilogies se préoccupe non seulement de spiritualité, mais aussi d'écologie et de justice. L'un de ses soucis majeurs consistera à articuler transformation spirituelle et transformation du monde. Un programme ambitieux. Une goutte d'eau dans l'océan? Michel Maxime Egger: «Boris Cyrulnik a démontré dans l'un de ses livres que les fourmis qui travaillent à la périphérie de la fourmilière sont les plus créatives. Car ce sont elles qui, en créant des ponts entre l'extérieur et l'intérieur, permettent à la fourmilière de s'adapter aux changements de l'environnement.»
http://www.trilogies.org
© Le Temps, 2007.