Ancien et Nouvel Israël

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Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » mar. 26 mars 2024, 9:55

Je doute que l'article de cette dame ,publié dans deux revues, soit un simple instrument de travail.Il me parait clairement exprimer une pensée peut-être "sommaire" mais assez claire.Peut-être aurez vous la possibilité de lire son livre "un juif nommé Jésus" pour vous faire une idée définitive.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavi » lun. 25 mars 2024, 15:41

Bonjour Gaudens,

Vous écrivez : « Je serais incapable, par exemple, de faire mienne votre phrase suivante : "porteurs de toute la lumière de la pratique de l’alliance... " me parait relever d’aucune réalité ou quasiment… ».

Je ne suis probablement pas parvenu à me faire comprendre sur cette « réalité » en cause qui vous semble absente ou quasiment.

Le mot « lumière » est utilisé ici dans le sens que « la pratique de l’alliance judaïque » (la pratique de la circoncision, des fêtes rituelles, des sabbats, de la lecture de la Torah, etc.) éclaire quelque chose qui, à défaut, serait dans l’obscurité. Qui aide à comprendre.

Jésus pratiquait la religion judaïque. De même que ses apôtres et les premiers chrétiens. Cette pratique imprégnait leur façon de penser, de comprendre, de parler et de vivre.

À cet égard, il y a une réalité dont l’importance me paraît bien réelle et dont les Juifs d’aujourd’hui sont encore des témoins vivants (malgré les profondes évolutions du judaïsme depuis lors), mais il me semble que cette réalité suscite en vous des craintes (tout aussi réelles et justifiées) qui vous incitent à plutôt vous éloigner de ce qui vous semble pouvoir être dommageable alors que je perçois plutôt ce qui peut être bénéfique.

J’ai lu l’article que vous citez de Marie Vidal, mais il me semble très sommaire et me paraît davantage un document de travail qui reste à développer dans une étude plus vaste.

Les textes qu’elle cite ne sont pas extraits de la Parole de Dieu et c’est pour cela qu’elle déclare qu’ils ne sont pas tombés des Cieux mais vous avez raison de critiquer cette expression qui ne me semble guère appropriée alors qu’il ne s’agit que d’exemples sur lesquels elle veut attirer l’attention.

Ce qu’elle écrit me semble cependant trop insuffisant pour y déceler la théorie sous-jacente que vous rejetez à juste titre et, quoi qu’il en soit, nous sommes bien d’accord à cet égard.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » lun. 25 mars 2024, 12:28

Retour sur deux attitudes extrêmes et opposées concernant l’approche chrétienne du judaisme.

Voici la première, très philojudaique, celle de Mme Vidal (présentée dans un post d’il y a quelques jours),ancienne responsable diocésaine des relations avec le judaisme:
Je n’ ai pas lu son livre « Un Juif nommé Jésus » qui se présente comme « la première lecture talmudique des paroles de Jésus » mais bien son article ( « L’Eglise, encore Nouvel Israel » ?) précité dans PARDES ,via Cairn info. Ce n’est pas un article synthétique présentant une thèse construite mais il donne des éclairages sur la thèse sous-jacente :
La lettre aux Hébreux, citée par elle, est supposée motivée par la croyance de son auteur dans la Fin imminente de ce monde, elle doit être contextualisée, écrit-elle, loin des « textes lus dans les offices religieux comme des Paroles absolues tombant des Cieux » (expression étrange qui voudrait relativiser l’Écriture Sainte -inspirée divinement et pas tombée des Cieux , ça ce serait le Coran ! – au nom de l’exégèse historico-critique …
Il ne faudrait pas, continue Mme Vidal, « établir la foi chrétienne sur la disparition de gens actuellement vivants, les Juifs » (autre expression bizarre ) mais par contre, considérer « l’importance du terreau fait à l’évènement Shoah.. » quand on s’adresse « à des gens fragilisés -les catholiques - …au niveau politique de l’Etat d’Israel, par les médias »... « Sion, un nom merveilleux quand il appartient aux catholiques, étiqueté comme politique malsaine, voire raciste,quand les Juifs le disent » (confusion entre Sion et sionisme, bien sûr mais prescience de l’évolution toute récente de l’opinion dans ce texte de 2005…)
Et surtout ceci, grave du point de vue théologique :
« Parmi les diverses attitudes du monde catholique, Mme Vidal repère (à juste titre) « un amour inconsidéré des Juifs qui sont nos racines » ... où « Jésus devient le nouvel Adam, le nouveau Moise,le nouveau Jérémie, le nouveau serviteur souffrants d’Isaie etc… oubliant la Torah, les Prophètes et les Ecrits…nombre de Chrétiens se considérant en propriétaires de toutes les interprétations de l’ Ancien Testament ».

La théorie sous-jacente est claire : en raison de la possible mais indémontrée responsabilité indirecte des catholiques dans la Shoah il faudrait que l’Eglise reconnaisse la légitimité de toutes les interprétations rabbiniques de l’Ecriture, fasse sienne la doctrine sioniste et surtout renonce à voir dans les Prophéties de l’Ancien Testament la figure du Messie Roi et Prêtre, Jésus en qui toute la tradition chrétienne reconnait le nouvel Adam, le nouveau Moise, le Serviteur souffrant, etc…C’est exactement l’attitude d’apologètes rabbiniques actuels, à l’œuvre sur internet. Une reddition en rase campagne !
Mme Vidal fait donc une étrange appréciation de la saine et sainte redécouverte de l’Ecriture Sainte par les catholiques de base depuis le dernier Concile. Il semble qu’elle ne soit plus membre de la Commission diocésaine des relations avec le judaïsme, heureusement mais il est certain que sa position n’est toujours pas répudiée par beaucoup de catholiques impliqués dans la relation avec nos frères ainés (cf la vidéo transmise par Xavi).

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » sam. 23 mars 2024, 13:35

Cher Xavi,il me semble que nous touchons à la fin de notre dialogue et il serait temps d’ouvrir la porte à d’autres commentaires . Nous sommes à la fois d’accord sur à peu près tout et pourtant… pas d’accord tout à fait, question de sensibilité peut-être.
Je serais incapable, par exemple, de faire mienne votre phrase suivante : "porteurs de toute la lumière de la pratique de l’alliance... »me parait relever d’aucune réalité ou quasiment…
.Comme annoncé il y a plusieurs jours,j’aimerais pour ma part, évoquer deux attitudes extrêmes et pas vraiment acceptables d’un point de vue catholique (bien que la première provienne d’une catholique « engagée » dans le dialogue judéo-chrétien),post à venir.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavi » ven. 22 mars 2024, 17:08

Cher Gaudens,

Vos inquiétudes sont certainement justifiées et rejoignent celles mentionnées dans le message précédent de Cmoi (que je remercie au passage pour ses réflexions). Il convient d’exprimer ces inquiétudes et de les rappeler pour éviter des pièges toujours possibles dans les développements qui suivent des déclarations conciliaires ou papales qui avancent des ouvertures nouvelles. De telles ouvertures restent toujours possibles dans la continuité et la fidélité à l’enseignement de l’Église depuis deux mille ans, mais toujours aussi, hélas, susceptibles de nouvelles déviations erronées ou schismatiques.

Gaudens a écrit :
ven. 22 mars 2024, 11:57
en quoi un penseur, parce qu’étiqueté comme Juif, aurait une sorte de validité particulière à apporter dans la lecture de l’Écriture, en particulier celle du Nouveau Testament.
C’est la question à laquelle il reste important et même essentiel de revenir autant que nécessaire.

Vous avez même raison de pousser la question jusqu’à la prise en compte non seulement des juifs plus ou moins pieux et fidèles à l’ancienne alliance mais aussi de ceux qui sont simplement « étiquetés » juifs.

La notion de juif échappe largement aux définitions et j’ai lu qu’un juif en avait dénombré plus de 8.000 sans en trouver une satisfaisante…

La validité particulière de leur connaissance me semble concerner surtout la pratique de la religion de la Torah mais cette connaissance n’est évidemment pas exclusive des autres connaissances et beaucoup d’auteurs non juifs, comme ceux que vous citez, ont développé des compétences parfois bien supérieures à celles de nombreux juifs dans la connaissance de ce qu’était le milieu juif à l’époque de la vie terrestre de Jésus de Nazareth.

Cette validité particulière de la connaissance juive est et n’est que celle de la pratique de la première alliance dont chaque juif a une connaissance soit par sa propre pratique personnelle, soit par la pratique de juifs qui l’entourent dont il est témoin, soit par sa vie dans un milieu juif qui est imprégné par cette pratique de diverses manières.

Cette connaissance pratique personnelle et expérimentée à l’intérieur du judaïsme, était celle de Jésus et de ses apôtres. Nous ne l’avons pas et nous n’en avons connaissance qu’indirectement.

Il ne s’agit évidemment en rien de chercher chez des Juifs des éclairages en contradiction quelconque avec la foi de l’Église ni d’idéaliser leur connaissance par un a priori positif, mais de croire que des éclairages venant de Juifs peuvent nous enrichir, améliorer notre intelligence de la foi, de notre foi catholique.

Car un surplus de l’intelligence de la foi reste toujours possible.

Rappelons-nous, en effet, l’infaillibilité pontificale, l’Immaculée Conception ou l’Assomption dont les dogmes n’ont été proclamés qu’au cours des deux derniers siècles, plus de 1800 ans après les débuts de l’Église.

N’oublions pas que le Christ s’est incarné dans le milieu juif plus de 1500 ans après l’alliance avec Abraham, après un long processus rempli d’infidélités humaines.

Certes, les Juifs comme les Chrétiens ont beaucoup évolué en deux mille ans, mais la Torah, l’Ancienne Alliance, est inchangée. Au contraire, depuis l’Incarnation, le texte même de la Parole de Dieu s’est fixé alors qu’à l’époque de Jésus, il n’y avait pas encore de canon très précis des livres bibliques formant la Parole de Dieu (aujourd’hui encore, certains de nos livres de l’Ancien Testament ne sont pas reconnus par les Juifs et les protestants) et il existait plusieurs versions différentes des textes des Écritures (aujourd’hui encore, entre la version en grec dite des septante et la version hébraïque des Massorétiques, il subsiste des variantes).

À cet égard, les évolutions du judaïsme devenu rabbinique après la destruction du temple de Jérusalem sont secondaires par rapport à ce qui demeure inchangé : la Parole de Dieu de l’Ancien Testament comprenant l’alliance enseignée par la Torah.

Ce que les humains en ont fait, depuis plus de trois mille ans, avec beaucoup d’infidélités et de déviations erronées, ne supprime jamais leur expérience pratique de l’alliance enseignée par la Torah (les cinq premiers livres de notre Ancien Testament).

Cette expérience pratique, que nous n’avons pas, donne au témoignage des Juifs une validité particulière que les autres n’ont pas.

Sauf rares exceptions, l’Église n’est plus guère composée que de baptisés qui n’ont aucune expérience pratique de l’alliance d’Abraham et Moïse dans laquelle étaient plongés Jésus, ses apôtres et les premiers chrétiens.

L’Évangile a ouvert une porte nouvelle spirituelle pour tous les hommes et, notamment, pour une foule immense de personnes qui n’ont aucune expérience pratique de l’ancienne alliance.

À l’époque de la vie terrestre de Jésus et des débuts de l’Église, les premiers disciples du Christ avaient une connaissance terrestre de Jésus lui-même ou de certains témoins directs de sa vie terrestre et de sa résurrection.

Certains juifs de l’époque, avec toute leur pratique de l’alliance judaïque (de diverses tendances et plus ou moins bonnes ou erronées), ont rejeté Jésus voire voulu le supprimer, mais beaucoup d’autres étaient attirés en foules.

Mais, quelques dizaines d’années plus tard, après l’Ascension puis la disparition successive de tous les témoins directs de la personne terrestre de Jésus de Nazareth, tous, Juifs ou non Juifs, n’ont plus disposé que de la parole, des mots, et des signes pour évoquer Jésus de Nazareth.

Et, à cet égard, il me semble que, par rapport à la conversion au Christ et à l’incorporation dans l’Église, nous pouvons observer une différence entre les Juifs et les non Juifs qui va subsister jusqu’à la fin des temps.

Avant l’incarnation du Christ, les païens n’avaient rien d’autre que le témoignage du peuple élu (y compris la Torah et les autres Écritures) pour leur révéler Dieu de manière intelligible et authentique. Toutes les religions du monde s’égaraient dans des impasses, même si, comme l’a justement relevé le Concile Vatican II, il y avait bien sûr des éléments de vérité dans ces religions comme dans diverses pensées philosophiques ou morales, et que l’Esprit Saint n’a certainement jamais cessé de souffler dans la création en général et dans les humains.

Pour tous ceux qui n’étaient pas ou ne sont pas juifs, l’absence de connaissance de Dieu par la pratique de l’Alliance mosaïque, était et reste aussi, paradoxalement et dans une certaine mesure, comme une terre relativement dégagée pour y recevoir l’Évangile.

Les bases religieuses polythéistes ou autres sont loin de la révélation authentique de Dieu de l’alliance judaïque et, lorsque l’Évangile est annoncé à des non juifs, leur terrain personnel est vide de la connaissance authentique et vraie de Dieu par la chair selon l’alliance judaïque et, dans ce vide (relatif), l’ouverture à la réception de l’Évangile peut s’avérer plus grande.

C’est un point paradoxal mais qu’il me semble important à souligner : la première alliance a été faite dans la chair pour permettre plus tard l’alliance nouvelle par l’Esprit Saint qu’a pu nous envoyer le Christ ressuscité. Mais, pour le juif qui s’est approché de Dieu par la chair, il a certes été plus apte que quiconque d’autre pour reconnaître Jésus venu lui-même dans la chair, durant sa vie terrestre dans le pays de Canaan. Par contre, lorsque Jésus ne lui est plus révélé par la chair, comme Jésus l’a fait il y a deux mille ans, mais seulement par la parole et des signes, le juif se trouve, paradoxalement, dans une situation qui peut être plus difficile que celle du non-juif pour pouvoir reconnaître le Christ.

L’alliance avec ses prescrits dans la chair était le meilleur des pédagogues pour ouvrir l’humain au Christ dans la chair, lors de la vie terrestre de Jésus, et beaucoup de Juifs se sont convertis à cette époque, mais cette même alliance selon la chair a pu, à cet égard, et paradoxalement, se transformer en entrave à la reconnaissance du Christ par l’esprit et non plus par la chair.

Peut-on comprendre, par rapport à une révélation spirituelle, ce que signifie d’être plongé dans le bain de la foi et de la culture juive qui vient ouvrir pour l’humain un chemin dans la chair et qui lui révèle toute l’excellence de ce chemin selon la chair ? N’est-ce pas ce que Jésus considère lorsqu’il leur dit qu’ils ont des yeux pour ne pas voir, des oreilles pour ne pas entendre et une intelligence pour ne pas comprendre ? Comment voir, entendre et comprendre, selon la chair, ce qui vient se révéler selon l’esprit, par l’Esprit Saint, par l’Église, par les sacrements, lorsqu’on a appris et qu’on pratique un chemin selon la chair ?

À cet égard, pour ceux qui ont appris à connaître Dieu par la chair, il peut y avoir un surplus de difficulté à adorer Dieu « ni sur cette montagne, ni à Jérusalem » mais « en esprit » (Jn 4, 23-24).

Mais, même si aujourd’hui la plupart ne parviennent pas à reconnaître le Christ, les Juifs restent porteurs de toute la lumière de la pratique de l’alliance qui est à la racine de notre foi et nous pouvons encore nous en enrichir, même si la validité particulière de leur témoignage reste très mystérieuse.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » ven. 22 mars 2024, 11:57

Merci Xavi, je vois que vous faites droit à mes objections dans votre cheminement.Nous sommes donc d’accord sur presque tout,semble-t-il.

Deux réserves encore de ma part,cependant :
Oui, le document de 2015 va beaucoup plus loin que Nostra Aetate. Et, il est possible que nous puissions même encore avancer un peu davantage.
Là ,je suis un peu inquiet. Les décisions des Conciles sont déjà difficiles à recevoir,chacun générant immanquablement quelques dissidences , et il vaut mieux ne pas aller trop au delà de ce qu’ils demandent. Même la prudente déclaration Nostra Aetate avait été le résultat de débats difficiles entre évêques occidentaux,marqués par la Shoah, et les évêques des Eglises orientales,de culture ou d’environnement arabe et marquées,elles,par la Nakba palestinienne de 1948,certes d’une ampleur bien moindre. Le patriarche Maximos IV des Melkites d’Antioche, avait fortement attiré l’atetntion de ses frères sur le risque de trop en faire. Et ceci,pour ne rien dire des Eglises orthodoxes,très en retrait sur ce sujet,peut-être trop .
Si l’on suivait la pente philojudaique , ne pourrait-on craindre un schisme de ce côté ou d’un autre ou même l’approfondissement de ceux en cours ?

Par ailleurs, votre commentaire ci-dessous fait réfléchir ( n’est-il pas pour cela,d’ailleurs ?)
On est parti du traumatisme de la shoah et de la volonté de cesser de dire du mal des Juifs et de les persécuter pour atteindre une prise de conscience progressive du bien qu’il faut en dire et, plus encore, du bien que nous pouvons en recevoir.

On a accepté qu’ils pouvaient enrichir notre compréhension de l’Ancien Testament, mais aujourd’hui, nous pouvons découvrir qu’ils peuvent aussi nous apporter de la lumière sur la Parole de Dieu qui forme un tout et donc sur notre compréhension du Nouveau Testament.

Certes, c’est par l’Esprit Saint et par l’Église que cette connaissance est authentique, mais l’Esprit Saint peut nous enseigner à travers son action dans le Peuple juif. »
L’exemple d’Armand Abecassis donné par Cmoi ci-dessus appelle à se demander en quoi un penseur,parce qu’étiqueté comme Juif , aurait une sorte de validité particulière à apporter dans la lecture de l’Ecriture, en particulier celle du Nouveau Testament.Sincèrement,il me semble que des chrétiens « natifs » comme Claude Tresmontant,dont j’ai jadis cité avec admiration son ‘Christ hébreu » ,un abbé Carmignac ou tant d’autres ,hébraisants et araméisants, nous apportent tout autant.L’idée d’un recours nécessaire à une lecture juive est peut-être bien un exemple de pensée magique à l’utilité intellectuelle et spirituelle indémontrable. Avec une belle exception au moins : la lecture d’André Chouraqui dont la traduction littérale des Evangiles fut un évènement de grande ampleur,me semble-t-il.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par cmoi » ven. 22 mars 2024, 8:04

Xavi a écrit :
mer. 20 mars 2024, 15:02
Qui, mieux que les Juifs, pourrait nous aider à comprendre le sens et la portée, dans la chair, des paroles et des actes de Jésus de Nazareth ?
En effet, et c’est ce à quoi s’attelle un philosophe et exégète juif comme Armand Abécassis et c’est fort intéressant.
Ainsi, bien des choses que nous considérons comme révolutionnaires ou nouvelles de la part de Jésus, il nous les représente comme seulement des opinions inscrites dans la continuité du pentateuque et qui s’y retrouvent, dignes d’un « maître » pharisien (y compris par exemple sur l’opposition au divorce ou la question du respect du Sabbat).
Le problème, c’est qu’il bute sur la reconnaissance de la résurrection. Mais du coup, si en effet la vocation d’Israël était déjà (depuis Abraham) de faire en sorte que toutes les nations soient bénies à travers lui Israël, comment comprendre son côté belliqueux quand il déborde de la simple légitime défense !?

• Ce qui le conduit à tenir des propos fort étonnants de la part d’un juif, qui remettent en question la possibilité d’un Messie en la destinée duquel un peuple pourrait s’identifier, et qui fait que « nous risquerions selon lui d’adorer ce peuple aussi en lui « quand ils l’identifient à son histoire et à sa spiritualité comme les évangiles le répètent ».
• Il se demande si ce n’est pas « l’âme d’Israël divinisée en Jésus à laquelle nous accordons notre foi » et ajoute « pourquoi la conscience chrétienne -t-elle caché en Jésus divinisé et christianisé cette référence et pourquoi a-t-elle passé son temps à la disqualifier ? »
• Il écrira aussi : « cependant, on ne peut imaginer possible l’avènement d’une perfection survenue soudain dans le monde ou chez les hommes qui ne sont que des hommes. En termes religieux, rien de ce qu’on appelle Dieu, Absolu, Infini, ne peut se réaliser sinon à travers son sens humain, relatif, limité. » Et aussi à propos de Jésus « mais désirait-il réellement fonder une nouvelle religion ou rappeler à son peuple la dimension de l’universalité inscrite dans la vocation que Dieu lui confia ? N’avait-il pas raison de rappeler à ses coreligionnaires que l’éthique et le bien sont destinés à toute l’humanité, hors de quoi ils seraient conduits à l’exclusion et le racisme ? Mais cela ne signifiait pas la perte de l’identité des cultures et de leurs spécificités. »

On voit bien là il me semble comment un juif, pour garder le contrôle, peut refuser la divinité du Christ et donc l'inouï de la résurrection.
Mais tous les chrétiens réalisent-ils bien à quoi ils croient et en tirent-ils les conséquences ? J'en doute...

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavi » jeu. 21 mars 2024, 21:14

Bonsoir Gaudens,

Merci pour votre message plein d’attentions et surtout pour vos petits cailloux qui sont autant d’occasions de pouvoir avancer davantage dans ce dialogue fructueux.

Vos observations sont toutes pertinentes et relèvent des nuances qu’il ne faut pas oublier.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Vous citez un document que j’ignorais, écrit en 2015… pour les 50 ans de la Déclaration conciliaire Nostra Aetate. L’ensemble des citations que vous en donnez ne me choquent pas bien que j’ai l’intuition d’une volonté de la part des auteurs de ce document d’en « rajouter » par rapport à la Déclaration, d’aller plus loin, une démarche qui rappelle celle des personnes qui veulent pousser toujours plus loin telle ou telle intention conciliaire réelle ou supposée
Vous voyez juste. Oui, le document de 2015 va beaucoup plus loin que Nostra Aetate. Et, il est possible que nous puissions même encore avancer un peu davantage.

On est parti du traumatisme de la shoah et de la volonté de cesser de dire du mal des Juifs et de les persécuter pour atteindre une prise de conscience progressive du bien qu’il faut en dire et, plus encore, du bien que nous pouvons en recevoir.

On a accepté qu’ils pouvaient enrichir notre compréhension de l’Ancien Testament, mais aujourd’hui, nous pouvons découvrir qu’ils peuvent aussi nous apporter de la lumière sur la Parole de Dieu qui forme un tout et donc sur notre compréhension du Nouveau Testament.

Certes, c’est par l’Esprit Saint et par l’Église que cette connaissance est authentique, mais l’Esprit Saint peut nous enseigner à travers son action dans le Peuple juif.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Faut-il mettre au même plan toutes les traditions « découlant » (terme bizarre) de la Torah,même celles élaborées par le judaïsme rabbinique d’après la mort du Christ,marqué parfois au coin de l’anti-christianisme ?
Votre réserve me semble justifiée. Non seulement ces traditions sont de valeur variable, mais surtout elles ont évolué de diverses manières et, notamment, pour s’adapter au christianisme devenu largement dominant.

Ce qui demeure, c’est ce que nous nommons l’Ancien Testament. Et ce qui reste un phare plein de promesses, c’est la loi donnée par Moïse et les autres Écritures de la Parole de Dieu qui l’éclairent. En se tournant vers cette Parole, le Juif est sur un chemin juste et droit qui lui révèle le Christ même si, sur ce chemin, il reste devant beaucoup d’obscurité.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Une relecture critique du Talmud effectuée en commun par les Juifs et les Chrétiens me paraitrait un exercice vraiment salutaire avant qu’il puisse être admissible par l’Église comme un texte spirituel autorisé (sinon inspiré).
L’exercice pourrait être utile, mais nous ne sommes plus au temps de l’index de sorte qu’il faudrait attendre une autorisation de lecture et personne, pas même les Juifs, n’en fait un équivalent de la Parole de Dieu.

Le Talmud, ce sont des commentaires de valeur variable et, s’ils peuvent être inspirés comme n’importe quel écrit, ce n’est en aucun cas avec une autorité certaine d’une parole de Dieu.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
je m’interroge quand vous dites
« Les Juifs ont l’expérience de la vie juive qui était celle du Christ et des débuts de l’Église. C’est un trésor irremplaçable ».
Jusqu’à quel point ? Les Juifs d’aujourd’hui vivent un judaïsme rabbinique qui est vraisemblablement assez différent de celui qui régnait en Palestine au temps du Christ, quand se mêlaient diverses écoles et des sensibilités sans doute aussi variées.
En effet.

Et il ne s’agit donc pas de donner à cette connaissance que les Juifs peuvent nous apporter une autorité qui modifierait quoi que ce soit à notre foi, mais seulement un surplus de compréhension de notre propre foi dans une parfaite continuité de toute la Tradition de 2.000 ans qui nous porte et donc de tous les enseignements des Pères et du Magistère de l’Église.

La révélation s’est achevée, il y a près de deux mille ans, mais cela ne signifie pas que nous ayons déjà épuisé ses richesses, ni découvert tous ses détails, ni toutes ses significations ou sa portée.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Enfin, vous faites retour à la discussion sur la validité actuelle de l’Alliance sinaïtique d’une façon qui me parait trop dichotomique :
« Néanmoins, deux conclusions possibles et différentes se présentent à nous : soit l’incarnation du Christ et la réalisation de son œuvre, par la mort, la résurrection et l’effusion de l’Esprit, a achevé pleinement l’Ancienne Alliance désormais totalement morte et sans objet, soit cet achèvement ne se réalisera pleinement qu’à l’avènement du Christ à la fin des temps et, entretemps, l’Ancienne Alliance subsiste pour contribuer à l’œuvre du Christ.
Et l’enseignement de l’Église est qu’elle subsiste. Avec et malgré les craintes pertinentes que vous exprimez ».
Vraiment ?
Ce n’est dichotomique qu’en apparence car seule la première hypothèse est absolue et limitée, en ce qu’elle considère que l’Ancienne Alliance est achevée « pleinement ».

Pour qu’elle puisse l’être, il faudrait que la Nouvelle Alliance le soit aussi pleinement, mais le temps de l’Église reste encore un temps de passage et d’attente du retour du Christ. La victoire sur la mort et le péché a été accomplie totalement, mais elle se déploie encore dans l’histoire jusqu’à l’avènement du Christ.

Le rôle de l’Ancienne Alliance en est profondément changé et bouleversé, et il ne faudrait certainement pas lui donner une importance démesurée. Mais, entre « pas trop » et « plus rien », beaucoup de nuances restent à découvrir.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Pourquoi rejeter exclusivement « à la fin des temps » l’union des deux Alliances ? Excluez-vous – et l’Église avec vous – la possibilité que le Vieil Israël reconnaisse le Fils de Dieu entre-temps ?
Bien sûr qu’il faut espérer de nombreuses conversions de juifs au Christ aujourd’hui et avant la fin des temps.

Je viens de lire, par exemple, un article sur la conversion du Grand Rabbin de Rome en 1944 qui vous remplira certainement de la joie que j’en ai ressenti :
https://fr.aleteia.org/2017/08/06/conve ... synagogue/

Ce que j’ai voulu évoquer, c’est seulement le mystère de la persistance du peuple d’Israël de l’ancienne alliance jusqu’à la fin des temps évoquée par l’apôtre Paul : « je ne veux pas vous laisser dans l’ignorance de ce mystère : l’endurcissement d’une partie d’Israël s’est produit pour laisser à l’ensemble des nations le temps d’entrer. C’est ainsi qu’Israël tout entier sera sauvé, comme dit l'Écriture : De Sion viendra le libérateur, il fera disparaître les impiétés du milieu de Jacob.» (Rm 11, 26-31) Tout le chapitre 11 de l’épitre aux Romains me semble annoncer qu’un endurcissement temporaire des Juifs a un rôle qui persiste dans l’histoire.

« Excluez-vous – et l’Église avec vous – la possibilité que le Vieil Israël reconnaisse le Fils de Dieu entre-temps ? » Non, certes, au contraire, puisqu’elle est attendue « avant » le retour du Christ et qu’elle sera un signe de la fin des temps.

Mais, il n’y a pas davantage de précisions dans l’Écriture. Dès lors, rien ne permet d’exclure que ce soit un peu ou beaucoup avant, que ce soit un juif après l’autre ou tous ensemble.

Rien n’exclut que tant les Juifs que les Chrétiens aient été considérés par Jésus lorsqu’il s’est demandé s’il trouverait encore la foi sur la terre à son retour. À cet égard, il pourrait y avoir de moins en moins de chrétiens, mais aussi, simultanément, de moins en moins de juifs. La conversion des Juifs avant la fin des temps pourrait donc être progressive et les générations futures des juifs pourraient se diviser en deux groupes : les uns abandonnant la foi juive dans l’ancienne alliance et les autres adhérant au Christ.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Surtout, sans que l’Alliance sinaïtique soit « totalement morte » (Dieu étant fidèle malgré les ruptures de l’autre partie), n’est-elle pas au moins grandement affaiblie dans sa réalité par la mise à l’écart du Vieil Israël ?
Il me semble qu’on retrouve toujours la même difficulté. L’alliance sinaïtique n’est en rien « affaiblie » par son accomplissement en Jésus-Christ, mais elle n’a plus du tout la même portée actuelle en ce que le Christ a ouvert un chemin direct de vie dans lequel la pratique des prescrits de cette alliance sinaïtique ne sont pas nécessaires.

La mise à l’écart de ceux qui refusent le Christ est temporaire car, dans la lumière de la loi mosaïque, ils peuvent toujours découvrir le Christ.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
À tort ou à raison, je décèle dans votre position, certainement largement partagée dans les milieux de dialogue avec le judaïsme, une mise au même niveau de l’efficacité actuelle des deux Alliances, et ce, jusqu’à la fin des temps. Je ne suis pas certain que ce soit l’enseignement permanent de l’Église
Non ! En effet. Vous avez parfaitement raison de rejeter une telle position qui n’est ni la mienne, ni celle de l’enseignement de l’Église.

Vous considérez de manière pertinente le « niveau d’efficacité » actuelle. Comment pourrions-nous mettre au même niveau notre incorporation dans le Christ mort et ressuscité et une alliance qui n’en est que la racine. Nous adhérons au Christ, alors qu’ils sont seulement (mais ce n’est pas rien et c’est même très bien) sur un chemin qui peut leur permettre d’y adhérer.

La différence est flagrante. Bien sûr, comme saint Paul l’a décrit dans l’une de ses lettres, lorsque nous avons le Christ, tout le reste nous paraît comme des déchets. Mais, pour les Juifs, qui ne reconnaissent pas le Christ (pour des cause connues de Dieu seul), le chemin devenu pour nous sans objet, ni nécessité, reste pleinement valable.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
et,encore une fois, cette attitude « généreuse » risque de flatter dangereusement toute une aile du judaïsme, malheureusement très en faveur dans la période terrible que nous vivons.
Vous avez raison. Toute attitude ou geste d’amour risque toujours d'être exploité abusivement par la personne aimée. Faut-il pour autant y renoncer ? Faut-il pour autant ne plus dire et reconnaître ce qui est vrai ?

Mais, cela doit, au moins, nous inciter à la prudence et à toute mesure adéquate pour prévenir et limiter ce risque. Merci de le rappeler.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » jeu. 21 mars 2024, 14:06

Merci Xavi, pour votre longue réflexion d’hier (15h02) que je n’avais pas vue tout de suite.

Elle mériterait plus encore d’attention que celle que je peux lui consacrer aujourd’hui. En particulier elle prolonge nos échanges, au-delà des questions concernant la validité des Alliances de Dieu avec les hommes, vers un terrain de partage d’expériences spirituelles, un domaine où ma sécheresse d’esprit a bien du mal à aborder. Je subodore donc beaucoup de réalité et de vérité spirituelles dans vos propos sans toujours en comprendre le sens profond, qui dépasse la compréhension intellectuelle.
Mon esprit méfiant - vous l’avez bien perçu - ne peut s’empêcher de buter sur des petits cailloux de votre réflexion, que je vous livre simplement :
Vous citez un document que j’ignorais, écrit en 2015 par la Congrégation pour la doctrine de la Foi pour les 50 ans de la Déclaration conciliaire Nostra Aetate. L’ensemble des citations que vous en donnez ne me choquent pas bien que j’ai l’intuition d’une volonté de la part des auteurs de ce document d’en « rajouter » par rapport à la Déclaration, d’aller plus loin, une démarche qui rappelle celle des personnes qui veulent pousser toujours plus loin telle ou telle intention conciliaire réelle ou supposée (cf Gaudium et Spes) - un autre sujet où je n’entrerai pas aujourd’hui. Je compte livrer plus loin quelques réflexions sur les cas extrêmes où peut mener ce genre de volonté dans la question qui nous occupe.
Spécifiquement,le passage suivant de ce texte attire un peu mon attention :

« Dieu s’étant révélé à travers sa Parole, il peut être compris par l’humanité dans les situations historiques concrètes. Cette parole invite tous les hommes à répondre. Si leur réponse est en accord avec la parole de Dieu, ils ont une relation juste avec lui. Pour les juifs, cette parole peut être apprise grâce à la Torah et aux traditions qui en découlent. La Torah donne des instructions pour une vie réussie dans une relation juste avec Dieu. Celui qui observe la Torah a la plénitude de vie (cf. Pirqe Avot II, 7). Et surtout, en observant la Torah, les juifs prennent part à la communion avec Dieu. » (n° 24) Faut-il mettre au même plan toutes les traditions « découlant » (terme bizarre) de la Torah,même celles élaborées par le judaïsme rabbinique d’après la mort du Christ,marqué parfois au coin de l’anti-christianisme ? Est-ce le cas du traité (ou du chapitre) Pirqe Avot , texte talmudique que je ne saurais dater ? Une relecture critique du Talmud effectuée en commun par les Juifs et les Chrétiens me paraitrait un exercice vraiment salutaire avant qu’il puisse être admissible par l’Église comme un texte spirituel autorisé (sinon inspiré).
Dans le même ordre d’idée, je m’interroge quand vous dites
« Les Juifs ont l’expérience de la vie juive qui était celle du Christ et des débuts de l’Église. C’est un trésor irremplaçable ».
Jusqu’à quel point ? Les Juifs d’aujourd’hui vivent un judaïsme rabbinique qui est vraisemblablement assez différent de celui qui régnait en Palestine au temps du Christ, quand se mêlaient diverses écoles et des sensibilités sans doute aussi variées.
D’où encore un peu de scepticisme quand vous continuez en affirmant que «
la lumière que nous recevons de Lui est incomparable, mais, mystérieusement pour nous, elle continue à passer encore d’une manière particulière par le peuple élu d’Israël, pour le bien de toute l’Église et pour l’avènement de Jésus-Christ, notre Seigneur ».
Enfin, vous faites retour à la discussion sur la validité actuelle de l’Alliance sinaïtique d’une façon qui me parait trop dichotomique :
« Néanmoins, deux conclusions possibles et différentes se présentent à nous : soit l’incarnation du Christ et la réalisation de son œuvre, par la mort, la résurrection et l’effusion de l’Esprit, a achevé pleinement l’Ancienne Alliance désormais totalement morte et sans objet, soit cet achèvement ne se réalisera pleinement qu’à l’avènement du Christ à la fin des temps et, entretemps, l’Ancienne Alliance subsiste pour contribuer à l’œuvre du Christ.
Et l’enseignement de l’Église est qu’elle subsiste. Avec et malgré les craintes pertinentes que vous exprimez ».
Vraiment ? Pourquoi rejeter exclusivement « à la fin des temps » l’union des deux Alliances ? Excluez-vous – et l’Église avec vous – la possibilité que le Vieil Israël reconnaisse le Fils de Dieu entre-temps ? Surtout, sans que l’Alliance sinaïtique soit « totalement morte » (Dieu étant fidèle malgré les ruptures de l’autre partie), n’est-elle pas au moins grandement affaiblie dans sa réalité par la mise à l’écart du Vieil Israël ?
À tort ou à raison, je décèle dans votre position, certainement largement partagée dans les milieux de dialogue avec le judaïsme, une mise au même niveau de l’efficacité actuelle des deux Alliances, et ce, jusqu’à la fin des temps. Je ne suis pas certain que ce soit l’enseignement permanent de l’Église et,encore une fois, cette attitude « généreuse » risque de flatter dangereusement toute une aile du judaïsme, malheureusement très en faveur dans la période terrible que nous vivons.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par cmoi » jeu. 21 mars 2024, 7:36

Olivier JC a écrit :
mer. 20 mars 2024, 17:31
Vous évoquez le soutien de Dieu aux guerres menées par Israël ainsi qu'on peut le lire dans l'Ancien testament. Ici aussi ne nous payons pas de mot : quel était le tort des peuples en question sinon uniquement d'être présents en Terre Sainte ? A suivre la Bible, on voit bien que l'on a un peuple qui se trouvait en Egypte, qui en sort pour aller s'installer en Terre Sainte et, Deo juvante, met une branlée aux peuples qui se trouvaient là et auraient bien aimé y rester tranquillement.
Je n'ai pas très envie d'intervenir dans ce fil mais juste sur ce point qui concerne l'Ecriture sainte.

Dieu n'a jamais dit à son peuple d'exterminer ses cousins : moabites, ammonites, édomites, madianites... Autrement dit descendants de Lot, d'Esaü (qui n'a en rien démérité en fin de vie) ou d'Abraham par sa dernière femme. Et J'oublie les descendants d'Agar.
Et les Gabaonites (parfaits étrangers) ont par ruse non seulement obtenu l'immunité, mais une tardive marque de protection divine (dont le peuple de Dieu avait squizé l'assentiment ) après la trop tardive persécution de Saül envers eux.
Donc le motif de Dieu a toujours été le même : pour éviter l'adoration des idoles, et en cela il était susceptible de changements et variations spectaculaires, revirements.

Pour d'autres exemples de confirmation, voir comment Dieu ordonna l'extermination des madianites (après l'affaire de Balaam dont il faut éviter l'amalgame) et quand plus tard le roi Jonathan menacé par les moabites (de mémoire) en force supérieure invoqua cette interdiction et obtint le secours du ciel grâce à sa foi et celle du peuple qui le suivit.
Donc Dieu nous demande parfois de deviner sa volonté et ce n'est que suite à/par un acte de foi de notre part qu'elle se dévoile et devient même parfois opposée à ses instructions préalables.
Ce n'est qu'en suivant ce que nous savons être par notre conscience le bien souhaitable que l'on pourra savoir quel est le Bien qui est le Sien et son souhait, non en s'appuyant sur sa prétendue volonté comme d'un prétexte quand cela nous sert. Et à condition de rester dans une démarche ouverte de foi en autre chose que d'être le préféré - cela ne donnerait sinon que des devoirs et non des droits, et pas celui de commettre ce qui serait sinon un mal.
Abraham n'a eu à sacrifier son fils que parce qu'il avait manqué de foi auparavant et parce qu'il fallait qu'il sache avoir Dieu en face et pour le contrarier ! Il vaut mieux l'anticiper par la foi quand DIeu se cache...

Si Dieu aime et veut que nous prenions des risques pour lui, c'est toujours parce qu'il nous veut libres et qu'il nous fait confiance pour que nous devenions comme Lui grâce à notre foi. Il nous secourera alors autant que de besoin...

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Ombiace » mer. 20 mars 2024, 18:21

Xavi a écrit :
mer. 20 mars 2024, 15:02
@Ombiace

Je vous remercie pour vos précisions qui nuancent votre message précédent. Mais par rapport au sujet en cause ici, je ne peux que vous confirmer mes réserves par rapport à cette approche exprimées dans mon message précédent.
Mon intervention se voulait juste une clé de compréhension comme origines possibles du conflit, une perche tendue, en somme..
J'espère que vous avez raison, et que vos réticences ne censurent pas quelque chose qui aurait du prix.
Xavi a écrit :
mer. 20 mars 2024, 15:02
Les questions en cause étant difficiles, il est important d’éviter de développer davantage des réflexions hors sujet.
Message reçu, désolé que ces réflexions aient alourdi votre cheminement

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Olivier JC » mer. 20 mars 2024, 18:19

Gaudens a écrit :
mer. 20 mars 2024, 18:03
Eh bien,je me refuse absolument de voir un plan divin dans ce triste scénario et surtout que l'Eglise s'en sente plus ou moins solidaire que ce soit par par un écho inapproprié écho de l'Ancienne Alliance ou par un sentiment de culpabilité des manifestations antijudaiques en son sein des siècles passés. C'est aussi simple que cela.
C'est là toute la difficulté, et c'est la raison pour laquelle j'évoquais l'épisode johannique. Si l'on prend au sérieux la doctrine de la providence, alors tout ce qui passe en ce bas monde est voulu par Dieu, fut-ce à titre de permission seulement, de telle sorte que le cours de l'histoire avance inexorablement vers son terme, vers sa cause finale.

Pour le dire autrement, si Dieu n'avait pas voulu que le peuple d'Israël revienne s'installer en Terre Sainte, il ne s'y trouverai pas. Il faut donc nécessairement y voir a minima une permission divine, et à titre personnel, je ne vais pas au-delà, avec cependant cette réserve que, tenant compte de l'enseignement paulinien qui ne peut être écarté, Dieu ne permettra pas que le peuple d'Israël soit détruit et disparaisse comme nombre d'autres peuples et civilisations ont pu disparaître au cours de l'histoire, et que dans cette mesure, Il pourrait être amené à intervenir par quelque cause seconde.

Cela posé, nous sommes bien d'accord sur le fait que l'Eglise n'a pas à épouser les thèses théologiques propres à Israël. Je crois l'avoir écrit ailleurs, l'Eglise devrait rester sur ce point dans une parfaite neutralité, ne s'attachant qu'à la défense de ses enfants et appelant à la paix, sans préconiser la moindre solution qu'il appartient aux parties concernées de trouver.

Ce qui n'empêche pas, par ailleurs, d'étudier lesdites thèses théologiques au regard de l'eschatologie proprement chrétienne et de constater qu'elles tendent au final à se rejoindre.

+

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » mer. 20 mars 2024, 18:03

La différence,Olivier, est qu'au temps de l'Alliance sinaitique -avant l'Incarnation et la Rédemption - la mission d'Israel était de durer coûte que coûte sur son territoire afin de permettre l'éclosion des grands moments de la révélation qu'étaient les psaumes de David et tous les Prophètes,jusqu'à l'arrivée du Messie.J'ai toujours trouvé certains livres comme l'Exode assez scabreux du point de vue de l'éthique internationale (un concept sans doute assez anachronique mais bon...) mais l'Alliance en vue du Salut universel l'exigeait.
Depuis deux mille ans,la question est différente; ce n'est pas un hasard si plusieurs Pères de l'Eglise (textes à rechercher ) virent dans l'exil définitif et total (ou quasi,il ne le fut sans doute jamais tout à fait) après 135 une conséquence de la rupture de l' Alliance par le peuple (manipulé par son élite en fait...). Vous présentez de façon qui peut sembler cynique (un cynisme dont j'ai bien compris que ce n'était pas le vôtre) mais réaliste la possibilité que l'Etat d'Israel actuel achève de mettre à la porte tous les habitants non juifs de Terre Sainte. C'est bien ce que fait le gouvernement de ce pays depuis l'échec des accords d'Oslo depuis vingt ans.
Eh bien,je me refuse absolument de voir un plan divin dans ce triste scénario et surtout que l'Eglise s'en sente plus ou moins solidaire que ce soit par par un écho inapproprié de l'Ancienne Alliance ou par un sentiment de culpabilité des manifestations antijudaiques en son sein des siècles passés. C'est aussi simple que cela.
Cela ne signifie pas que le vieil Israel doive disparaitre ni quitter la Terre Sainte quand il y est établi (sauf colonies illégales de Cisjordanie),je pense avoir été assez clair là dessus Mais l'Eglise n'a pas à suivre des prétentions d'élection qui pourraient,je le répète,conduire très loin. Qu'elle veille prioritairement à être solidaire des chrétiens de Terre Sainte qui souffrent terriblement.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Olivier JC » mer. 20 mars 2024, 17:31

Gaudens a écrit :
mer. 20 mars 2024, 0:26
Mais je crois, cher Xavi, qu’il ne faut pas jouer sur les mots. S’il est vrai que Dieu est fidèle et ne révoque pas son Alliance, celle-ci peut être rompue par l’autre partie . L’Écriture abonde en citations expresses en ce sens.
Le problème, c'est qu'au cas particulier, vous avez S. Paul contre vous, et qu'il faut bien faire droit à ce qu'il affirme, notamment dans l'épître aux Romains.
Gaudens a écrit :
mer. 20 mars 2024, 0:26
L’Alliance sinaïtique avec Israël se concrétisait du côté de Dieu par un soutien aux guerres menées par Israël , dont la Révélation chrétienne nous enseigne qu’elles servaient à la pérennité du peuple, maintenu souvent difficilement dans la fidélité à cette alliance, afin que de ce peuple vienne le Messie Fils de Dieu, seul capable d’établir une Alliance nouvelle et éternelle avec l’humanité entière, à travers l’Église, Nouvel Israël.
Le problème ici, c'est que de fait, le peuple d'Israël existe toujours, en dépit de sa dispersion à travers le monde et des persécutions dont il a été victime jusqu'à aujourd'hui. Et que, non seulement il existe toujours, mais il est revenu s'installer en Terre Sainte, qu'en dépit d'un environnement objectivement hostile, il y perdure au point qu'il n'est pas exclu de considérer qu'il pourrait fini par s'y retrouver tout seul.

Vous évoquez le soutien de Dieu aux guerres menées par Israël ainsi qu'on peut le lire dans l'Ancien testament. Ici aussi ne nous payons pas de mot : quel était le tort des peuples en question sinon uniquement d'être présents en Terre Sainte ? A suivre la Bible, on voit bien que l'on a un peuple qui se trouvait en Egypte, qui en sort pour aller s'installer en Terre Sainte et, Deo juvante, met une branlée aux peuples qui se trouvaient là et auraient bien aimé y rester tranquillement.

Objectivement (c'est-à-dire abstraction faite de toute évaluation morale), où est la différence ?

L'action de Dieu dans l'histoire est parfois mystérieuse et déroutante. Prenez l'exemple de S. Jeanne d'Arc : voilà Dieu qui intervient pour permettre à la France de l'emporter contre l'Angleterre. C'est presque pire encore, puisque les anglais étaient catholiques au même titre que les français, lesquels n'étaient pas moins pécheurs ou plus saints que les anglais. Or, Dieu a clairement pris parti, alors qu'objectivement, l'histoire de l'union personnelle entre la monarchie britannique et la monarchie française prévue par le traité de Troyes n'avait rien de démoniaque qui puisse l'expliquer, et n'aurait pas empêché les français de cultiver leurs champs.

+

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavi » mer. 20 mars 2024, 15:02

Bonjour à chacun,

@Gaudens

Merci pour votre réflexion profonde.

« jouer sur les mots », « se payer de mots »… Cela exprime certes la méfiance que vous ressentez.

Hélas, dans tout dialogue, nous n’avons que des mots pour nous exprimer et chacun de nous les ressent de manière personnelle avec des nuances parfois très inconscientes, de sorte qu’un dialogue exige toujours d’explorer le sens des mots pour celui qui les utilise. Cela peut donner l’impression d’une manipulation trompeuse et on trouve aisément dans la réalité des raisons pour nourrir cette impression.

Ainsi, lorsque vous écrivez que « S’il est vrai que Dieu est fidèle et ne révoque pas son Alliance, celle-ci peut être rompue par l’autre partie », c’est certain et personne ne le conteste et, pourtant, vous voulez exprimer une contradiction avec des mots qui sont exacts, mais qui, cependant, cachent le vrai désaccord. L’autre partie peut certes rompre l’alliance, mais tout ce sujet concernant les Juifs s’intéresse surtout au fait que cette rupture de la part d’humains ne supprime pas l’Alliance par Dieu. Dieu continue à maintenir son alliance et à inviter son peuple à y être fidèle même après qu’il l’ait rejetée et rompue. Cette alliance subsiste et n’est pas révoquée, même après avoir été rejetée et rompue par l'autre partie.

Mais, la difficulté concrète est réelle.

Vous en faites un excellent résumé de ce qui me semble être votre pensée et le fondement de votre méfiance : « L’Alliance sinaïtique avec Israël se concrétisait du côté de Dieu par un soutien aux guerres menées par Israël, dont la Révélation chrétienne nous enseigne qu’elles servaient à la pérennité du peuple, maintenu souvent difficilement dans la fidélité à cette alliance, afin que de ce peuple vienne le Messie Fils de Dieu, seul capable .d’établir une Alliance nouvelle et éternelle avec l’humanité entière, à travers l’Église, Nouvel Israël. ».

Vous semblez limiter ainsi l'alliance sinaïtique à la venue du Christ et vous méfier de cette alliance sinaïtique parce qu’elle « se concrétisait du côté de Dieu par un soutien aux guerres menées par Israël » ce qui, aussitôt, vous fait craindre le pire dans la réalité concrète actuelle : « Qu’aurait aujourd’hui le sens réel de l’Alliance sinaïtique supposée maintenue telle quelle avec le Vieil Israël ? Ne croyez-vous pas que celui-ci l’interpréterait (de fait l’interprète) de la même manière, belliqueuse en fait, que dans les temps pré-christiques ? ».

Merci d’être ainsi aussi franc que clair. Vous avez raison de craindre l’interprétation belliqueuse que vous indiquez dans la situation concrète actuelle dans l’antique pays de Canaan. Vous serez cependant d’accord pour considérer qu’aucune interprétation humaine ne peut suffire à écarter la Parole de Dieu elle-même qu’il incombe de comprendre à la lumière de l’Évangile.

Mais, à ce sujet, vous pouvez aussitôt penser qu’il ne « faut pas se payer de mots » et, à cet égard, la vraie difficulté se trouve dans la Parole de Dieu elle-même. Vous écrivez que « du côté de Dieu » cela se concrétisait, dans l’Ancien Testament, par un « soutien » aux guerres d’Israël.

Et, oui, c’est une vraie difficulté. Comment comprendre aujourd’hui un tel soutien ? Que signifie-t-il réellement ?

La violence de certains propos de Dieu dans l’Ancien Testament est parfois extrême.

Cette question nous plonge dans une perplexité tout aussi extrême. En 2024, notre sensibilité, notre culture, nos valeurs, sont tellement autres que ce qu’elles étaient il y a plus de 3.000 ans, que nous sommes confrontés à une réelle impossibilité de nous représenter exactement le sens des paroles exprimées à cette époque.

Je n’ai hélas pas de réponse satisfaisante à vous proposer et cette observation est très importante dans le sujet concernant le peuple d’Israël qui subsiste aujourd’hui encore depuis plus de 3.000 ans.

Dans le dialogue judéo-chrétien, un rabbin américain, Yozef Soloveitchik, a attiré l’attention à cet égard sur l’importance de pouvoir reconnaître une « incommunicabilité » entre les Juifs, héritiers d’une culture et d’un langage spécifiques nourris de la Torah et de sa mise en pratique depuis des millénaires, et les chrétiens qui, après quelques générations, ont abandonné cette mise en pratique et ont développé une compréhension particulière de la Torah fondée sur le Nouveau Testament.

Cette incommunicabilité ne concerne pas que le dialogue judéo-chrétien, mais fait partie de la réalité humaine qui peut se retrouver partout.

En effet, le langage de chacun de nous est façonné dans un creuset personnel jamais identique à celui de personne d’autre. Cette source, dans la chair de chacun de nous, nous différencie des autres dans une mesure plus ou moins grande selon ce que nous avons en commun.

Et, c’est à cet égard que notre dialogue avec les Juifs se révèle d’une importance essentielle pour nous chrétiens.

L’Israël de l’alliance avec Abraham et Moïse est, et restera à jamais, le berceau du Christ. Ce berceau subsiste, quelles que soient les évolutions qu’on peut constater. Ce berceau (le peuple juif) donne une compréhension particulière à ceux qui en vivent encore aujourd’hui dont nous ne disposons pas.

Le peuple juif est en cela semblable à une mère dont l’expérience de la maternité, avec neuf mois de grossesse et un accouchement, ne peut être « pleinement » partagée avec ceux qui n’ont pas vécu cette expérience dans leur chair. Il faut accepter qu’il y a là, par exemple, une partie incommunicable d’un vécu dont une mère peut être le témoin d’une manière plus étendue et particulière que celui qui n’a jamais été mère.

Il en est de même de Jésus de Nazareth et de sa vie dans la chair que nous rapportent les évangiles. N’oublions pas que non seulement Jésus, mais aussi que tous les apôtres et ses premiers disciples étaient juifs ou, du moins, pétris de culture juive. C’est dans le peuple juif que Dieu s’est incarné. Même si certains païens s’en sont rapprochés et ont été intégrés, les débuts de l’Église sont juifs.

Même les pèlerins de toutes les nations le jour de la Pentecôte étaient des personnes qui venaient en pèlerinage à Jérusalem, au temple de l’alliance mosaïque.

Ce n’est qu’après quelques dizaines d’années et l’intervention déterminante de saint Paul que l’adhésion à la foi chrétienne s’est détachée de la loi mosaïque et donc de la judéité lorsqu’il a été décidé que les chrétiens venant du monde païen ne devaient plus être circoncis, ce qui est la base de l’alliance selon la chair conclue avec Abraham.

Depuis lors, les chrétiens ont cependant perdu la connaissance de la pratique de la loi mosaïque et de l’ancienne alliance qui fonde le peuple juif.

Mais, ce peuple juif nous reste essentiel pour comprendre les évangiles dans lesquels Jésus parle et agit en juif à l’égard d’autres juifs.

L’évangile de dimanche nous a rappelé à cet égard que Jésus lui-même était attentif au caractère essentiel du cadre juif pour comprendre ses paroles, ses actes, sa messianité et sa divinité.

Dans cet évangile, quelques Grecs voulaient seulement « le voir » (Jn 12, 20-21) et il n’a donné aucune réponse positive à leur demande, mais au contraire il a choisi de se cacher (cf. Jn 12, 36). Il a dit ailleurs qu’il n’était venu que pour les brebis perdues d’Israël. Ce n’est pas par sectarisme qu’il le faisait, mais parce que sa présence, dans la chair, était seulement pour les Juifs à ce moment et Jésus a postposé la rencontre demandée par ces Grecs : « quand j'aurai été élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12, 32).

Qui, mieux que les Juifs, pourrait nous aider à comprendre le sens et la portée, dans la chair, des paroles et des actes de Jésus de Nazareth ? La connaissance par l’esprit est, bien certainement, prépondérante et l’Esprit Saint est essentiel pour notre connaissance. Mais, ce que nous ressentons dans la chair n’est pas négligeable car nous sommes faits d’une nature corporelle et spirituelle, indivisiblement. Aussi, la connaissance du berceau de la foi, dans la chair et par les Juifs qui continuent à en vivre, peut enrichir notre compréhension humaine de l’Évangile.

Les Juifs ont l’expérience de la vie juive qui était celle du Christ et des débuts de l’Église. C’est un trésor irremplaçable.

Nous ne cessons pas d’attendre des fruits de l’Ancienne Alliance par laquelle le Christ nous est donné et qui continue à pouvoir contribuer à la vie de l’Église.

Même sur les questions théologiques principales qui nous divisent, et en premier la messianité et la divinité du Christ, les Juifs sont, par l’alliance mosaïque, sur un chemin qui mène au Christ d’une manière particulière et la conversion des Juifs est au bout de ce chemin. Ils restent des témoins vivants du berceau du Christ qui peuvent éclairer de manière spécifique la judéité du Christ qui imprègne tout son être humain dans la chair.

Il y a, dans la Torah et les autres livres juifs qui forment notre Ancien Testament, toutes les écritures nécessaires pour révéler dans toute son étendue ce qu’est la promesse d’un Messie. Ce que les Juifs peuvent nous en dire dans le berceau juif de cette promesse peut enrichir notre compréhension du fait de leur pratique concrète de l’Ancienne Alliance que nous n’avons pas, et nos frères juifs pourraient eux-mêmes découvrir des aspects cachés dans ce que les chrétiens perçoivent de cette promesse d’un Messie et enrichir par là leur propre foi fondée dans l’Ancienne Alliance.

De même, à un niveau plus profond encore, la double interdiction pour les Juifs de représenter et de nommer le divin reste un socle fondamental qui, du fait même de cette interdiction, laisse des ouvertures dans la connaissance du divin qui n’épuisent pas l’enrichissement mutuel qui demeure possible là où, dans un contexte autre, les chrétiens ont l’habitude d’utiliser de manière banale des concepts comme la divinité de Jésus et la Trinité.

Mais, restons attentifs, notamment dans notre compréhension de l’Évangile, à la pensée juive dont Jésus et ses apôtres étaient pétris.

Le nom c’est l’identité et les Juifs attirent notre attention sur le fait que le divin ne peut être identifié par l’humain, ce qui est vrai en ce sens qu’aucun de nos mots, ni aucune de nos pensées, ne peut prétendre définir ou limiter le divin, ni le représenter, car il est au-delà de tout ce que nous pouvons dire ou penser. Il est transcendant. Absolument.

Les chrétiens le savent, bien sûr, et peuvent entrer en dialogue sans restriction avec les Juifs à cet égard. Tout est affaire de nuances parfois très subtiles dont la Bible est remplie.

Le « nom » que nous, chrétiens, attribuons au divin sans gêne en parlant de « Dieu » est un mode de langage largement « incommunicable » qui fait partie de notre langage et de notre culture dont nous avons une expérience que nos frères juifs n’ont pas en ce que leur expérience est autre.

Parler de « Trinité », de « Dieu », ou d’une « incarnation » de « Dieu », ou encore d’un « Fils » de « Dieu », n’a pas de place dans leur langage puisque le concept même de « Dieu » n’y a pas et ne peut pas y avoir de contenu précis et puisqu’il ne peut en rien représenter ou nommer le divin.

Mais, Juifs ou Chrétiens, nous sommes des humains en présence de la même réalité et en présence d’un Juif nommé Jésus. La lumière que nous recevons de Lui est incomparable, mais, mystérieusement pour nous, elle continue à passer encore d’une manière particulière par le peuple élu d’Israël, pour le bien de toute l’Église et pour l’avènement de Jésus-Christ, notre Seigneur.

Et vos craintes d’interprétations déviantes et belliqueuses dans tout cela ? Bien réelles, bien concrètes, bien terrestres.

Avec un brin d’humour ou du moins de manière un peu décalée, je pense que Dieu devait craindre et se dire la même chose que vous lorsqu’il a fait alliance avec Abraham. Et avec raison.

« l’Église devrait-elle faire comme si elle ne percevait pas cette réalité ? » Non, bien sûr !

Mais, néanmoins, deux conclusions possibles et différentes se présentent à nous : soit l’incarnation du Christ et la réalisation de son œuvre, par la mort, la résurrection et l’effusion de l’Esprit, a achevé pleinement l’Ancienne Alliance désormais totalement morte et sans objet, soit cet achèvement ne se réalisera pleinement qu’à l’avènement du Christ à la fin des temps et, entretemps, l’Ancienne Alliance subsiste pour contribuer à l’œuvre du Christ.

Et l’enseignement de l’Église est qu’elle subsiste. Avec et malgré les craintes pertinentes que vous exprimez.


@Ombiace


Je vous remercie pour vos précisions qui nuancent votre message précédent. Mais par rapport au sujet en cause ici, je ne peux que vous confirmer mes réserves par rapport à cette approche exprimées dans mon message précédent.

Les questions en cause étant difficiles, il est important d’éviter de développer davantage des réflexions hors sujet.

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