par Cinci » mer. 16 août 2017, 6:16
(suite)
Jésus arrive au festin des noces avec sa mère et ses disciples. Dans la culture juive de l'époque, une célébration nuptial durait habituellement toute une semaine. Fait à noter : le vin manqua très tôt à ces noces, au point où la mère de Jésus s'en apercevant, fit remarquer : "Ils n'ont plus de vin" (Jn 2,3) Or, bien qu'il ne s'agisse que du simple énoncé d'un fait, Jésus semble répondre de manière disproportionnée à l'observation anodine de sa mère :"Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore arrivée."
Pour comprendre la réaction apparemment exagérée de Jésus, nous devons auparavant saisir le sens de l'expression "Que me veux-tu, femme?" [...] nous devrions remarquer qu'à la fin du récit Jésus acquiesce à la demande implicitement formulée par l'observation de Marie. [...] "Que me veux-tu, femme?" (littéralement : "Quoi à moi et à toi?") était une expression assez courante à l'époque de Jésus, en hébreu comme en grec. On la trouve dans plusieurs autres passages de l'Ancien et du Nouveau Testament, comme dans d'autres sources que la Bible [...]
[...]
Ainsi, en Luc 8,28, la réplique est utilisée mot pour mot par un homme possédé du démon. C'est le démon qui met, dans la bouche du possédé, ces mots par lesquels il reconnaît l'autorité de Jésus sur l'homme et sur lui :"Je t'en prie, ne me tourmente pas", poursuit-il, concédant par ces mots qu'il devra exécuter tout ce que jésus commandera.
A Cana, Jésus s'incline devant sa mère, même si elle ne lui commande rien. Elle, en retour, dit simplement aux serviteurs "Faites tout ce qu'il vous dira" (Jn 2,5).
Jésus ne l'appelle pas "mère" ou même "Marie", mais femme [...] femme est le nom qu'Adam donne à Ève (Gn 2,23) Jésus s'adresse à Marie en tant qu'Ève du nouvel Adam - ce qui rehausse d'autant la signification de la fête nuptiale à laquelle ils participent.
Nous pouvons prévenir ici une objection : comment Marie peut-elle être son épouse, si elle est sa mère? Pour y répondre, nous devons nous reporter à la prophétie d'Isaïe sur le salut à venir d'Israël :"On ne te nommera plus "Délaissée" ... Mais on t'appellera "Mon plaisir est en elle" ... comme une jeune homme épouse une vierge, ton bâtisseur t'épousera. Et c'est la joie de l'époux au sujet de son épouse que ton Dieu éprouvera à ton sujet" (Isaïe 62,4-5) Ces deux courts versets offrent une riche concentration de sens : la maternité virginale de Marie, sa conception miraculeuse et son mariage mystique avec Dieu qui est à la fois son Père, son Époux et son Fils, y sont évoqués. La maternité divine est profondément mystérieuse, mais le mystère de la Trinité l'est encore davantage.
L'expression femme redéfinit la relation de Marie non seulement avec Jésus, mais aussi avec tous les croyants. Lorsque le Christ confia sa mère à son disciple bien-aimé, il la confia en fait à l'ensemble de ses disciples bien-aimés de toute époque. Comme Ève, que la Genèse appelle "mère de tous les vivants" (Gn 3,20), Marie est la mère de tous ceux qui ont reçu une vie nouvelle par le baptême.
A Cana, la nouvelle Ève renverse de manière radicale la funeste décision de la première Ève. C'est une femme qui entraîna le premier Adam à commettre le premier acte de désobéissance en Eden. C'est aussi une femme qui guida le nouvel Adam dans l'accomplissement de sa première oeuvre glorieuse.
La figure d'Ève réapparaîtra plus loin dans le Nouveau Testament, au livre de l'Apocalypse, lui aussi attribué à Jean l'évangéliste. Au chapitre 12, nous rencontrons en effet "une femme revêtue du soleil", qui affronte l'antique serpent, le Diable, comme on l'appelle. Cette scène nous renvoie à la Genèse, au moment où Ève, dans le jardin d'Eden, fait face au serpent démoniaque qui recevra la malédiction divine :"Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance" (Gn 3,15) Les images de l'Apocalypse évoquent aussi une nouvelle Ève qui donne naissance à un fils qui devait "diriger toutes les nations" (12,5) . Cet enfant ne pouvant être que Jésus, la femme ne peut donc être que sa mère, Marie. Dans l'Apocalypse, l'antique serpent s'attaque à la nouvelle Ève parce que la prophétie de Genèse 3.15 est encore fraîche à la mémoire de l'évangéliste. Toutefois, la nouvelle Ève paraît dominer le démon, contrairement à celle qui la préfigurera dans le jardin d'Eden.
Saint Justin (circa 135 ap. J.C.) :
Par l'intercession de la Vierge, le Christ devint homme, de sorte que l'insoumission inspirée par le serpent soit annihilée de la même manière qu'elle avait pris naissance. Car Ève, étant vierge et sans tache, en recevant la parole du serpent, fit naître l'insoumission et la mort. En revanche, la Vierge Marie reçut dans la foi et la joie la bonne nouvelle de l'archange Gabriel qui lui annonça que l'Esprit du Seigneur viendrait sur elle, que la puissance du Très Haut la couvrirait de son ombre que celui qui allait naître d'elle serait le Fils de Dieu, ce à quoi elle répondit : Qu'il me soit fait selon ta parole (Luc 1,38) Et, grâce à elle, est né celui à qui se rapportent tant de passages des Écritures, et par qui Dieu détruit le serpent, ses anges et les hommes à sa ressemblance. (Justin, Dialogue)
Irénée de Lyon (circa 160 ap. J.C.) :
"Le noeud de la désobéissance d'Ève a été défait par l'obéissance de Marie. Le noeud que la vierge Ève avait noué par son manque de foi, la Vierge Marie l'a dénoué par son obéissance." (Irénée, Contre les hérésies, 3, 22) "Si l'ancienne Ève désobéit à Dieu, la nouvelle était résolue de lui obéir, et ainsi la Vierge Marie devint l'avocate de la vierge Ève. De telle sorte que, comme la race humaine devint esclave de la mort par la faute d'une vierge, elle fut aussi sauvée par une Vierge." (Contre les hérésies, 5,19)
Irénée étend le rôle maternel de Marie du Christ à tous les chrétiens, la présentant comme une figure de l'Église. Il décrit la naissance de Jésus comme la plus pure de toutes, "... ouvrant avec pureté le sein virginal qui régénère les hommes en Dieu) (Contre les hérésies, 4,33)
Card. John Henry Newman :
S'il y a un apôtre vers qui nos yeux devraient se tourner, qui est capable de nous faire connaître la Vierge Marie, c'est bien saint Jean, à qui elle avait été confiée par notre Seigneur sur la croix - et avec qui, selon la tradition, elle a vécue à Éphèse jusqu'à son assomption. Cette intuition est confirmée, car, comme je l'ai dit, un de nos plus anciens et sûrs informateurs à propos de la dignité de Marie, en sa qualité de seconde Ève, est Irénée, qui vint de l'Asie mineure jusqu'à Lyon et qui fut enseigné par les disciples immédiats de saint Jean. (John Henry Newman, Mystical Rose, p. 20)
Tiré de :
Scott Hahn, Marie, reine couronnée d'étoiles, p.52
(suite)
Jésus arrive au festin des noces avec sa mère et ses disciples. Dans la culture juive de l'époque, une célébration nuptial durait habituellement toute une semaine. Fait à noter : le vin manqua très tôt à ces noces, au point où la mère de Jésus s'en apercevant, fit remarquer : "Ils n'ont plus de vin" (Jn 2,3) Or, bien qu'il ne s'agisse que du simple énoncé d'un fait, Jésus semble répondre de manière disproportionnée à l'observation anodine de sa mère :"Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore arrivée."
Pour comprendre la réaction apparemment exagérée de Jésus, nous devons auparavant saisir le sens de l'expression "Que me veux-tu, femme?" [...] nous devrions remarquer qu'à la fin du récit Jésus acquiesce à la demande implicitement formulée par l'observation de Marie. [...] "Que me veux-tu, femme?" (littéralement : "[b]Quoi à moi et à toi?[/b]") était une expression assez courante à l'époque de Jésus, en hébreu comme en grec. On la trouve dans plusieurs autres passages de l'Ancien et du Nouveau Testament, comme dans d'autres sources que la Bible [...]
[...]
Ainsi, en [b]Luc 8,28[/b], la réplique est utilisée mot pour mot par un homme possédé du démon. C'est le démon qui met, dans la bouche du possédé, ces mots par lesquels il reconnaît l'autorité de Jésus sur l'homme et sur lui :"Je t'en prie, ne me tourmente pas", poursuit-il, concédant par ces mots qu'il devra exécuter tout ce que jésus commandera.
A Cana, Jésus s'incline devant sa mère, même si elle ne lui commande rien. Elle, en retour, dit simplement aux serviteurs "Faites tout ce qu'il vous dira" (Jn 2,5).
Jésus ne l'appelle pas "mère" ou même "Marie", mais [i]femme[/i] [...] [i]femme[/i] est le nom qu'Adam donne à Ève (Gn 2,23) Jésus s'adresse à Marie en tant qu'Ève du nouvel Adam - ce qui rehausse d'autant la signification de la fête nuptiale à laquelle ils participent.
Nous pouvons prévenir ici une objection : comment Marie peut-elle être son épouse, si elle est sa mère? Pour y répondre, nous devons nous reporter à la prophétie d'Isaïe sur le salut à venir d'Israël :"On ne te nommera plus "Délaissée" ... Mais on t'appellera "Mon plaisir est en elle" ... [i]comme une jeune homme épouse une vierge, ton bâtisseur t'épousera. Et c'est la joie de l'époux au sujet de son épouse que ton Dieu éprouvera à ton sujet[/i]" ([b]Isaïe 62,4-5[/b]) Ces deux courts versets offrent une riche concentration de sens : la maternité virginale de Marie, sa conception miraculeuse et son mariage mystique avec Dieu qui est à la fois son Père, son Époux et son Fils, y sont évoqués. La maternité divine est profondément mystérieuse, mais le mystère de la Trinité l'est encore davantage.
L'expression [i]femme[/i] redéfinit la relation de Marie non seulement avec Jésus, mais aussi avec tous les croyants. Lorsque le Christ confia sa mère à son disciple bien-aimé, il la confia en fait à l'ensemble de ses disciples bien-aimés de toute époque. Comme Ève, que la Genèse appelle "mère de tous les vivants" ([b]Gn 3,20[/b]), Marie est la mère de tous ceux qui ont reçu une vie nouvelle par le baptême.
A Cana, la nouvelle Ève renverse de manière radicale la funeste décision de la première Ève. C'est une femme qui entraîna le premier Adam à commettre le premier acte de désobéissance en Eden. C'est aussi une femme qui guida le nouvel Adam dans l'accomplissement de sa première oeuvre glorieuse.
La figure d'Ève réapparaîtra plus loin dans le Nouveau Testament, au livre de l'Apocalypse, lui aussi attribué à Jean l'évangéliste. Au chapitre 12, nous rencontrons en effet "une femme revêtue du soleil", qui affronte l'antique serpent, le Diable, comme on l'appelle. Cette scène nous renvoie à la Genèse, au moment où Ève, dans le jardin d'Eden, fait face au serpent démoniaque qui recevra la malédiction divine :"Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance" (Gn 3,15) Les images de l'Apocalypse évoquent aussi une nouvelle Ève qui donne naissance à un fils qui devait "diriger toutes les nations" (12,5) . Cet enfant ne pouvant être que Jésus, la femme ne peut donc être que sa mère, Marie. Dans l'Apocalypse, l'antique serpent s'attaque à la nouvelle Ève parce que la prophétie de Genèse 3.15 est encore fraîche à la mémoire de l'évangéliste. Toutefois, la nouvelle Ève paraît dominer le démon, contrairement à celle qui la préfigurera dans le jardin d'Eden.
Saint Justin (circa 135 ap. J.C.) :
Par l'intercession de la Vierge, le Christ devint homme, de sorte que l'insoumission inspirée par le serpent soit annihilée de la même manière qu'elle avait pris naissance. Car Ève, étant vierge et sans tache, en recevant la parole du serpent, fit naître l'insoumission et la mort. En revanche, la Vierge Marie reçut dans la foi et la joie la bonne nouvelle de l'archange Gabriel qui lui annonça que l'Esprit du Seigneur viendrait sur elle, que la puissance du Très Haut la couvrirait de son ombre que celui qui allait naître d'elle serait le Fils de Dieu, ce à quoi elle répondit : Qu'il me soit fait selon ta parole (Luc 1,38) Et, grâce à elle, est né celui à qui se rapportent tant de passages des Écritures, et par qui Dieu détruit le serpent, ses anges et les hommes à sa ressemblance. ([b]Justin[/b], [u]Dialogue[/u])
Irénée de Lyon (circa 160 ap. J.C.) :
"Le noeud de la désobéissance d'Ève a été défait par l'obéissance de Marie. Le noeud que la vierge Ève avait noué par son manque de foi, la Vierge Marie l'a dénoué par son obéissance." ([b]Irénée[/b], [u]Contre les hérésies[/u], 3, 22) "Si l'ancienne Ève désobéit à Dieu, la nouvelle était résolue de lui obéir, et ainsi la Vierge Marie devint l'avocate de la vierge Ève. De telle sorte que, comme la race humaine devint esclave de la mort par la faute d'une vierge, elle fut aussi sauvée par une Vierge." ([u]Contre les hérésies[/u], 5,19)
Irénée étend le rôle maternel de Marie du Christ à tous les chrétiens, la présentant comme une figure de l'Église. Il décrit la naissance de Jésus comme la plus pure de toutes, "... ouvrant avec pureté le sein virginal qui régénère les hommes en Dieu) ([u]Contre les hérésies[/u], 4,33)
Card. John Henry Newman :
S'il y a un apôtre vers qui nos yeux devraient se tourner, qui est capable de nous faire connaître la Vierge Marie, c'est bien saint Jean, à qui elle avait été confiée par notre Seigneur sur la croix - et avec qui, selon la tradition, elle a vécue à Éphèse jusqu'à son assomption. Cette intuition est confirmée, car, comme je l'ai dit, un de nos plus anciens et sûrs informateurs à propos de la dignité de Marie, en sa qualité de seconde Ève, est Irénée, qui vint de l'Asie mineure jusqu'à Lyon et qui fut enseigné par les disciples immédiats de saint Jean. ([b]John Henry Newman[/b], [i]Mystical Rose[/i], p. 20)
Tiré de :
Scott Hahn, [i]Marie, reine couronnée d'étoiles[/i], p.52