par Héraclius » sam. 01 oct. 2016, 16:54
Héraclius a écrit :
A la conception ancienne du mourir, ou l'on priait pour obtenir la bonne mort, soit la mort longue qui donne le temps à la famille d'être réunie, des rites de s'accomplir et qui placait l'amour des autres et l'amour de Dieu au centre (merci seigneur pour ces quelques minutes de plus passées avec ceux que j'aime et à te rendre gloire !), on soustrait l'idéal d'une mort individuelle, ou l'homme, juge et exécuteur de son existence, conserve l'illusion du contrôle sur la terreur de sa propre mort, se tient pour inutilement en vie et se tue.
Je comprends ce que vous expliquez ,Héraclius, mais il est difficile voire contradictoire de maintenir une conception ancienne de mourir lorsqu'on admet et pratique une conception moderne de vivre. Je ne parle pas ici de la dictature de l'efficience et de l'efficacité dont vous parlez.
Ce que je veux dire c'est que lorsqu'on avait une conception ancienne de mourir, il y avait de pair une conception ancienne de vivre qui n'ouvrait pas les portes à la possibilité de vivre dix ans de plus en avalant quinze cachets par jour ou en passant trois jours par semaine à l'hôpital en dialyse.
L'interventionnisme de l'homme sur sa mort, si je peux employer ce terme, n'est que l'image miroir du même interventionnisme sur sa vie.
Pour être logique, en condamnant l'aide médicale à mourir, il faudrait aussi condamner les greffes d'organes, transfusions sanguines ou de moelle osseuse et tout autre intervention complexe sur des adultes ou des bébés qui visent à préserver à tout prix la vie de quelqu'un qui devrait être mort.
Ce principe de l'équilibre des choses s'applique à tout ce qu'on peut vivre dans la vie humaine. Quelqu'un, par exemple, qui se "gèle" psychologiquement pour ne pas sentir le chagrin, la douleur, les blessures de la vie, l'absence d'amour, celui-là se coupe également de la joie et du bonheur.
Lorsqu'on s'insensibilise, on s'insensibilise à tout. On ne peut être sélectif et choisir ses émotions. La vie est un tout
En médecine, c'est la même chose. On ne peut donner un médicament pour traiter un problème particulier à un organe sans qu'il y ait un impact sur d'autres organes du corps, ce qu'on appelle les effets secondaires. Car le corps est un tout, une machine extrêmement complexe dont les parties sont interdépendantes.
En résumé, il est étrange et illogique de cautionner les interventions complexes de la science sur le déroulement de la vie qui vont parfois même jusqu'à l'acharnement thérapeutique, tout en déclarant cela tout à fait normal et souhaitable et de condamner en même temps l'aide médicale à mourir.
Il y a là quelque chose qui ne va pas, comme un contre-sens en arrière-goût.
Je suis tout à fait d'accord avec vous ; l'acharnement thérapeutique, en particulier, me semble tout à fait mauvais. D'ailleurs, c'est la mentalité de l'acharnement thérapeutique qui a sans doute débouchée sur celle de l'euthanasie, mais bon, c'est un autre problème.
Enfait, le problème est que notre société a déjà adoptée le paradigme utilitariste, le problème de la sacralité de la vie étant finalement le dernier bastion d'une anthropologie culturellement en recul. Du coup, on se retrouve avec des paradoxe comme le phénomène "abandon en maison de retraite" ; la personne est abandonnée de la société, rejetée à ses marges, vit dans la pensée de son inutilité, de son indignité au regard des standards moraux de la société MAIS est maintenue en vie par principe, pour allonger le plus possible son existence dépourvue d'objectif et de raison d'être.
Il va de soi que la poussée pour l'euthanasie, le suicide assisté et le reste est le symptôme, la conséquence de l'émergence d'un nouveau paradigme et non le paradigme en elle-même. Il ne s'agit donc absolument pas de combattre ce point-là en particulier, mais ce point ET tout le reste.
Bien sûr, qu'il ne faut pas rejeter les avancées de la médecine qui prolongent la vie. Par contre, il faut repenser notre rapport entier à la vie elle-même. Dire que la vie a un sens, qu'elle est bonne par elle-même, indépendament du reste. Il faut glorifier la vie à tous ses stages d'existence, et comprendre la valeur du pauvre, du vieux, du trisomique, du dépréssif en proclammant cette valeur comme absolue.
"Vivre dix ans de plus en avalant quinze cachets par jour" est donc tout à fait compatible avec le refus de l'euthanasie à condition que l'on repense le sens même du mot vivre. Si le sens de la vie est d'aimer et d'être aimé, alors les difficultées engendrées par ces dix ans de vie doivent être relativisées (ce qui n'est évidemment pas être niées !) par rapport à ce sens.
[quote][quote="Héraclius"]
A la conception ancienne du mourir, ou l'on priait pour obtenir la bonne mort, soit la mort longue qui donne le temps à la famille d'être réunie, des rites de s'accomplir et qui placait l'amour des autres et l'amour de Dieu au centre (merci seigneur pour ces quelques minutes de plus passées avec ceux que j'aime et à te rendre gloire !), on soustrait l'idéal d'une mort individuelle, ou l'homme, juge et exécuteur de son existence, conserve l'illusion du contrôle sur la terreur de sa propre mort, se tient pour inutilement en vie et se tue.[/quote]
Je comprends ce que vous expliquez ,Héraclius, mais il est difficile voire contradictoire de maintenir une conception ancienne de mourir lorsqu'on admet et pratique une conception moderne de vivre. Je ne parle pas ici de la dictature de l'efficience et de l'efficacité dont vous parlez.
Ce que je veux dire c'est que lorsqu'on avait une conception ancienne de mourir, il y avait de pair une conception ancienne de vivre qui n'ouvrait pas les portes à la possibilité de vivre dix ans de plus en avalant quinze cachets par jour ou en passant trois jours par semaine à l'hôpital en dialyse.
L'interventionnisme de l'homme sur sa mort, si je peux employer ce terme, n'est que l'image miroir du même interventionnisme sur sa vie.
Pour être logique, en condamnant l'aide médicale à mourir, il faudrait aussi condamner les greffes d'organes, transfusions sanguines ou de moelle osseuse et tout autre intervention complexe sur des adultes ou des bébés qui visent à préserver à tout prix la vie de quelqu'un qui devrait être mort.
Ce principe de l'équilibre des choses s'applique à tout ce qu'on peut vivre dans la vie humaine. Quelqu'un, par exemple, qui se "gèle" psychologiquement pour ne pas sentir le chagrin, la douleur, les blessures de la vie, l'absence d'amour, celui-là se coupe également de la joie et du bonheur.
Lorsqu'on s'insensibilise, on s'insensibilise à tout. On ne peut être sélectif et choisir ses émotions. La vie est un tout
En médecine, c'est la même chose. On ne peut donner un médicament pour traiter un problème particulier à un organe sans qu'il y ait un impact sur d'autres organes du corps, ce qu'on appelle les effets secondaires. Car le corps est un tout, une machine extrêmement complexe dont les parties sont interdépendantes.
En résumé, il est étrange et illogique de cautionner les interventions complexes de la science sur le déroulement de la vie qui vont parfois même jusqu'à l'acharnement thérapeutique, tout en déclarant cela tout à fait normal et souhaitable et de condamner en même temps l'aide médicale à mourir.
Il y a là quelque chose qui ne va pas, comme un contre-sens en arrière-goût.[/quote]
Je suis tout à fait d'accord avec vous ; l'acharnement thérapeutique, en particulier, me semble tout à fait mauvais. D'ailleurs, c'est la mentalité de l'acharnement thérapeutique qui a sans doute débouchée sur celle de l'euthanasie, mais bon, c'est un autre problème.
Enfait, le problème est que notre société a déjà adoptée le paradigme utilitariste, le problème de la sacralité de la vie étant finalement le dernier bastion d'une anthropologie culturellement en recul. Du coup, on se retrouve avec des paradoxe comme le phénomène "abandon en maison de retraite" ; la personne est abandonnée de la société, rejetée à ses marges, vit dans la pensée de son inutilité, de son indignité au regard des standards moraux de la société MAIS est maintenue en vie par principe, pour allonger le plus possible son existence dépourvue d'objectif et de raison d'être.
Il va de soi que la poussée pour l'euthanasie, le suicide assisté et le reste est le symptôme, la conséquence de l'émergence d'un nouveau paradigme et non le paradigme en elle-même. Il ne s'agit donc absolument pas de combattre ce point-là en particulier, mais ce point ET tout le reste.
Bien sûr, qu'il ne faut pas rejeter les avancées de la médecine qui prolongent la vie. Par contre, il faut repenser notre rapport entier à la vie elle-même. Dire que la vie a un sens, qu'elle est bonne par elle-même, indépendament du reste. Il faut glorifier la vie à tous ses stages d'existence, et comprendre la valeur du pauvre, du vieux, du trisomique, du dépréssif en proclammant cette valeur comme absolue.
"Vivre dix ans de plus en avalant quinze cachets par jour" est donc tout à fait compatible avec le refus de l'euthanasie à condition que l'on repense le sens même du mot vivre. Si le sens de la vie est d'aimer et d'être aimé, alors les difficultées engendrées par ces dix ans de vie doivent être relativisées (ce qui n'est évidemment pas être niées !) par rapport à ce sens.