par Cinci » mer. 12 juil. 2017, 14:30
Complément :
La mort dans l'Écriture
Il est naturel pour l'être humain, comme pour toutes les autres créatures, de mourir. Achèvement normal de l'existence, la mort n'a donc pas à être vu comme une punition. Mais est-ce bien l'enseignement de l'Écriture? Nous qui sommes habitués à faire un lien entre la mort et le péché, nous n'avons quand même pas pu inventer cela.
De fait, s'il n'est pas faux à partir de l'Écriture de relier d'une certaine façon la mort au péché ainsi que nous le développerons au point suivant on ne peut pas dire pour autant que la Bible s'exprime ainsi du début à la fin. Pour peu qu'on passe en revue certains textes bibliques plus anciens, on en arrive vite à la conclusion que, pour tous, la mort est inévitable, qu'elle paraît avoir fait partie du plan primitif de Dieu. Même pour un Abraham qui s'éteindra âgé et rassassié de jours (Gn 25,8), le couperet de la mort n'en devait pas moins tombé sur lui à un moment donné. Il n'y avait pas d'exception à ce "chemin de tout le monde" évoqué au chapitre 2, verset 2 du Premier livre des Rois.
Il ne fait aucun doute que la Bible, pour une part, se représente la mort comme le mal physique lié à la condition fragile de toute créature. Il n'est en tout cas jamais dit expressément au début de la Genèse que l'être humain aurait été crée "immortel". Marc Oraison est formel là-dessus :
"L'idée d'un temps primitif où l'être humain n'aurait pas été mortel choque réellement. Or cette idée n'est pas biblique, ni même sémitique; elle vient de la philosophie grecque."
Et notre auteur d'ajouter :
"Si l'on regarde de près le texte biblique, ce que le péché, cette attitude inaugurale de la liberté humaine dans sa signification de rupture, introduit, ce n'est pas explicitement la mort comme telle, mais la souffrance."
Par conséquent, tiré de la poussière du sol (Gn 2,7), l'être humain est appelé à revenir à cette poussière (Gn 3,19). Ayant même origine corporelle que celle des animaux et des oiseaux du ciel façonnés eux aussi du sol par Dieu (Gn 2,19), on ne peut pas s'attendre à ce que l'être humain connaisse en définitive un sort différent du leur. Qohélèt 12, 1-7, fidèle en cela à la Genèse, n'entretient d'ailleurs aucune ambiguïté à propos de la fin inéluctable de l'existence humaine :
"Souviens-toi de ton Créateur aux jours de ton adolescence, avant que viennent les jours mauvais ... et que la poussière retourne à la terre comme elle en était venue, et le souffle à Dieu qui l'avait donné."
[...]
Il suffit, quand bon lui semble, que Dieu retire le souffle, fonction du corps vivant, identique chez l'homme et l'animal, pour que l'être qui en bénéficiait retourne à la poussière originelle et expire.
La marque du péché sur la mort
S'il est vrai que, comme tout être vivant, l'être humain doit mourir tout simplement parce qu'il est crée et fini, il n'en demeure pas moins tout aussi vrai qu'une lecture judéo-chrétienne du mystère de la mort permet de voir un lien entre le péché, puissance de destruction du coeur, et la mort, puissance de destruction de la chair. Ce lien est, par exemple, clairement attesté par Paul qui nous présente la mort en Rm 6,23 comme le salaire du péché. C'est d'ailleurs précisément un verset du genre qui laisse croire à plusieurs que l'être humain ne serait pas mortel si Adam et Ève n'avaient pas péché. Or, vous le verrez à l'instant, cette affirmation de Paul se doit d'être comprise de manière correcte pour éviter toute confusion.
En effet, l'Apôtre n'est pas en train de dire à cet endroit que, sans le péché, l'être humain n'aurait jamais à mourir physiquement ou biologiquement. Pour lui, il s'agit de tout autre chose. Dans ce verset, la mort a le sens de perdition ou, si vous préférez, de fin absolue, de non-ouverture vers une "vie éternelle" après l'événement de la mort physique. C'est bien différent! Vous aurez du même coup compris que, non responsable de sa mort biologique, l'être humain le devient relativement à cette mort englobante.
Vous aurez peut-être également deviné que, sans le péché, la mort existerait, mais non comme ce qu'elle est devenue par la faute de l'homme et de la femme. Un peu comme les patriarches d'autrefois s'endormaient en paix dans la mort au terme d'une longue vie de prospérité qui faisait leur bonheur, de même, nous aussi aurions pu mourir en paix et tranquille sans cette incertitude concernant l'après-mort, sans cette peur du jugement de Dieu qui se rattache inévitablement au péché. L'exégète Pierre Grelot ne dit pas autre chose :
Le même processus de dissolution organique se serait présenté dans des conditions toutes différentes, si la vie familiale d'amitié avec Dieu, liée à la justice originelle, en avait institué le cadre et éclairé la finalité ultra-terrestre. Ici l'intuition poétique de Péguy se montre beaucoup plus réaliste que les constructions compliquées des théologiens médiévaux :"Ce qui depuis ce jour est devenu la mort n'était qu'un naturel et tranquille départ." (Ève) Par l'entrée du péché dans le monde, ce départ a changé de sens et revêtu des modalités "contre nature". Si les choses avaient tournées autrement, sans doute ce départ nécessaire aurait-il eu le caractère d'une ultime mutation, où l'être corporel et animal de l'homme aurait revêtu un mode nouveau d'existence, (Pierre Grelot, Réflexions sur le problème du péché originel, Tournai, coll. "Cahiers de l'actualité religieuse", no 24, 1968, p. 114)
Complément :
[color=#0000FF][b]La mort dans l'Écriture
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Il est naturel pour l'être humain, comme pour toutes les autres créatures, de mourir. Achèvement normal de l'existence, la mort n'a donc pas à être vu comme une punition. Mais est-ce bien l'enseignement de l'Écriture? Nous qui sommes habitués à faire un lien entre la mort et le péché, nous n'avons quand même pas pu inventer cela.
De fait, s'il n'est pas faux à partir de l'Écriture de relier d'une certaine façon la mort au péché ainsi que nous le développerons au point suivant on ne peut pas dire pour autant que la Bible s'exprime ainsi du début à la fin. Pour peu qu'on passe en revue certains textes bibliques plus anciens, on en arrive vite à la conclusion que, pour tous, la mort est inévitable, qu'elle paraît avoir fait partie du plan primitif de Dieu. Même pour un Abraham qui s'éteindra âgé et rassassié de jours (Gn 25,8), le couperet de la mort n'en devait pas moins tombé sur lui à un moment donné. Il n'y avait pas d'exception à ce "chemin de tout le monde" évoqué au chapitre 2, verset 2 du Premier livre des Rois.
Il ne fait aucun doute que la Bible, pour une part, se représente la mort comme le mal physique lié à la condition fragile de toute créature. Il n'est en tout cas jamais dit expressément au début de la Genèse que l'être humain aurait été crée "immortel". [b]Marc Oraison[/b] est formel là-dessus :
[size=85] "L'idée d'un temps primitif où l'être humain n'aurait pas été [i]mortel[/i] choque réellement. Or cette idée n'est pas biblique, ni même sémitique; elle vient de la philosophie grecque."
[/size]
Et notre auteur d'ajouter :
[size=85] "Si l'on regarde de près le texte biblique, ce que le péché, cette attitude inaugurale de la liberté humaine dans sa signification de rupture, introduit, ce n'est pas explicitement la mort comme telle, [i]mais la souffrance[/i]."
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Par conséquent, tiré de la poussière du sol (Gn 2,7), l'être humain est appelé à revenir à cette poussière (Gn 3,19). Ayant même origine corporelle que celle des animaux et des oiseaux du ciel façonnés eux aussi du sol par Dieu (Gn 2,19), on ne peut pas s'attendre à ce que l'être humain connaisse en définitive un sort différent du leur. Qohélèt 12, 1-7, fidèle en cela à la Genèse, n'entretient d'ailleurs aucune ambiguïté à propos de la fin inéluctable de l'existence humaine :
[i]"Souviens-toi de ton Créateur aux jours de ton adolescence, avant que viennent les jours mauvais ... et que la poussière retourne à la terre comme elle en était venue, et le souffle à Dieu qui l'avait donné."
[/i]
[...]
Il suffit, quand bon lui semble, que Dieu retire le souffle, fonction du corps vivant, identique chez l'homme et l'animal, pour que l'être qui en bénéficiait retourne à la poussière originelle et expire.
[b]La marque du péché sur la mort
[/b]
S'il est vrai que, comme tout être vivant, l'être humain doit mourir tout simplement parce qu'il est crée et fini, il n'en demeure pas moins tout aussi vrai qu'une lecture judéo-chrétienne du mystère de la mort permet de voir un lien entre le péché, puissance de destruction du coeur, et la mort, puissance de destruction de la chair. Ce lien est, par exemple, clairement attesté par Paul qui nous présente la mort en Rm 6,23 comme le salaire du péché. C'est d'ailleurs précisément un verset du genre qui laisse croire à plusieurs que l'être humain ne serait pas mortel si Adam et Ève n'avaient pas péché. Or, vous le verrez à l'instant, cette affirmation de Paul se doit d'être comprise de manière correcte pour éviter toute confusion.
En effet, l'Apôtre n'est pas en train de dire à cet endroit que, sans le péché, l'être humain n'aurait jamais à mourir physiquement ou biologiquement. Pour lui, il s'agit de tout autre chose. Dans ce verset, la mort a le sens de [i]perdition[/i] ou, si vous préférez, de fin absolue, de non-ouverture vers une "vie éternelle" après l'événement de la mort physique. C'est bien différent! Vous aurez du même coup compris que, non responsable de sa mort biologique, l'être humain le devient relativement à cette mort englobante.
Vous aurez peut-être également deviné que, sans le péché, la mort existerait, mais non comme ce qu'elle est devenue par la faute de l'homme et de la femme. Un peu comme les patriarches d'autrefois s'endormaient en paix dans la mort au terme d'une longue vie de prospérité qui faisait leur bonheur, de même, nous aussi aurions pu mourir en paix et tranquille sans cette incertitude concernant l'après-mort, sans cette peur du jugement de Dieu qui se rattache inévitablement au péché. L'exégète [b]Pierre Grelot[/b] ne dit pas autre chose :
[size=85]Le même processus de dissolution organique se serait présenté dans des conditions toutes différentes, si la vie familiale d'amitié avec Dieu, liée à la justice originelle, en avait institué le cadre et éclairé la finalité ultra-terrestre. Ici l'intuition poétique de Péguy se montre beaucoup plus réaliste que les constructions compliquées des théologiens médiévaux :"Ce qui depuis ce jour est devenu la mort n'était qu'un naturel et tranquille départ." (Ève) Par l'entrée du péché dans le monde, ce départ a changé de sens et revêtu des modalités "contre nature". Si les choses avaient tournées autrement, sans doute ce départ nécessaire aurait-il eu le caractère d'une ultime mutation, où l'être corporel et animal de l'homme aurait revêtu un mode nouveau d'existence, ([b]Pierre Grelot[/b], [i]Réflexions sur le problème du péché originel[/i], Tournai, coll. "Cahiers de l'actualité religieuse", no 24, 1968, p. 114) [/size] [/color]