Didyme a écrit : ↑sam. 17 juin 2023, 0:18
Il s'agit de cette affirmation que le mal n'a pas d'existence propre mais qu'il est l'absence de bien, contrairement au manichéisme qui verrait dans le bien et le mal deux principes éternelles en lutte permanente.
Or, si le mal n'a pas d'existence propre, originelle alors cela signifie qu'il résulte de la perte, d'un manque du bien.
D'ailleurs, je ne suis même pas sûr que l'on puisse dire que le mal est une
absence de bien car cela renverrait l'idée que le mal existe par lui-même. Et on retomberait dans un principe du mal face au principe du bien.
Le mal n'est donc pas extérieur au bien tel qu'existant par lui-même, tel un principe du mal. Mais il n'existe que par le bien. Un bien qui se perverti, se dégrade, se défigure, se désordonne, etc.
Cette dépendance, ce lien du mal au bien est pour le moins troublant.
J'ai l'impression que l'un des plus grands mystères du mal est qu'il n'est pas étranger au bien mais qu'il en tire son origine.
Non pas que le bien soit un mal ou que le bien produise le mal mais le mal en résulte d'une certaine façon, il n'existe que par le bien.
Merci à Didyme d'avoir relancé ce sujet qui, depuis lors, a déjà suscité d’abondants échanges qui se sont orientés vers diverses formes concrètes du mal dont les souffrances et les douleurs.
Mais les réflexions de Didyme me semblent principalement renvoyer à la création elle-même.
Sans la création, dans l’éternité de Dieu, il me semble que nous pouvons considérer que Dieu seul «
est ». Il n’y a pas d’autre vie ou réalité que celle de l’amour éternel du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Il n’y pas de «
mal » sans ou «
avant » la création.
Dans cette réalité éternelle de Dieu, il me semble vain de chercher une autre réalité qui, nécessairement ne peut pas être sinon elle serait Dieu. Donc, vous avez raison de rejeter même la notion d’absence de mal car c’est déjà donner de la réalité au mal que de déclarer qu’il est «
absent ».
Dieu seul est éternel.
Le mystère devient profond, voire incompréhensible pour nous, lorsque nous considérons que Dieu «
crée », «
ex nihilo ».
Le fait même de créer nous semble faire exister ce qui n’existait pas «
avant ». Pour notre cerveau, qui mesure tout dans le temps et l’espace, la compréhension semble bloquée. Si Dieu crée, notre cerveau perçoit un «
avant » (la création n’est pas encore créée) dans lequel nous paraît une «
absence » ou un «
manque » par rapport à «
après » la création.
Et nous nous demandons alors : Comment Dieu, qui est parfait de toute éternité, peut-il créer du neuf qui paraît, par le fait même de sa création, révéler un manque «
avant » cette création ? Puisque la création n’existait pas «
avant », dans l’éternité, ne faut-il pas en déduire nécessairement un manque «
avant » la création ?
Je ne vois pas de réponse rationnelle pleinement satisfaisante à une telle question, mais cette absence même a du sens car elle montre que notre seul cerveau terrestre ne peut épuiser la compréhension des réalités les plus profondes. Il y a toujours un au-delà de notre compréhension terrestre où nous ne pouvons accéder que par l’esprit.
Mais, cela ne nous empêche pas d’avancer dans la réflexion de la question pertinente de Didyme.
Il me semble que c’est le fait même de la création que cette question met en lumière.
Dès que Dieu fait exister du neuf en dehors de Lui-même et que ce nouveau existant (une création) est donc «
autre » que Dieu, nous pouvons constater que la question du mal surgit.
En effet, si le créé était totalement identique à Dieu, il ne serait pas autre et ce ne serait pas une création. Mais, dès lors que la création est «
autre » d’une quelconque manière ou dans une quelconque mesure, cette différence même, par rapport à Dieu qui est le Bien éternel, apparaît comme un «
moins bien » et donc un «
mal ».
A priori, on semble pouvoir en déduire que la notion même d’une création n’a aucun sens car le Parfait ne peut créer du moins parfait.
Mais, c’est ici que la révélation chrétienne peut déployer toute sa force lorsqu’elle considère que Dieu est amour de toute éternité, que la vie en Dieu est une vie d’amour dans la Trinité.
Car l’amour est partage avec un autre et une telle vie se révèle une source de surabondance sans cesse nouvelle.
Dieu, qui ne manque de rien dans l’éternité, ne crée rien d’autre de moins bien, mais son amour peut, sans aucun manque, surabonder dans un désir d’un nouvel amour à partager.
La création des humains exprime cette surabondance de l’amour éternel de Dieu.
Créer un autre avec lequel la vie d’amour de Dieu peut être partagée semble impliquer cependant une liberté, sans laquelle ce qui serait créé ne serait qu’un robot ou une chose sans vie propre dont l’intérêt serait inexistant par rapport au parfait éternel en qui rien ne manque. Dieu ne crée pas du moins bien.
Dieu a voulu créer un être, autre mais aussi bien que Lui. Il l’a voulu libre pour que cet être créé soit capable de choisir de l’aimer et de partager éternellement sa vie d’amour.
Toute la création matérielle, depuis les fondements du Big Bang, est voulue pour assurer aux humains la réalité autonome nécessaire à leur création d’être libres. Tout l’univers a été voulu et créé pour l’humain.
Sans l’humain, cet univers, qui n’est pas Dieu, peut certainement être regardé par notre intelligence comme rempli de manque (par rapport à la perfection éternelle de Dieu), et donc de «
mal ».
Mais, ce «
mal » n’en est pas réellement dans la mesure où la vision de cet univers ne peut être séparée de l’humain créé pour en vivre et y trouver la possibilité d’exister comme être libre, capable de partager la vie d’amour de Dieu s’il le veut librement.
Nous ne pouvons rien comprendre de l’univers spirituel et matériel créé par Dieu sans tout regarder dans le cadre de cette création voulue d’un être libre, l’humain, pour partager parfaitement avec lui l’amour éternel de Dieu.
Cet humain ne peut être capable de vivre de la vie même de Dieu que dans la liberté.
Cette liberté a placé Adam et Ève dans le choix originel le plus parfait, dans un monde parfaitement adapté à ce choix parfait.
Pour que ce choix soit parfait, il fallait une nature unique corporelle et spirituelle, un être à l'image et et à la ressemblance de son Créateur, un jardin dans l’Eden, une relation d’amour à un autre, le tentateur et la tentation.
On sait ce que fut le choix de nos premiers parents, mais on sait aussi que tout ne s’arrête pas là. L’histoire n’est pas terminée. Le mal est pas définitif. Nous sommes encore en route sur un chemin où le Christ nous a ouvert une parfaite restauration du chemin créé pour que les humains, qui le veulent, puissent partager la vie éternelle d’amour de leur Créateur.
Pour notre cerveau, qui mesure tout dans le temps et l’espace, ce «
mal », que nous voyons ou percevons par rapport au Bien éternel de Dieu, ne peut être considéré dans sa pleine réalité que dans le cadre plus vaste de l’amour de Dieu.
À défaut, si nous regardons isolément tel ou tel «
mal » concret, nous ne pouvons que le considérer insupportable et inacceptable.
Mais, au coeur de l’obscurité, nous pouvons aussi nous réconforter par notre foi en l’amour certain de notre Créateur et notre esprit nous atteste que, même lorsque notre intelligence ne peut comprendre, il y a une lumière au-delà de nous-même qui nous éclairera un jour pleinement.