par Héraclius » sam. 28 janv. 2017, 15:01
Bonjour Rimbaud !
Qu'est-ce que j'entends par la parole ? Bonne question. Ce que j'aimerais toucher du doigt et que j'aimerais rendre sensible en même temps, c'est que Dieu est la spire de la parole, qu'ils sont indissociables l'un à l'autre. Si l'on fait une lecture de la Bible qui est réaliste, je suis en effet obligé de penser que Dieu a créé le monde en six jours et qu'il s'est reposé le septième etc. Je peux aussi penser la Bible comme un jeu de symboles, un jeu de mots qui serait Dieu, et alors la Genèse m'apparaît comme une fiction, un mythe, un montage, qui doit cependant me délivrer une compréhension intime de la Création. C'est mon cas.
J'aimerais vous faire remaquer que contrairement aux protestantisme (ou en tout cas aux formes classiques du protestantisme) l'Eglise a toujours prévilégié une lecture allégorique et spirituelle de la Sainte Ecriture. Ainsi St Augustin, longtemps rebuté par la Bible, s'ouvrit à sa vérité profonde au contact de St Ambroise de Milan. Dans un étonnant passage des
Confessions qui voit un Saint et Docteur évoquer un autre Saint et Docteur, Augustin décrit ainsi cette lecture de l'écriture 'selon l'esprit de la lettre' :
"Je me réjouissais encore que l’ancienne Loi et les Prophètes ne me fussent plus proposés à lire du même oeil qui m’y faisait remarquer tant d’absurdités, quand je reprochais à vos saints les sentiments que je leur prêtais. Et j’aimais à entendre Ambroise recommander souvent, au peuple, dans ses sermons, cette règle suprême « La lettre tue et l’esprit vivifie (II Cor. III, 6). » Et, lorsqu’en soulevant le voile mystique, il découvrait l’esprit là où la lettre semblait enseigner une erreur, il ne disait rien qui me déplût, quoique je ne susse pas encore s’il disait la vérité. Je retenais mon coeur sur le penchant de l’adhésion, de peur du précipice; et cette suspension même m’étouffait. Je voulais être aussi sûr de ce qui échappait à ma vue que de sept et trois sont dix. Je n’étais pas, il est vrai, assez insensé pour croire que je pusse ici me tromper; mais je voulais avoir la même compréhension de toute vérité, soit corporelle et éloignée de mes sens, soit spirituelle, quoique ma pensée ne sût rien se représenter sans corps. Or, je devais croire pour guérir, pour que les yeux de mon esprit, dégagés de leur voile, pussent s’arrêter en quelque sorte sur votre vérité éternelle, sans révolution et sans éclipse." - Les Confessions, VI, 6
D'un côté vous insistez sur le symbole, de l'autre vous concluez que Dieu est la cause de la Création. Moi je pense Dieu comme une vision soufflée, mon âme. Quant à la Création... Je pense plus au Diable. - Je préfère la vision gnostique au dogme habituel.
Ami poète, une chose est ce que votre sentiment vous dicte, autre est ce qui est objectivement vrai. Le même Saint augustin que je citais au-dessus aurais des choses à vous dire sur le rejet de la matière comme création d'un mauvais démiurge chez les manichéens et autres gnostiques de l'antiquité tardive.
Vous me dites que la Science et le Divin n'ont pas à s'expliquer, qu'ils n'évoluent pas sur le même plan. Pouvez- vous me donner une définition de la science et une autre du divin ? Et par là-même nous faire comprendre pourquoi ils n'évoluent pas sur le même plan ?
Ils sont sur le même plan au sens ou ce qui est vrai en science est vrai en théologie ; la Vérité n'est pas multiple, elle est une.
Mais le fait est qu'un texte comme le début de la Genèse n'a pas de prétention scientifique, au sens ou c'est avant tout un texte allégorique qui, prenant la forme d'un décret royal dans l'ancienne monarchie israëlite, décrit Dieu comme un Souverain créateur, créant le monde par des ordres sacrés, c'est à dire par le Verbe, le
Logos, qui n'est rien de moins que le Christ (voir Jean 1). Des interpétations allégoriques de ce texte abondent dans l'histoire de l'Eglise - on en trouve même
avant l'Eglise chez le juif Philon d'Alexandrie. C'est ce qui explique pourquoi l'Eglise n'a aucun mal à accepter le big-bang ou l'évolution (qu'elle a même contribuée à développer, au sens ou certains des scientifiques les plus importants dans ces domaines étaient membres du clergé) et que le "créationnisme catholique" n'existe virtuellement pas, contrairement à aux nomreux cas de l'Amérique protestante littéraliste.
Pour en revenir à votre interrogation, je vous avouerais que l'idée que 'Dieu est un trou' ne résonne que peu dans ma tête. C'est un peu vague. Cela m'évoque peut-être la théologie négative, mystique, qui se refuse à porter sur Dieu quelques prédicat que ce soit. On cite généralement l'oeuvre du Pseudo-Denis l'Aeropagite, qui montre l'impossibilité de dire quoi que ce soit de Dieu à cause de sa transcendance : Dieu étant au-delà de tout, toute tentative de dire "Dieu est quelquechose" est condamnée à échouer, puisque Dieu dépasse tout nom que nous pouvons lui conférer, tout attribut, tout prédicat. Si je dis "Dieu est Bon", j'échoue, can Dieu n'est pas "Bon" tel que nous concevons la Bonté; il est d'une Bonté super-essentielle, indescriptible, ineffable.
Le Dieu du Pseudo-Denis apparaît donc comme une sorte de Vide, en tout cas en ce sens que nous ne pouvons parler de lui que négativement ; c'est le coeur de la tradition apophatique, qui définit Dieu par ce qu'Il n'est pas faut de pouvoir dire ce qu'Il est.
Maintenant relevons votre seconde appellation "une éléctricité noire apparues comme ça, sans cause et librement ". Je dois vous avouez que l'idée d'éléctricité noire m'apparaît, sans mauvais jeux de mot, comme un peu obscure. Quand au fait que Dieu soit sans cause, oui, cela me semble une évidence philosophique. Aristote déjà décrivait l'impossibilité d'un monde sans une cause première, un premier moteur immobile; Saint Thomas d'Aquin, grand héritier d'Aristote, va plus loin dans la troisième des
quinque via en décrivant, au-delà de la causalité, la néssécité d'un être "contenant en lui-même la raison de son existence". Quand à librement, c'est le corollaire de "sans cause" : sans aucun déterminisme pesant sur Lui, Dieu est à l'évidence totalement libre en son existence.
Dieu vous bénisse,
Héraclius -
Bonjour Rimbaud !
[quote] Qu'est-ce que j'entends par la parole ? Bonne question. Ce que j'aimerais toucher du doigt et que j'aimerais rendre sensible en même temps, c'est que Dieu est la spire de la parole, qu'ils sont indissociables l'un à l'autre. Si l'on fait une lecture de la Bible qui est réaliste, je suis en effet obligé de penser que Dieu a créé le monde en six jours et qu'il s'est reposé le septième etc. Je peux aussi penser la Bible comme un jeu de symboles, un jeu de mots qui serait Dieu, et alors la Genèse m'apparaît comme une fiction, un mythe, un montage, qui doit cependant me délivrer une compréhension intime de la Création. C'est mon cas. [/quote]
J'aimerais vous faire remaquer que contrairement aux protestantisme (ou en tout cas aux formes classiques du protestantisme) l'Eglise a toujours prévilégié une lecture allégorique et spirituelle de la Sainte Ecriture. Ainsi St Augustin, longtemps rebuté par la Bible, s'ouvrit à sa vérité profonde au contact de St Ambroise de Milan. Dans un étonnant passage des [i]Confessions[/i] qui voit un Saint et Docteur évoquer un autre Saint et Docteur, Augustin décrit ainsi cette lecture de l'écriture 'selon l'esprit de la lettre' :
[size=85]"Je me réjouissais encore que l’ancienne Loi et les Prophètes ne me fussent plus proposés à lire du même oeil qui m’y faisait remarquer tant d’absurdités, quand je reprochais à vos saints les sentiments que je leur prêtais. Et j’aimais à entendre Ambroise recommander souvent, au peuple, dans ses sermons, cette règle suprême « La lettre tue et l’esprit vivifie (II Cor. III, 6). » Et, lorsqu’en soulevant le voile mystique, il découvrait l’esprit là où la lettre semblait enseigner une erreur, il ne disait rien qui me déplût, quoique je ne susse pas encore s’il disait la vérité. Je retenais mon coeur sur le penchant de l’adhésion, de peur du précipice; et cette suspension même m’étouffait. Je voulais être aussi sûr de ce qui échappait à ma vue que de sept et trois sont dix. Je n’étais pas, il est vrai, assez insensé pour croire que je pusse ici me tromper; mais je voulais avoir la même compréhension de toute vérité, soit corporelle et éloignée de mes sens, soit spirituelle, quoique ma pensée ne sût rien se représenter sans corps. Or, je devais croire pour guérir, pour que les yeux de mon esprit, dégagés de leur voile, pussent s’arrêter en quelque sorte sur votre vérité éternelle, sans révolution et sans éclipse." - [i]Les Confessions[/i], VI, 6[/size]
[quote] D'un côté vous insistez sur le symbole, de l'autre vous concluez que Dieu est la cause de la Création. Moi je pense Dieu comme une vision soufflée, mon âme. Quant à la Création... Je pense plus au Diable. - Je préfère la vision gnostique au dogme habituel. [/quote]
Ami poète, une chose est ce que votre sentiment vous dicte, autre est ce qui est objectivement vrai. Le même Saint augustin que je citais au-dessus aurais des choses à vous dire sur le rejet de la matière comme création d'un mauvais démiurge chez les manichéens et autres gnostiques de l'antiquité tardive.
[quote] Vous me dites que la Science et le Divin n'ont pas à s'expliquer, qu'ils n'évoluent pas sur le même plan. Pouvez- vous me donner une définition de la science et une autre du divin ? Et par là-même nous faire comprendre pourquoi ils n'évoluent pas sur le même plan ?[/quote]
Ils sont sur le même plan au sens ou ce qui est vrai en science est vrai en théologie ; la Vérité n'est pas multiple, elle est une.
Mais le fait est qu'un texte comme le début de la Genèse n'a pas de prétention scientifique, au sens ou c'est avant tout un texte allégorique qui, prenant la forme d'un décret royal dans l'ancienne monarchie israëlite, décrit Dieu comme un Souverain créateur, créant le monde par des ordres sacrés, c'est à dire par le Verbe, le [i]Logos[/i], qui n'est rien de moins que le Christ (voir Jean 1). Des interpétations allégoriques de ce texte abondent dans l'histoire de l'Eglise - on en trouve même [i]avant[/i] l'Eglise chez le juif Philon d'Alexandrie. C'est ce qui explique pourquoi l'Eglise n'a aucun mal à accepter le big-bang ou l'évolution (qu'elle a même contribuée à développer, au sens ou certains des scientifiques les plus importants dans ces domaines étaient membres du clergé) et que le "créationnisme catholique" n'existe virtuellement pas, contrairement à aux nomreux cas de l'Amérique protestante littéraliste.
Pour en revenir à votre interrogation, je vous avouerais que l'idée que 'Dieu est un trou' ne résonne que peu dans ma tête. C'est un peu vague. Cela m'évoque peut-être la théologie négative, mystique, qui se refuse à porter sur Dieu quelques prédicat que ce soit. On cite généralement l'oeuvre du Pseudo-Denis l'Aeropagite, qui montre l'impossibilité de dire quoi que ce soit de Dieu à cause de sa transcendance : Dieu étant au-delà de tout, toute tentative de dire "Dieu est quelquechose" est condamnée à échouer, puisque Dieu dépasse tout nom que nous pouvons lui conférer, tout attribut, tout prédicat. Si je dis "Dieu est Bon", j'échoue, can Dieu n'est pas "Bon" tel que nous concevons la Bonté; il est d'une Bonté super-essentielle, indescriptible, ineffable.
Le Dieu du Pseudo-Denis apparaît donc comme une sorte de Vide, en tout cas en ce sens que nous ne pouvons parler de lui que négativement ; c'est le coeur de la tradition apophatique, qui définit Dieu par ce qu'Il n'est pas faut de pouvoir dire ce qu'Il est.
Maintenant relevons votre seconde appellation "une éléctricité noire apparues comme ça, sans cause et librement ". Je dois vous avouez que l'idée d'éléctricité noire m'apparaît, sans mauvais jeux de mot, comme un peu obscure. Quand au fait que Dieu soit sans cause, oui, cela me semble une évidence philosophique. Aristote déjà décrivait l'impossibilité d'un monde sans une cause première, un premier moteur immobile; Saint Thomas d'Aquin, grand héritier d'Aristote, va plus loin dans la troisième des [i]quinque via[/i] en décrivant, au-delà de la causalité, la néssécité d'un être "contenant en lui-même la raison de son existence". Quand à librement, c'est le corollaire de "sans cause" : sans aucun déterminisme pesant sur Lui, Dieu est à l'évidence totalement libre en son existence.
Dieu vous bénisse,
Héraclius -