par Cinci » ven. 17 nov. 2017, 7:11
La résurrection commence dès la mort mais ne sera totale qu'à la fin des temps
Celui que saint Paul appelle "le Premier-Né de toute créature", l'Apocalypse l'appellera "le Premier-Né des morts" (1,5), le Premier Vivant de tous ceux qui sont morts et qui mourront. La mort demeure bien une fin (il est impossible qu'il en soit autrement), mais la fin seulement d'une forme de vie et le passage à une autre forme de vie, celle de Dieu lui-même.
Quand nous passons le seuil de la mort, nous rencontrons le Christ ressuscité. Comment pouvons-nous le représenter? En rigueur de terme, nous ne le pouvons pas. Notre certitude de foi ne supprime pas l'obscurité profonde où nous restons sur ce qu'est en lui-même le Christ ressuscité. Ce qu'est la Vie au-delà de la mort, la Vie qui n'est que Vie ou, ce qui revient au même, l'Amour qui n'est qu'Amour, nous ne pouvons pas l'imaginer.
[...]
Cette résurrection commence dès la mort (il n'y a pas de salle d'attente où l'âme, séparée du corps, attendrait la fin du monde pour récupérer son corps!) mais elle ne sera totale qu'à la fin des temps, car je ne suis vraiment moi qu'en compagnie de tous les frères. Pour parler comme notre catéchisme élémentaire, ce n'est qu'à la fin du monde que tous les hommes seront au ciel.
Le Christ ressuscité sera tout pour moi mais tous mes frères sont les membres du Christ. Le Christ n'est pas séparable des membres de son Corps : comment voulez-vous que je rencontre le Christ qui est la Tête sans rencontrer les membres de son Corps? On entend parfois demander : "Retrouverais-je au ciel mon fils décédé à vingt ans?" Il faut être absolument net : bien entendu, Madame, puisque vous êtes constituée par cette relation à vos enfants. C'est cela que j'ai appelé le corps, c'est cela votre histoire et elle ressuscite dans le Christ; que sommes-nous sans les êtres que nous aimons?
Le corps spirituel est un corps de liberté
Le corps spirituel est l'expression de l'homme parvenu à la liberté. Devenir un homme libre, c'est mourir à tout ce qui n'est pas amour ou charité. L'homme est libre quand il est capable d'affronter la mort, la mort de l'égoïsme sous toutes ses formes : tranquillité, confort, possession de privilèges, consentement tranquille aux inégalités insolentes du monde. L'homme est libre quand il meurt activement à tout cela, quand il travaille à ne pas être esclave de soi. Je dis : activement, c'est à dire en posant des actes libres, en prenant des décisions, petites ou grandes, qui font advenir, jour après jour, une liberté plus grande.
Tous les actes de la vie du Christ ont été des actes d'amour. Il ne s'est pas donné en partie, dans tels actes à l'exclusion de tels autres. En rigueur de terme, il a donné sa vie, tout au long de sa vie, et sans jamais la reprendre pour soi. Il est donc mort à toutes les limites qui constituent un homme et à tous les péchés qui replient l'homme dans ces limites. Mort quotidienne pleinement volontaire qui est vraiment son acte, l'ensemble des actes posés par lui. La mort du Christ - comprenons bien : mort constituée par chacun des actes tout au long de sa vie, et mort finale sur la croix - est l'acte parfait d'une liberté humaine, donc l'expression parfaite en un homme de la liberté même de Dieu.
Cet homme de chair et de sang que nous appelons Jésus passe intégralement dans sa liberté, dans l'acte de liberté par lequel il se donne. Si nous prenons bien à la lettre le mot intégralement, c'est une vérité de la Palice de dire qu'il est libre sans résidu. Et c'est à dire qu'il est vivant sans résidu, ou qu'en mourant il ressuscite. "Il n'a pas connu la corruption" (Ac 2,31).
Si la mort de Jésus avait été une mort naturellement subie, le tombeau ne serait pas vide : il y aurait un résidu, voué à la destruction pure et simple. Mais si la vie de Jésus est sa vie donnée, elle est donc la Vie tout court, car la vie n'est vraiment la Vie que lorsqu'elle est donnée, puisque être et aimer, c'est la même chose. Dieu est Amour, la Vie est donc l'amour. En Jésus, la mort est l'expression parfaite de la vie. Le corps mort de Jésus, c'est la Vie même, l'accomplissement, et, du même coup, la révélation de la liberté. Il est un homme libre et il n'y a pas de liberté dans les tombeaux, il ne peut y avoir que des résidus. Rien ne devient poussière de ce qu'a été Jésus : le tombeau est vide.
En nous, il y a autre chose que de l'amour, autre chose que de la liberté, nous sommes esclaves de tant de choses! Nous exprimons cela en reconnaissant que nous sommes pécheurs. Il y a donc en nous autre chose que de la Vie. Le contraire de la vie, la mort, nous la portons déjà en nous tout au long de notre existence terrestre. La mort est intérieure à chacune de nos décisions égoïstes. Cette mort, c'est le refus de la mort volontaire, c'est la mort subie. C'est la part d'énergie, née dans nos corps, qui n'est pas passé en actes de vraie liberté, qui n'a pas été transformée en énergie d'amour ou de mort volontaire.
Il faut prononcer le mot qui exprime bien que mort volontaire et amour sont la même chose : c'est le mot "sacrifice". L'énergie qui monte de mon être de chair et de sang, si elle ne devient pas, au niveau de mon être spirituel (de ma liberté), sacrifice, est vouée à la décrépitude : c'est un résidu, qui ne peut que tomber en poussière.
Le tombeau du Christ est vide, car tout en lui fut holocauste, acte d'amour, don volontaire de soi. Nos tombeaux ne sont pas vides, car tout en nous n'est pas holocauste, acte d'amour, don volontaire de nous-mêmes : notre tombe est le signe, pour tous ceux qui viennent y déposer des fleurs, que nous sommes de pauvres pécheurs.
tiré de :
F. Varillon, Joie de croire joie de vivre, p. 189
[b]La résurrection commence dès la mort mais ne sera totale qu'à la fin des temps
[/b]
Celui que saint Paul appelle "le Premier-Né de toute créature", l'Apocalypse l'appellera "[b]le Premier-Né des morts[/b]" (1,5), le Premier Vivant de tous ceux qui sont morts et qui mourront. La mort demeure bien une fin (il est impossible qu'il en soit autrement), mais la fin seulement d'une forme de vie et le passage à une autre forme de vie, celle de Dieu lui-même.
Quand nous passons le seuil de la mort, nous rencontrons le Christ ressuscité. Comment pouvons-nous le représenter? En rigueur de terme, nous ne le pouvons pas. Notre certitude de foi ne supprime pas l'obscurité profonde où nous restons sur ce qu'est en lui-même le Christ ressuscité. Ce qu'est la Vie au-delà de la mort, la Vie qui n'est que Vie ou, ce qui revient au même, l'Amour qui n'est qu'Amour, nous ne pouvons pas l'imaginer.
[...]
Cette résurrection commence dès la mort (il n'y a pas de salle d'attente où l'âme, séparée du corps, attendrait la fin du monde pour récupérer son corps!) mais elle ne sera totale qu'à la fin des temps, car je ne suis vraiment moi qu'en compagnie de tous les frères. Pour parler comme notre catéchisme élémentaire, ce n'est qu'à la fin du monde que tous les hommes seront au ciel.
Le Christ ressuscité sera tout pour moi mais tous mes frères sont les membres du Christ. Le Christ n'est pas séparable des membres de son Corps : comment voulez-vous que je rencontre le Christ qui est la Tête sans rencontrer les membres de son Corps? On entend parfois demander : "Retrouverais-je au ciel mon fils décédé à vingt ans?" Il faut être absolument net : [i]bien entendu, Madame, puisque vous êtes constituée par cette relation à vos enfants. C'est cela que j'ai appelé le corps, c'est cela votre histoire et elle ressuscite dans le Christ; que sommes-nous sans les êtres que nous aimons?[/i]
Le corps spirituel est un corps de liberté
Le corps spirituel est l'expression de l'homme parvenu à la liberté. Devenir un homme libre, c'est mourir à tout ce qui n'est pas amour ou charité. L'homme est libre quand il est capable d'affronter la mort, la mort de l'égoïsme sous toutes ses formes : tranquillité, confort, possession de privilèges, consentement tranquille aux inégalités insolentes du monde. L'homme est libre quand il meurt activement à tout cela, quand il travaille à ne pas être esclave de soi. Je dis : [i]activement[/i], c'est à dire en posant des actes libres, en prenant des décisions, petites ou grandes, qui font advenir, jour après jour, une liberté plus grande.
Tous les actes de la vie du Christ ont été des actes d'amour. Il ne s'est pas donné en partie, dans tels actes à l'exclusion de tels autres. En rigueur de terme, il a donné sa vie, tout au long de sa vie, et sans jamais la reprendre pour soi. Il est donc mort à toutes les limites qui constituent un homme et à tous les péchés qui replient l'homme dans ces limites. Mort quotidienne pleinement volontaire qui est vraiment son acte, l'ensemble des actes posés par lui. La mort du Christ - comprenons bien : mort constituée par chacun des actes tout au long de sa vie, et mort finale sur la croix - est l'acte parfait d'une liberté humaine, donc l'expression parfaite en un homme de la liberté même de Dieu.
Cet homme de chair et de sang que nous appelons Jésus passe intégralement dans sa liberté, dans l'acte de liberté par lequel il se donne. Si nous prenons bien à la lettre le mot intégralement, c'est une vérité de la Palice de dire qu'il est libre sans résidu. Et c'est à dire qu'il est vivant sans résidu, ou qu'en mourant il ressuscite. "Il n'a pas connu la corruption" ([b]Ac 2,31[/b]).
Si la mort de Jésus avait été une mort naturellement subie, le tombeau ne serait pas vide : il y aurait un résidu, voué à la destruction pure et simple. Mais si la vie de Jésus est sa vie donnée, elle est donc la Vie tout court, car la vie n'est vraiment la Vie que lorsqu'elle est donnée, puisque être et aimer, c'est la même chose. Dieu est Amour, la Vie est donc l'amour. En Jésus, la mort est l'expression parfaite de la vie. Le corps mort de Jésus, c'est la Vie même, l'[i]accomplissement[/i], et, du même coup, [i]la révélation de la liberté[/i]. Il est un homme libre et il n'y a pas de liberté dans les tombeaux, il ne peut y avoir que des résidus. Rien ne devient poussière de ce qu'a été Jésus : le tombeau est vide.
En nous, il y a autre chose que de l'amour, autre chose que de la liberté, nous sommes esclaves de tant de choses! Nous exprimons cela en reconnaissant que nous sommes pécheurs. Il y a donc en nous autre chose que de la Vie. Le contraire de la vie, la mort, nous la portons déjà en nous tout au long de notre existence terrestre. La mort est intérieure à chacune de nos décisions égoïstes. Cette mort, c'est le refus de la mort volontaire, c'est la mort subie. C'est la part d'énergie, née dans nos corps, qui n'est pas passé en actes de vraie liberté, qui n'a pas été transformée en énergie d'amour ou de mort volontaire.
Il faut prononcer le mot qui exprime bien que mort volontaire et amour sont la même chose : c'est le mot "sacrifice". L'énergie qui monte de mon être de chair et de sang, si elle ne devient pas, au niveau de mon être spirituel (de ma liberté), [i]sacrifice[/i], est vouée à la décrépitude : c'est un résidu, qui ne peut que tomber en poussière.
Le tombeau du Christ est vide, car tout en lui fut holocauste, acte d'amour, don volontaire de soi. Nos tombeaux ne sont pas vides, car tout en nous n'est pas holocauste, acte d'amour, don volontaire de nous-mêmes : notre tombe est le signe, pour tous ceux qui viennent y déposer des fleurs, que nous sommes de pauvres pécheurs.
tiré de :
F. Varillon, [u]Joie de croire joie de vivre[/u], p. 189