par Cinci » lun. 13 janv. 2020, 17:39
Des exemples d'observations de Bloy; mais quand je dis qu'elles peuvent être instructives.
Il se trouve en exil volontaire au Danemark, en pays protestant, et il n'y a qu'une seule église catholique dans les alentours apte à le recevoir pour communier. Le prêtre est un catholique allemand, etc.
Il écrit :
1er novembre
Il va sans dire que la Toussaint est, ici, un jour quelconque et que la grande fête n'existe absolument pas. Si l'ignorance des luthériens étaient moins dense, moins compacte, moins lourde, ils daigneraient faire aux amis de Dieu l'honneur de quelques outrages. Mais tout, chez ces brutes, est éteint. Ténèbres complètes. Ils ne savent rien. Je ne pense pas avoir jamais senti une telle amertume, une telle horreur pour l'abjection et la stupidité de ces renégats.
Dans notre église, quelle tristesse de ne jamais entendre un seul chant liturgique ! Toujours des cantiques, je ne sais lesquels, en langue danoise. L'abbé Storp à qui j'en parlais, un jour, me déclara qu'il était impossible d'apprendre aux enfants à chanter, par exemple, le Credo en latin. Affirmation singulièrement outrageante. Autant dire que les enfants de ce pays sont idiots ou que le curé ne veut pas prendre la peine de les instruire.
Visite d'une dame venue pour parler français. Quelle conversation ! Je vérifie, une fois de plus, que le protestantisme vit exclusivement des lieux communs de concierges, si méprisables qu'on a honte de les entendre et qu'on se vomit soi-même d'y répondre : l'Inquisition, les crimes des papes, l'immoralité des moines, la non-sainteté de Marie, l'absurdité du célibat ecclésiastique, etc. J'ai eu quelque mérite à garder ma patience. Mlle T, notre visiteuse, est cependant une bonne personne, nullement dénuée d'intelligence, ni même d'un certain esprit, mais elle est fille de pasteur et tout raisonnement logique succombe ...
Vous me demandez ce que je pense de l'oubli des morts parmi les chrétiens ? Les protestants qui ne savent rien et qui ne comprennent rien ne savent pas pourquoi et toute explication serait inutile. Le dogme de la communion des saints ne peut entrer, non plus qu'aucun autre, dans ces intelligences murées par Luther. N'importe, ils sont avertis qu'il y a là quelque chose à détruire, exactement comme lorsqu'ils entendent parler de la Sainte Vierge ou des martyrs.
Le malheur de ma vie m'a forcé de vivre dans le voisinage de ces tristes animaux, et j'ai pu admirer leur flair. Ils ne voient pas ou est le Corps, n'étant pas des aigles, mais ils subodorent infailliblement comme des chiens. Voulez-vous savoir tout ce qu'il y a de plus essentiel dans l'Église de Jésus-Christ ? Regardez ce que les protestants exècrent. Oh ! à leur insu, car la Raison chez eux est si morte qu'ils ne peuvent même pas discerner ce qu'ils aiment de ce qu'ils abhorrent. Ils assassinent l'Église avec une sûreté de main irréprochable et une inconscience prodigieuse, comme des instruments poussés à leur perfection.
[...]
8 mars 1899
Alors que toutes les nations chrétiennes brûlaient de colère au seul nom de l'Hérésie; alors que des centaines de martyrs arrosaient de leur sang la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Angleterre même qui fut si lâche pourtant, si promptement renégate au commandement de son roi; oui, seuls, alors, les Scandinaves n'opposèrent aucune résistance et renièrent instantanément, avec des outrages, leur mère de Rome qui les avait allaités. Cette apostasie électrique de toute une race est un prodige d'ignominie, une turpitude septentrionale dont la raison latine reste confondue. La Honte capitale est entrée là comme dans sa maison, sans avoir besoin de frapper. Comment voudrait-on que le Diable se laissât extirper de ces pays tristes où il est installé comme un père au milieu de ses enfants [...] Il est mille fois probable, au contraire, que la célèbre douceur danoise, qui est une bien bonne blague, s'exercerait contre les apôtres avec une intensité rare et dont il ne se serait peut-être pas vu d'exemple, même parmi les brutes féroces déchaînées autrefois par le sodomite Calvin.
L'espèce de tolérance dédaigneuse accordée aux missionnaires catholiques - Allemands pour la plupart - depuis une cinquantaine d'années, témoigne d'une insultante sécurité que les résultats obtenus ne paraissent pas devoir ébranler demain matin. J'ai vécu plus d'un an, en qualité de brebis, au milieu d'un de ces troupeaux catholiques disséminés au Danemark, et je vous fiche ma parole que c'est un bien joli assemblage. C'était pour la plupart des ouvriers et des indigents de la dernière classe, recrutés à force d'aumônes, et j'ai pu me croire souvent parmi les paroissiens ou les paroissiennes magnifiques de Sainte-Clotilde ou de Saint-Thomas d'Aquin, tant ils étaient dénués de foi, puant d'orgueil, tant ils ressemblaient à notre canaille millionnaire !
Le tempérament scandinave réformé par les grands Salauds du XVIe siècle est essentiellement inapte à la piété affective sans laquelle il n'y a pas de catholicisme. Il paraît que cela suffit aux missionnaires, heureux et fiers du recensement platonique de leur bétail, et qui n'ont eux-mêmes, ordinairement, qu'une soif médiocre du martyre.
C'est pour cela qu'un grand écrivain catholique tel que Johannes Joergensen doit avoir pour ennemis les catholiques encore plus que les protestants et surtout les prêtres, un peu plus tôt ou un peu plus tard.
On veut bien tolérer le catholicisme, mais à la condition qu'il ne soit pas plus vrai ni surtout plus vivant que n'importe qui. C'est la mort qu'on veut, rien que la mort.
14 octobre 1899
Impression sinistre.
Ce soir, à la tombée de la nuit, vu dans la petite rue voisine un groupe à peu près indistinct, à l'entrée d'un passage peu éclairé. Des gens étaient là pour la levée d'un corps qui devait être porté par eux dans le temple protestant où il attendra, cercueil entr'ouvert, l'heure de l'enfouissement. Toujours dans les ténèbres, bien entendu. Les familles engendrées de Luther ne gardent pas leurs morts, un seul jour. Cela sans un geste religieux quelconque, sans rien qui rappelle qu'on est des chrétiens ni même des hommes. L'infamie de cette chose est indicible. Un sauvage croirait que ces gens appartiennent à la voirie et qu'ils sont là pour accomplir une besogne sanitaire dangereuse et particulièrement fétide. En quoi ils se tromperaient très peu. Dans un monde où le suffrage pour les défunts n'existe pas plus que la notion de vie éternelle, un parent très cher, un excellent ami décédés sont, dans la minute qui suit leur dernier soupir, d'affligeantes charognes que la raison prescrit d'oublier à l'instant même.
Des exemples d'observations de Bloy; mais quand je dis qu'elles peuvent être instructives.
Il se trouve en exil volontaire au Danemark, en pays protestant, et il n'y a qu'une seule église catholique dans les alentours apte à le recevoir pour communier. Le prêtre est un catholique allemand, etc.
Il écrit :
[color=#0000FF]1er novembre
Il va sans dire que la Toussaint est, ici, un jour quelconque et que la grande fête n'existe absolument pas. Si l'ignorance des luthériens étaient moins dense, moins compacte, moins lourde, ils daigneraient faire aux amis de Dieu l'honneur de quelques outrages. Mais tout, chez ces brutes, est éteint. Ténèbres complètes. [i]Ils ne savent rien[/i]. Je ne pense pas avoir jamais senti une telle amertume, une telle horreur pour l'abjection et la stupidité de ces renégats.
Dans notre église, quelle tristesse de ne jamais entendre un seul chant liturgique ! Toujours des cantiques, je ne sais lesquels, en langue danoise. L'abbé Storp à qui j'en parlais, un jour, me déclara qu'il était impossible d'apprendre aux enfants à chanter, par exemple, le [i]Credo [/i]en latin. Affirmation singulièrement outrageante. Autant dire que les enfants de ce pays sont idiots ou que le curé ne veut pas prendre la peine de les instruire.
Visite d'une dame venue pour parler français. Quelle conversation ! Je vérifie, une fois de plus, que le protestantisme vit exclusivement des lieux communs de concierges, si méprisables qu'on a honte de les entendre et qu'on se vomit soi-même d'y répondre : l'Inquisition, les crimes des papes, l'immoralité des moines, la non-sainteté de Marie, l'absurdité du célibat ecclésiastique, etc. J'ai eu quelque mérite à garder ma patience. Mlle T, notre visiteuse, est cependant une bonne personne, nullement dénuée d'intelligence, ni même d'un certain esprit, mais elle est fille de pasteur et tout raisonnement logique succombe ...
Vous me demandez ce que je pense de l'oubli des morts parmi les chrétiens ? Les protestants qui ne savent rien et qui ne comprennent rien ne savent pas pourquoi et toute explication serait inutile. Le dogme de la communion des saints ne peut entrer, non plus qu'aucun autre, dans ces intelligences murées par Luther. N'importe, ils sont avertis qu'il y a là quelque chose à détruire, exactement comme lorsqu'ils entendent parler de la Sainte Vierge ou des martyrs.
Le malheur de ma vie m'a forcé de vivre dans le voisinage de ces tristes animaux, et j'ai pu admirer leur flair. Ils ne voient pas ou est le Corps, n'étant pas des aigles, mais ils subodorent infailliblement comme des chiens. Voulez-vous savoir tout ce qu'il y a de plus essentiel dans l'Église de Jésus-Christ ? Regardez ce que les protestants exècrent. Oh ! à leur insu, car la Raison chez eux est si morte qu'ils ne peuvent même pas discerner ce qu'ils aiment de ce qu'ils abhorrent. Ils assassinent l'Église avec une sûreté de main irréprochable et une inconscience prodigieuse, comme des instruments poussés à leur perfection.
[...]
8 mars 1899
Alors que toutes les nations chrétiennes brûlaient de colère au seul nom de l'Hérésie; alors que des centaines de martyrs arrosaient de leur sang la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Angleterre même qui fut si lâche pourtant, si promptement renégate au commandement de son roi; oui, seuls, alors, les Scandinaves n'opposèrent aucune résistance et renièrent instantanément, avec des outrages, leur mère de Rome qui les avait allaités. Cette apostasie électrique de toute une race est un prodige d'ignominie, une turpitude septentrionale dont la raison latine reste confondue. La Honte capitale est entrée là comme dans sa maison, sans avoir besoin de frapper. Comment voudrait-on que le Diable se laissât extirper de ces pays tristes où il est installé comme un père au milieu de ses enfants [...] Il est mille fois probable, au contraire, que la célèbre douceur danoise, qui est une bien bonne blague, s'exercerait contre les apôtres avec une intensité rare et dont il ne se serait peut-être pas vu d'exemple, même parmi les brutes féroces déchaînées autrefois par le sodomite Calvin.
L'espèce de tolérance dédaigneuse accordée aux missionnaires catholiques - Allemands pour la plupart - depuis une cinquantaine d'années, témoigne d'une insultante sécurité que les résultats obtenus ne paraissent pas devoir ébranler demain matin. J'ai vécu plus d'un an, en qualité de brebis, au milieu d'un de ces troupeaux catholiques disséminés au Danemark, et je vous fiche ma parole que c'est un bien joli assemblage. C'était pour la plupart des ouvriers et des indigents de la dernière classe, recrutés à force d'aumônes, et j'ai pu me croire souvent parmi les paroissiens ou les paroissiennes magnifiques de Sainte-Clotilde ou de Saint-Thomas d'Aquin, tant ils étaient dénués de foi, puant d'orgueil, tant ils ressemblaient à notre canaille millionnaire !
Le tempérament scandinave [i]réformé [/i]par les grands Salauds du XVIe siècle est essentiellement inapte à la piété affective sans laquelle il n'y a pas de catholicisme. Il paraît que cela suffit aux missionnaires, heureux et fiers du recensement platonique de leur bétail, et qui n'ont eux-mêmes, ordinairement, qu'une soif médiocre du martyre.
C'est pour cela qu'un grand écrivain catholique tel que Johannes Joergensen doit avoir pour ennemis les catholiques encore plus que les protestants et surtout les prêtres, un peu plus tôt ou un peu plus tard.
On veut bien tolérer le catholicisme, mais à la condition qu'il ne soit pas plus vrai ni surtout plus vivant que n'importe qui. C'est la mort qu'on veut, rien que la mort.
14 octobre 1899
Impression sinistre.
Ce soir, à la tombée de la nuit, vu dans la petite rue voisine un groupe à peu près indistinct, à l'entrée d'un passage peu éclairé. Des gens étaient là pour la levée d'un corps qui devait être porté par eux dans le temple protestant où il attendra, cercueil entr'ouvert, l'heure de l'enfouissement. Toujours dans les ténèbres, bien entendu. Les familles engendrées de Luther ne gardent pas leurs morts, un seul jour. Cela sans un geste religieux quelconque, sans rien qui rappelle qu'on est des chrétiens ni même des hommes. L'infamie de cette chose est indicible. Un sauvage croirait que ces gens appartiennent à la voirie et qu'ils sont là pour accomplir une besogne sanitaire dangereuse et particulièrement fétide. En quoi ils se tromperaient très peu. Dans un monde où le suffrage pour les défunts n'existe pas plus que la notion de vie éternelle, un parent très cher, un excellent ami décédés sont, dans la minute qui suit leur dernier soupir, d'affligeantes charognes que la raison prescrit d'oublier à l'instant même. [/color]