par Cinci » ven. 07 oct. 2016, 16:59
Bonjour,
En version abrégée :
blue eyes :
La femme et «ses enfants»représentent ici le lignage de la femme, lignage dont sont issus tout les vrais enfants de Dieu.
Bonne réponse!
En version plus détaillée :
Le signe de la femme est complexe. Les commentateurs ont bien vu qu'il se réfère à une réalité de type historique, car les explications qu'ils ont proposées se ramènent aux trois suivantes : Israël, Marie, l'Église.
Faisons attention svp.
Ce que le chapitre 12 dit à son propos suffit pour rendre inadéquates, sinon inacceptables, les identifications habituelles. Seul l'aspect de la femme est compatible avec les trois : elle est enveloppée de soleil, la lune sous ses pieds et sur sa tête une couronne d'étoiles (verset 1) .
Mais le réalisme du verset 2 embarrasse aussitôt les défenseurs de l'une ou l'autre interprétation classique : la femme est enceinte et crie dans les douleurs de l'enfantement. Toutefois, l'enfant étant pour eux le Christ, ces auteurs s'accordent pour entendre au figuré la difficulté de cette naissance. Tout irait bien
si l'identification de l'enfant avec le Christ était certaine.
Or, un seul élément de la figure du fils peut convenir au Christ :
il est destiné à gouverner toutes les nations avec un scepte de fer (verset 5) Ce trait est un attribut messianique (
Psaume 2,9) , qui est appliqué au Christ en
Ap 19, 15.
- Moi, j'ai sacré mon roi sur Sion, ma montagne sainte.
Je publierai le décret de Yavhé; il m'a dit :
Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.
Demande-moi, et je te donnerai les nations pour héritage,
et pour ta possession les confins de la terre; tu les broieras
avec un scepte de fer […]
- Psaume 2, 9
Et je vis le ciel ouvert; et voici un cheval blanc,
et celui qui le montait s'appelait Fidèle et Véridique,
et c'est avec justice qu'il les juge et fait la guerre […]
il est revêtu d'un manteau trempé dans le sang, et le
nom dont il s'appelle est : le Verbe de Dieu […]
et de sa bouche sort une épée acérée, pour en frapper
les nations. C'est lui qui les feras paître avec une
houlette de fer […] et il a sur son manteau et sa cuisse
un nom écrit : Roi des rois et Seigneur des seigneurs.
- Ap 19, 15
Mais il évoque aussi la qualité de roi qui, avec celle de prêtre, caractérise en 1,6
les hommes sauvés par Jésus
- A celui qui nous aime et nous a déliés de nos péchés par son sang
et qui a fait de nous un royaume, des prêtres pour son Dieu et Père
- Ap 1,6
et c'est en ce sens qu'il fait partie en toutes lettres des promesses au vainqueur dans la lettre à Thyatire .
- Mais à vous, je le dis, aux autres fidèles de Thyatire […] ce que vous avez,
tenez-le ferme jusqu'à ce que j'arrive.
Et le vainqueur et celui qui garde mes œuvres jusqu'à la fin,
je lui donnerai pouvoir sur les nations, et il les fera paître
avec une houlette de fer, comme on fracasse les vases d'argile,
tout comme moi j'en ai reçu pouvoir de mon Père
Ap 2,26
Rien dans notre texte ne précise que le règne sur les nations destiné à l'enfant est le règne du Christ lui-même plutôt que celui promis aux croyants.
[J'ajouterai un complément indispensable à l'intelligence de l'ensemble]
- [+] Texte masqué
- Le songe de Joseph
Joseph eut un songe, qu'il fit connaître à ses frères; il leur dit : Écoutez, je vous prie, ce songe que j'ai eu : Voici que nous étions à lier des gerbes au milieu des champs, et voici que ma gerbe se leva et qu'elle se tient debout, et voici que vos gerbes l'entourèrent et se prosternèrent devant ma gerbe. Ses frères lui dirent : « Voudrais-tu régner sur nous en roi, ou bien nous dominer en maître?» Et ils le haïrent encore plus, à cause de ses songes et à cause de ses paroles.
Il eut encore un autre songe, qu'il raconta à ses frères, il dit : Voici que j'ai eu encore un songe. Voici que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternèrent devant moi. » Il raconta cela à son père et à ses frères, mais son père le réprimanda et lui dit : Qu'est-ce que ce songe que tu as eu? Nous faudra-t-il, moi, ta mère et tes frères, venir nous prosterner devant toi?
Genèse 37, 5
Mon âme magnifie le Seigneur
et mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur
parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse
de son esclave
Car voilà que désormais toutes les générations
me proclameront heureuse
parce que le Puissant a fait pour moi de grandes
choses; et Saint est son nom,
et sa miséricorde va de génération en génération
sur ceux qui le craignent
Il a déployé la force de son bras
il a dispersé les hommes au coeur orgueilleux
Il a renversé les souverains de leurs trônes
et élevé les humbles
il a comblé de biens les affamés
et renvoyé les riches les mains vides
Il a secouru Israël son serviteur
se souvenant de sa miséricorde
selon qu'il l'avait annoncé à nos pères
en faveur d'Abraham et de sa descendance
Luc 1, 46
[Enfin, pour bien répondre à la question]
… le chapitre 12 est une méditation sur l'histoire humaine depuis la création. Cette histoire se présente comme une chute progressive de l'homme, à laquelle correspond une intervention progressive de Dieu pour le sauver.
L'humanité a été crée dans un état de perfection. Cette perfection est d'abord d'ordre concret : l'homme est au centre du cosmos et le domine (« la femme est enveloppée de soleil, les étoiles autour de sa tête, la lune sous ses pieds ») Mais une plus grande perfection d'ordre spirituel est promise à l'humanité (l'enfant que la femme porte en elle) Il ne s'agit plus d'un don immédiat : l'homme n'atteindra jamais la nouvelle perfection que s'il respecte les conditions posées par Dieu, qui impliquent effort et renoncement. Cela est condensé dans l'image de la femme qui crie dans les douleurs. Dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, cette image est fréquente pour dire l'épreuve qui accompagne la naissance spirituelle.
Lève les yeux, Jérusalem, et vois
ceux qui arrivent du nord
Où est-il, le troupeau qui t'a été
donné, les brebis de ta gloire?
Que diras-tu lorsqu'on t'imposera
pour chefs ceux que tu avais habitués
à ton intimité!
Est-ce que les douleurs ne te saisiront
pas
comme une femme qui enfante?
- Jérémie 13, 20
La création, en effet, a été soumise
à la vanité […] toutefois elle garde
l'espérance, parce que la création,
elle aussi, sera libérée de l'esclavage
de la corruption en vue de la glorieuse
liberté des enfants de Dieu. Nous savons
en effet que jusqu'à maintenant toute la
création gémit ensemble
dans les douleurs
de l'enfantement.
- Romains 8, 22
Par la peine inhérente à cette naissance, Jean fait indirectement allusion à l'exigence d'obéir à Dieu que mentionnait le récit de la Genèse : l'interdit posé par Dieu mettait une séparation entre l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance (Gn 2,9) C'est seulement dans la nouvelle Jérusalem que ces deux arbres seront unifiés (Apoc 22,2)
Jean souligne surtout un état de précarité : dans sa première condition, l'homme ne persévère pas; l'enfant, dès qu'il est engendré, est arraché à la femme. La violence qu'elle subit se réfère à la fois à l'agression de Satan et à la punition imposée par Dieu.
La femme du chapitre 12 symbolise l'humanité dans son rapport complexe avec Dieu.
Ce symbole de la femme vient de l'Ancien Testament, où il désigne Israël dans sa relation avec YHWH; Jean en préserve la valeur originelle, puisque dans cette fuite de la femme au désert, l'histoire coïncide avec l'histoire religieuse du peuple élu. Mais, aux yeux de Jean, l'élection et la délivrance d'Israël, loin d'être une fin en elle-même, font partie d'un dessein qui concerne toute l'humanité. Les promesses de Dieu à Abraham, à Moïse, aux prophètes, et ses signes en faveur des Hébreux explicitent un don que Dieu avait annoncé dès le commencement, le salut qu'il allait réaliser en faveur de tous les hommes. En reprenant un symbole biblique qui se référait à Israël, Jean le resitue dans le contexte de la Genèse. L'histoire du peuple élu est soustraite par là à toute tentative d'une interprétation particularisante, et insérée dans une histoire bien plus vaste qui la contient et qui remonte aux origines de l'humanité.
Source : E. Corsini,
L'Apocalypse maintenant, Paris, Éd. Du Seuil, 1984, préface de Xavier-Léon Dufour
Bonjour,
En version abrégée :
[quote]blue eyes :
La femme et «ses enfants»représentent ici le lignage de la femme, lignage dont sont issus tout les vrais enfants de Dieu.
[/quote]
Bonne réponse!
En version plus détaillée :
Le signe de la femme est complexe. Les commentateurs ont bien vu qu'il se réfère à une réalité de type historique, car les explications qu'ils ont proposées se ramènent aux trois suivantes : Israël, Marie, l'Église.
[color=#FF0000]Faisons attention svp.
[/color]
Ce que le chapitre 12 dit à son propos suffit pour rendre inadéquates, sinon inacceptables, les identifications habituelles. Seul l'aspect de la femme est compatible avec les trois : elle est enveloppée de soleil, la lune sous ses pieds et sur sa tête une couronne d'étoiles (verset 1) .
Mais le réalisme du verset 2 embarrasse aussitôt les défenseurs de l'une ou l'autre interprétation classique : la femme est enceinte et crie dans les douleurs de l'enfantement. Toutefois, l'enfant étant pour eux le Christ, ces auteurs s'accordent pour entendre au figuré la difficulté de cette naissance. Tout irait bien [u]si[/u] l'identification de l'enfant avec le Christ était certaine.
Or, un seul élément de la figure du fils peut convenir au Christ : [b]il est destiné à gouverner toutes les nations avec un scepte de fer[/b] (verset 5) Ce trait est un attribut messianique ([b]Psaume 2,9[/b]) , qui est appliqué au Christ en [b]Ap 19, 15.[/b]
[list]Moi, j'ai sacré mon roi sur Sion, ma montagne sainte.
Je publierai le décret de Yavhé; il m'a dit :
Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.
Demande-moi, et je te donnerai les nations pour héritage,
et pour ta possession les confins de la terre; [b]tu les broieras
avec un scepte de fer[/b] […]
[b]- Psaume 2, 9
[/b]
Et je vis le ciel ouvert; et voici un cheval blanc,
et celui qui le montait s'appelait Fidèle et Véridique,
et c'est avec justice qu'il les juge et fait la guerre […]
il est revêtu d'un manteau trempé dans le sang, et le
nom dont il s'appelle est : le Verbe de Dieu […]
et de sa bouche sort une épée acérée, pour en frapper
les nations. C'est lui qui les feras paître [b]avec une
houlette de fer[/b] […] et il a sur son manteau et sa cuisse
un nom écrit : Roi des rois et Seigneur des seigneurs.
[b]- Ap 19, 15
[/b][/list]
Mais il évoque aussi la qualité de roi qui, avec celle de prêtre, caractérise en 1,6 [b]les hommes sauvés par Jésus[/b]
[list]A celui qui nous aime et nous a déliés de nos péchés par son sang
et qui a fait de nous un royaume, [b]des prêtres[/b] pour son Dieu et Père
[b]- Ap 1,6
[/b][/list]
et c'est en ce sens qu'il fait partie en toutes lettres des promesses au vainqueur dans la lettre à Thyatire .
[list]Mais à vous, je le dis, aux autres fidèles de Thyatire […] ce que vous avez,
tenez-le ferme jusqu'à ce que j'arrive.
Et le vainqueur et [b]celui qui garde mes œuvres[/b] jusqu'à la fin,
[b]je lui donnerai pouvoir sur les nations[/b], et [b]il les fera paître
avec une houlette de fer[/b], comme on fracasse les vases d'argile,
tout comme moi j'en ai reçu pouvoir de mon Père
[b]Ap 2,26
[/b][/list]
Rien dans notre texte ne précise que le règne sur les nations destiné à l'enfant est le règne du Christ lui-même plutôt que celui promis aux croyants.
[color=#FF0000][J'ajouterai un complément indispensable à l'intelligence de l'ensemble]
[/color]
[spoiler]Le songe de Joseph
Joseph eut un songe, qu'il fit connaître à ses frères; il leur dit : Écoutez, je vous prie, ce songe que j'ai eu : Voici que nous étions à lier des gerbes au milieu des champs, et voici que ma gerbe se leva et qu'elle se tient debout, et voici que vos gerbes l'entourèrent et se prosternèrent devant ma gerbe. Ses frères lui dirent : « Voudrais-tu régner sur nous en roi, ou bien nous dominer en maître?» Et ils le haïrent encore plus, à cause de ses songes et à cause de ses paroles.
Il eut encore un autre songe, qu'il raconta à ses frères, il dit : Voici que j'ai eu encore un songe. [b]Voici que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternèrent devant moi.[/b] » Il raconta cela à son père et à ses frères, mais son père le réprimanda et lui dit : Qu'est-ce que ce songe que tu as eu? Nous faudra-t-il, moi, ta mère et tes frères, venir nous prosterner devant toi?
[b]Genèse 37, 5
[/b]
Mon âme magnifie le Seigneur
et mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur
parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse
de son esclave
Car voilà que désormais toutes les générations
me proclameront heureuse
parce que le Puissant a fait pour moi de grandes
choses; et Saint est son nom,
et sa miséricorde va de génération en génération
sur ceux qui le craignent
Il a déployé la force de son bras
il a dispersé les hommes au coeur orgueilleux
Il a renversé les souverains de leurs trônes
et élevé les humbles
il a comblé de biens les affamés
et renvoyé les riches les mains vides
Il a secouru Israël son serviteur
se souvenant de sa miséricorde
selon qu'il l'avait annoncé à nos pères
en faveur d'Abraham et de sa descendance
[b]Luc 1, 46
[/b][/spoiler]
[color=#FF0000][Enfin, pour bien répondre à la question]
[/color]
… le chapitre 12 est une méditation sur l'histoire humaine depuis la création. Cette histoire se présente comme une chute progressive de l'homme, à laquelle correspond une intervention progressive de Dieu pour le sauver.
L'humanité a été crée dans un état de perfection. Cette perfection est d'abord d'ordre concret : l'homme est au centre du cosmos et le domine (« la femme est enveloppée de soleil, les étoiles autour de sa tête, la lune sous ses pieds ») Mais une plus grande perfection d'ordre spirituel est promise à l'humanité (l'enfant que la femme porte en elle) Il ne s'agit plus d'un don immédiat : l'homme n'atteindra jamais la nouvelle perfection que s'il respecte les conditions posées par Dieu, qui impliquent effort et renoncement. Cela est condensé dans l'image de la femme qui crie dans les douleurs. Dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, cette image est fréquente pour dire l'épreuve qui accompagne la naissance spirituelle.
Lève les yeux, Jérusalem, et vois
ceux qui arrivent du nord
Où est-il, le troupeau qui t'a été
donné, les brebis de ta gloire?
Que diras-tu lorsqu'on t'imposera
pour chefs ceux que tu avais habitués
à ton intimité!
Est-ce que les douleurs ne te saisiront
pas [b]comme une femme qui enfante[/b]?
- Jérémie 13, 20
La création, en effet, a été soumise
à la vanité […] toutefois elle garde
l'espérance, parce que la création,
elle aussi, sera libérée de l'esclavage
de la corruption en vue de la glorieuse
liberté des enfants de Dieu. Nous savons
en effet que jusqu'à maintenant toute la
création gémit ensemble [b]dans les douleurs
de l'enfantement[/b].
- Romains 8, 22
Par la peine inhérente à cette naissance, Jean fait indirectement allusion à l'exigence d'obéir à Dieu que mentionnait le récit de la Genèse : l'interdit posé par Dieu mettait une séparation entre l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance (Gn 2,9) C'est seulement dans la nouvelle Jérusalem que ces deux arbres seront unifiés (Apoc 22,2)
Jean souligne surtout un état de précarité : dans sa première condition, l'homme ne persévère pas; l'enfant, dès qu'il est engendré, est arraché à la femme. La violence qu'elle subit se réfère à la fois à l'agression de Satan et à la punition imposée par Dieu.
La femme du chapitre 12 symbolise l'humanité dans son rapport complexe avec Dieu.
Ce symbole de la femme vient de l'Ancien Testament, où il désigne Israël dans sa relation avec YHWH; Jean en préserve la valeur originelle, puisque dans cette fuite de la femme au désert, l'histoire coïncide avec l'histoire religieuse du peuple élu. Mais, aux yeux de Jean, l'élection et la délivrance d'Israël, loin d'être une fin en elle-même, font partie d'un dessein qui concerne toute l'humanité. Les promesses de Dieu à Abraham, à Moïse, aux prophètes, et ses signes en faveur des Hébreux explicitent un don que Dieu avait annoncé dès le commencement, le salut qu'il allait réaliser en faveur de tous les hommes. En reprenant un symbole biblique qui se référait à Israël, Jean le resitue dans le contexte de la Genèse. L'histoire du peuple élu est soustraite par là à toute tentative d'une interprétation particularisante, et insérée dans une histoire bien plus vaste qui la contient et qui remonte aux origines de l'humanité.
Source : E. Corsini, [u]L'Apocalypse maintenant[/u], Paris, Éd. Du Seuil, 1984, préface de Xavier-Léon Dufour