par VexillumRegis » mar. 11 avr. 2006, 14:13
[align=justify]Que dire finalement de la théorie dite classique de saint Anselme ?
Nous pouvons écarter le côté moyenâgeux de l'honneur lésé de Dieu, mais nous devons y substituer l'idée d'un amour divin bafoué par le péché. Ici, dit le père Galot, "le témoignage de l'Ecriture est formel. Le péché y apparaît comme une offense faite à Dieu". Car, ainsi que dit le père Guillet, "Dieu s'est engagé dans le monde et s'est rendu vulnérable".
Il serait absolument indigne de Dieu de révéler d'abord une justice à la fois gracieuse et exigeante, et de laisser tomber ensuite toute exigence et tout jugement, pour ne manifester qu'un amour insoucieux du comportement des hommes. A cet endroit, on ne peut dépasser Anselme.
Reste la question qui revient toujours : ce Dieu qui envoie son Fils dans cette mort affreuse, n'est-il pas cruel, inhumain ? (...)
S'il est le Fils de Dieu, comme l'affirme le centurion (Mt 27, 54), alors tout change. Alors nous entrons dans un drame divin, un drame trinitaire, et en chrétiens nous ne pouvons plus partir d'une vision arienne de la divinité : un Dieu suprême, nommé Père, donnant des ordre à un Dieu subordonné ou demu-Dieu ou surhomme, qui aurait à les exécuter, pour ne rien dire du Saint-Esprit, qui dans ce cas ne saurait être l'esprit commun du Père et du Fils, mais tout au plus une instance subordonnée au Fils.
En tant que chrétiens, notre point de départ ne peut être qu'une Trinité homoousios, en laquelle la liberté, la dignité, la spontanéité du Fils et de l'Esprit sont aussi divines que celles du Père, où le Fils et l'Esprit n'approuvent et n'exécutent pas seulement les ordres du dessein créateur et salvifique du Père, mais le conçoivent originairement dans la plus parfaite unité avec lui.
Et puisque c'est le Fils qui, dans ce plan du salut, aura à souffrir pour justifier que ce monde -même coupable- puisse être finalement jugé très bon, puisque c'est lui qui aura à en porter le poids comme un Atlas spirituel, il ne suffît pas de supposer qu'il acquiesce à la proposition du Père, mais il faut admettre que la proposition procède originairement de lui, que lui-même s'offre au Père pour soutenir et sauver l'oeuvre de la création. (...)
Rien n'empêche d'admettre que pour le salut du monde le Père envoie le Fils, guidé sur terre par l'Esprit qui lui désigne à chaque instant la volonté du Père, et que cette volonté soit à la fois amour infini des créatures et respect infini pour l'offre du Fils, que le Père a acceptée et que l'Esprit laisse se réaliser, jusqu'à cette diastase suprême du Père et du Fils sur la croix, qui est en vérité l'ultime révélation de la tripersonnalité de Dieu.
Hans Urs von Balthasar, Au coeur du mystère rédempteur, Soceval, 2005, pp. 57-62.[/align]
[color=darkred][align=justify][i]Que dire finalement de la théorie dite classique de saint Anselme ?
Nous pouvons écarter le côté moyenâgeux de l'honneur lésé de Dieu, mais nous devons y substituer l'idée d'un amour divin bafoué par le péché. Ici, dit le père Galot, "[/i]le témoignage de l'Ecriture est formel. Le péché y apparaît comme une offense faite à Dieu[i]". Car, ainsi que dit le père Guillet, "[/i]Dieu s'est engagé dans le monde et s'est rendu vulnérable[i]".
Il serait absolument indigne de Dieu de révéler d'abord une justice à la fois gracieuse et exigeante, et de laisser tomber ensuite toute exigence et tout jugement, pour ne manifester qu'un amour insoucieux du comportement des hommes. A cet endroit, on ne peut dépasser Anselme.
Reste la question qui revient toujours : ce Dieu qui envoie son Fils dans cette mort affreuse, n'est-il pas cruel, inhumain ?[/i] (...)
[i]S'il est le Fils de Dieu, comme l'affirme le centurion (Mt 27, 54), alors tout change. Alors nous entrons dans un drame divin, un drame trinitaire, et en chrétiens nous ne pouvons plus partir d'une vision arienne de la divinité : un Dieu suprême, nommé Père, donnant des ordre à un Dieu subordonné ou demu-Dieu ou surhomme, qui aurait à les exécuter, pour ne rien dire du Saint-Esprit, qui dans ce cas ne saurait être l'esprit commun du Père et du Fils, mais tout au plus une instance subordonnée au Fils.
En tant que chrétiens, notre point de départ ne peut être qu'une Trinité [/i]homoousios[i], en laquelle la liberté, la dignité, la spontanéité du Fils et de l'Esprit sont aussi divines que celles du Père, où le Fils et l'Esprit n'approuvent et n'exécutent pas seulement les ordres du dessein créateur et salvifique du Père, mais le conçoivent originairement dans la plus parfaite unité avec lui.
Et puisque c'est le Fils qui, dans ce plan du salut, aura à souffrir pour justifier que ce monde -même coupable- puisse être finalement jugé[/i] très bon[i], puisque c'est lui qui aura à en porter le poids comme un Atlas spirituel, il ne suffît pas de supposer qu'il acquiesce à la proposition du Père, mais il faut admettre que la proposition procède originairement de lui, que lui-même s'offre au Père pour soutenir et sauver l'oeuvre de la création. (...)
Rien n'empêche d'admettre que pour le salut du monde le Père envoie le Fils, guidé sur terre par l'Esprit qui lui désigne à chaque instant la volonté du Père, et que cette volonté soit à la fois amour infini des créatures et respect infini pour l'offre du Fils, que le Père a acceptée et que l'Esprit laisse se réaliser, jusqu'à cette diastase suprême du Père et du Fils sur la croix, qui est en vérité l'ultime révélation de la tripersonnalité de Dieu.[/i][/color]
[b]Hans Urs von Balthasar[/b], [i]Au coeur du mystère rédempteur[/i], Soceval, 2005, pp. 57-62.[/align]