par zelie » jeu. 24 mai 2018, 22:20
Cher Jean Renaud,
votre réponse appelle quand même à la réflexion : vous estimez qu'un seul péché mortel peut entrainer en enfer. C'est sur ce point que vous appelez la discussion de vos voeux ; pour moi, je ne conteste pas votre point de vue en substance, je regrette juste le manque de nuance.
Cinci nous explique que selon le Curé d'Ars et le CEC, le péché ne tient pas uniquement à l'extérieur (l'acte fait) mais beaucoup plus à l'intention claire qui le précède : la pleine connaissance et conscience, la volonté complètement libre et active pour accueillir le péché, l’impénitence (faite de rébellion et de persistance). Si je comprends bien la pensée de St JM Vianney, on retombe là exactement dans le schéma qui a précipité Lucifer en enfer, et où effectivement, un seul péché, mais accueilli et couvé puis mis en acte, "a suffi" pour signer contre lui un décret éternel. Le péché de Lucifer est un péché de rébellion totale: de désobéïssance et de haine, d'orgueil et d'envie, pleinement accueilli, couvé, mis en oeuvre par quelqu'un absolument déterminé, et qui ne changerait jamais d'avis. Je pense, d'après le peu que j'ai pu lire sur ce genre de question, que Dieu a respecté la volonté libre de son désormais ex-ange de poursuivre sa route en "l'absence" du Père. Ce sont à la fois la décision de l'ex-ange et sa détermination à fixer son comportement désormais pour ne plus jamais revenir à Dieu, en pleine volonté et conscience, qui ont de fait signé sa "mise à l'écart" en un "lieu/état/je ne sais quoi" d'où Dieu serait "absent", soit ce qu'on appelle aujourd'hui l'enfer. Dieu restait ainsi en harmonie avec ses règles, où Il ne violente jamais la liberté de ses créatures, et où cette mise à l'écart Lui permettait de séparer les fidèles promis au Paradis, de cet "endroit", où Lucifer a choisi de continuer à exister.
C'est vrai que là, l'exemple d'un seul péché qui induit l'envoi en enfer est irréfutable. Mais Lucifer dans l'intelligence du péché et dans sa détermination, avait mis en jeu des capacités qui ne sont pas celles des hommes, bien plus bêtes et aptes à se faire berner par tout ce qui brille.
La discussion que je veux amener avec vous, c'est la suivante: qui, ici, sur cette terre, peut décréter qu'un acte extérieur, même grave, amènera en enfer? Dire "tromper sa femme" va t'amener en enfer à quelqu'un, n'est-ce pas se prendre pour Dieu? Car effectivement, qui, à part Dieu, peut sonder avec exactitude l'âme qui va se présenter à Lui et statuer sur la libre volonté, la pleine connaissance et conscience, l'accueil complet de la sensualité du corps, de l'esprit et de l'âme, tout cela dans un esprit d'impénitence et de rébellion? Dismas sur sa croix, bien que grand pécheur, car à l'époque les larrons ne faisaient pas que détrousser, ils tuaient aussi, a regretté au dernier moment de sa vie et s'est vu sauvé par son acte de reconnaissance de l'innocence et de la divinité de Jésus. Si "le décret éternel" avait dû être signé à son premier péché mortel, aurait-il pu être sauvé in extremis? Vous me le dites vous-mêmes, tant que la vie dure, l'espérance dure, car nous savons que le Purgatoire existe et que nous irons pour expier tous nos défauts, si entre temps nous ne nous sommes pas rebellés en toute conscience envers Dieu.
Après, j'entends tout à fait le volet selon lequel Dieu a donné des règles dans Ses Evangiles et que les connaître et ne pas les suivre peut constituer un premier pas dans la rébellion et que ce n'est pas bon pour notre âme, et qu'une fois peut suffire pour nous mettre en danger de perdition. Pour certaines personnes, un acte apparemment assez anodin peut-il signer une condamnation là où pour une autre personne un même acte ne signera qu'un séjour en Purgatoire?
Mais ce n'est pas à vous que je vais refaire le catéchisme sur la Miséricorde Divine et la faiblesse de l'homme, son manque de jugement et d'anticipation, sa bêtise et son manque de hauteur. Si vous aviez devant vous un enfant de deux ans, qui n'a aucune idée de la notion de propriété, s'emparer du jouet de votre fille et ne pas vouloir le rendre (parce qu'il le trouve beau), je pense qu'en bon père de famille, il ne vous viendrait pas à l'idée d'accuser ce très jeune enfant de vol et de lui mettre l'estocade. Je pense qu'il tomberait sous le sens que gentiment et patiemment, vous lui expliqueriez qu'il faut rendre l'objet etc. Si vous voyez le même geste d'un adulte, je comprends que là vous le fusilliez du regard.
Eh bien voilà, pour moi, la Miséricorde Divine s'exprime ainsi; tant que le Père du Ciel voit en nous un enfant dans la spiritualité, pas exactement complètement conscient de ses actes, ou si la chute est consommée suivie d'un repentir, même maladroit, ou encore la capacité en nous de revenir à de meilleurs sentiments si le repentir tarde un peu, il nous garde toute Sa Patience et Son Amour, comme on l'aurait pour n'importe quel enfant. Voyez-vous, si Dieu est Miséricorde, Amour et Harmonie, Justice et Paix, alors c'est la consommation totale, par chaque pôle de notre être (âme, corps, esprit) d'une rébellion absolue qui nous pousse à renier Dieu. Et c'est Dieu, qui renié pour toujours, entérine notre décision et nous laisse aller loin de Lui pour ne pas violenter Sa Règle de respecter la liberté de l'Homme, qui nous amène en enfer.
Comment un Père de Miséricorde pourrait-il nous pousser en enfer, même qu'un tout petit peu ? Et ne pas tout endurer et patiemment nous donner chances sur chances pour nous sauver, surtout après nous l'avoir bien fait comprendre en venant vivre la vie de renoncement qu'Il est venu vivre ?
Il y a un autre aspect qu'on oublie souvent quand la discussion glisse sur le péché mortel. Vivre avec la crainte qu'un péché nous envoie en enfer, ça peut être une façon de fonctionner. Mais si nous étions des chrétiens en toute vérité, ce n'est pas cela qui devrait nous émouvoir et nous faire bouger pour progresser spirituellement. Le péché blesse Dieu, certes, mais l'absence de repentir le blesse encore bien plus. L'absence de repentir vient quand on a réalisé que l'on a péché, mais qu'on estime qu'on a pas à regretter, s'excuser, réparer. C'est un moment où, bien plus qu'au moment où on a chuté dans la faute, on a conscience de notre péché, et on ne le regrette pas. Là est le début de la rébellion, là est le début du travail de deuil de notre âme qu'on impose avec violence à Dieu, avec haine devrais-je dire. Et là devrait naître une immense componction, un refus absolu de "gifler" Dieu, de "retourner le couteau dans la plaie" envers Dieu; car c'est cela qui est intolérable dans le péché et la rébellion; c'est d'infliger une souffrance à ce Père que l'on dit tant aimer, pas tant de faire en conscience et liberté ce qu'on a envie de faire de nos âmes.
Cher Jean Renaud,
votre réponse appelle quand même à la réflexion : vous estimez qu'un seul péché mortel peut entrainer en enfer. C'est sur ce point que vous appelez la discussion de vos voeux ; pour moi, je ne conteste pas votre point de vue en substance, je regrette juste le manque de nuance.
Cinci nous explique que selon le Curé d'Ars et le CEC, le péché ne tient pas uniquement à l'extérieur (l'acte fait) mais beaucoup plus à l'intention claire qui le précède : la pleine connaissance et conscience, la volonté complètement libre et active pour accueillir le péché, l’impénitence (faite de rébellion et de persistance). Si je comprends bien la pensée de St JM Vianney, on retombe là exactement dans le schéma qui a précipité Lucifer en enfer, et où effectivement, un seul péché, mais accueilli et couvé puis mis en acte, "a suffi" pour signer contre lui un décret éternel. Le péché de Lucifer est un péché de rébellion totale: de désobéïssance et de haine, d'orgueil et d'envie, pleinement accueilli, couvé, mis en oeuvre par quelqu'un absolument déterminé, et qui ne changerait jamais d'avis. Je pense, d'après le peu que j'ai pu lire sur ce genre de question, que Dieu a respecté la volonté libre de son désormais ex-ange de poursuivre sa route en "l'absence" du Père. Ce sont à la fois la décision de l'ex-ange et sa détermination à fixer son comportement désormais pour ne plus jamais revenir à Dieu, en pleine volonté et conscience, qui ont de fait signé sa "mise à l'écart" en un "lieu/état/je ne sais quoi" d'où Dieu serait "absent", soit ce qu'on appelle aujourd'hui l'enfer. Dieu restait ainsi en harmonie avec ses règles, où Il ne violente jamais la liberté de ses créatures, et où cette mise à l'écart Lui permettait de séparer les fidèles promis au Paradis, de cet "endroit", où Lucifer a choisi de continuer à exister.
C'est vrai que là, l'exemple d'un seul péché qui induit l'envoi en enfer est irréfutable. Mais Lucifer dans l'intelligence du péché et dans sa détermination, avait mis en jeu des capacités qui ne sont pas celles des hommes, bien plus bêtes et aptes à se faire berner par tout ce qui brille.
La discussion que je veux amener avec vous, c'est la suivante: qui, ici, sur cette terre, peut décréter qu'un acte extérieur, même grave, amènera en enfer? Dire "tromper sa femme" va t'amener en enfer à quelqu'un, n'est-ce pas se prendre pour Dieu? Car effectivement, qui, à part Dieu, peut sonder avec exactitude l'âme qui va se présenter à Lui et statuer sur la libre volonté, la pleine connaissance et conscience, l'accueil complet de la sensualité du corps, de l'esprit et de l'âme, tout cela dans un esprit d'impénitence et de rébellion? Dismas sur sa croix, bien que grand pécheur, car à l'époque les larrons ne faisaient pas que détrousser, ils tuaient aussi, a regretté au dernier moment de sa vie et s'est vu sauvé par son acte de reconnaissance de l'innocence et de la divinité de Jésus. Si "le décret éternel" avait dû être signé à son premier péché mortel, aurait-il pu être sauvé in extremis? Vous me le dites vous-mêmes, tant que la vie dure, l'espérance dure, car nous savons que le Purgatoire existe et que nous irons pour expier tous nos défauts, si entre temps nous ne nous sommes pas rebellés en toute conscience envers Dieu.
Après, j'entends tout à fait le volet selon lequel Dieu a donné des règles dans Ses Evangiles et que les connaître et ne pas les suivre peut constituer un premier pas dans la rébellion et que ce n'est pas bon pour notre âme, et qu'une fois peut suffire pour nous mettre en danger de perdition. Pour certaines personnes, un acte apparemment assez anodin peut-il signer une condamnation là où pour une autre personne un même acte ne signera qu'un séjour en Purgatoire?
Mais ce n'est pas à vous que je vais refaire le catéchisme sur la Miséricorde Divine et la faiblesse de l'homme, son manque de jugement et d'anticipation, sa bêtise et son manque de hauteur. Si vous aviez devant vous un enfant de deux ans, qui n'a aucune idée de la notion de propriété, s'emparer du jouet de votre fille et ne pas vouloir le rendre (parce qu'il le trouve beau), je pense qu'en bon père de famille, il ne vous viendrait pas à l'idée d'accuser ce très jeune enfant de vol et de lui mettre l'estocade. Je pense qu'il tomberait sous le sens que gentiment et patiemment, vous lui expliqueriez qu'il faut rendre l'objet etc. Si vous voyez le même geste d'un adulte, je comprends que là vous le fusilliez du regard.
Eh bien voilà, pour moi, la Miséricorde Divine s'exprime ainsi; tant que le Père du Ciel voit en nous un enfant dans la spiritualité, pas exactement complètement conscient de ses actes, ou si la chute est consommée suivie d'un repentir, même maladroit, ou encore la capacité en nous de revenir à de meilleurs sentiments si le repentir tarde un peu, il nous garde toute Sa Patience et Son Amour, comme on l'aurait pour n'importe quel enfant. Voyez-vous, si Dieu est Miséricorde, Amour et Harmonie, Justice et Paix, alors c'est la consommation totale, par chaque pôle de notre être (âme, corps, esprit) d'une rébellion absolue qui nous pousse à renier Dieu. Et c'est Dieu, qui renié pour toujours, entérine notre décision et nous laisse aller loin de Lui pour ne pas violenter Sa Règle de respecter la liberté de l'Homme, qui nous amène en enfer.
Comment un Père de Miséricorde pourrait-il nous pousser en enfer, même qu'un tout petit peu ? Et ne pas tout endurer et patiemment nous donner chances sur chances pour nous sauver, surtout après nous l'avoir bien fait comprendre en venant vivre la vie de renoncement qu'Il est venu vivre ?
Il y a un autre aspect qu'on oublie souvent quand la discussion glisse sur le péché mortel. Vivre avec la crainte qu'un péché nous envoie en enfer, ça peut être une façon de fonctionner. Mais si nous étions des chrétiens en toute vérité, ce n'est pas cela qui devrait nous émouvoir et nous faire bouger pour progresser spirituellement. Le péché blesse Dieu, certes, mais [i]l'absence de repentir le blesse encore bien plus[/i]. L'absence de repentir vient quand on a réalisé que l'on a péché, mais qu'on estime qu'on a pas à regretter, s'excuser, réparer. C'est un moment où, bien plus qu'au moment où on a chuté dans la faute, on a conscience de notre péché, et on ne le regrette pas. Là est le début de la rébellion, [i]là est le début du travail de deuil de notre âme qu'on impose avec violence à Dieu[/i], avec haine devrais-je dire. Et là devrait naître une immense componction, un refus absolu de "gifler" Dieu, de "retourner le couteau dans la plaie" envers Dieu; car c'est cela qui est [i][b]intolérable[/b][/i] dans le péché et la rébellion; c'est d'infliger une souffrance à ce Père que l'on dit tant aimer, pas tant de faire en conscience et liberté ce qu'on a envie de faire de nos âmes.