par Cinci » ven. 06 sept. 2013, 16:16
(suite)
Le 17 mai 1968, le poéte et prêtre catholique Daniel Berrigan est entré dans le bureau d'Incorporation de Catonsville (Maryland) avec huit autres militants, dont son frère. Afin de protester contre la guerre du Vietnam, le groupe y a saisi les registres de conscription de centaines de jeunes hommes qu'on allait envoyer au front, puis les a emporté à l'extérieur et les a fait brûler dans deux poubelles avec du napalm artisanal. Après avoir été jugé coupable, le père Berrigan s'est enfui et a gagné la clandestinité. Au bout de quatre mois le FBI l'a débusqué, Il a passé dix huit mois en prison. Après sa libération, il a pris part à de nombreuses «actions» dont plusieurs lui ont valu la prison. La 9 septembre 1980, par exemple, avec sept autres militants, il a pénétré illégalement dans une usine de missiles nucléaire de la General Electric à King of Prussia (Pennsylvanie) afin de verser du sang et d'endommager légèrement des coiffes d'ogive nucléaires Mark 12 A.
Lorsque nous le rencontrons à son appartement du nord de Manhattan, Berrigan, toujours insoumis à 87 ans, s'assoit bien droit sur une chaise en bois. La lumière oblique de l'après-midi entre par les fenêtres, irradiant la collection d'aquarelles et d'icônes religieuses qui ornent les murs. Le temps n'a pas émoussé sa critique féroce de l'empire américain, ni son interprétation radicale des Évangiles.
«C'est la pire époque de toute ma longue vie, soupire-t-il. Jamais je n'ai nourri si peu d'attentes à l'égard du système. Chaque jour qui passe me le confirme». «Je parle du court terme, précise-t-il. Car ce n'est pas parce que nous avons perdu aujourd'hui que nous avons tout perdu. La Bible n'offre pas d'exemple d'empires qui durent : en fait, on y constate plutôt le contraire. Ils s'effondrent tous. Selon l'Apocalypse, Babylone s'est autodétruite. Il n'y avait même pas l'ombre d'un ennemi à la porte. «Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande !» [...] J'adhère pleinement à la notion bouddhiste selon laquelle on doit faire le bien pour le bien, et non pour ce qu'il permet d'accomplir. Je conserve secrètement cette idée dans le coin de mon âme. Selon moi, si c'est dans cet esprit qu'on fait le bien, il en naîtra nécéssairement quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Je ne crois pas que la Bible nous apprenne où la bonté nous mène, quelle force elle libère. [...] J'en ai conclu que plus une série d'événements ayant lieu au cours d'une vie respecte les enseignements de la Bible, moins on peut en connaître les fruits. On constate cela d'Abraham à Jésus. Je ne me suis jamais intéressé aux résultats. Pour moi, l'important a toujours été d'agir avec soin, humanité et non-violence, et de laisser les choses aller. Pour parler vrai, je dirais qu'il s'agit de vivre en communauté d'esprit, de lire la Bible en cherchant à en faire une interprétation commune. Dans notre monde, les forces de mort sont terribles. Nous devons néanmoins prendre en compte la résurrection.» [...] J'en ai appris davantage de Dorothy Day que de tous les théologiens, confie Berrigan. Elle m'a fait prendre conscience de liens auxquels je n'avais jamais songé ou qu'on ne m'avait jamais enseignés, les liens entre la misère humaine et la guerre. A la base, elle croyait que Dieu a crée un monde dans lequel il y a assez de place pour tous les humains, mais pas assez pour tous les humains et la guerre.
Grâce à sa relation avec Day, Berrigan est devenu un ami proche de Thomas Merton. «La plus grande contribution de Merton à la gauche religieuse, explique-t-il, a été de nous réunir dans des retraites de prières et de discussions sur la vie sacramentelle. Il nous disait : «N'y renoncez pas, n'y renoncez pas, elles sont vos outils, la source de votre discipline, de votre force.» Il était parfois très dur, constate Berrigan à propos de Merton. Il nous disait : «Vous ne survivrez pas à la réalité des États-Unis si vous n'êtes pas fidèles à votre discipline et à vos traditions.» La mort de Merton à 53 ans, quelques semaines après le procès des Neuf de Catonsville, a plongé Berrigan dans l'isolement et le mutisme. «Pendant dix ans je n'ai plus été capable de parler de lui ou d'écrire à son propos, se souvient-il. Il était avec moi quand on m'a expulsé du pays; il était avec moi en prison. Il était avec son ami.»
Pour Berrigan, les distractions qu'offre le monde ne sont que cela, des distractions. La campagne à la présidence opposant Obama à John McCain, qui avait cours au moment de notre entretien, ne le proccupait pas le moins du monde. Quand je lui ai demandé ce qu'il en pensait, il m'a répondu en citant son frère Philip qui, un jour, a dit : «Si les élections pouvaient changer quelque chose, elles seraient illégales.»
Le journaliste
... pendant toute sa vie et sans doute plus que tout autre journaliste du XXe siècle, I.F. Stone est demeuré fidèle aux valeurs considérées par Dorothy Day comme la seule source de changement réel. Né et élevé à Philadelphie dans une famille d'immigrants russes, Stone était à la fin de la Deuxième Guerre mondiale l'un des plus célèbres journalistes des États-Unis. Invité régulier des journaux télévisés, il avait un accès facile aux détenteurs du pouvoir. Ayant accompagné des survivants juifs de l'Holocauste nazi qui, dans la clandestinité, cherchaient à gagner la Palestine sous mandat britannique par des moyens de fortune, il a écrit une série de reportages qui ont fait grimper de manière spectaculaire le tirage du quotidien new-yorkais PM. Il bénéficiait de la confiance d'une bonne partie des membres de l'administration Roosevelt. Plus tard, il couvrirait la guerre d'indépendance d'Israël.
Soudain, après qu'il eut contesté le programme de loyauté du président Truman et la création de l'Otan, Stone a disparu du paysage médiatique, emporté par la vague d'hystérie anticommuniste. On l'a privé de son statut de personne. En février 1950, lors d'une manifestation contre la bombe H, il a prononcé un discours s'ouvrant par ces mots : «Agents du FBI, compagnons subversifs ...» Le FBI l'a vite placé sous surveillance constante. Les autorités ont refusé de renouveller son passeport et l'ont inscrit sur une liste noire de journalistes. Même The Nation, vaisseau amiral de l'Intelligentsia progressiste, n'a pas donné suite à ses demandes d'emploi. Alors âgé de 44 ans, il a écrit que «ces sanctions lui donnait l'impression d'être un fantôme».
En 1953, avec le soutien d'une poignée de fidèles lecteurs de ses anciens journaux, Stone a lancé le bulletin I.F. Stone's Weekly. Jusqu'en 1971, il y a effectué un travail de journaliste d'enquête comparable à celui d'avant-guerre, mais, au lieu d'envoyer ses articles à des hebdomadaires à grand tirage, il les éditait lui-même dans son sous-sol. La qualité de ses enquêtes illustrait l'ampleur des dommages causés au journalisme par la culture de masse, et la plupart des organisations ont fermé les yeux sur ses révélations.
C'est Stone qui a réfuté les prétentions de l'administration Johnson voulant que des vaisseaux américains aient été attaqués dans le golfe du Tonkin. «Les preuves que l'attaque a bel et bien eu lieu se résument à une simple balle incrustée dans la coque d'un destroyer», a-t-il fait valoir. Dans l'annexe d'un livre blanc du département d'État qui devait servir à justifier l'expansion de la guerre , il a découvert que, de juin 1962 à janvier 1964, seules 179 des 7 500 armes confisquées au Vietcong provenaient du bloc soviétique. Le reste, soit 95 %, était constitué d'armes que les Américains avaient fourni aux Vietnamiens du Sud.
Stone a effectué ce reportage alors qu'il était exclu des grandes conférences de presse et des réunions d'information confidentielle auxquelles étaient systématiquement conviés les journalistes bien placés à Washington. Il reconnaissait que ces journalistes savaient des choses qu'il ignorait, mais, disait-il, une bonne partie de ce qu'ils savent est faux. Ce qu'ils appelaient objectivité correspondait en général au fait d'appréhender la réalité sous le même angle que tout le monde, jugeait-il.
Stone était un curieux hybride d'intellectuel et de journaliste. Il était tout autant versé en théâtre, en arts visuels, en littérature, en poésie et dans les classiques (il connaissait le latin et, à la fin de sa vie, a appris le grec ancien pour écrire un ouvrage sur le procès de Socrate) qu'il était au fait des subtilités du New Deal, de l'économie de guerre permanente et du mouvement ouvrier. Sa fière indépendance d'esprit et sa vive intelligence, dignes d'un Georges Orwell, lui ont souvent valut d'être considéré comme une nuisance par l'élite progressiste comme par la droite. Il se montrait toujours solidaire de ceux qui, sans lui, seraient resté sans voix. Il soutenait certes Israël, mais, en 1949, il a eu le courage d'écrire que Deir Yassin, village arabe dont plus de 100 habitants ont été tués lors d'une attaque de paramilitaires sionistes en 1948, était un lieu dont les Arabes ont été massacrés par des membres de l'Irgoun qui, avec une férocité biblique, ont écrit une page honteuse de l'histoire de la guerre de libération du peuple juif. Les organisations juives américaines envisageaient de faire la promotion de son livre sur la guerre d'indépendance d'Israël, mais à la condition qu'il en retirât un passage où il en appelait à la création d'un État binational judéo-arabe constitué de la Palestine et de la Transjordanie. Stone a refusé. Son livre est resté dans l'ombre.
Stone n'a jamais abandonné. Il n'a jamais oublié, comme il l'avait dit dans une de ses célèbres formules sarcastiques, que «tout gouvernement est dirigé par des menteurs».
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Le 17 mai 1968, le poéte et prêtre catholique Daniel Berrigan est entré dans le bureau d'Incorporation de Catonsville (Maryland) avec huit autres militants, dont son frère. Afin de protester contre la guerre du Vietnam, le groupe y a saisi les registres de conscription de centaines de jeunes hommes qu'on allait envoyer au front, puis les a emporté à l'extérieur et les a fait brûler dans deux poubelles avec du napalm artisanal. Après avoir été jugé coupable, le père Berrigan s'est enfui et a gagné la clandestinité. Au bout de quatre mois le FBI l'a débusqué, Il a passé dix huit mois en prison. Après sa libération, il a pris part à de nombreuses «actions» dont plusieurs lui ont valu la prison. La 9 septembre 1980, par exemple, avec sept autres militants, il a pénétré illégalement dans une usine de missiles nucléaire de la [i]General Electric[/i] à King of Prussia (Pennsylvanie) afin de verser du sang et d'endommager légèrement des coiffes d'ogive nucléaires Mark 12 A.
Lorsque nous le rencontrons à son appartement du nord de Manhattan, Berrigan, toujours insoumis à 87 ans, s'assoit bien droit sur une chaise en bois. La lumière oblique de l'après-midi entre par les fenêtres, irradiant la collection d'aquarelles et d'icônes religieuses qui ornent les murs. Le temps n'a pas émoussé sa critique féroce de l'empire américain, ni son interprétation radicale des Évangiles.
«C'est la pire époque de toute ma longue vie, soupire-t-il. Jamais je n'ai nourri si peu d'attentes à l'égard du système. Chaque jour qui passe me le confirme». «Je parle du court terme, précise-t-il. Car ce n'est pas parce que nous avons perdu aujourd'hui que nous avons tout perdu. La Bible n'offre pas d'exemple d'empires qui durent : en fait, on y constate plutôt le contraire. Ils s'effondrent tous. Selon l'Apocalypse, Babylone s'est autodétruite. Il n'y avait même pas l'ombre d'un ennemi à la porte. «[i]Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande[/i] !» [...] J'adhère pleinement à la notion bouddhiste selon laquelle on doit faire le bien pour le bien, et non pour ce qu'il permet d'accomplir. Je conserve secrètement cette idée dans le coin de mon âme. Selon moi, si c'est dans cet esprit qu'on fait le bien, il en naîtra nécéssairement quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Je ne crois pas que la Bible nous apprenne où la bonté nous mène, quelle force elle libère. [...] J'en ai conclu que plus une série d'événements ayant lieu au cours d'une vie respecte les enseignements de la Bible, moins on peut en connaître les fruits. On constate cela d'Abraham à Jésus. Je ne me suis jamais intéressé aux résultats. Pour moi, l'important a toujours été d'agir avec soin, humanité et non-violence, et de laisser les choses aller. Pour parler vrai, je dirais qu'il s'agit de vivre en communauté d'esprit, de lire la Bible en cherchant à en faire une interprétation commune. Dans notre monde, les forces de mort sont terribles. Nous devons néanmoins prendre en compte [u]la résurrection[/u].» [...] J'en ai appris davantage de Dorothy Day que de tous les théologiens, confie Berrigan. Elle m'a fait prendre conscience de liens auxquels je n'avais jamais songé ou qu'on ne m'avait jamais enseignés, les liens entre la misère humaine et la guerre. A la base, elle croyait que Dieu a crée un monde dans lequel il y a assez de place pour tous les humains, mais pas assez pour tous les humains [u]et[/u] la guerre.
Grâce à sa relation avec Day, Berrigan est devenu un ami proche de Thomas Merton. «La plus grande contribution de Merton à la gauche religieuse, explique-t-il, a été de nous réunir dans des retraites de prières et de discussions sur la vie sacramentelle. Il nous disait : «[i]N'y renoncez pas, n'y renoncez pas, elles sont vos outils, la source de votre discipline, de votre force[/i].» Il était parfois très dur, constate Berrigan à propos de Merton. Il nous disait : «[i]Vous ne survivrez pas à la réalité des États-Unis si vous n'êtes pas fidèles à votre discipline et à vos traditions[/i].» La mort de Merton à 53 ans, quelques semaines après le procès des Neuf de Catonsville, a plongé Berrigan dans l'isolement et le mutisme. «Pendant dix ans je n'ai plus été capable de parler de lui ou d'écrire à son propos, se souvient-il. Il était avec moi quand on m'a expulsé du pays; il était avec moi en prison. Il était avec son ami.»
Pour Berrigan, les distractions qu'offre le monde ne sont que cela, des distractions. La campagne à la présidence opposant Obama à John McCain, qui avait cours au moment de notre entretien, ne le proccupait pas le moins du monde. Quand je lui ai demandé ce qu'il en pensait, il m'a répondu en citant son frère Philip qui, un jour, a dit : «Si les élections pouvaient changer quelque chose, elles seraient illégales.»
[size=150]Le journaliste[/size]
... pendant toute sa vie et sans doute plus que tout autre journaliste du XXe siècle, [b]I.F. Stone[/b] est demeuré fidèle aux valeurs considérées par Dorothy Day comme la seule source de changement réel. Né et élevé à Philadelphie dans une famille d'immigrants russes, Stone était à la fin de la Deuxième Guerre mondiale l'un des plus célèbres journalistes des États-Unis. Invité régulier des journaux télévisés, il avait un accès facile aux détenteurs du pouvoir. Ayant accompagné des survivants juifs de l'Holocauste nazi qui, dans la clandestinité, cherchaient à gagner la Palestine sous mandat britannique par des moyens de fortune, il a écrit une série de reportages qui ont fait grimper de manière spectaculaire le tirage du quotidien new-yorkais PM. Il bénéficiait de la confiance d'une bonne partie des membres de l'administration Roosevelt. Plus tard, il couvrirait la guerre d'indépendance d'Israël.
Soudain, après qu'il eut contesté le programme de loyauté du président Truman et la création de l'Otan, Stone a disparu du paysage médiatique, emporté par la vague d'hystérie anticommuniste. On l'a privé de son statut de personne. En février 1950, lors d'une manifestation contre la bombe H, il a prononcé un discours s'ouvrant par ces mots : «Agents du FBI, compagnons subversifs ...» Le FBI l'a vite placé sous surveillance constante. Les autorités ont refusé de renouveller son passeport et l'ont inscrit sur une liste noire de journalistes. Même [i]The Nation[/i], vaisseau amiral de l'Intelligentsia progressiste, n'a pas donné suite à ses demandes d'emploi. Alors âgé de 44 ans, il a écrit que «ces sanctions lui donnait l'impression d'être un fantôme».
En 1953, avec le soutien d'une poignée de fidèles lecteurs de ses anciens journaux, Stone a lancé le bulletin [i]I.F. Stone's Weekly[/i]. Jusqu'en 1971, il y a effectué un travail de journaliste d'enquête comparable à celui d'avant-guerre, mais, au lieu d'envoyer ses articles à des hebdomadaires à grand tirage, il les éditait lui-même dans son sous-sol. La qualité de ses enquêtes illustrait [u]l'ampleur des dommages causés au journalisme par la culture de masse[/u], et la plupart des organisations ont fermé les yeux sur ses révélations.
C'est Stone qui a réfuté les prétentions de l'administration Johnson voulant que des vaisseaux américains aient été attaqués dans le golfe du Tonkin. «Les preuves que l'attaque a bel et bien eu lieu se résument à une simple balle incrustée dans la coque d'un destroyer», a-t-il fait valoir. Dans l'annexe d'un livre blanc du département d'État qui devait servir à justifier l'expansion de la guerre , il a découvert que, de juin 1962 à janvier 1964, seules 179 des 7 500 armes confisquées au Vietcong provenaient du bloc soviétique. Le reste, soit 95 %, était constitué d'armes que les Américains avaient fourni aux Vietnamiens du Sud.
Stone a effectué ce reportage alors qu'il était exclu des grandes conférences de presse et des réunions d'information confidentielle auxquelles étaient systématiquement conviés les journalistes bien placés à Washington. Il reconnaissait que ces journalistes savaient des choses qu'il ignorait, mais, disait-il, une bonne partie de ce qu'ils savent est faux. Ce qu'ils appelaient [i]objectivité[/i] correspondait en général au fait d'appréhender la réalité sous le même angle que tout le monde, jugeait-il.
Stone était un curieux hybride d'intellectuel et de journaliste. Il était tout autant versé en théâtre, en arts visuels, en littérature, en poésie et dans les classiques (il connaissait le latin et, à la fin de sa vie, a appris le grec ancien pour écrire un ouvrage sur le procès de Socrate) qu'il était au fait des subtilités du [i]New Deal[/i], de l'économie de guerre permanente et du mouvement ouvrier. Sa fière indépendance d'esprit et sa vive intelligence, dignes d'un Georges Orwell, lui ont souvent valut d'être considéré comme une nuisance par l'élite progressiste comme par la droite. Il se montrait toujours solidaire de ceux qui, sans lui, seraient resté sans voix. Il soutenait certes Israël, mais, en 1949, il a eu le courage d'écrire que Deir Yassin, village arabe dont plus de 100 habitants ont été tués lors d'une attaque de paramilitaires sionistes en 1948, était un lieu dont les Arabes ont été massacrés par des membres de l'Irgoun qui, avec une férocité biblique, ont écrit une page honteuse de l'histoire de la guerre de libération du peuple juif. Les organisations juives américaines envisageaient de faire la promotion de son livre sur la guerre d'indépendance d'Israël, mais à la condition qu'il en retirât un passage où il en appelait à la création d'un État binational judéo-arabe constitué de la Palestine et de la Transjordanie. Stone a refusé. Son livre est resté dans l'ombre.
Stone n'a jamais abandonné. Il n'a jamais oublié, comme il l'avait dit dans une de ses célèbres formules sarcastiques, que «tout gouvernement est dirigé par des menteurs».