par Cinci » mar. 25 févr. 2020, 16:48
En réaction au "blocage psychologique" maintes fois exprimé par Trinité envers une grande partie de la Bible.
Pourquoi la Bible est-elle si violente ?
par
Anne Soupa,
ancienne rédactrice en chef de Biblia
"Certains passages de la Bible donnent l'image d'un Dieu terrible qui n'hésite pas à ordonner lui-même la violence. On se souvient du prophète Élie égorgeant les quatre cent prophètes de Baal, de la destruction de Jérusalem et de l'exil à Babylone. Quant au Nouveau Testament, il comporte lui aussi des scènes violentes et Jésus lui-même se montre parfois violent. Comment s'y retrouver ?
Quand on accuse Dieu de violence, il faut distinguer la violence exercée par les hommes et la violence attribuée à Dieu.
Effectivement, la Bible parle de temps anciens qui sont empreints de brutalité. Les hommes et aussi les femmes étaient violents. On peut le comprendre. Vivre était difficile. Pas de système juridique qui protège les faibles, pas de secours, il fallait se défendre par soi-même et prendre son arme plus souvent qu'on ne l'aurait voulu. Si les récits bibliques sont violents, c'est que la violence était le prix de la survie. Un signe de vitalité, certes sans souci de l'autre, mais qui montre la valeur donnée à la vie.
Mais la parole de la Bible traverse les temps : elle dit que la violence est de toute éternité, que nous naissons tous avec de la violence en nous.
Quant à l'attitude de Dieu vis à vis de cette violence, il faut là aussi distinguer les invocations envers un Dieu vengeur, et la violence qui est vraiment attribuée à Dieu par le rédacteur. Dans un psaume terrible, le psalmiste demande à Dieu de fracasser les bébés des ennemis contre les murailles de la ville, tellement son malheur et sa souffrance sont grands, tellement il a besoin d'être débarrassé de ces ennemis. C'est une manière de gérer sa propre violence : je renonce à lever les armes mais je demande à Dieu de le faire. Que Dieu le fasse ou non, c'est un autre problème. L'essentiel est que j'ai pu crier ma violence plutôt que de la mettre en actes. C'est une manière assez fine de se sortir d'une situation violente que d'Invoquer Dieu pour qu'il nous en débarrasse.
Cela signifie aussi que les hommes de la Bible croient vraiment Dieu capable de violence. Ils sont entourés de tant de violences qu'ils l'attribuent aussi à Dieu. Et puis Dieu leur faisait peur. La crainte de Dieu est une notion biblique importante. Cela ne veut pas dire que Dieu terrorise, mais qu'il inspire le respect, une sorte de crainte religieuse et aussi, une certaine peur qui faisait se tenir à bonne distance. Les hommes de la Bible avaient peur de la vengeance divine, du courroux de Dieu. Aujourd'hui, nous savons mieux que c'est la liberté humaine qui est à l'oeuvre. Les massacres des livres d'Esther et de Judith sont imputables aux hommes. Nous savons aussi que les hommes sont libres, et que cette liberté peut conduire à la mort. Mais les hommes de la Bible imputaient à Dieu tout ce qui arrivait, le mal autant que le Bien.
Le récit du déluge illustre la violence de Dieu. Une violence directe. Il raconte que Dieu est accablé par sa création. L'humanité qu'il a crée ne s'est pas comportée de manière irréprochable. Alors Dieu regrette, il veut effacer sa création. Il est capable de violence. Mais il voit qu'Il y a des justes sur la terre, et il choisit alors de préserver l'humanité, même pour un seul juste. Et il conclut : "Jamais plus je ne maudirai ma création". Dieu se repent. Il s'engage même à ne plus être violent. La violence était une tentation; mais une tentation maîtrisée par la tendresse et l'amour. Dieu dit "malgré tout" et il choisit la vie.
La familiarité que les hommes acquièrent avec Dieu au long de l'histoire leur permet de se rendre compte que Dieu est lent à la colère et riche en miséricorde, comme le dit Moïse dans l'Exode, et que Dieu a crée, non par la violence mais par la douceur de sa parole. Dieu nous donne la parole comme modèle de réglement des conflits.
S'il se montre encore violent au moment de la destruction de Sodome, ce n'est pas l'orientation sexuelle des Sodomites qui est en cause, mais leur défaut d'hospitalité. L'accueil, l'ouverture à l'autre est ce que Dieu demande à l'être humain. Il lui demande d'aimer cet autre qu'il a crée pour qu'il ne soit plus jamais seul. Or, Sodome était devenue fermée sur elle-même, hostile aux étrangers.
En fait, les hommes se mettent dans des situations telles qu'ils pensent que Dieu les condamne à mort. C'est notre manière de nous représenter Dieu qui nous efface de la carte, parce que nous nous sommes rendus si haïssables à nos propres yeux, nous avons tellement contrevenu à notre aspiration d'êtres humains que nous n'arrivons plus à vivre.
Le Nouveau Testament
Dans le Nouveau Testament, la violence de Jésus est réelle, mais c'est une violence qui construit. Elle vise à nous remettre sur le droit chemin du bon rapport à Dieu. On pense bien sûr à l'épisode ou il chasse les marchands du Temple. Là, il est pris, comme le disait Élie, d'un zèle jaloux pour Dieu, son Père, il veut honorer la véritable image de Dieu. C"est le souci de Dieu, l'honneur de Dieu qui le rend violent. Ce n'est pas une violence qui détruit les gens, mais elle les remet à leur place. Elle remet les prêtres du Temple devant leur dignité de serviteurs de Dieu.
Dans de nombreux passages, Jésus se montre particulièrement tendre et guérissant, et c'est cette figure de Jésus qui domine dans le Nouveau Testament. Mais elle intègre parfois une certaine violence verbale qui traduit, je crois, une certaine rectitude.
En conclusion
La violence biblique nous dit de ne pas occulter la dimension violente de notre bagage génétique. Nous avons à reconnaître que nous sommes violents. Quand on y réfléchit, une bonne partie du travail éducatif vise à faire reconnaître à un enfant sa violence et à la domestiquer. Dans les années récentes, cela a été trop négligé. Sans doute aujourd'hui manquons-nous de repères pour gérer notre violence. L'Église aussi pourrait davantage honorer le conflit, la joute, le débat, la discussion vive. Elle doit se garder d'un unanimisme de façade qui méconnaît la divergence d'opinion, la différence et une certaine agressivité qui est normale.
La Bible peut nous aider à faire une place à notre propre violence. A la localiser, à la circonscrire, et à éviter ainsi qu'elle ne déborde. Oui, relisons la Bible, car la gestion de la violence y est très saine. Il serait dommage de l'en évacuer. "
En réaction au "blocage psychologique" maintes fois exprimé par Trinité envers une grande partie de la Bible.
[size=150]Pourquoi la Bible est-elle si violente ?
[/size]
par
[b]Anne Soupa[/b],
ancienne rédactrice en chef de [i]Biblia[/i]
"Certains passages de la Bible donnent l'image d'un Dieu terrible qui n'hésite pas à ordonner lui-même la violence. On se souvient du prophète Élie égorgeant les quatre cent prophètes de Baal, de la destruction de Jérusalem et de l'exil à Babylone. Quant au Nouveau Testament, il comporte lui aussi des scènes violentes et Jésus lui-même se montre parfois violent. Comment s'y retrouver ?
Quand on accuse Dieu de violence, il faut distinguer la violence exercée par les hommes et la violence attribuée à Dieu.
Effectivement, la Bible parle de temps anciens qui sont empreints de brutalité. Les hommes et aussi les femmes étaient violents. On peut le comprendre. Vivre était difficile. Pas de système juridique qui protège les faibles, pas de secours, il fallait se défendre par soi-même et prendre son arme plus souvent qu'on ne l'aurait voulu. Si les récits bibliques sont violents, c'est que la violence était le prix de la survie. Un signe de vitalité, certes sans souci de l'autre, mais qui montre la valeur donnée à la vie.
Mais la parole de la Bible traverse les temps : elle dit que la violence est de toute éternité, que nous naissons tous avec de la violence en nous.
Quant à l'attitude de Dieu vis à vis de cette violence, il faut là aussi distinguer les invocations envers un Dieu vengeur, et la violence qui est vraiment attribuée à Dieu par le rédacteur. Dans un psaume terrible, le psalmiste demande à Dieu de fracasser les bébés des ennemis contre les murailles de la ville, tellement son malheur et sa souffrance sont grands, tellement il a besoin d'être débarrassé de ces ennemis. C'est une manière de gérer sa propre violence : je renonce à lever les armes mais je demande à Dieu de le faire. Que Dieu le fasse ou non, c'est un autre problème. L'essentiel est que j'ai pu crier ma violence plutôt que de la mettre en actes. C'est une manière assez fine de se sortir d'une situation violente que d'Invoquer Dieu pour qu'il nous en débarrasse.
Cela signifie aussi que les hommes de la Bible croient vraiment Dieu capable de violence. Ils sont entourés de tant de violences qu'ils l'attribuent aussi à Dieu. Et puis Dieu leur faisait peur. La crainte de Dieu est une notion biblique importante. Cela ne veut pas dire que Dieu terrorise, mais qu'il inspire le respect, une sorte de crainte religieuse et aussi, une certaine peur qui faisait se tenir à bonne distance. Les hommes de la Bible avaient peur de la vengeance divine, du courroux de Dieu. Aujourd'hui, nous savons mieux que c'est la liberté humaine qui est à l'oeuvre. Les massacres des livres d'Esther et de Judith sont imputables aux hommes. Nous savons aussi que les hommes sont libres, et que cette liberté peut conduire à la mort. Mais les hommes de la Bible imputaient à Dieu tout ce qui arrivait, le mal autant que le Bien.
Le récit du déluge illustre la violence de Dieu. Une violence directe. Il raconte que Dieu est accablé par sa création. L'humanité qu'il a crée ne s'est pas comportée de manière irréprochable. Alors Dieu regrette, il veut effacer sa création. Il est capable de violence. Mais il voit qu'Il y a des justes sur la terre, et il choisit alors de préserver l'humanité, même pour un seul juste. Et il conclut : "Jamais plus je ne maudirai ma création". Dieu se repent. Il s'engage même à ne plus être violent. La violence était une tentation; mais une tentation maîtrisée par la tendresse et l'amour. Dieu dit "malgré tout" et il choisit la vie.
La familiarité que les hommes acquièrent avec Dieu au long de l'histoire leur permet de se rendre compte que Dieu est lent à la colère et riche en miséricorde, comme le dit Moïse dans l'Exode, et que Dieu a crée, non par la violence mais par la douceur de sa parole. Dieu nous donne la parole comme modèle de réglement des conflits.
S'il se montre encore violent au moment de la destruction de Sodome, ce n'est pas l'orientation sexuelle des Sodomites qui est en cause, mais leur défaut d'hospitalité. L'accueil, l'ouverture à l'autre est ce que Dieu demande à l'être humain. Il lui demande d'aimer cet autre qu'il a crée pour qu'il ne soit plus jamais seul. Or, Sodome était devenue fermée sur elle-même, hostile aux étrangers.
En fait, les hommes se mettent dans des situations telles qu'ils pensent que Dieu les condamne à mort. C'est notre manière de nous représenter Dieu qui nous efface de la carte, parce que nous nous sommes rendus si haïssables à nos propres yeux, nous avons tellement contrevenu à notre aspiration d'êtres humains que nous n'arrivons plus à vivre.
[b]Le Nouveau Testament
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Dans le Nouveau Testament, la violence de Jésus est réelle, mais c'est une violence qui construit. Elle vise à nous remettre sur le droit chemin du bon rapport à Dieu. On pense bien sûr à l'épisode ou il chasse les marchands du Temple. Là, il est pris, comme le disait Élie, d'un zèle jaloux pour Dieu, son Père, il veut honorer la véritable image de Dieu. C"est le souci de Dieu, l'honneur de Dieu qui le rend violent. Ce n'est pas une violence qui détruit les gens, mais elle les remet à leur place. Elle remet les prêtres du Temple devant leur dignité de serviteurs de Dieu.
Dans de nombreux passages, Jésus se montre particulièrement tendre et guérissant, et c'est cette figure de Jésus qui domine dans le Nouveau Testament. Mais elle intègre parfois une certaine violence verbale qui traduit, je crois, une certaine rectitude.
[b]En conclusion
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La violence biblique nous dit de ne pas occulter la dimension violente de notre bagage génétique. Nous avons à reconnaître que nous sommes violents. Quand on y réfléchit, une bonne partie du travail éducatif vise à faire reconnaître à un enfant sa violence et à la domestiquer. Dans les années récentes, cela a été trop négligé. Sans doute aujourd'hui manquons-nous de repères pour gérer notre violence. L'Église aussi pourrait davantage honorer le conflit, la joute, le débat, la discussion vive. Elle doit se garder d'un unanimisme de façade qui méconnaît la divergence d'opinion, la différence et une certaine agressivité qui est normale.
La Bible peut nous aider à faire une place à notre propre violence. A la localiser, à la circonscrire, et à éviter ainsi qu'elle ne déborde. Oui, relisons la Bible, car la gestion de la violence y est très saine. Il serait dommage de l'en évacuer. "