@Sofia
R.Dawkins n'adopte même pas une démarche rationnelle et scientifique, puisqu'il se risque à proposer une analyse... de ce qu'il avoue, ailleurs dans le livre, n'avoir pas besoin de connaître et d'étudier puisqu'il ne croit pas en dieu.
Un peu comme si je me lançais dans un exposé complètement bancal sur la mythologie égyptienne, confondant Thot avec Anubis et Seth avec Osiris, et que je répondent aux protestations en déclarant que, puisque je ne crois pas, moi, à la religion des anciens égyptiens, je n'ai pas besoin de la connaître en détail.
Et je n'exagère pas : c'est très précisément la démarche et la déclaration de Dawkins. (!)
Ainsi quand il liste les horreurs de l'ancien testament : cela perturberait ceux qui ne l'ont pas lu, ou ceux qui pensent que la Bible fourni un mode d'emploi précis de la vie et une liste des choses à faire et à ne pas faire, et qu'il convient d'imiter tous les faits et gestes des hommes dont on y lit la vie.
Mais qui raisonne ainsi ?
Vous me demandez si je ne crois pas, moi, que la Bible soit la parole de Dieu :
la parole de Dieu, pour le chrétien, c'est le Christ. La Bible est un écrit inspiré, certes. Mais, voyez, c'est tout exprès pour ça que je citais le passage des déboires de Jacob avec son beau-père Laban : est-ce "la parole de Dieu" ? Dieu a-t-il dicté, d'une voix tonnante venant des nuages, les mésaventures de Jacob essayant d'obtenir des chèvres tachetées à partir de chèvres et de boucs tous de la même couleur ?
On me répondra que c'est là une chronique, un récit de la vie des fondateurs de cette tribu, de ce peuple, et qu'on y voit, qu'on y devine, l'action de Dieu au travers des actes humains - bénédiction de Jacob à la place d'Ésaü, descendance, évolution des croyances...
Et donc voilà : Dieu est acteur de ce récit, et c'est donc en en lisant l'histoire qu'on voit Dieu à l'œuvre, mais le récit lui-même n'est pas une dictée de principes de vie à appliquer chaque jour.
(sauf si on élève des chèvres, et encore)
La critique de Dawkins sur ce point tombe donc un peu à plat. Parce qu'il ne s'est pas donné la peine de connaître les approches et les interprétations de ce texte par les différentes religions.
De même quand il essaye de nous dire que l'amour du prochain et la morale enseignée par Jésus étaient à l'origine, dans l'esprit de Jésus, une morale interne au groupe, ne concernant que les Juifs, et avait donc pour corollaire le rejet et l'hostilité envers ceux de l'extérieur : pour qui a lu les Évangiles, une telle affirmation est une aberration totale.
(si on lit bien le passage en question, on ne saurait dire d'ailleurs si Dawkins reprend bien cette idée dans l'article de Hartung, ou bien s'il extrapole, les citations qu'il fait de Hartung ne concernant que l'Ancien Testament dont on sait bien qu'il développe des lois morales tribales, internes au groupe).
Et le reste est ainsi, à l'avenant.
En fait, si on se dit "peut-être a-t-il raison ?", alors on pourra trouver une ou l'autre phrase qui pourrait appuyer une de ses affirmations. Mais c'est tout le problème : il n'y a pas d'analyse suivie, construite ; seulement des affirmations successives, juxtaposées, qui pourraient peut-être, à l'occasion, trouver une illustration dans une phrase prise à part,
mais qui ne tiennent pas une seconde quand on les confronte à la la pensée chrétienne dans son ensemble.
À force de non-raisonner de façon morcelée, par à-coups, par juxtapositions, sans suite, sans raisonnement construit,
il finit d'ailleurs par tenir des positions et des affirmations contradictoires, ou inverses.
> Quand il imagine un monde sans religion, il le dépeint sans guerres et quasiment sans inimitiés.
> Quand il est question de la beauté et de l'art, il s'empresse d'expliquer que les œuvres religieuses ne doivent rien de leur beauté à la religion, puisqu'il peut imaginer ce qu'auraient créé les mêmes artistes dans l'hypothèse où ils auraient été athées.
> ...Or, du coup, pour faire bonne mesure, il aurait dû, en toute logique, dans sa première partie, imaginer de même les guerres et inimitiés qui auraient pur se produire en l'absence de religions.
(Au passage, pour un américain, passer sous silence ET la conquête de l'Ouest, ET la guerre de Sécession, alors même que plus loin il fait l'éloge de l'esprit agnostique et du sécularisme des "pères fondateurs" des états-unis, c'est assez fort !)
> ou encore, à l'objection qu'il n'a pas pris la peine de connaître les philosophies et les religions dont il parle, répondre qu'il n'y en a pas besoin pour discuter de l'idée même de l'existence d'un créateur...
> et tout innocemment enchaîné sur une description, une analyse et une critique, des systèmes de croyances de ces différentes religions, et de leurs principes moraux.
> ...mais, s'il ne les connaît pas, comment pourrait-il en proposer une analyse ?
Il ne se rend même pas compte qu'il se recoupe.
C'est le biais principal de son livre, qui ruine complètement son propos et le ravale au rang de propos de comptoir du commerce :
aucune vue d'ensemble, aucune cohérence si on prend un peu de recul ; uniquement une juxtapositions d'attaques qui, prises successivement, pourraient se montrer convaincantes sur l'un ou l'autre membre de l'auditoire, mais qui, prises ensembles, sont contradictoires et ne forment aucun tout cohérent.
Autrement dit, son propos consiste simplement à faire feu de tout bois en espérant que l'une ou l'autre pique convainque quelques personnes (et si ce n'est pas celle-là, ce sera la suivante).
Rien de rationnel ni de scientifique là-dedans !