par Théodore » sam. 16 déc. 2017, 22:03
Socrate d'Aquin a écrit : ↑sam. 16 déc. 2017, 19:59
Cher Théodore, bonjour,
La seule chose dont nous assure la foi catholique, c'est que le pape est protégé de l'erreur quand il engage son autorité apostolique pour enseigner à l'Eglise sur une question de foi ou de moeurs. Ce qui n'est guère qu'une instanciation de l'infaillibilité de l'Eglise, dont l'Eglise de Rome constitue le centre de communion ; c'est pourquoi elle ne peut enseigner l'erreur.
Non, pas vraiment. Vous semblez oublier le magistère ordinaire d'une part, et le magistère authentique d'autre part.
Qui sont tous deux ordinairement partagés par le Collège apostolique en union avec le successeur de Pierre, au contraire de l'infaillibilité, qui n'est possédée ordinairement que par ce dernier. Qui plus est, comme je l'ai fait remarquer, le "Magistère authentique/ordinaire" n'est guère qu'une façon, à mon avis assez maladroite, de désigner l'expression actuelle de la Tradition par l'Eglise par ceux qui nt charge d'enseignement, à savoir, les évêques. Il est vrai que l'autorité de l'Eglise de Rome fait que ses déclarations doctrinales, quelles qu'elles soient, seront naturellement suivies par les autres Eglises, avec qui elle vit dans la concorde et la communion, et qui doivent en tout s'accorder avec elle.
Gallicanisme, quand tu nous tiens...
Un gallican nierait la possibilité qu'a le pape d'exercer le charisme d'infaillibilité et un pouvoir de juridiction épiscopal immédiat sur tous les fidèles, au contraire de Vatican I. Je ne nie rien de cela ; mais, conformément à la tradition de l'Eglise (et contre votre vision néo-ultramontaine), je pense que moins ces pouvoirs sont exercés, mieux c'est pour l'Eglise, selon un sain principe de subsidiarité dans le gouvernement ecclésiastique
Toutes les autres actions du pape sont relatives. Il est même possible qu'un pape soit un hérétique matériel, qui enseigne l'erreur sans s'opposer en pleine conscience à la foi de l'Eglise (je pense notamment à Jean XXII). Qu'un pape soit hérétique formel est un sujet plus délicat, mais il me semble qu'une certaine tradition canonique, et des thélogiens comme Bellarmin, n'avaient aucun problème à soulever celui-ci.
C'était l'opinion de Bellarmin, et ce dernier n'a pas connu Vatican I. Aussi pouvons-nous peut-être considérer son opinion comme caduque (n'est-ce pas Mgr Guérard des Lauriers?).
Bellarmin fait partie des précurseurs de la définition de Vatican I, qui ne s'oppose en rien à la possibilité d'un pape hérétique, telle qu'elle a été envisagée par ce saint Docteur et toute une tradition canonique. Cette réflexion n'a donc rien de caduque (et je ne sais pas pourquoi vous dites que j'aime ce mot ^^).
Non, les autres actions du Pape ne sont pas relatives. Certes, elle n'engagent pas les fidèles autant qu'un dogme proclamé, mais il y a des degrés d'autorité que les fidèles sont tout de même tenus de suivre. Une décision du Saint-Père ou du magistère peut parfois être contestée, mais respectueusement. #magistereordinaire #magistereauthentique ...
Pour bien me faire comprendre, voici un extrait d'une lettre que j'adore citer, tant son contenu est riche (et son auteur aussi d'ailleurs):
Mais vous ne pouvez pas affirmer l’incompatibilité des textes conciliaires – qui sont des textes magistériels – avec le Magistère et la Tradition. Il vous est possible de dire que personnellement, vous ne voyez pas cette compatibilité, et donc de demander au Siège Apostolique des explications. Mais si, au contraire, vous affirmez l’impossibilité de telles explications, vous vous opposez profondément à cette structure fondamentale de la foi catholique, à cette obéissance et humilité de la foi ecclésiastique dont vous vous réclamez à la fin de votre lettre, lorsque vous évoquez la foi qui vous a été enseignée au cours de votre enfance et dans la Ville éternelle.
Lettre du Cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre, 20 Juillet 1983
Nous sommes bien d'accord. Cependant, et l'Histoire le prouve, il est possible qu'un pape enseigne l'erreur, hors de sa cathèdre (cf Jean XXII) ; il est alors légitime que des inférieurs le corrigent, sans rompre la communion ecclésiale, et toujours respectueusement. C'est ce qui s'est passé avec Jean XXII. Quant au cas de Mgr Lefebvre, il est évident que postuler l'impossibilité d'une telle explication est une marque d'orgueil.
La seule chose que nous assure l'Evangile est que jamais le pape ne contraindra l'Eglise, en vertu de la plénitude de son autorité apostolique, à confesser une hérésie.
Cela ne signifie pas qu'en-dehors des déclaration ex catheda, un fidèle puisse s'opposer au pape comme il lui plaît, car il y a divers degrés d'enseignements et d'assentiments.
Comme il lui plaît ? Pauvre Pie IX, il ne se retourne pas dans sa tombe: il y fait un triple saut périlleux avant de retomber face contre bois. D'ailleurs ça fait du bruit au Vatican, il y en a qui n'en dorment plus...
Il me semble qu'une relecture de mon message s'impose
Par ailleurs, Socrate, il convient de remarquer que l'adage canonique "le premier Siège n'est jugé par personne" est, dans ses plus anciennes occurences, suivi d'une petite clause : "sauf en cas d'hérésie".
Admettons. Et alors ? L'Eglise peut évoluer. Cela fait montre seulement un état archaïque de la doctrine.
Modernisme, quand tu nous tiens...
Par ailleurs, je remarque que dans l'histoire, personne n'a jamais (à ma connaissance) jugé le Pape pour hérésie sinon... un autre Pape (ou un concile œcuménique présidé et approuvé par ses soins, ce qui revient au même). Ce qu'un Pape fait, tous peuvent en être perplexes, mais seul un autre Pape peut le défaire. Ce qu'un Pape dit, tous peuvent le contester (dans les formes), mais seul un autre Pape peut le corriger, étant sauf le magistère extraordinaire.
Jugé, non. Corrigé, filialement, si. Jean XXII est un cas d'école.
Je vous conseille fortement la lecture de
The Sheperd and the Rock, du père Michael Miller (désormais archevêque de Vancouver) pour retracer la développement de l'idée d'infaillibilité pontificale dans l'Eglise, et notamment pour l'étude précise autour des débats sur la définition de l'infaillibilité pontificale à Vatican I. Ce que craignait par-dessus tout la minorité à Vatican I, c'était qu'en définissant que le pape possède un pouvoir de juridiction épiscopal immédiat sur tous les fidèles, on ouvre la possibilité à des choses extrêmes ; la définition de Vatican I laisse techniquement au Souverain Pontife le pouvoir d'abolir d'un trait de plume tous les diocèses pour s'en proclamer l'évêque, ou de forcer les Eglises orientales à adopter le rite romain du jour au lendemain, bref, d'agir en tyran. La Majorité n'a pas nié le fait, mais a expliqué fort justement qu'un pape peut fort bien objectivement abuser de son pouvoir,
ad destructandum Ecclesiae.
Le pape n'est pas l'alpha et l'oméga de l'herméneutique catholique ; et il est indéniable que depuis plus de deux siècles, le subconscient catholique donne au pape, par ultramontanisme, une place exaltée qui est bien au-delà de ce qui est raisonnable et bon pour la constitution de l'Eglise. Vatican II a rectifié la balance dans le bon sens, mais n'a concrètement guère été reçu.
Marrant: vous êtes tradi et vous citez Vatican II; je ne le suis pas (Dieu m'en préserve), et je m'appuis sur Vatican I...
Je m'appuie aussi sur Vatican I, mais je le considère dans son contexte ecclésiologique plus large, et à la lumière de l'ensemble de l'Histoire de l'Eglise et de la papauté (que je peux prétendre avoir un peu exploré).
Pour autant, on ne m’enlèvera pas de la tête l'idée selon laquelle nous vivons une crise très forte de l'autorité (aussi bien à droite qu'à gauche soit dit en passant). De nombreux prélats refusent d'obéir au Saint-Siège sur des points doctrinaux ou pastoraux très importants, et on se permet de contester ouvertement son autorité. A tel point que même sur KTO, on entend des intervenants dire le plus tranquillement du monde que le Pape n'était rien d'autre qu'un Primus inter pares, et que la perfide Eglise de Rome aurait bien entendu dévié de cette noble traduction. Ah, l'orientalisme....
Il n'y a aucun mal à prendre en compte la tradition des Eglises d'Orient, qui sont unies à notre communion ; mais le "primus inter pares" n'en fait certainement pas partie, c'est une invention tardive brandie par les Orthodoxes. C'est donc de l'oecuménisme mal placé. Cela étant dit, ce que je propose constitue effectivement un retour à un exercice plus patristique de la primauté pontificale, qui a été odieusement latino-centrée durant le second Millénaire ; une telle réforme, au moins des esprits, serait, en plus d'être un ressourcement ecclésiologique, un immense progrès oecuménique.
A titre personnel, j'avoue rêver d'une Eglise où l'on ne se préoccupe pas de ce qui se passe à Rome, et où le pape ne s'occupe que d'arbitrer et trancher les conflits entre les évêques, comme dernière cour d'appel ; où Rome laisse les Eglises locales dans une paix relative, et où les fidèles ne se préoccupent pas constamment de ce que le pape fait et dit. C'était le cas à l'époque patristique et pour la majeure partie de l'époque médiévale, et la communion ne s'en portait que mieux ; des Eglises menées par des clergés hérétiques n'étaient pas forcées d'adhérer à la communion d'une foi qu'elles ne attaquent, et les vénérables Eglises d'Orient pouvaient tranquillement vivre dans l'indépendance qui sied à leur dignité apostolique et à leur non-romanité.
Bref, vive la subsidiarité ecclésiale.
Cette vision des choses me semble caduque (puisque vous aimez ce mot
). Il est exact que l'Eglise romaine n'avait qu'une influence faible sur les Eglises d'Orient. Cela a toujours été ainsi, elles ne sont pas latines (et cela devrait d'ailleurs continuer). En revanche, pour ce qui est de l'Occident... franchement, dès que les évêques prenaient un peu d'autonomie, ils en profitaient pour s'émanciper. Regardez les mouvements "conciliaristes", gallicans ou encore gibelins dans l'Histoire de l'Eglise (avec en plus l'appui des pouvoirs séculiers, qui préféraient de beaucoup une Eglise nationale dont ils contrôleraient le clergé à une Eglise gouvernée par un souverain sur lequel les évêques pourraient s'appuyer pour le contester. Considérez ainsi l'exemple de S. Thomas More).
Je conçois que la centralisation pontificale, avancée à son stage moderne par la Réforme grégorienne, ait été une réponse nécessaire à la tentation du césaropapisme. On voir d'ailleurs bien commes les Eglises orientales schismatiques ont terminé. Mais il me semble qu'on a désormais l'armature juridique et doctrinale nécessaire pour se rendre compte que cette centralisation est allé au-delà de ce qui est strictement nécessaire, et pour prudemment aller dans l'autre sens.
Moi je veux bien, hein ! Mais alors qui gouvernera ? Les pouvoirs publics. On aura une Eglise soumise au pouvoir séculier. Dom Guéranger l'avait bien vu: l'infaillibilité du Pape est un rempart contre les abus du pouvoir séculier.
Ce que vous dites ne vaudrait guère que dans une configuration historique bien particulière, qui n'est plus d'actualité aujourd'hui, en tout cas en Occident. Qui plus est, Dom Guéranger s'attaquait au gallicanisme ; et je ne parle pas d'une Eglise où le pape n'aurait pas de pouvoir d'intervention. Mais l'exercice de son autorité serait plus exceptionnel et plus radical. L'actuelle configuration me semble être une véritable une quasi-situation "d'infantilisation" des évêques, pas tant par les pouvoirs qui leurs sont, ou pas, accordés par Rome, que par le fait que l'activité de Rome dans les domaines qui relèvent aussi du champ de compétence des évêques finit par éclipser ses derniers, ne serait-ce que dans l'imaginaire catholique.
Si ça amuse certains d'avoir une multitudes d'Eglises "anglicanes" transposées au catholicisme...
Je parlais bien d'un cadre idéal. Appliquer brutalement une telle décentralisation serait aujourd'hui imprudent.
Une collégialité est nécessaire, et Lumen Gentium présente d'excellents conseils pour la construire. Il faut d'ailleurs qu'elle soit étendue (surtout en Orient) et qu'on la dote de vraies instances de gouvernements (et non pas des "conférences épiscopales", qui ne décident rien sur rien).
Conférences épiscopales qui sont des aberrations ecclésiologiques (elles retirent virtuellement aux évêques leur autorité pleine et entières dans leurs diocèses) et historiques (quelqu'un peut m'expliquer où est passé le Primat des Gaules dans la CEF ?). Bref, vive les synodes #patristique
Mais cette collégialité ne saurait remettre en aucune manière en cause le pouvoir du Pape dont les décisions solennelles ne sauraient recevoir de contestation de quelque part que ce soit (ou alors avec respect, ou même "avec crainte et tremblement" comme le dis S. Thomas à propos de la dialectique).
Je dis bien les décisions solennelles. Pas de la marque de shampoing à choisir.
Nous sommes d'accord.
Et, pour finir, je citerai Adrian Fortescue, prêtre anglais du début du XXè, spécialiste des Eglises d'Orient et grand liturgiste, un individu un peu excentrique, qui parlait ainsi de Pie X, réagissant à l'imposition universelle du Serment anti-moderniste :
Étrange comme citation. Enfin...
Pas si étrange ! Le bonhomme avait de la verve, mais ce qu'il exprime résume assez bien mon point de vue
[quote="Socrate d'Aquin" post_id=374647 time=1513447180 user_id=15950]
Cher Théodore, bonjour,
[quote]La seule chose dont nous assure la foi catholique, c'est que le pape est protégé de l'erreur quand il engage son autorité apostolique pour enseigner à l'Eglise sur une question de foi ou de moeurs. Ce qui n'est guère qu'une instanciation de l'infaillibilité de l'Eglise, dont l'Eglise de Rome constitue le centre de communion ; c'est pourquoi elle ne peut enseigner l'erreur.
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Non, pas vraiment. Vous semblez oublier le magistère ordinaire d'une part, et le magistère authentique d'autre part.[/quote]
Qui sont tous deux ordinairement partagés par le Collège apostolique en union avec le successeur de Pierre, au contraire de l'infaillibilité, qui n'est possédée ordinairement que par ce dernier. Qui plus est, comme je l'ai fait remarquer, le "Magistère authentique/ordinaire" n'est guère qu'une façon, à mon avis assez maladroite, de désigner l'expression actuelle de la Tradition par l'Eglise par ceux qui nt charge d'enseignement, à savoir, les évêques. Il est vrai que l'autorité de l'Eglise de Rome fait que ses déclarations doctrinales, quelles qu'elles soient, seront naturellement suivies par les autres Eglises, avec qui elle vit dans la concorde et la communion, et qui doivent en tout s'accorder avec elle.
[quote]Gallicanisme, quand tu nous tiens... :-D [/quote]
Un gallican nierait la possibilité qu'a le pape d'exercer le charisme d'infaillibilité et un pouvoir de juridiction épiscopal immédiat sur tous les fidèles, au contraire de Vatican I. Je ne nie rien de cela ; mais, conformément à la tradition de l'Eglise (et contre votre vision néo-ultramontaine), je pense que moins ces pouvoirs sont exercés, mieux c'est pour l'Eglise, selon un sain principe de subsidiarité dans le gouvernement ecclésiastique
[quote][quote]Toutes les autres actions du pape sont relatives. Il est même possible qu'un pape soit un hérétique matériel, qui enseigne l'erreur sans s'opposer en pleine conscience à la foi de l'Eglise (je pense notamment à Jean XXII). Qu'un pape soit hérétique formel est un sujet plus délicat, mais il me semble qu'une certaine tradition canonique, et des thélogiens comme Bellarmin, n'avaient aucun problème à soulever celui-ci.
[/quote]
C'était l'opinion de Bellarmin, et ce dernier n'a pas connu Vatican I. Aussi pouvons-nous peut-être considérer son opinion comme caduque (n'est-ce pas Mgr Guérard des Lauriers?).[/quote]
Bellarmin fait partie des précurseurs de la définition de Vatican I, qui ne s'oppose en rien à la possibilité d'un pape hérétique, telle qu'elle a été envisagée par ce saint Docteur et toute une tradition canonique. Cette réflexion n'a donc rien de caduque (et je ne sais pas pourquoi vous dites que j'aime ce mot ^^).
[quote]Non, les autres actions du Pape ne sont pas relatives. Certes, elle n'engagent pas les fidèles autant qu'un dogme proclamé, mais il y a des degrés d'autorité que les fidèles sont tout de même tenus de suivre. Une décision du Saint-Père ou du magistère peut parfois être contestée, mais respectueusement. #magistereordinaire #magistereauthentique ...
Pour bien me faire comprendre, voici un extrait d'une lettre que j'adore citer, tant son contenu est riche (et son auteur aussi d'ailleurs):
[quote]Mais vous ne pouvez pas affirmer l’incompatibilité des textes conciliaires – qui sont des textes magistériels – avec le Magistère et la Tradition. [b]Il vous est possible de dire que personnellement, vous ne voyez pas cette compatibilité, et donc de demander au Siège Apostolique des explications. Mais si, au contraire, vous affirmez l’impossibilité de telles explications, vous vous opposez profondément à cette structure fondamentale de la foi catholique, à cette obéissance et humilité de la foi ecclésiastique dont vous vous réclamez à la fin de votre lettre, lorsque vous évoquez la foi qui vous a été enseignée au cours de votre enfance et dans la Ville éternelle.[/b]
Lettre du Cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre, 20 Juillet 1983
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Nous sommes bien d'accord. Cependant, et l'Histoire le prouve, il est possible qu'un pape enseigne l'erreur, hors de sa cathèdre (cf Jean XXII) ; il est alors légitime que des inférieurs le corrigent, sans rompre la communion ecclésiale, et toujours respectueusement. C'est ce qui s'est passé avec Jean XXII. Quant au cas de Mgr Lefebvre, il est évident que postuler l'impossibilité d'une telle explication est une marque d'orgueil.
[quote] [quote]La seule chose que nous assure l'Evangile est que jamais le pape ne contraindra l'Eglise, en vertu de la plénitude de son autorité apostolique, à confesser une hérésie.
Cela ne signifie pas qu'en-dehors des déclaration ex catheda, un fidèle puisse s'opposer au pape comme il lui plaît, car il y a divers degrés d'enseignements et d'assentiments.
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Comme il lui plaît ? Pauvre Pie IX, il ne se retourne pas dans sa tombe: il y fait un triple saut périlleux avant de retomber face contre bois. D'ailleurs ça fait du bruit au Vatican, il y en a qui n'en dorment plus... [/quote]
Il me semble qu'une relecture de mon message s'impose :p
[quote][quote]Par ailleurs, Socrate, il convient de remarquer que l'adage canonique "le premier Siège n'est jugé par personne" est, dans ses plus anciennes occurences, suivi d'une petite clause : "sauf en cas d'hérésie".
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Admettons. Et alors ? L'Eglise peut évoluer. Cela fait montre seulement un état archaïque de la doctrine.[/quote]
Modernisme, quand tu nous tiens... :p
[quote] Par ailleurs, je remarque que dans l'histoire, personne n'a jamais (à ma connaissance) jugé le Pape pour hérésie sinon... un autre Pape (ou un concile œcuménique présidé et approuvé par ses soins, ce qui revient au même). Ce qu'un Pape fait, tous peuvent en être perplexes, mais seul un autre Pape peut le défaire. Ce qu'un Pape dit, tous peuvent le contester (dans les formes), mais seul un autre Pape peut le corriger, étant sauf le magistère extraordinaire. [/quote]
Jugé, non. Corrigé, filialement, si. Jean XXII est un cas d'école.
Je vous conseille fortement la lecture de [i]The Sheperd and the Rock[/i], du père Michael Miller (désormais archevêque de Vancouver) pour retracer la développement de l'idée d'infaillibilité pontificale dans l'Eglise, et notamment pour l'étude précise autour des débats sur la définition de l'infaillibilité pontificale à Vatican I. Ce que craignait par-dessus tout la minorité à Vatican I, c'était qu'en définissant que le pape possède un pouvoir de juridiction épiscopal immédiat sur tous les fidèles, on ouvre la possibilité à des choses extrêmes ; la définition de Vatican I laisse techniquement au Souverain Pontife le pouvoir d'abolir d'un trait de plume tous les diocèses pour s'en proclamer l'évêque, ou de forcer les Eglises orientales à adopter le rite romain du jour au lendemain, bref, d'agir en tyran. La Majorité n'a pas nié le fait, mais a expliqué fort justement qu'un pape peut fort bien objectivement abuser de son pouvoir, [i]ad destructandum Ecclesiae[/i].
[quote][quote]Le pape n'est pas l'alpha et l'oméga de l'herméneutique catholique ; et il est indéniable que depuis plus de deux siècles, le subconscient catholique donne au pape, par ultramontanisme, une place exaltée qui est bien au-delà de ce qui est raisonnable et bon pour la constitution de l'Eglise. Vatican II a rectifié la balance dans le bon sens, mais n'a concrètement guère été reçu.
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Marrant: vous êtes tradi et vous citez Vatican II; je ne le suis pas (Dieu m'en préserve), et je m'appuis sur Vatican I...[/quote]
Je m'appuie aussi sur Vatican I, mais je le considère dans son contexte ecclésiologique plus large, et à la lumière de l'ensemble de l'Histoire de l'Eglise et de la papauté (que je peux prétendre avoir un peu exploré).
[quote]Pour autant, on ne m’enlèvera pas de la tête l'idée selon laquelle nous vivons une crise très forte de l'autorité (aussi bien à droite qu'à gauche soit dit en passant). De nombreux prélats refusent d'obéir au Saint-Siège sur des points doctrinaux ou pastoraux très importants, et on se permet de contester ouvertement son autorité. A tel point que même sur KTO, on entend des intervenants dire le plus tranquillement du monde que le Pape n'était rien d'autre qu'un [i]Primus inter pares[/i], et que la perfide Eglise de Rome aurait bien entendu dévié de cette noble traduction. Ah, l'orientalisme.... [/quote]
Il n'y a aucun mal à prendre en compte la tradition des Eglises d'Orient, qui sont unies à notre communion ; mais le "primus inter pares" n'en fait certainement pas partie, c'est une invention tardive brandie par les Orthodoxes. C'est donc de l'oecuménisme mal placé. Cela étant dit, ce que je propose constitue effectivement un retour à un exercice plus patristique de la primauté pontificale, qui a été odieusement latino-centrée durant le second Millénaire ; une telle réforme, au moins des esprits, serait, en plus d'être un ressourcement ecclésiologique, un immense progrès oecuménique.
[quote]A titre personnel, j'avoue rêver d'une Eglise où l'on ne se préoccupe pas de ce qui se passe à Rome, et où le pape ne s'occupe que d'arbitrer et trancher les conflits entre les évêques, comme dernière cour d'appel ; où Rome laisse les Eglises locales dans une paix relative, et où les fidèles ne se préoccupent pas constamment de ce que le pape fait et dit. C'était le cas à l'époque patristique et pour la majeure partie de l'époque médiévale, et la communion ne s'en portait que mieux ; des Eglises menées par des clergés hérétiques n'étaient pas forcées d'adhérer à la communion d'une foi qu'elles ne attaquent, et les vénérables Eglises d'Orient pouvaient tranquillement vivre dans l'indépendance qui sied à leur dignité apostolique et à leur non-romanité.
Bref, vive la subsidiarité ecclésiale.
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[quote]Cette vision des choses me semble caduque (puisque vous aimez ce mot :) ). Il est exact que l'Eglise romaine n'avait qu'une influence faible sur les Eglises d'Orient. Cela a toujours été ainsi, elles ne sont pas latines (et cela devrait d'ailleurs continuer). En revanche, pour ce qui est de l'Occident... franchement, dès que les évêques prenaient un peu d'autonomie, ils en profitaient pour s'émanciper. Regardez les mouvements "conciliaristes", gallicans ou encore gibelins dans l'Histoire de l'Eglise (avec en plus l'appui des pouvoirs séculiers, qui préféraient de beaucoup une Eglise nationale dont ils contrôleraient le clergé à une Eglise gouvernée par un souverain sur lequel les évêques pourraient s'appuyer pour le contester. Considérez ainsi l'exemple de S. Thomas More).[/quote]
Je conçois que la centralisation pontificale, avancée à son stage moderne par la Réforme grégorienne, ait été une réponse nécessaire à la tentation du césaropapisme. On voir d'ailleurs bien commes les Eglises orientales schismatiques ont terminé. Mais il me semble qu'on a désormais l'armature juridique et doctrinale nécessaire pour se rendre compte que cette centralisation est allé au-delà de ce qui est strictement nécessaire, et pour prudemment aller dans l'autre sens.
[quote]Moi je veux bien, hein ! Mais alors qui gouvernera ? Les pouvoirs publics. On aura une Eglise soumise au pouvoir séculier. Dom Guéranger l'avait bien vu: l'infaillibilité du Pape est un rempart contre les abus du pouvoir séculier.[/quote]
Ce que vous dites ne vaudrait guère que dans une configuration historique bien particulière, qui n'est plus d'actualité aujourd'hui, en tout cas en Occident. Qui plus est, Dom Guéranger s'attaquait au gallicanisme ; et je ne parle pas d'une Eglise où le pape n'aurait pas de pouvoir d'intervention. Mais l'exercice de son autorité serait plus exceptionnel et plus radical. L'actuelle configuration me semble être une véritable une quasi-situation "d'infantilisation" des évêques, pas tant par les pouvoirs qui leurs sont, ou pas, accordés par Rome, que par le fait que l'activité de Rome dans les domaines qui relèvent aussi du champ de compétence des évêques finit par éclipser ses derniers, ne serait-ce que dans l'imaginaire catholique.
[quote]Si ça amuse certains d'avoir une multitudes d'Eglises "anglicanes" transposées au catholicisme...[/quote]
Je parlais bien d'un cadre idéal. Appliquer brutalement une telle décentralisation serait aujourd'hui imprudent.
[quote]Une collégialité est nécessaire, et Lumen Gentium présente d'excellents conseils pour la construire. Il faut d'ailleurs qu'elle soit étendue (surtout en Orient) et qu'on la dote de vraies instances de gouvernements (et non pas des "conférences épiscopales", qui ne décident rien sur rien). [/quote]
Conférences épiscopales qui sont des aberrations ecclésiologiques (elles retirent virtuellement aux évêques leur autorité pleine et entières dans leurs diocèses) et historiques (quelqu'un peut m'expliquer où est passé le Primat des Gaules dans la CEF ?). Bref, vive les synodes #patristique
[quote] Mais cette collégialité ne saurait remettre en aucune manière en cause le pouvoir du Pape dont les décisions solennelles ne sauraient recevoir de contestation de quelque part que ce soit (ou alors avec respect, ou même "avec crainte et tremblement" comme le dis S. Thomas à propos de la dialectique).
Je dis bien les décisions solennelles. Pas de la marque de shampoing à choisir.[/quote]
Nous sommes d'accord.
[quote][quote]Et, pour finir, je citerai Adrian Fortescue, prêtre anglais du début du XXè, spécialiste des Eglises d'Orient et grand liturgiste, un individu un peu excentrique, qui parlait ainsi de Pie X, réagissant à l'imposition universelle du Serment anti-moderniste :
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Étrange comme citation. Enfin...
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Pas si étrange ! Le bonhomme avait de la verve, mais ce qu'il exprime résume assez bien mon point de vue :)