par Cinci » mar. 23 févr. 2016, 4:27
Je poursuis ici le petit exposé sur l'Apocalypse de Jean et sur la base de ce qu'un auteur assez original peut comprendre du texte. C'est toujours le même ouvrage essentiellement soit L'Apocalypse maintenant.
Cette fois, l'auteur explique de quelle façon comprendre le fameux enchaînement de Satan. Il faudra remiser encore une fois les scénarios futuristes.
Voici :
«Le chapitre 20 commence par la vision d'un ange qui descend du ciel portant une lourde chaîne, puis qui saisit Satan, le lie et l'enferme dans l'abîme pour mille ans. Des représentations analogues existent en différentes cultures, mais Jean les trouvait, sans chercher loin, dans sa propre tradition. On lit par exemple chez Isaïe que les adversaires célestes et terrestres de YHWH sont pris et enfermés dans une fosse en attendant leur châtiment définitif (Isaïe 24,21); chez Ezéchiel revient l'idée que Dieu précipitera ses ennemis dans l'abîme du schéol (Ez 28,2; 31,15; surtout 32,17).
Ce qui compte, ce n'est pas tant de découvrir à quelle source l'auteur a puisé le motif littéraire de l'enchaînement de Satan, mais de comprendre quelle vérité il vise à travers cette image. Pour cela, il faut déterminer au préalable quand se passent les événements qu'il décrit. De l'Antiquité à nos jours, les interprètes millénaristes ont affirmé que l'enchaînement de Satan et le règne millénaire du Christ se situent à la fin des temps. A cette lecture s'est opposée, également depuis l'Antiquité, une interprétation spiritualiste ou symbolique, selon laquelle ces événements se passent au cours de l'histoire de l'Église, entre la résurrection de Jésus et la fin du monde.
Notre lecture de l'Apocalypse nous porte à exclure l'une et l'autre de ces interprétations. Selon la perspective de Jean, le plan du salut culmine dans l'événement pascal. Dès lors, quand son texte présente une succession de faits qui va vers leur terme, tous ces faits se déroulent nécessairement avant ce terme, avant donc la mort et la résurrection de Jésus. Cela vaut aussi pour ce qui est décrit au chapitre 20.
Notre conception s'appuie sur l'analyse des données textuelles. A ce propos de l'enchaînement de Satan, l'auteur met en évidence que c'est un «ange» qui le lie (20,1-3) Or, Jean considère les anges comme les représentants et les médiateurs de l'économie ancienne; s'il précise que c'est un ange qui saisit, qui enchaîne et qui enferme Satan, cela signifie que cet épisode appartient à la phase initiale. Un détail confirme que l'enchaînement de Satan et le règne millénaire qui lui est contemporain précèdent la venue du Christ : outre la chaîne, l'ange tient à la main la clef qui ferme la porte de l'abîme. Selon la Ve trompette, cette clé avait été remise à Satan tombé du ciel sur la terre (9,1); et dans la vision du chapitre 1 le Christ dit solennellement qu'il détient les clefs de la mort et de l'Hadès (1,18) Y a-t-il entre ces données un lien, une succession, et de quelle sorte?
Ces questions sont fondées seulement si l'on estime que la composition du livre est cohérente. Selon la logique rigoureuse qui à notre avis est la sienne, la vision du Christ ressuscité détenant les clefs de la mort et de l'Hadès représente de tout de évidence l'Issue ultime. Il n'est pas pensable que les clefs détenues par le Christ passent en d'autres mains; «n'est-il pas celui qui ouvre et personne ne ferme, Celui qui ferme et personne n'ouvre» (3,7)? Mais la porte de l'abîme que l'ange ferme sur Satan doit être rouverte pour le laisser sortir (20, 3-7). La situation décrite au chapitre 20 (l'ange qui enchaîne et verrouille Satan dans l'abîme) est donc la situation initiale. La délivrance inchoactive de Satan qui est esquissée dans la Ve trompette (9,1-3) se place alors à mi-chemin entre son enfermement en 20,2 et la phase présentée au chapitre 1, où le Christ est ressuscité et victorieux.
D'autres éléments du texte qui raconte l'enchaînement de Satan doivent retenir l'attention. Cette scène, loin d'être tout à fait inattendue, a été préparée par d'autres semblables, Au chapitre 14, avant l'apparition du Fils d'homme sur la nuée blanche, l'annonce des anges est centrée sur le jugement divin et la chute de Babylone (14, 7-13). Au début du chapitre 18, un autre ange déclare que Babylone est effectivement tombée. Les paroles de ces anges se réfèrent, nous l'avons dit, à la victoire finale que Jésus, le Messie, doit remporter sur les forces du mal (le dragon et les deux bêtes). Mais il est clair aussi qu'elles se réfèrent à quelque chose qui a eu lieu : la chute de Babylone.
Au chapitre 18, l'ange qui descend du ciel - notons cette autre analogie avec l'ange qui lie Satan - pour annoncer la ruine de Babylone se présente en vainqueur, entouré d'attributs divins. Un autre ange était descendu du ciel, celui qui apportait le petit livre ouvert (10,1) : lui aussi avait des attributs divins, et il avait posé les pieds sur la terre et sur la mer en signe de domination (10,5) Est-il absurde de penser que ces visions sont reliées entre elles et avec la scène du chapitre 20 par une seule et même signification symbolique? Elles évoquent toutes une victoire sur Satan remportée par les anges.
(à suivre)
Je poursuis ici le petit exposé sur l'Apocalypse de Jean et sur la base de ce qu'un auteur assez original peut comprendre du texte. C'est toujours le même ouvrage essentiellement soit [i]L'Apocalypse maintenant[/i].
Cette fois, l'auteur explique de quelle façon comprendre le fameux enchaînement de Satan. Il faudra remiser encore une fois les scénarios futuristes.
Voici :
[color=#0000BF]«Le chapitre 20 commence par la vision d'un ange qui descend du ciel portant une lourde chaîne, puis qui saisit Satan, le lie et l'enferme dans l'abîme pour mille ans. Des représentations analogues existent en différentes cultures, mais Jean les trouvait, sans chercher loin, dans sa propre tradition. On lit par exemple chez Isaïe que les adversaires célestes et terrestres de YHWH sont pris et enfermés dans une fosse en attendant leur châtiment définitif (Isaïe 24,21); chez Ezéchiel revient l'idée que Dieu précipitera ses ennemis dans l'abîme du schéol (Ez 28,2; 31,15; surtout 32,17).
Ce qui compte, ce n'est pas tant de découvrir à quelle source l'auteur a puisé le motif littéraire de l'enchaînement de Satan, mais de comprendre quelle vérité il vise à travers cette image. Pour cela, il faut déterminer au préalable quand se passent les événements qu'il décrit. De l'Antiquité à nos jours, les interprètes millénaristes ont affirmé que l'enchaînement de Satan et le règne millénaire du Christ se situent à la fin des temps. A cette lecture s'est opposée, également depuis l'Antiquité, une interprétation spiritualiste ou symbolique, selon laquelle ces événements se passent au cours de l'histoire de l'Église, entre la résurrection de Jésus et la fin du monde.
Notre lecture de l'Apocalypse nous porte à exclure l'une et l'autre de ces interprétations. Selon la perspective de Jean, le plan du salut culmine dans l'événement pascal. Dès lors, quand son texte présente une succession de faits qui va vers leur terme, tous ces faits se déroulent nécessairement avant ce terme, avant donc la mort et la résurrection de Jésus. Cela vaut aussi pour ce qui est décrit au chapitre 20.
Notre conception s'appuie sur l'analyse des données textuelles. A ce propos de l'enchaînement de Satan, l'auteur met en évidence que c'est un «ange» qui le lie (20,1-3) Or, Jean considère les anges comme les représentants et les médiateurs de l'économie ancienne; s'il précise que c'est un ange qui saisit, qui enchaîne et qui enferme Satan, cela signifie que cet épisode appartient à la phase initiale. Un détail confirme que l'enchaînement de Satan et le règne millénaire qui lui est contemporain précèdent la venue du Christ : outre la chaîne, l'ange tient à la main la clef qui ferme la porte de l'abîme. Selon la Ve trompette, cette clé avait été remise à Satan tombé du ciel sur la terre (9,1); et dans la vision du chapitre 1 le Christ dit solennellement qu'il détient les clefs de la mort et de l'Hadès (1,18) Y a-t-il entre ces données un lien, une succession, et de quelle sorte?
Ces questions sont fondées seulement si l'on estime que la composition du livre est cohérente. Selon la logique rigoureuse qui à notre avis est la sienne, la vision du Christ ressuscité détenant les clefs de la mort et de l'Hadès représente de tout de évidence l'Issue ultime. Il n'est pas pensable que les clefs détenues par le Christ passent en d'autres mains; «n'est-il pas celui qui ouvre et personne ne ferme, Celui qui ferme et personne n'ouvre» (3,7)? Mais la porte de l'abîme que l'ange ferme sur Satan doit être rouverte pour le laisser sortir (20, 3-7). La situation décrite au chapitre 20 (l'ange qui enchaîne et verrouille Satan dans l'abîme) est donc la situation initiale. La délivrance inchoactive de Satan qui est esquissée dans la Ve trompette (9,1-3) se place alors à mi-chemin entre son enfermement en 20,2 et la phase présentée au chapitre 1, où le Christ est ressuscité et victorieux.
D'autres éléments du texte qui raconte l'enchaînement de Satan doivent retenir l'attention. Cette scène, loin d'être tout à fait inattendue, a été préparée par d'autres semblables, Au chapitre 14, avant l'apparition du Fils d'homme sur la nuée blanche, l'annonce des anges est centrée sur le jugement divin et la chute de Babylone (14, 7-13). Au début du chapitre 18, un autre ange déclare que Babylone est effectivement tombée. Les paroles de ces anges se réfèrent, nous l'avons dit, à la victoire finale que Jésus, le Messie, doit remporter sur les forces du mal (le dragon et les deux bêtes). Mais il est clair aussi qu'elles se réfèrent à quelque chose qui a eu lieu : la chute de Babylone.
Au chapitre 18, l'ange qui descend du ciel - notons cette autre analogie avec l'ange qui lie Satan - pour annoncer la ruine de Babylone se présente en vainqueur, entouré d'attributs divins. Un autre ange était descendu du ciel, celui qui apportait le petit livre ouvert (10,1) : lui aussi avait des attributs divins, et il avait posé les pieds sur la terre et sur la mer en signe de domination (10,5) Est-il absurde de penser que ces visions sont reliées entre elles et avec la scène du chapitre 20 par une seule et même signification symbolique? Elles évoquent toutes une victoire sur Satan remportée par les anges.
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(à suivre)