par Cinci » mar. 17 déc. 2019, 19:41
Le cas de l'hérésie ...
"Mais je ne peux pas concevoir que Dieu ne soit pas un jour vainqueur du mal. Or, si l'Enfer subsiste éternellement, cela veut dire que Dieu n'aura pas pu faire disparaître le mal, ce qui est incompatible avec la foi en un Dieu tout-puissant et bon" (Jean Delumeau, A la recherche du Paradis, Fayard, 2010, p. 290
Si quelque vingt ans avant la naissance du Christ, dans l'Énéide, le poète latin Virgile décrit les supplices éternels du Tartare (Énéide 6, 548-627), Platon fait remarquer dans le Gorgias (LXXXI) que ne s'y trouvent pas de simples mortels, si méprisables soient-ils, mais seulement des tyrans et des rois malfaisants ... Les réalités d'outre-tombe manquaient de précision, et la croyance, d'assurance. Les rois divinisés étaient-ils vraiment des dieux ? Dans la plupart des religions anciennes, l'au-delà ne comportait pas de sanctions pour les fautes de la vie terrestre, mais non plus de joie. Seule une survie indéfinie était affirmée.
Ni les religions du paganisme, non plus que les mythologies ou les philosophies, n'ont connu un Enfer éternel (de souffrance) pour les hommes ordinaires. Le Déisme le rejette. Quand intervient l'idée de sanction, elle ne donne pas toujours naissance à un enfer de châtiment. On pense alors à une série de réincarnations purificatrices, ou à une sentence d'anéantissement, comme dans l'ancienne Égypte, idée reprise dans l'anglicanisme (Pour les anglicans et les adventistes, par exemple, seuls les justes ressusciteront, tandis que les méchants retourneront au néant, c'est la doctrine de l'annihilationnisme) et par Jean Delumeau.
Si dans le judaïsme, l'idée des fins dernières s'est développée laborieusement jusqu'à l'affirmation de sanctions distinctes et définitives pour les bons et les méchants, elle a toujours évité les erreurs et les mythes, le panthéisme et le dualisme, la réincarnation et les descriptions fantasmagoriques; l'existence de l'âme y est toujours attestée, ainsi que sa sanction future, ne serait-ce que sur sa descendance. L'eschatologie juive diffère de celle des autres religions en ce que l'homme y est crée par Dieu et pour Dieu, ce qui ouvre la possibilité non seulement d'une relation de service, mais encore d'amitié avec la divinité, laquelle prend soin de son oeuvre, ici-bas et dans l'au-delà. Ces particularités ne peuvent s'expliquer sans l'intervention de Dieu, qui a protégé Sa Révélation des influences étrangères, en sorte que ni la réincarnation des Égyptiens, ni l'astrologie des Chaldéens, ni la panthéisme des Perses, ni leurs superstitions n'y figurent.
Dans le christianisme même, toutes les tentatives de rationalisation du dogme ont abouti à le nier, tant il est impensable. Impuissante à découvrir l'Enfer, la raison ne peut pas le comprendre. Elle ne peut que reconnaître la convenance d'une sanction au mal librement accompli; mais, laissée à ses seules lumières, elle ne peut affirmer que cette sanction puisse être l'Enfer éternel.
"L'Antiquité ne nous a d'aucune manière transmis la moindre espèce de conception claire sur le sort de l'homme après la mort. L'Église primitive n'a pas pu en tirer ses propres réponses.' (Joseph card. Ratzinger, La mort et l'au-delà, fayard, 1994, p. 153)
L'Église a reçu la révélation de l'existence de l'Enfer de la tradition hébraïque, synthétisée dans l'enseignement de saint Jean-Baptiste (Mt 3, 10) et sanctionnée par l'autorité de Jésus-Christ : après la mort, tout péché mortel est châtié éternellement par la perte de la vision de Dieu, dans les tortures d'un feu éternel, "préparé pour le diable et ses anges" (Mt 25,41), c'est à dire avant la création des hommes.
Ébloui par la philosophie grecque, Origène s'était laissé aller à imaginer une restauration universelle de toutes les créatures, l'apocatastase, mais l'Église a condamné cette théorie comme hérétique au synode de Constantinople en 543, puis au concile de Constantinople II en 553.
Aujourd'hui encore cette hérésie continue à faire des adeptes, comme par exemple un Jean Elluin, qui dans son livre Quel Enfer ? imagine une purification détruisant "le péché et la part endurcie qui s'y rattache, pour libérer enfin le bon reste inaliénable de toute image de Dieu". Un enfer "chirurgical" en quelque sorte, un enfer ou sera "satisfaite la sévérité la plus exigeante sans falsifier l'amour". Ainsi, serait expurgé du dogme catholique de l'Enfer, le caractère scandaleux des tortures éternelles, et cela en vertu de l'anesthésie générale (la science a fait des progrès) que l'auteur imagine imposée alors au condamné.
La conception "chirurgicale" de l'Enfer de Jean Elluin repose sur l'oubli de ce que la volonté des damnés étant à jamais fixée par la mort dans la haine de Dieu, aucune diminution de leur peine ne leur est possible puisqu'ils ne sont susceptibles à jamais d'aucun repentir. Comme le mastic de nos fenêtres avec le temps était devenu dur et incapable d'être remodelé, ainsi les damnés sont-ils identifiés à leur péché. pétrifiés pour toujours dans leur haine, réellement et définitivement rendus participants de la nature diabolique.
Si M. Elluin n'avait pas oublié la distinction enseignée par l'Église entre le dogme du Purgatoire et celui de l'Enfer, il n'aurait pas imaginé pareille et funeste hérésie. L'Église croit bien en effet en un Enfer chirurgical et elle l'appelle Purgatoire, elle croit aussi en un malheur éternel, et l'appelle Enfer.
Nous ne savons l'existence de l'Enfer éternel "que" par la Révélation.
"Dans la métaphysique judéo-chrétienne, le temps est irréversible : il y a commencement, et jamais retour au néant. Le temps inhérent à l'avènement de ce qui n'était pas est vectoriel et non pas cyclique. La conversion des métaphysiques indiennes ou néo-platoniciennes avait pour effet de résorber l'existant dans le non être primitif. Mais du point de vue biblique, ce qui est fait est fait, et le réel ne se défait pas." (Claude Tresmontant, Études de métaphysique biblique, 1998, p. 68)
C'est la raison du drame incompréhensible de l'existence humaine : le néant n'est plus possible pour la créature humaine, elle est condamnée à la vie, à la mort, à l'éternité ... et donc possiblement aussi à une éternité de malheur.
Source : Guy Pagès (L'abbé), Judas est-il en Enfer ? , p. 44
Le cas de l'hérésie ...
"Mais je ne peux pas concevoir que Dieu ne soit pas un jour vainqueur du mal. Or, si l'Enfer subsiste éternellement, cela veut dire que Dieu n'aura pas pu faire disparaître le mal, ce qui est incompatible avec la foi en un Dieu tout-puissant et bon" ([b]Jean Delumeau[/b], A la recherche du Paradis, Fayard, 2010, p. 290
Si quelque vingt ans avant la naissance du Christ, dans l'[i]Énéide[/i], le poète latin Virgile décrit les supplices éternels du Tartare (Énéide 6, 548-627), Platon fait remarquer dans le [i]Gorgias[/i] (LXXXI) que ne s'y trouvent pas de simples mortels, si méprisables soient-ils, mais seulement des tyrans et des rois malfaisants ... Les réalités d'outre-tombe manquaient de précision, et la croyance, d'assurance. Les rois divinisés étaient-ils vraiment des dieux ? Dans la plupart des religions anciennes, l'au-delà ne comportait pas de sanctions pour les fautes de la vie terrestre, mais non plus de joie. Seule une survie indéfinie était affirmée.
Ni les religions du paganisme, non plus que les mythologies ou les philosophies, n'ont connu un Enfer éternel (de souffrance) pour les hommes ordinaires. Le Déisme le rejette. Quand intervient l'idée de sanction, elle ne donne pas toujours naissance à un enfer de châtiment. On pense alors à une série de réincarnations purificatrices, ou à une sentence d'anéantissement, comme dans l'ancienne Égypte, idée reprise dans l'anglicanisme (Pour les anglicans et les adventistes, par exemple, seuls les justes ressusciteront, tandis que les méchants retourneront au néant, c'est la doctrine de l'annihilationnisme) et par Jean Delumeau.
Si dans le judaïsme, l'idée des fins dernières s'est développée laborieusement jusqu'à l'affirmation de sanctions distinctes et définitives pour les bons et les méchants, elle a toujours évité les erreurs et les mythes, le panthéisme et le dualisme, la réincarnation et les descriptions fantasmagoriques; l'existence de l'âme y est toujours attestée, ainsi que sa sanction future, ne serait-ce que sur sa descendance. L'eschatologie juive diffère de celle des autres religions en ce que l'homme y est crée par Dieu et pour Dieu, ce qui ouvre la possibilité non seulement d'une relation de service, mais encore d'amitié avec la divinité, laquelle prend soin de son oeuvre, ici-bas et dans l'au-delà. Ces particularités ne peuvent s'expliquer sans l'intervention de Dieu, qui a protégé Sa Révélation des influences étrangères, en sorte que ni la réincarnation des Égyptiens, ni l'astrologie des Chaldéens, ni la panthéisme des Perses, ni leurs superstitions n'y figurent.
Dans le christianisme même, toutes les tentatives de rationalisation du dogme ont abouti à le nier, tant il est impensable. Impuissante à découvrir l'Enfer, la raison ne peut pas le comprendre. Elle ne peut que reconnaître la convenance d'une sanction au mal librement accompli; mais, laissée à ses seules lumières, elle ne peut affirmer que cette sanction puisse être l'Enfer éternel.
"L'Antiquité ne nous a d'aucune manière transmis la moindre espèce de conception claire sur le sort de l'homme après la mort. L'Église primitive n'a pas pu en tirer ses propres réponses.' ([b]Joseph card. Ratzinger[/b], La mort et l'au-delà, fayard, 1994, p. 153)
L'Église a reçu la révélation de l'existence de l'Enfer de la tradition hébraïque, synthétisée dans l'enseignement de saint Jean-Baptiste (Mt 3, 10) et sanctionnée par l'autorité de Jésus-Christ : après la mort, tout péché mortel est châtié éternellement par la perte de la vision de Dieu, dans les tortures d'un feu éternel, "préparé pour le diable et ses anges" (Mt 25,41), c'est à dire avant la création des hommes.
Ébloui par la philosophie grecque, Origène s'était laissé aller à imaginer une restauration universelle de toutes les créatures, l'apocatastase, mais l'Église a condamné cette théorie comme hérétique au synode de Constantinople en 543, puis au concile de Constantinople II en 553.
Aujourd'hui encore cette hérésie continue à faire des adeptes, comme par exemple un Jean Elluin, qui dans son livre [i]Quel Enfer ?[/i] imagine une purification détruisant "le péché et la part endurcie qui s'y rattache, pour libérer enfin le bon reste inaliénable de toute image de Dieu". Un enfer "chirurgical" en quelque sorte, un enfer ou sera "satisfaite la sévérité la plus exigeante sans falsifier l'amour". Ainsi, serait expurgé du dogme catholique de l'Enfer, le caractère scandaleux des tortures éternelles, et cela en vertu de l'anesthésie générale (la science a fait des progrès) que l'auteur imagine imposée alors au condamné.
La conception "chirurgicale" de l'Enfer de Jean Elluin repose sur l'oubli de ce que la volonté des damnés étant à jamais fixée par la mort dans la haine de Dieu, aucune diminution de leur peine ne leur est possible puisqu'ils ne sont susceptibles à jamais d'aucun repentir. Comme le mastic de nos fenêtres avec le temps était devenu dur et incapable d'être remodelé, ainsi les damnés sont-ils identifiés à leur péché. pétrifiés pour toujours dans leur haine, réellement et définitivement rendus participants de la nature diabolique.
Si M. Elluin n'avait pas oublié la distinction enseignée par l'Église entre le dogme du Purgatoire et celui de l'Enfer, il n'aurait pas imaginé pareille et funeste hérésie. L'Église croit bien en effet en un Enfer chirurgical et elle l'appelle [i]Purgatoire[/i], elle croit aussi en un malheur éternel, et l'appelle [i]Enfer[/i].
Nous ne savons l'existence de l'Enfer éternel "que" par la Révélation.
"Dans la métaphysique judéo-chrétienne, le temps est irréversible : il y a commencement, et jamais retour au néant. Le temps inhérent à l'avènement de ce qui n'était pas est vectoriel et non pas cyclique. La conversion des métaphysiques indiennes ou néo-platoniciennes avait pour effet de résorber l'existant dans le non être primitif. Mais du point de vue biblique, [i]ce qui est fait est fait, et le réel ne se défait pas[/i]." ([b]Claude Tresmontant[/b], [i]Études de métaphysique biblique[/i], 1998, p. 68)
C'est la raison du drame incompréhensible de l'existence humaine : le néant n'est plus possible pour la créature humaine, elle est condamnée à la vie, à la mort, à l'éternité ... et donc possiblement aussi à une éternité de malheur.
Source : [b]Guy Pagès[/b] (L'abbé), [u]Judas est-il en Enfer ? [/u], p. 44