Édith Stein, une sainte pour notre temps

« Que le juste pratique encore la justice, et que le saint se sanctifie encore. » (Ap 22.11)
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Théophane
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Édith Stein, une sainte pour notre temps

Message non lu par Théophane » dim. 30 janv. 2005, 16:28

Bonjour à tous,
En ce jours où nous commémorons la libération des camps j’aimerais vous présenter une figure clef de l’Eglise du XXème siècle, une Sainte chère à mon cœur qui a beaucoup à nous apprendre et qui incarne à la fois les Juifs innocents persécutés par l’Allemagne nazie et l’Eglise catholique qui a su courageusement résister à un régime païen et inhumain.


Edith Stein
En cherchant la Vérité, elle trouve le Christ !

Juive, philosophe, chrétienne et religieuse, ces quatre termes résument l’itinéraire d’une vie, d’une vie toute ordinaire, marquée cependant par une recherche patiente et constante de la vérité. Cette vérité, conçue comme un principe de vie, Edith découvre que c’est Quelqu’un : le Christ Jésus, le crucifié ressuscité. Alors elle met ses pas dans les siens et se livre à Lui sans réserve.


Edith, une enfant juive (1891-1913)

Elle naît à Breslau (actuelle Wroclaw en Pologne), le 12 octobre 1891, dernière d’une famille de onze enfants. Ce jour-là, la communauté juive, à laquelle appartiennent ses parents, célèbre le Yom Kippour, jour de jeûne et de pénitence où le peuple élu reconnaît son péché et espère en la fidélité du Dieu de miséricorde.

Alors qu’elle n’a pas deux mois, son père meurt d’une insolation. Sa mère, Augusta, “une vraie mère juive”, reprend le commerce de bois de son mari, tout en s’occupant de ses enfants. Edith se souvient : Nous voyions notre mère travailler du soir au matin, et par conséquent, nous trouvions normal de n’exprimer que des désirs modestes. Elle gardera toute sa vie cette simplicité et cette modestie de son enfance.

Edith reçoit une éducation stricte et exigeante, non dénuée toutefois de chaleur et d’amour. Au contact de ses aînées, la benjamine développe sa mémoire et laisse percevoir une grande intelligence.

Pour ses six ans, elle demande comme cadeau d’anniversaire de pouvoir aller à l’école. Là, de grands horizons s’ouvrent devant elle, elle a soif de connaître, de comprendre... Là aussi elle expérimente l’injustice du fait même de son appartenance au peuple juif. Malgré tous ses efforts, elle ne peut jamais atteindre la première place, ni même recevoir un prix à cause de l’antisémitisme du directeur.

Elle est marquée, à l’âge de dix ans, par les suicides successifs de deux de ses oncles et ne semble pas trouver le réconfort de la foi, ni l’espérance nécessaire pour vivre cette épreuve. Quelques années plus tard, elle écrit : « J’ai perdu la foi de mon enfance et j’ai cessé de prier en toute conscience et de façon délibérée ». Elle n’en continue pas moins de chercher le sens de la vie. «Ma seule prière était ma soif de vérité ». Elle découvre alors les Recherches Logiques, d’Edmund Husserl, père de la phénoménologie.


Docteur Stein : la philosophe (1913-1922)

A 22 ans, Edith est frappée et séduite par la démarche d’Edmund Husserl, un simple regard posé sur les choses pour y découvrir leur vérité propre. L’œuvre de ce philosophe “Recherches logiques” la fascine et elle demande à poursuivre ses études à Göttingen où elle rencontre celui qui devient “son maître “. La phénoménologie répond à son attente. Il s’agit pour Edith, d’un exercice non seulement universitaire et intellectuel, mais d’une manière de vivre, d’une pratique qui saisit la totalité de son être. Toute sa vie, elle restera fidèle à l’ascèse rigoureuse de cette démarche de connaissance qui oblige au respect des choses et des êtres.

Elle prépare sa thèse de doctorat. Durant son élaboration, elle a été confrontée à ses limites. « Peu à peu je m’enfonçais dans un véritable désespoir. Je ne pouvais plus traverser la route sans souhaiter qu’une voiture m’écrasât. Lors des excursions, une seule idée me hantait : disparaître dans l’abîme, c’en serait fini de ma vie. ». L’accueil d’Adolph et d’Anna Reinach lui permet de traverser la crise : « Après les visites chez les Reinach, j’étais née à une vie nouvelle ».

Peu à peu, Edith découvre divers témoignages de foi tels que la prière en commun chez les fermiers catholiques, l’étude des scolastiques médiévaux et celle du “Pater” en vieil allemand.


En juillet 1916, Edith visite la cathédrale de Frankfort « Nous entrâmes quelques minutes dans la cathédrale et pendant que nous étions là, dans un respectueux silence, entra une femme avec son panier de commission, elle s’agenouilla sur un banc pour faire une brève prière. Ce fut pour moi quelque chose de totalement nouveau. Dans les synagogues ou dans les églises protestantes dans lesquelles j’étais allée, les gens ne venaient que pour les offices religieux. Mais ici arrivait n’importe qui, au milieu de ses travaux quotidiens, dans l’église vide de monde, comme pour un dialogue confidentiel. Je n’ai jamais pu oublier cela. » Edith vient de découvrir, sans le savoir encore pleinement, le mystère de la “présence réelle”.

Quelques semaines plus tard, elle soutient son doctorat à Fribourg en Brisgau et obtient son diplôme d’état avec la mention “summa cum laude”. Ce sera le seul doctorat en philosophie accordé à une femme cette année-là: elle devient l’assistante de Husserl.

En 1917, Adolph Reinach, l’ami d’Edith, meurt au front. Edith est chargée d’aider la veuve à classer les papiers du défunt. Edith craint cette visite... Devant l’attitude d’Anna, l’inattendu se produit : « Ce fut ma première rencontre avec la Croix, avec la force divine qu’elle donne à ceux qui la portent. Je vis pour la première fois l’Église née de la souffrance rédemptrice du Christ dans sa victoire sur l’aiguillon de la mort, visible devant moi. Ce fut l’instant où mon incroyance s’effondra, où mon judaïsme pâlit et le Christ étincela : le Christ dans la lumière de la Croix. » C’est le moment décisif où Edith découvre la force de vie que le Christ Jésus offre par sa Croix. Les Reinach avaient été baptisés quelques mois auparavant : A partir de cet instant, Edith devient chrétienne de cœur.

Au cours de l’été 1921, se trouvant chez son amie Hedwig Conrad-Martius, elle prend un livre dans la bibliothèque : La vie, de Sainte Thérèse d’Avila. Après sa lecture, elle murmure « Là est la vérité ». Elle a découvert ce qu’elle cherchait depuis tant d’années. Cette vérité devient une Présence au plus intime de son être : « Je rencontre dans mon être, un autre Être, qui n’est pas le mien mais qui est le fondement et le support du mien. ». Edith, qui a 30 ans, décide de recevoir le baptême.


Thérèse-Edith, la chrétienne enseignante (1922-1933)

Le 1er janvier 1922, en la fête de la Circoncision, Edith Stein, venue du judaïsme, reçoit le Baptême dans l’Église catholique avec une marraine protestante, Hedwig Conrad-Martius. Belle préfiguration de l’unité du peuple de Dieu.

Elle annonce la nouvelle à sa “vraie mère juive”... Au lieu des reproches et des cris, seules les larmes coulent. En devenant chrétienne, Edith reste profondément membre de son peuple : « Vous ne pouvez pas comprendre ce que signifie pour moi d’être fille du peuple élu, d’appartenir au Christ non seulement par des liens spirituels, mais aussi par le sang. »

Edith songe à entrer au Carmel, mais son directeur spirituel l’incite à poursuivre ses recherches philosophiques. Elle traduit saint Thomas d’Aquin et J.H. Newman tout en enseignant chez les Dominicaines de Spire. Elle marque les élèves par son silence et par son sens de la justice. Elles découvrent émerveillées « le mystère, la splendeur cachée d’une vie transformée par la foi, [...] une foi profonde parfaitement harmonisée avec une attitude de vie. » Dès son baptême, Edith vit de l’Eucharistie quotidienne ; là est sa force. « Une vie de femme pour laquelle l’amour divin doit devenir une réalité intérieure devra être une vie eucharistique ». Cette vie eucharistique entraîne Edith dans le mystère de la Rédemption. « Vivre de l’Eucharistie signifie sortir insensiblement de l’étroitesse de sa propre vie pour naître à l’immensité de la vie du Christ. »

Elle vit toute recueillie en Dieu, et cependant à l’écoute des événements. En 1933, Hitler et le National Socialisme viennent au pouvoir en Allemagne. Edith, non aryenne, n’a plus le droit d’enseigner, ni de parler.

Durant les longs moments de prière silencieuse, au pied du tabernacle, elle est entrée dans l’épaisseur du mystère de la Croix. Désormais, elle sait que « c’est la Croix du Christ qui est posée sur le peuple juif » et elle poursuit : « Ceux qui le comprenaient devaient, au nom de tous, la prendre sur eux. C’est ce que je voulais faire. »

Elle a alors une triple réaction : elle écrit au pape Pie XI pour lui demander d’écrire une encyclique qui condamne l’antisémitisme ; elle écrit les souvenirs de sa famille, La vie d’une famille juive, « car ceux qui ont grandi dans le judaïsme ont le devoir de rendre témoignage » ; elle décide enfin d’entrer au Carmel, « voilà douze ans que j’y pensais. »


Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, la Carmélite (1933-1942)

Son entrée au carmel n’est pas une fuite, mais une réponse mystique. Elle reste solidaire de son peuple : « Celui qui entre au Carmel n’est pas perdu pour les siens, il est gagné, car c’est notre vocation de nous tenir devant Dieu pour tous. ». Elle écrira plus tard : « J’ai confiance que c’est pour tous que le Seigneur a pris ma vie. Je pense souvent à la reine Esther choisie en son peuple pour le représenter devant le roi. Je suis une Esther bien pauvre et impuissante, mais le Roi qui m’a choisie est infiniment grand et miséricordieux. »

Le 14 octobre pour les premières Vêpres de la fête de sainte Thérèse d’Avila, Edith franchit la porte de clôture. Elle a tout juste 42 ans, elle a atteint le port, celui de la volonté de Dieu. Par amour du Christ Jésus, seul, pauvre et nu, elle a renoncé a tout. Elle sait que cette vie cachée, silencieuse et paisible, austère et joyeuse, porte en elle une fécondité infinie car elle est communion au mystère du Dieu Trinité.

En entrant elle déclare : « Ce ne sont pas les achèvements humains qui peuvent nous venir en aide mais la Passion du Christ, mon désir est d’y prendre part »

Paroles étonnantes et fortes qui révèlent une attitude de vie née d’un regard de foi sur l’acte dans lequel se révèle l’amour rédempteur de Dieu pour tout homme : le don que Jésus fait de Lui-même sur la Croix. Peu à peu Thérèse “bénie de la Croix” entre dans une “science” de la Croix.

Le 21 avril 1935, jour de sa profession simple, elle se sent « comme l’épouse de l’Agneau ». Lors de la rénovation de ses vœux, le 14 septembre 1936, elle ressent la présence de sa mère à ses côtés. Elle apprend quelques jours plus tard que sa mère est morte à ce moment là.

Après le déchaînement de violences de la “Nuit de Cristal”, le 9 novembre 1938, elle écrit à une amie : « Aujourd’hui je comprends beaucoup mieux ce que signifie être l’épouse de l’Agneau sous le signe de la Croix. Mais on ne pourra jamais comprendre cela à fond car c’est un mystère. »

Devant la menace grandissante, Thérèse-Bénédicte ne veut pas faire courir de risque à sa communauté ; elle part au Carmel d’Echt (Pays-Bas). Thérèse-Bénédicte de la Croix décide de s’offrir au Christ dans le mystère de la Croix « pour tous », juifs et chrétiens.

Le 26 mars 1939, dans son acte d’Offrande, elle écrit à sa Prieure : « Je prie votre Révérence, de m’autoriser à m’offrir au Cœur de Jésus, comme sacrifice de propitiation pour la paix véritable et que la domination de l’antéchrist s’écroule si possible sans une nouvelle guerre mondiale et qu’un ordre nouveau soit établi ».

Le 9 juin 1939, elle achève son testament par ces mots : « Je demande au Seigneur qu’Il accepte ma vie et ma mort, pour qu’Il soit reconnu par les siens (...) pour tous ceux que le Seigneur m’a donnés, qu’aucun d’eux ne se perde ». Mais bientôt, l’ogre nazi qui gangrène l’Europe va la rejoindre. Elle cherche à obtenir un visa pour la Suisse, mais après une lettre de l’épiscopat hollandais dénonçant les déportations et les exactions des nazis, plus de 300 religieux et religieuses d’origine juive sont arrêtés. Le 2 août, la Gestapo s’empare de sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Tout va très vite. D’abord le camp de Westerbork, puis les wagons du train qui part vers L’Est.

Après un arrêt en gare de Breslau, le convoi arrive le 9 août 1942 à Auschwitz-Birkenau II. Aucun arrivant ne sera inscrit dans le camp. Tous sont immédiatement dirigés vers les chambres à gaz ...

Juive et Chrétienne, telle est sœur Thérèse-Bénédicte de La Croix. Elle nous est donnée par Dieu pour que nous entrions dans ce mystère divin où la Nouvelle Alliance ne supprime pas la Première Alliance, où le Peuple élu subsiste aux côtés de l’Église. Elle nous invite à revivifier les racines juives qui sont les nôtres.

Thérèse-Bénédicte de la Croix nous est étonnement proche parce qu’elle a cherché un sens à sa vie, parce qu’elle a voulu « être » et « être pleinement ». Elle a connu l’angoisse, le mal de vivre, l’épreuve… Elle nous indique un chemin, une marche avec Dieu, qui peu à peu saisit la totalité de l’être pour le conduire par l’Eucharistie et par la Science de la Croix, à une vie de plus en plus pleine, à une vie donnée, à une vie offerte. « La seule chose que l’on puisse faire, c’est de vivre de plus en plus fidèlement et purement la vie que l’on a choisie, pour la présenter comme une offrande agréable en faveur de tous ceux avec qui on a des liens. »


Femme, Juive, Philosophe, Éducatrice, Carmélite, martyre... Par sa vie et ses écrits, Edith Stein a beaucoup à nous dire. A nous de l’écouter.
« Être contemplatifs au milieu du monde, en quoi cela consiste-t-il, pour nous ? La réponse tient en quelques mots : c’est voir Dieu en toute chose, avec la lumière de la foi, sous l’élan de l’amour, et avec la ferme espérance de le contempler face à face au Ciel. »
Bienheureux Álvaro del Portillo (1914-1994)

mandonnaud
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Message non lu par mandonnaud » dim. 30 janv. 2005, 17:19

je me suis converti en 1964 et déja je l'ai lue et prié avec elle, aussi ce fut une joie pour moi que sa canonisation.
mon grand pere est mort brulé a buchenwald a cause du soutien aux juifs.
merci de vos pages,

paul de LIMOGES

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Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par Théophane » mer. 09 août 2006, 12:58

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Edith Stein
En cherchant la Vérité, elle trouve le Christ !


Juive, philosophe, chrétienne et religieuse, ces quatre termes résument l’itinéraire d’une vie, d’une vie toute ordinaire, marquée cependant par une recherche patiente et constante de la vérité. Cette vérité, conçue comme un principe de vie, Edith découvre que c’est Quelqu’un : le Christ Jésus, le crucifié ressuscité. Alors elle met ses pas dans les siens et se livre à Lui sans réserve.


Edith, une enfant juive (1891-1913)

Elle naît à Breslau (actuelle Wroclaw en Pologne), le 12 octobre 1891, dernière d’une famille de onze enfants. Ce jour-là, la communauté juive, à laquelle appartiennent ses parents, célèbre le Yom Kippour, jour de jeûne et de pénitence où le peuple élu reconnaît son péché et espère en la fidélité du Dieu de miséricorde.

Alors qu’elle n’a pas deux mois, son père meurt d’une insolation. Sa mère, Augusta, “une vraie mère juive”, reprend le commerce de bois de son mari, tout en s’occupant de ses enfants. Edith se souvient : Nous voyions notre mère travailler du soir au matin, et par conséquent, nous trouvions normal de n’exprimer que des désirs modestes. Elle gardera toute sa vie cette simplicité et cette modestie de son enfance.

Edith reçoit une éducation stricte et exigeante, non dénuée toutefois de chaleur et d’amour. Au contact de ses aînées, la benjamine développe sa mémoire et laisse percevoir une grande intelligence.

Pour ses six ans, elle demande comme cadeau d’anniversaire de pouvoir aller à l’école. Là, de grands horizons s’ouvrent devant elle, elle a soif de connaître, de comprendre... Là aussi elle expérimente l’injustice du fait même de son appartenance au peuple juif. Malgré tous ses efforts, elle ne peut jamais atteindre la première place, ni même recevoir un prix à cause de l’antisémitisme du directeur.

Elle est marquée, à l’âge de dix ans, par les suicides successifs de deux de ses oncles et ne semble pas trouver le réconfort de la foi, ni l’espérance nécessaire pour vivre cette épreuve. Quelques années plus tard, elle écrit : « J’ai perdu la foi de mon enfance et j’ai cessé de prier en toute conscience et de façon délibérée ». Elle n’en continue pas moins de chercher le sens de la vie. «Ma seule prière était ma soif de vérité ». Elle découvre alors les Recherches Logiques, d’Edmund Husserl, père de la phénoménologie.


Docteur Stein : la philosophe (1913-1922)

A 22 ans, Edith est frappée et séduite par la démarche d’Edmund Husserl, un simple regard posé sur les choses pour y découvrir leur vérité propre. L’œuvre de ce philosophe “Recherches logiques” la fascine et elle demande à poursuivre ses études à Göttingen où elle rencontre celui qui devient “son maître “. La phénoménologie répond à son attente. Il s’agit pour Edith, d’un exercice non seulement universitaire et intellectuel, mais d’une manière de vivre, d’une pratique qui saisit la totalité de son être. Toute sa vie, elle restera fidèle à l’ascèse rigoureuse de cette démarche de connaissance qui oblige au respect des choses et des êtres.

Elle prépare sa thèse de doctorat. Durant son élaboration, elle a été confrontée à ses limites. « Peu à peu je m’enfonçais dans un véritable désespoir. Je ne pouvais plus traverser la route sans souhaiter qu’une voiture m’écrasât. Lors des excursions, une seule idée me hantait : disparaître dans l’abîme, c’en serait fini de ma vie. ». L’accueil d’Adolph et d’Anna Reinach lui permet de traverser la crise : « Après les visites chez les Reinach, j’étais née à une vie nouvelle ».

Peu à peu, Edith découvre divers témoignages de foi tels que la prière en commun chez les fermiers catholiques, l’étude des scolastiques médiévaux et celle du “Pater” en vieil allemand.


En juillet 1916, Edith visite la cathédrale de Frankfort « Nous entrâmes quelques minutes dans la cathédrale et pendant que nous étions là, dans un respectueux silence, entra une femme avec son panier de commission, elle s’agenouilla sur un banc pour faire une brève prière. Ce fut pour moi quelque chose de totalement nouveau. Dans les synagogues ou dans les églises protestantes dans lesquelles j’étais allée, les gens ne venaient que pour les offices religieux. Mais ici arrivait n’importe qui, au milieu de ses travaux quotidiens, dans l’église vide de monde, comme pour un dialogue confidentiel. Je n’ai jamais pu oublier cela. » Edith vient de découvrir, sans le savoir encore pleinement, le mystère de la “présence réelle”.

Quelques semaines plus tard, elle soutient son doctorat à Fribourg en Brisgau et obtient son diplôme d’état avec la mention “summa cum laude”. Ce sera le seul doctorat en philosophie accordé à une femme cette année-là: elle devient l’assistante de Husserl.

En 1917, Adolph Reinach, l’ami d’Edith, meurt au front. Edith est chargée d’aider la veuve à classer les papiers du défunt. Edith craint cette visite... Devant l’attitude d’Anna, l’inattendu se produit : « Ce fut ma première rencontre avec la Croix, avec la force divine qu’elle donne à ceux qui la portent. Je vis pour la première fois l’Église née de la souffrance rédemptrice du Christ dans sa victoire sur l’aiguillon de la mort, visible devant moi. Ce fut l’instant où mon incroyance s’effondra, où mon judaïsme pâlit et le Christ étincela : le Christ dans la lumière de la Croix. » C’est le moment décisif où Edith découvre la force de vie que le Christ Jésus offre par sa Croix. Les Reinach avaient été baptisés quelques mois auparavant : A partir de cet instant, Edith devient chrétienne de cœur.

Au cours de l’été 1921, se trouvant chez son amie Hedwig Conrad-Martius, elle prend un livre dans la bibliothèque : La vie, de Sainte Thérèse d’Avila. Après sa lecture, elle murmure « Là est la vérité ». Elle a découvert ce qu’elle cherchait depuis tant d’années. Cette vérité devient une Présence au plus intime de son être : « Je rencontre dans mon être, un autre Être, qui n’est pas le mien mais qui est le fondement et le support du mien. ». Edith, qui a 30 ans, décide de recevoir le baptême.


Thérèse-Edith, la chrétienne enseignante (1922-1933)

Le 1er janvier 1922, en la fête de la Circoncision, Edith Stein, venue du judaïsme, reçoit le Baptême dans l’Église catholique avec une marraine protestante, Hedwig Conrad-Martius. Belle préfiguration de l’unité du peuple de Dieu.

Elle annonce la nouvelle à sa “vraie mère juive”... Au lieu des reproches et des cris, seules les larmes coulent. En devenant chrétienne, Edith reste profondément membre de son peuple : « Vous ne pouvez pas comprendre ce que signifie pour moi d’être fille du peuple élu, d’appartenir au Christ non seulement par des liens spirituels, mais aussi par le sang. »

Edith songe à entrer au Carmel, mais son directeur spirituel l’incite à poursuivre ses recherches philosophiques. Elle traduit saint Thomas d’Aquin et J.H. Newman tout en enseignant chez les Dominicaines de Spire. Elle marque les élèves par son silence et par son sens de la justice. Elles découvrent émerveillées « le mystère, la splendeur cachée d’une vie transformée par la foi, [...] une foi profonde parfaitement harmonisée avec une attitude de vie. » Dès son baptême, Edith vit de l’Eucharistie quotidienne ; là est sa force. « Une vie de femme pour laquelle l’amour divin doit devenir une réalité intérieure devra être une vie eucharistique ». Cette vie eucharistique entraîne Edith dans le mystère de la Rédemption. « Vivre de l’Eucharistie signifie sortir insensiblement de l’étroitesse de sa propre vie pour naître à l’immensité de la vie du Christ. »

Elle vit toute recueillie en Dieu, et cependant à l’écoute des événements. En 1933, Hitler et le National Socialisme viennent au pouvoir en Allemagne. Edith, non aryenne, n’a plus le droit d’enseigner, ni de parler.

Durant les longs moments de prière silencieuse, au pied du tabernacle, elle est entrée dans l’épaisseur du mystère de la Croix. Désormais, elle sait que « c’est la Croix du Christ qui est posée sur le peuple juif » et elle poursuit : « Ceux qui le comprenaient devaient, au nom de tous, la prendre sur eux. C’est ce que je voulais faire. »

Elle a alors une triple réaction : elle écrit au pape Pie XI pour lui demander d’écrire une encyclique qui condamne l’antisémitisme ; elle écrit les souvenirs de sa famille, La vie d’une famille juive, « car ceux qui ont grandi dans le judaïsme ont le devoir de rendre témoignage » ; elle décide enfin d’entrer au Carmel, « voilà douze ans que j’y pensais. »


Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, la Carmélite (1933-1942)

Son entrée au carmel n’est pas une fuite, mais une réponse mystique. Elle reste solidaire de son peuple : « Celui qui entre au Carmel n’est pas perdu pour les siens, il est gagné, car c’est notre vocation de nous tenir devant Dieu pour tous. ». Elle écrira plus tard : « J’ai confiance que c’est pour tous que le Seigneur a pris ma vie. Je pense souvent à la reine Esther choisie en son peuple pour le représenter devant le roi. Je suis une Esther bien pauvre et impuissante, mais le Roi qui m’a choisie est infiniment grand et miséricordieux. »

Le 14 octobre pour les premières Vêpres de la fête de sainte Thérèse d’Avila, Edith franchit la porte de clôture. Elle a tout juste 42 ans, elle a atteint le port, celui de la volonté de Dieu. Par amour du Christ Jésus, seul, pauvre et nu, elle a renoncé a tout. Elle sait que cette vie cachée, silencieuse et paisible, austère et joyeuse, porte en elle une fécondité infinie car elle est communion au mystère du Dieu Trinité.

En entrant elle déclare : « Ce ne sont pas les achèvements humains qui peuvent nous venir en aide mais la Passion du Christ, mon désir est d’y prendre part »

Paroles étonnantes et fortes qui révèlent une attitude de vie née d’un regard de foi sur l’acte dans lequel se révèle l’amour rédempteur de Dieu pour tout homme : le don que Jésus fait de Lui-même sur la Croix. Peu à peu Thérèse “bénie de la Croix” entre dans une “science” de la Croix.

Le 21 avril 1935, jour de sa profession simple, elle se sent « comme l’épouse de l’Agneau ». Lors de la rénovation de ses vœux, le 14 septembre 1936, elle ressent la présence de sa mère à ses côtés. Elle apprend quelques jours plus tard que sa mère est morte à ce moment là.

Après le déchaînement de violences de la “Nuit de Cristal”, le 9 novembre 1938, elle écrit à une amie : « Aujourd’hui je comprends beaucoup mieux ce que signifie être l’épouse de l’Agneau sous le signe de la Croix. Mais on ne pourra jamais comprendre cela à fond car c’est un mystère. »

Devant la menace grandissante, Thérèse-Bénédicte ne veut pas faire courir de risque à sa communauté ; elle part au Carmel d’Echt (Pays-Bas). Thérèse-Bénédicte de la Croix décide de s’offrir au Christ dans le mystère de la Croix « pour tous », juifs et chrétiens.

Le 26 mars 1939, dans son acte d’Offrande, elle écrit à sa Prieure : « Je prie votre Révérence, de m’autoriser à m’offrir au Cœur de Jésus, comme sacrifice de propitiation pour la paix véritable et que la domination de l’antéchrist s’écroule si possible sans une nouvelle guerre mondiale et qu’un ordre nouveau soit établi ».

Le 9 juin 1939, elle achève son testament par ces mots : « Je demande au Seigneur qu’Il accepte ma vie et ma mort, pour qu’Il soit reconnu par les siens (...) pour tous ceux que le Seigneur m’a donnés, qu’aucun d’eux ne se perde ». Mais bientôt, l’ogre nazi qui gangrène l’Europe va la rejoindre. Elle cherche à obtenir un visa pour la Suisse, mais après une lettre de l’épiscopat hollandais dénonçant les déportations et les exactions des nazis, plus de 300 religieux et religieuses d’origine juive sont arrêtés. Le 2 août, la Gestapo s’empare de sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Tout va très vite. D’abord le camp de Westerbork, puis les wagons du train qui part vers L’Est.

Après un arrêt en gare de Breslau, le convoi arrive le 9 août 1942 à Auschwitz-Birkenau II. Aucun arrivant ne sera inscrit dans le camp. Tous sont immédiatement dirigés vers les chambres à gaz ...

Juive et Chrétienne, telle est sœur Thérèse-Bénédicte de La Croix. Elle nous est donnée par Dieu pour que nous entrions dans ce mystère divin où la Nouvelle Alliance ne supprime pas la Première Alliance, où le Peuple élu subsiste aux côtés de l’Église. Elle nous invite à revivifier les racines juives qui sont les nôtres.

Thérèse-Bénédicte de la Croix nous est étonnement proche parce qu’elle a cherché un sens à sa vie, parce qu’elle a voulu « être » et « être pleinement ». Elle a connu l’angoisse, le mal de vivre, l’épreuve… Elle nous indique un chemin, une marche avec Dieu, qui peu à peu saisit la totalité de l’être pour le conduire par l’Eucharistie et par la Science de la Croix, à une vie de plus en plus pleine, à une vie donnée, à une vie offerte. « La seule chose que l’on puisse faire, c’est de vivre de plus en plus fidèlement et purement la vie que l’on a choisie, pour la présenter comme une offrande agréable en faveur de tous ceux avec qui on a des liens. »


Femme, Juive, Philosophe, Éducatrice, Carmélite, martyre... Par sa vie et ses écrits, Edith Stein a beaucoup à nous dire. A nous de l’écouter.
« Être contemplatifs au milieu du monde, en quoi cela consiste-t-il, pour nous ? La réponse tient en quelques mots : c’est voir Dieu en toute chose, avec la lumière de la foi, sous l’élan de l’amour, et avec la ferme espérance de le contempler face à face au Ciel. »
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9 Août: Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix , Edith Stein

Message non lu par ami de la Miséricorde » mer. 08 août 2007, 22:57

Prière d'Edith Stein

A Dieu le Père,
Pour les souffrants et les défunts
Bénis l'esprit humilié de ceux
Qui sont oppressés par la souffrance,
La solitude pesante des âmes profondes,
L'être inquiet des hommes
Et la souffrance qu'une âme
N'ose confier à aucune âme sœur.
Et bénis cette bande d'exaltés ténébreux
Qui ne craignent pas le fantôme de chemins inconnus.
Bénis la détresse des hommes qui meurent en cette heure
Donne-leur, Dieu de bonté, une fin paisible, bienheureuse.
Bénis tous les cœurs ; surtout les [cœurs] affligés, Seigneur,
Aux malades donne soulagement ; aux tourmentés, la paix.
À ceux qui emportent leur amour dans la tombe, apprends-leur à oublier.
Ne laisse aucun cœur dans la peine du péché sur toute la terre.
Bénis ceux qui sont heureux, Seigneur. Garde-les sous Ta protection.
Tu ne m'as pas encore enlevé le vêtement de deuil.
Il pèse parfois lourdement sur mes épaules fatiguées
Mais si Tu donnes la force, alors je le porterai, expiant, jusqu'à la tombe.
Bénis ensuite mon sommeil, le sommeil de tous les morts.
Souviens-toi de la souffrance que Ton Fils endura pour moi dans son angoisse mortelle.
Ton Être plein de Miséricorde pour toutes les détresses humaines
Donne à tous les morts le repos dans Ta paix éternelle.


Edith Stein (Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix) Patronne de l'Europe
Source :catholique-nanterre.cef.fr

union de prière
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
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Dernière modification par ami de la Miséricorde le sam. 09 août 2008, 13:43, modifié 2 fois.

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Re: 9 Août: Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix , Edith Stein

Message non lu par ami de la Miséricorde » sam. 09 août 2008, 13:42

LA FEMME de Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix

La femme occupe une place surnaturelle dans la maternité surnaturelle de l’Église. Tout d’abord par sa maternité physique, car, pour que l’Église s’accomplisse, il est nécessaire que l’humanité se perpétue, la vie de la grâce ayant pour condition la vie naturelle.

La réalité de l’âme et du corps de la femme est construite pour la maternité naturelle, et la création de la descendance sanctifiée par le sacrement du mariage, est partie intégrante du processus vital de l’Église.

La participation de la femme à la maternité surnaturelle va cependant plus loin. Elle a la vocation de réveiller la vie de la grâce et de coopérer au développement de celle-ci dans ses enfants, si bien qu’elle représente un organe immédiat de la maternité surnaturelle de l’Eglise. Sur ce point d’ailleurs, elle n’est pas limitée à ses propres enfants. Tout d’abord, le sacrement du mariage éveille dans les époux la vocation de s’encourager mutuellement sur le chemin de la grâce. En outre, il est du devoir de la femme au foyer d’étendre sa sollicitude maternelle à tous ceux qui vivent sous sa sauvegarde.

Finalement c’est un devoir essentiellement chrétien que d’éveiller et d’encourager la vie de la foi dans les âmes, chaque fois qu’il est possible de le faire. Si, cependant, l’accomplissement de ce devoir relève tout spécialement de la vocation de la femme, c’est grâce à la place qu’elle occupe auprès du Seigneur.

L’histoire de la création plaçait la femme aux côtés de l’homme comme une compagne qui devait lui correspondre : l’un et l’autre devaient ne faire qu’un. L’épître de saint Paul aux Éphésiens compare symboliquement cette union à celle qui existe entre la tête et le corps, à celle qui existe entre le Christ et l’Église. La femme peut donc être considérée comme le symbole de l’Église. La naissance d’Ève sortie de la côte d’Adam est interprétée comme une préfiguration de la naissance de la nouvelle Ève, ce qui permet de comprendre comment Marie, mais aussi toute l’Église, est sortie du flanc ouvert du nouvel Adam. La femme qu’un mariage authentiquement chrétien, c’est à dire une indissoluble communauté de vie et d’amour, lie à son mari, représente l’Église, fiancée de Dieu.

D’une façon plus profonde encore et plus parfaite aussi, l’Église est personnellement incarnée dans la femme qui a consacré sa vie au Seigneur comme sponsa Christi et qui a contracté avec lui des liens indissolubles. Elle se tient elle-même à ses côtés ; exactement comme l’Église et comme la mère de Dieu, image première de l’Église et cellule porteuse de germe, elle collabore à son oeuvre de rédemption. Le don total de tout son être et de toute sa vie implique la volonté de vivre et d’agir avec le Christ, ce qui signifie également celle de souffrir et de mourir avec lui, de cette mort terrible d’où est issue la grâce.

Ainsi la vie de la fiancée de Dieu se transforme en maternité surnaturelle dont bénéficie toute l’humanité rachetée et peu importe qu’elle ait travaillé elle-même d’une façon immédiate pour le salut des âmes, ou bien que son seul sacrifice personnel produise des fruits de grâce dont ni elle-même ni personne n’a peut-être conscience …

[in la femme et sa destinée, ’Intégration de la femme dans le corps mystique du Christ’ (1931) pp. 126-128 (épuisé)]

Source : carmel.asso.fr

Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par coeurderoy » mer. 04 août 2010, 10:57

Bonjour Théophane : je retrouve ce post (déjà ancien) : avez-vous une bonne biographie d'Edith Stein, sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, à conseiller (je relis en ce moment l'ouvrage d'Elisabeth de Miribel) ?
J'ai trouvé, sur le net, des critiques très contradictoires du livre de Yann Moix : Mort et Vie d'Edith Stein : quelqu'un l'a-t-il lu ? Nous fêterons cette sainte carmélite dans quelques jours (9 août), et j'ai entrepris pour ma part une neuvaine en me confiant à son intercession...

http://www.youtube.com/watch?v=4ubLEQFpJNg

http://www.edithstein.fr/

Quelques images du carmel d'Echt (Pays-Bas) d'où Edith et Rosa Stein furent arrachées par la Gestapo le 2 août 1942 (traduit du néerlandais avec moult fautes d'orthographe, syntaxe, etc...) :
http://edithstein.nl/pages/home/francais.php
Dernière modification par coeurderoy le jeu. 05 août 2010, 18:47, modifié 1 fois.
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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par Théophane » mer. 04 août 2010, 20:27

Il y a quelques jours j'ai feuilleté une très belle biographie illustrée de sainte Edith Stein dans une librairie parisienne. Je ne me rappelle plus le titre mais si cela vous intéresse je peux y repasser pour noter la référence.
« Être contemplatifs au milieu du monde, en quoi cela consiste-t-il, pour nous ? La réponse tient en quelques mots : c’est voir Dieu en toute chose, avec la lumière de la foi, sous l’élan de l’amour, et avec la ferme espérance de le contempler face à face au Ciel. »
Bienheureux Álvaro del Portillo (1914-1994)

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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par coeurderoy » mer. 04 août 2010, 20:30

Bonsoir Théophane : oui, je ne dis pas non <: (ne faites pas un trop grand détour tout-de-même...) : bonne soirée et merci d'avance !
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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par Mathilde » jeu. 05 août 2010, 8:39

coeurderoy a écrit :Bonjour Théophane : je retrouve ce post (déjà ancien) : avez-vous une bonne biographie d'Edith Stein, soeur Thérèse Bénédicte de la Croix, à conseiller (je relis en ce moment l'ouvrage d'Elisabeth de Miribel) ?
J'ai trouvé, sur le net, des critiques très contradictoires du livre de Yann Moix : Mort et Vie d'Edith Stein : quelqu'un l'a-t-il lu ?
Moi!
Je vous déconseille de l'acheter si vous voulez en savoir plus sur Edith Stein.
Ce livre est vraiment...bizarre! :sonne:
J'ai été déçue! :exclamation:

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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par coeurderoy » jeu. 05 août 2010, 9:03

Merci Mathilde : je jetterai "un oeil" en bibliothèque mais éviterai donc de l'acheter... ;)
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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par coeurderoy » jeu. 05 août 2010, 14:18

5 août 1942 : Edith Stein et sa soeur Rose, arrachées trois jours plus tôt au carmel d'Echt, arrivent au camp de transit de Westerbork, le Drancy néerlandais :

Témoignage d'Etty Hillesum :

"Nous avons vécu une journée étrange lorsqu'un transport nous amena des catholiques juifs ou des juifs catholiques - comme on voudra -, nonnes et moines portant l'étoile jaune sur leur habit conventuel. Je me rappelle deux garçons, jumeaux dont le beau visage brun évoquait le ghetto et qui, plein d'une sérénité enfantine sous leur capuce, racontaient aimablement - tout au plus un peu étonnés - qu'on était venu à quatre heures et demie les arracher à l'office du matin et qu'à Amersfoort on leur avait donné du chou rouge.
Il y avait un autre religieux, encore assez jeune d'allure, qui n'avait pas quitté son couvent depuis quinze ans et se retrouvait pour la première fois dans "le monde". Je demeurai un moment à ses côtés et suivis ses regards qui erraient avec calme à travers la grande baraque où on enregistrait les nouveaux venus.
[...] Je lève les yeux vers le moine qui retrouve "le monde" pour la première fois depuis quinze ans et lui demande : "Alors, que dites-vous du monde ?" Mais le regard de l'homme en bure brune reste ferme, aimable et sans émotion, comme si tout ce qui l'entoure lui était connu et familier, et depuis longtemps.
Plus tard quelqu'un m'a raconté que, le soir même, il avait vu un groupe de religieux s'avancer dans la pénombre entre deux baraques obscures en disant leur chapelet, aussi imperturbables que s'ils avaient défilé dans le cloître de leur abbaye.
Et n'est-il pas vrai que l'on peut prier partout, dans une baraque en planches aussi bien que dans un monastère de pierre et plus généralement en tout lieu de la terre où il plaît à Dieu, en cette époque troublée, de jeter ses créatures ?"
Lettres de Westerbork. Seuil.

Témoignage de Julius Markus, commerçant juif de Cologne :

"Parmi les prisonniers qui sont arrivés le 5 août au camp, soeur Bénédicte tranchait nettement sur l'ensemble par son comportement paisible et son attitude calme. Les cris, les plaintes, l'état de surexcitation angoissée des nouveaux venus étaient indescriptibles ! Soeur Bénédicte allait parmi les femmes comme un ange de consolation, apaisant les unes, soignant les autres. Beaucoup de mères paraissaient tombées dans une sorte de prostration, voisine de la folie ; elles restaient là à gémir, comme hébétées, délaissant leurs enfants. Soeur Bénédicte s'occupa des petits enfants, elle les lava, les peigna, leur procura la nourriture et les soins indispensables. Aussi longtemps qu'elle fut dans le camp elle dispensa autour d'elle une aide si charitable qu'on en demeure tout bouleversé"
Ce commerçant rapporte qu'il lui avait demandé "Mais qu'allez-vous devenir désormais ?" Et elle avait répondu très simplement : "Jusqu'à présent j'ai pu prier et travailler, j'espère bien pouvoir continuer à travailler et à prier"
"Edith Stein 1891-1942, par une moniale française" (Elisabeth de Miribel). Seuil, la Vigne du Carmel, 1954. pp 203-204.

Westerbork :
http://www.ushmm.org/lcmedia/photo/lc/i ... /41170.jpg

départ d'un convoi de Westerbork (film tourné par les nazis et utilisé par Alain Resnais dans Nuit et Brouillard) :
http://www.youtube.com/watch?v=eGeqkODzyz8
Dernière modification par coeurderoy le jeu. 05 août 2010, 15:32, modifié 7 fois.
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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par coeurderoy » jeu. 05 août 2010, 14:24

Je découvre qu'un film italien, la Septième Demeure consacré à la vie d'Edith Stein, est sorti en 95 :

http://www.youtube.com/watch?v=--p2obqK ... re=related

http://www.youtube.com/watch?v=q4fKRKu05PE

http://www.youtube.com/watch?v=piy-9UUa ... re=related
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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par dany571 » jeu. 05 août 2010, 15:57

MERCI pour ces beaux extraits !

Personnellement, j'ai beaucoup aimé la biographie parue aux Presses de la Renaissance :
"Edith Stein, philosophe crucifiée" de Joachim Bouflet

Une autre biographie m'attire aussi : "Le vrai visage d'Edith Stein" de Fr. Pierre de la Croix (Waltraud Herbstrith)

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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par coeurderoy » jeu. 05 août 2010, 18:40

Merci pour ces pistes dany ! :)
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Re: Edith Stein, témoin du Christ et victime de la Shoah

Message non lu par coeurderoy » dim. 08 août 2010, 8:18

"après que les SS eurent donné le signal strident qui mettait fin aux entretiens avec les détenus, Mlle Ruth K... (une Ursuline arrachée au couvent de Venlo) voulut encore nous présenter son amie Carmélite. L'attitude de celle-ci nous frappa tant elle était ferme et paisible. Comme nous lui exprimions bien gauchement notre sympathie, la courageuse religieuse répondit : "Quoi qu'il arrive, je suis prête à tout. L'Enfant Jésus est ici aussi parmi nous". Elle ajouta qu'il ne fallait pas se faire de souci pour elle, qu'elle se savait entre les mains de Dieu [...] Nous avons passé la nuit à Hooghalen (du jeudi 6 au vendredi 7 août). Le lendemain matin, apercevant deux hommes sur le quai de la gare qui portaient l'étoile jaune, malgré le risque que comportait ce genre de conversation, nous les avons abordés, leur demandant s'ils venaient du camp de Hooghalen [...] ils nous assurèrent qu'un transport de nuit avait évacué tous les Juifs catholiques et les religieux du camp, vraisemblablement à destination de l'Est"

Relation de la visite au camp de Westerbork des deux jeunes gens que les Ursulines de Venlo avaient chargés de transmettre un paquet à l'une de leurs soeurs en attente de déportation.


le dernier message d'Edith Stein au couvent d'Echt :

J.M. Pax Christi Westerbork, baraque 36, 6 août 1942
"Chère Mère,
...c'est demain matin que part le premier transport vers la Silésie ou la Tchécoslovaquie. Le plus utile serait : des bas de laine, deux couvertures et, pour Rose, des sous-vêtements de laine, ainsi que tout ce qui restait de linge. Pour nous deux, des mouchoirs, des gants de toilette. Rose n'a ni brosse à dents, ni chapelet, ni crucifix. J'aimerais aussi le fascicule suivant de notre bréviaire. (Jusqu'à présent j'ai pu prier magnifiquement). Nos pièces d'identité et cartes de pain. Mille mercis et salut à toutes ! De votre révérence, l'enfant reconnaissante"

(voilà une sainte bien incarnée : chapelet et brosse à dents !)



"le diacre Laurent éleva la voix et dit : J'adore mon Dieu et c'est Lui seul que je sers, c'est pourquoi je ne crains pas vos tortures : Ma nuit n'a pas d'obscurité, tout y resplendit de lumière"

Répons de l'office de saint Laurent que l'Eglise récite le 9 août, à Matines.
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