Benucci a écrit : ↑mar. 09 juin 2020, 5:37
Question "bête" si j'ose dire
Que l'homme souffre et meure pour racheter sa faute, ok je peux comprendre.
Mais les animaux ne peuvent pas pécher il me semble (ils suivent forcément la loi naturelle), ils n'ont commis aucune faute non plus au Paradis terrestre avant la Chute. Alors pourquoi doivent-ils souffrir et mourir ?
Bonjour Benucci,
Votre question est pertinente et profonde.
Vous écrivez que vous pouvez comprendre «
Que l'homme souffre et meure pour racheter sa faute ». Vraiment ? Tout est pourtant bien difficile dans une telle pensée.
Vous pensez probablement que lorsqu’il y a faute, il y a culpabilité et juste punition, mais, par rapport aux animaux, vous observez qu’il n’y a pas de faute chez eux, parce que vous comprenez qu’ils n’ont pas la conscience de leurs actes et de leur vie qui est nécessaire pour qu’il y ait une faute.
L’humain peut comprendre la souffrance comme une «
punition » pour une faute, mais n’est-ce pas, en ce qui concerne la «
faute » parce que l’humain se «
sent » coupable et est conscient de ses actes, de sa liberté et, en ce qui concerne la «
punition », parce qu’il est conscient de sa propre souffrance, parce qu’il «
souffre » moralement et spirituellement de sa souffrance physique ?
Certes, des animaux peuvent percevoir un lien de causalité entre un de leurs actes et une souffrance physique et peuvent ainsi apprendre ou être dressés. Des animaux peuvent ressentir de la tristesse ou de la détresse de diverses manières.
Biologiquement ou neurologiquement, il est vain de chercher une différence entre la souffrance ou la mort de l’humain ou des animaux.
Mais, le ressenti de la souffrance est-il le même chez un être humain ou chez un animal ? Qui mesure la différence pour l’être conscient de sa souffrance ?
De même, la réalité de la mort est-elle la même pour l’être naturel précaire et pour l’être conscient ?
Où est la différence ?
N’est-ce pas dans la «
conscience » que nous pouvons trouver une différence essentielle ?
Essentielle pour comprendre ce qu’est une «
faute », mais aussi pour comprendre ce qu’est «
souffrir » ou «
mourir ».
Est-ce qu’un fruit «
souffre » lorsqu’il est mûr et est mangé, est-ce qu’il «
meurt » lorsqu’il tombe en terre et produit parfois un arbre nouveau ?
Vous direz non puisqu’il n’a pas de cerveau pour lui faire ressentir quoi que ce soit.
La mort physique est un fait incessant dans la nature physique car tout y est précaire et se renouvelle sans cesse. Les atomes et les molécules autant que les êtres plus complexes se forment, se reproduisent et se défont. Aucune différence pour le corps humain.
Mais, même par rapport aux animaux qui ont un cerveau plus ou moins comparable à celui des humains, n’y a-t-il pas un au-delà du physique dans toute souffrance physique humaine autant que dans la mort humaine ?
Beaucoup de nos contemporains partagent plus ou moins les pensées «
antispécistes » qui considèrent que rien ne justifierait de différencier l’humain qui paraît un être naturel comme les autres. Pourquoi aurait-il reçu quelque chose, l’esprit ou la conscience, dont les autres êtres naturels, les animaux, auraient été privés ? En quoi l’humain serait-il fondé à se croire supérieur à cause de certaines de ses particularités intellectuelles alors que divers animaux en ont d’autres et parfois bien supérieures selon d’autres critères ?
Ces pensées sont pertinentes si nous ne considérons que la nature physique.
Rien n’impose de penser que des créatures aient été privées de quoi que ce soit.
Mais, le Christ, par sa résurrection, nous montre une réalité autre. L’humain franchit les limites précaires de son corps naturel. Le corps est essentiel pour notre conception et notre existence en ce monde, mais, une fois créés, nous sommes davantage que notre réalité naturelle, nous sommes capables de vivre dans un au-delà du corps et du monde naturel.
Mon corps naturel peut mourir, mais je ne meurs pas avec lui. C’est la promesse autant que le témoignage du Christ, vrai être naturel précaire comme nous et pourtant, tout autant, vrai vivant éternel au-delà des réalités corporelles précaires de son corps.
Il y a un «
je » qui demeure. Est-ce que l’arbre coupé ou un animal qui retourne à la poussière subsistent comme «
je » lorsque leur corps naturel cesse d’être vivant ?
Ils peuvent subsister d’une certaine manière dans l’environnement où ils ont été vivants ainsi que dans la mémoire des autres vivants.
Mais, leur réalité propre n’a qu’un temps. C’est ce que comprennent les athées autant que la plupart des croyants.
Notre création par un autre que nous-mêmes et la venue en ce monde de celui par qui tout a été fait nous font découvrir que nous ne sommes pas supérieurs naturellement aux autres créatures mais «
autres ».
Le «
moi » peut souffrir avec conscience mais aussi demeurer au-delà de toute souffrance et mort dans ce monde physique.
La révélation nous ouvre à un plus. Nous sommes une création spécifique avec une double nature. Notre conscience est à la jonction de tout ce qui en nous est naturel et précaire et d’un au-delà où un «
autre » nous partage sa «
vie ».
Nous avons nos deux pieds dans cet au-delà autant qu’en ce monde, mais la destruction naturelle en ce monde ne peut rien contre notre vie dans l’au-delà.
Les animaux ne sont privés de rien. Ils sont «
autres » et nous sommes «
autres ».
Nous sommes des êtres dont la vie transcende les réalités naturelles et subsiste au-delà de la réalité physique dans laquelle et avec laquelle nous avons été créés.